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Analyses du geste, lectures kinesthésiques et écritures créatives

Il est difficile de trouver les mots pour dire la gravité 199 Steve PAXTON

2. Analyses du geste, lectures kinesthésiques et écritures créatives

S’agissant de perceptions du geste mais aussi bien de paroles et d’écritures en mots sur des gestes pour les recherches en danse et dans les arts vivants, j’ai développé, en lien même avec ces procédures artistiques, dans l’ensemble de mes pratiques de spectatrice, de mes travaux, directions de recherche, enseignements, formations de formateurs et communications, des méthodologies de perceptions des corps et des gestes, d’écritures et d’analyses des gestes, qui si elles n’ont pas fait l’objet de publications actuellement en tant que telles, sont bien, depuis ma thèse, la plupart du temps à l’œuvre.

Dans le champ de la recherche et de la recherche-création dans les arts vivants mais aussi en arts, que l’approche soit historique ou esthétique, se renforce même dans mon parcours cette trajectoire de développer globalement la part d’une méthodologie ouverte liée à une approche sensible des corps et des gestes et de leurs « mises » en mots vers des écritures analytiques et/ou créatives.

1. Au carrefour de la recherche, de la recherche-en-création, de la création chorégraphique et de la pédagogie en danse, la démarche méthodologique que j’ai construite pour mes propres recherches, que je propose en directions de mémoire et de thèse, que je transmets en divers lieux d’enseignements (liés à l’analyse d’œuvres artistiques en Arts du spectacle, DU Art danse et performance) ou de formations de formateurs (IUFM Danse à l’école ; formations nationales du CNFPT), et suscite en diverses communications (Écoles d’art, CRR, CDC L’Échangeur de Picardie, diverses structures culturelles en avant ou après spectacle) s’est globalement construite, en longue trajectoire, à partir d’une formation que j’ai suivie en 1998 au CND de Lyon avec Rosemary Brandt, formatrice Laban mais s’est tout autant formulée à partir des pratiques de formation ou de création en danse auxquelles j’ai participé, la plupart s’inspirant plus ou moins directement du processus de psychokinetic visualization que développe Ann Halprin à partir de 1972 basée sur l’intermodalité d’allers-retours entre dessiner, écrire et danser ; les processus de composition

292 « Écosphère est un espace sans paroles. Un temps d’effort et de tension. Un système collectif. Une situation d’écoute et de

réponse. Un dispositif de jeu dont la plasticité se rejoue à chaque fois. Ecosphère est un lieu de recherche » in Laboratoire du Geste, http://www.laboratoiredugeste.com/spip.php?article776

chorégraphique contemporains utilisant souvent ces écritures comme « partitions » ou exposent même les perceptions ou réceptions de spectateurs en spectacle293. Ce spectateur-acteur n’est-il pas aussi chercheur-

acteur ?

De quelques manières, les écritures en mots interviennent alors au carrefour des créations artistiques et des recherches en art294.

Dans une approche à la fois pédagogique et créative, j’ai entrepris, durant l’année 2002, avec Jean- François Pirson, architecte, connu dans le monde de la danse pour ses ouvrages relatant de son rapport à l’espace dans des pratiques diverses (dessin, photo, installation, texte, marche) 295, l’écriture d’un ouvrage

intitulé « Les mots de l’espace » que, présenté à plusieurs maisons d’édition, nous n’avons finalement pas édité. Nous écrivions : « Cet essai découvre deux regards qui donnent sens à l'espace à partir des mots que le qualifient, le remuent, le pénètrent. Pour les auteurs, chaque mot défini s'ouvre nouveau dans une direction probable, y engage sa dynamique. La centaine des mots retenus résultent d'ajustements réguliers, inscrits sur le Tableau du 2 septembre au 31 décembre 2002. À Bruxelles, Jean-François Pirson a commencé par Abîme et terminé par Voyage ; parallèlement, à Besançon, Aurore Després écrivait de Voyage à Abîme».

293 Voir entre autres à ce sujet le « Retour sur l’édition spéciale des Laboratoires d’Aubervilliers », Charlotte IMBAULT, « Je pense

donc je performe », 11 mai 2011, Revue Mouvement.net.

294 Organisé dernièrement sur ce sujet : Joëlle VELLET (coordination), Parler, écrire pour danser : les mots de la transmission. Mots des

corps dansant, de l’expérience de soi comme de celle voulant être transmise, mots des savoirs comme ceux de l’inconnu, Séminaire CTEL – Equipe des chercheuses et chercheurs en danse, 25-26 janvier 2018.

