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Kaprow en éclats (2012) à partir de 18 Happenings in 6 Parts d'Allan Kaprow (1959), responsable de la création collective, conception et participation à cette performance en collaboration avec Pauline Chevalier, Barbara Formis, Fabio Kinas, Loïc Reiter, David

Zerbid, et les 22 artistes ou intervenants culturels de la 1ère promotion du D.U Art, danse et performance, performance présentée le 19 avril 2012 à l'ISBA de Besançon dans le cadre d'Excentricités, Rencontres autour de la performance. Publications en ligne : « Processus de création et Plan de travail de Kaprow en Éclats » et « Lignes directrices/concepts opératoires de Kaprow en Éclats », film- vidéo et photos sur Les Carnets de Recherche du D.U. Art, danse et performance :

http://duadp.hypotheses.org/category/recherche-creation/kaprow-en-eclats in Volet 1, Biographie CV, Section 8. Activités artistiques liées à la recherche

169 Corpus vivant du Laboratoire du geste : jeu performatif proposé par Mélanie Perrier, Laboratoire du geste,

http://www.laboratoiredugeste.com/spip.php?article717

170 Art. 5, « Agencement. Performances et gestes en éclats (introduction à l'ouvrage) » in A. Després (dir.), Gestes en éclats. Art, danse

et performance, Collection Nouvelles scènes, Les Presses du réel, Dijon, 2016, p. 9-25, in Volet 4-Publications 2000-2019, op.cit., Art 5, p. 49-65.

Pourquoi rechercher - comme dans bon nombre d’ouvrages traitant de ces questions - une unité de contenu, de territoire, de synthèse, par-dessous le « fragmentaire » dont use par excellence notre postmodernité ? Ainsi, entre le « livre-racine » et le « livre-rhizome » que conceptualise Gilles Deleuze171, se trouve souvent, autant dans le champ des sciences humaines que dans celui des arts, le

livre qu’on n’a pas souhaité produire ici, celui issu d’un système que Deleuze nomme « radicelle » : « Étrange mystification, celle du livre d’autant plus total que fragmenté172 ». On pense, avec lui, que

le multiple est bien à faire et que son mouvement est bien difficile. « Comment le livre trouvera-t-il un dehors suffisant avec lequel il puisse agencer dans l’hétérogène, plutôt qu’un monde à reproduire173 ? »

Ce livre fait de « gestes » en « éclats », sans commencement ni fin, sans sujet ni objet, pourra-t-il opérer ainsi qu’Agamben définit le « geste », c’est-à-dire comme un « pur moyen174 » qui, en « libre

usage », n’aurait d’autres desseins que de rendre éclatante, sur l’écritoire de ses écritures, la valeur même de la médialité, de l’oralité et de la gestualité ?

Ainsi, sommes-nous entrés dans la forme « éclats » en « agencement » de l’ouvrage. « Le mot éclat est à prendre au triple sens d’éclairage (de reflets, de lumières discontinues qui attirent l’attention), d’éclatement (de l’ouverture en fragments d’un espace pluriel) et de la fragilité (du petit, du précaire, du précieux) ; comme les « paillettes » sont avant tout des petits bouts de paille brillant dans l’air lumineux qu’ils reflètent ». La forme éclats s’est donc trouvée pour cristalliser quatre valeurs qui ont porté ces recherches-milieux : le multiple, l’ouvert, le fragile et aussi le lumineux (comme quelque chose qui brille en eurêka et désir). Non pas réaliser ce que je n’ai finalement jamais trop su faire, à savoir une unité, en construisant des parties 1, 2, 3 qui tirent les articles par ici ou par-là, sous un titre, sous-titres de chapitres ; une introduction en bonne et due forme qui les rassemble en une synthèse plus ou moins « abracadabrante » ; mais plutôt multiplier et extraire encore : « Extraire des éclats de ces éclats, relever des extraits de ces extraits, aller vers la plus petite unité d’un texte certainement : un mot juste un mot ».