295 Jean-François PIRSON, La structure et l’objet, Liège, Mardaga,1984 ; Le corps et la chaise, Taviers, Métaphores, 1990 ; Aspérités en

mouvements ? Forme, espace, corps, sculpture, pédagogie ? Essais, Bruxelles, La lettre volée, 2001 ; Dessine-moi un voyage, La lettre volée, Bruxelles 2006 ; Terrain vague, Façons de voir, Liège, 2008 ; Entre le monde et soi, pratiques exploratoires de l’espace, La Lettre volée, 2008 ; Cahiers de Beyrouth, La Lettre volée, 2009 ; Jean-François Pirson Pédagogies de l’espace / Worshops, Cellule architecture – FWB, 2011.

Récoltant des écritures « automatiques » de près d’une cinquantaine d’amateurs participant aux Créations

civiles de Pierre Deloche296 : La traversée (2001) et Sous le Ciel exactement (2002), pièces chorégraphiques et

musicales présentées sur la place de l'Hôtel de Ville de Lyon dans la lignée des « standings » ou des « petites danses » de Steve Paxton comme des « rituels » d’Anna Halprin, pour lesquelles je participais en même temps que d’apporter une collaboration dramaturgique, j’ai rédigé et mis en page un recueil inédit « Sous le ciel exactement – Recueil297 » se présentant, en douze feuilets, comme un montage-collage des textes écrits

par les participants danseurs amateurs et de divers textes de poètes, philosophes ou chorégraphes, superposées par des jeux de calques. Dans l’introduction, j’écrivais :

« Voir, sentir les densités, goûter les variations atmosphériques. Briser le discours réflexe, redonner du relief au terrain, faire circuler quelques courants d’air, il s’agit de s’assouplir, de s’espacer, de s’ouvrir, d’être à l’écoute. Là où les corps co-naissent avec le paysage [...] Poétique du calme (au milieu du tumulte urbain). Poétique des sensations sonores, tactiles, visuelles, kin-esthésie, poétique de l’espace et des lieux, perception de la ville et de ses habitant, épaisse, multi-dimentionnelle, dense. Ces écrits m’ouvrent cette question encore très ouverte de l’importance du paysage intérieur du citoyen dans l’aménagement du territoire.

Le paysage intérieur n’est pas tant une réalité psychologique noir, gris ou rose

il est fait d’une réalité charnelle qui peut prendre place sur la place s’ancrer dans le sol au fil de ses pas ou bien qui ne le peut pas ou mal

parce qu’on ne lui a pas transmis ce plaisir de

d’avoir les pieds dans la terre et sous le ciel exactement.

L’acte est politique et poétique et ouvre cette brèche d’une possible est-éthique des rapports sociaux. »

296 Voir l’article de Catherine FORET, Danse sur les places : les passions urbaines de Pierre Deloche, Les Cahiers Millénaires, p.27-28,

https://www.millenaire3.com/content/download/1236/16444

297 Créations civiles de Pierre Deloche : La traversée (2001) et Sous le Ciel exactement (2002), collaboration dramaturgique et participation

à ces pièces chorégraphiques et musicales engageant plus d’une centaine d’amateurs et présentées sur la place de l'Hôtel de Ville de Lyon. Rédaction et graphisme d'un recueil inédit « Sous le ciel exactement – Recueil », montage-collage de textes écrits par les participants danseurs amateurs et de textes d'auteurs in Volet 1, Biographie CV, Section 8. Activités artistiques liées à la recherche.

Ces deux exemples (inédits) pour dire, d’une part, que les « protocoles d’expériences » de la thèse au travers de dispositifs de perception ouvraient directement sur des méthodologies de relations entre l’écrire, le dessiner et le danser - tels que les développent à ce sujet spécialement Anna Halprin -, et, d’autre part, que l’expérience même de l’écriture de ma thèse où les mots s’arrimaient sur le sensible, a ouvert ces dimensions écrivaines qui, si elles me semblaient alors au début des années 2000 « impubliables » dans un contexte scientifique et universitaire français sans être dichotomisé entre les deux postures de chercheur et d’artiste alors intenables ensemble, me paraissent aujourd’hui importantes d’être suscitées, cultivées assumées au titre même d’une posture de chercheur forcément créateur de son discours dans les recherches en arts.

2. Au titre de ce goût comme de cette méthodologie liant les gestes aux mots et inversement, j’ai

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