L’ouvrage Gestes en éclats consiste en 40 contributions, 41 auteurs de tous milieux, la plupart ayant participé au D.U Art, danse et performance durant ces trois années, qu’ils aient été intervenants ou étudiants (5 contributions interviennent au titre de réécritures de « mémoires » à l’obtention du diplôme du D.U). Il est structuré selon 40 mots, qui ont été extraits, en collaboration avec les auteurs, de chacune de leurs contributions, le plus souvent en aval de leur geste d’écriture, quelquefois aussi en amont ; des ‘mots de sortie’ en fait qui « ont surgi alors quarante mots, par extractions, relevés, condensations ou dérives », à la manière avec laquelle Roland Barthes a composé ses Fragments, non pas donc des mots « d’entrée ». Des mots de toutes sortes… des « mots génériques, d’autres spécifiques, des mots issus du vocabulaire courant, des mots composés, des mots inventés, des noms, des verbes, des adverbes, au pluriel, au singulier, en français, en anglais ». « Aucune tentative d’homogénéisation n’a été opérée ». Il s’agissait plutôt de préférer présenter une sorte de série éclatée d’ordinaires, trouées par des intervalles béants, au point que mille mots pouvaient bien s’immiscer entre ces mots classés par l’arbitraire de l’ordre alphabétique. Rien à voir donc avec un dictionnaire, un abécédaire ou un glossaire sur la performance en arts.

À ce classement alphabétique, l’agencement rajoute une articulation supplémentaire : une mise en jeu de relations thématique des articles entre eux : 4 focus ou porte d’entrée sont proposés comme des invitations au lecteur à percevoir une contribution dans un halo spécifique de questionnements. Les focus #1 Notion de

performance, #2 Performance et document, #3 Dispositifs, espaces, temps, #4 Corps, gestes, politiques définissent les

quatre « régions » qui président à la carte de l’ouvrage qui reportent les 40 mots, les auteurs et les numéros

171. Gilles DELEUZE, Félix GUATTARI, Mille plateaux, Paris, Éditions de Minuit, 1980, p. 9-37.

172Gilles DELEUZE, Félix GUATTARI, Ibidem, p. 13. 173 Gilles DELEUZE, Félix GUATTARI, Ibid., p. 35.

de pages, carte des « quarante mondes sur les performances en arts qui ne valent que pour s’y déplacer » [Ouv. 1, Gestes en éclats. Art, danse et performance, p. 11175].

En 2014, au moment du projet de ce livre en « éclats », je me posais avec les auteurs cette question esthétique et politique : comment ces ‘petits bouts d’archipels, ces éclats d’éclats ou ces « fragments de plusieurs mondes » peuvent tenir ensemble, soit : « Est-ce que ça va tenir ensemble ? » et « Comment ça peut tenir ensemble ? », à laquelle comme en « gestion » du D.U Art, danse et performance, j’apportais une seule réponse : « Il est certain que la forme « éclats » comporte en elle-même ce danger de la dispersion, de la dissémination, de la pulvérisation même. Ainsi, cet agencement comme « communauté » se définissant par son « absence de communauté176 » est-il, par-là, de type particulièrement précieux et fragile. À cette

question esthétique et politique, une seule réponse, qu’on ne voudrait pas du tout naïve mais plutôt principielle, vient ici alors au fond : une certaine confiance tranquille et assurée sur la « capacité » de chacun à « faire des liens » ou à « faire lien » – n’est-ce pas là l’opération la plus commune et nous dirons même la plus facile ? Une certaine confiance aussi en chacun pour porter attention à cette fragilité : ainsi que les écarts existants, tendus ou créés, que les intervalles, les espaces-entre, les temps-entre ou les entre-corps ne soient pas des vides qu’on ne pourrait plus traverser, marcher, enjamber ou même sauter. Une assurance encore pour préférer le jeu des articulations qui permet justement de faire ni agrégation ni pulvérisation. »

En 2016, au moment de sa rédaction et publication, nous espérions que ce livre, comme nous le suggérions dans la quatrième de couverture, soit, dans le déploiement des idées éparses et des lectures par rebonds ou par associations qu’il suggère, cette « mine où chacun est invité à puiser au milieu ses pépites jusque dans l’intervalle des pages ».

En 2019, alors que les 900 exemplaires tirés aient été presque tous vendus, alors que nous avons eu de nombreux et divers retours de lectures et recensions177, nous pouvons penser que, oui, l’épais ouvrage joue

comme une « nourriture » ou comme un « outil » - entend-on, et livre des « licences joyeuses178 » dont nous

savions bien qu’ils nous resteraient toujours inconnus.

8. Une des spécificités de cet ouvrage sur laquelle je voudrais revenir relève de l’hétérogénéité des

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