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La performance de l’enveloppe absente des critères d’analyse en matière de conservation 160

5  CONCLUSION 151 

5.2   Retour sur les objectifs de recherche : l’enveloppe et sa performance tenues à l’écart des

5.2.3   La performance de l’enveloppe absente des critères d’analyse en matière de conservation 160

Vérifier la performance des systèmes de construction fait partie des critères d’évaluation reconnus dans la construction de nouveaux édifices2. Notre recherche documentaire montre qu’à l’inverse, une telle analyse est quasi absente dans la prise en charge

1 L’auteur réfère, d’une part, à la recherche documentaire faite dans les ouvrages nord-américains et,

d’autre part, à l’expérience des nombreux chantiers dans lesquels sa firme est impliquée à titre de consultant en mise en service.

2 La vérification de la performance au moyen d’essais avant et pendant la construction de bâtiments

significatifs remonte à une trentaine d’années au Québec. Le Laboratoire Air-Ins, issu du département de génie mécanique de Polytechnique, a été fondé en 1984.

d’édifices existants, obnubilée par les propriétés des matériaux et leur état. En fait, ni les ouvrages de références en conservation, ni les guides techniques consultés n’arrivent – ou ne cherchent – à expliquer comment se comporte l’enveloppe à réhabiliter, et encore moins à proposer une façon de le vérifier. Une telle façon permettrait de concrétiser un quelconque modèle d’évaluation à l’intérieur duquel les considérations sociales, techniques et climatiques seraient prises en compte1.

Sauf pour de rares exceptions, on nomme la performance dans les guides, mais on ne l’exprime pas faute de savoir comment la vérifier2.

Les recherches sur la performance sont pourtant bien concrètes. Mais la science du

bâtiment et la pratique du bâtiment évoluent dans des mondes parallèles. Cette

divergence s’expliquerait par la dichotomie entre les deux, et ce en dépit des rapprochements tentés par le travail accompli par certains chercheurs tels que le Dr Neil Hutcheon (1957). Tanguay (2012) suggère, à cet égard, que l’approche scientifique pas plus que ses outils ne se sont encore imposés dans l’architecture3. Ainsi, l’examen de l’enveloppe apparaît continuellement abordé sous l’angle de l’état

physique des conditions existantes4. Il s’agit là d’une approche restrictive et linéaire de la pathologie du bâtiment, qui exclut ainsi toute considération eu égard à la

performance. Considéré seul, l’examen de l’état ne peut pas fournir un diagnostic fiable,

c’est un cliché stigmatisé dans le temps qui ne permet pas de comprendre ce qui s’est passé ni d’anticiper ce qui se passera. Derrière une apparence d’objectivité quantitative, les guides techniques omettent ainsi, pour plusieurs d’entre eux5, des aspects pourtant essentiels dans l’analyse d’un ensemble à préserver. Donc, même avec des guides, des lignes directrices ou des critères d’intervention, on parviendra à intervenir sur l’enveloppe sans même en connaître le fonctionnement actuel.

1 Giebeler et al. (2012) et Orbalsi (2008) sont les seuls qui proposent une synthèse liant la performance à un

certain nombre de considérations socioculturelles.

2 Bien que les procédures d’essais sur les matériaux et les systèmes nouveaux puissent être utilisées dans

le bâtiment existant, la façon d’en analyser les résultats, en tenant compte des limites et du potentiel de réutilisation, reste à faire. Les expertises en lien avec l’étude référée au graphique 17 constituent, à cet égard, un laboratoire d’expérimentation.

3 Encore aujourd’hui, malgré tous les logiciels de simulation qui existent sur le marché, la modélisation de

l’enveloppe est peu utilisée par manque de connaissances et de volonté chez les praticiens à vouloir changer les procédures habituelles d’évaluation basées sur l’expérience passée.

4 L’état physique est associé au vieillissement normal, documenté et attendu des matériaux.

5Les guides provenant d’Europe traitent tous, en partie du moins, de cet aspect, contrairement aux guides

L’examen seul de l’état amène à simplifier indûment ce qui ne peut être qu’inévitablement complexe1, c’est-à-dire la maîtrise de l’enveloppe dans toutes

ses interactions, ses adaptations, ses intégrations, sa dégradation et son potentiel de réhabilitation.

La reconnaissance de l’enveloppe devrait donc intégrer l’état physique effectif2 des composants de l’enveloppe, des systèmes3 et des jonctions entre les différents composants de même que la performance en service des matériaux et des systèmes en place. La reconnaissance de l’enveloppe devra aussi tenir compte de la pathologie des

assemblages (Addleson, 1993), c’est-à-dire des conséquences des problèmes

antérieurs et actuels4 qui en affectent l’intégrité; c’est-à-dire une analyse globale (figure 14).

Figure 14 : Dégradation majeure dans le fond mural d’un édifice institutionnel construit vers 1930, avec pourriture des cadres de fenêtres derrière les moulures extérieures. Des essais d’arrosage isolés sur les deux systèmes (murs et fenêtres) ont contribué à déterminer leur degré de détérioration respectif. L’analyse globale des deux systèmes était essentielle pour guider les modes d’intervention. Un simple remplacement de fenêtre, comme c’est souvent la solution adoptée dans ce type de problématique, n’aurait rien réglé. Photos de l’auteur, 2008.

Le terme performance, accolé à l’enveloppe, appelle donc à une expertise plus globale que ne le commande l’état5. La performance est un comportement, donc en appelle à la durée, alors que l’état est une condition fixée dans le temps. Cette distinction est

1 L’enveloppe du bâtiment est complexe, car elle comporte de nombreux aspects qui créent plusieurs

interdépendances.

2 L’état réel, compris dans son contexte d’installation, d’usage, d’interaction et de vieillissement.

3 Un système d’enveloppe est considéré par l’auteur comme un assemblage de plusieurs composants qui

interagissent entre eux, tels qu’un système de mur, une fenêtre ou encore une corniche.

4 Ces problèmes peuvent aussi être liés à de nombreux phénomènes extérieurs à l’enveloppe tels que des

fuites d’eau, des dégâts d’eau intérieurs, une incompatibilité de produits, un mauvais entretien ou des usages inappropriés.

5 Hartkofp et al. (1986) rappellent à cet égard que la performance reposera assurément sur le besoin

élémentaire de se protéger, mais aussi sur la recherche d’équilibre de confort physiologique, psychologique, sociologique et économique.

illustrée sur l’organigramme de la figure 17, tiré d’une étude récente réalisée par l’auteur sur l’enveloppe d’une école de Montréal datant de 1923.

L’école avait fait l’objet d’investigations, incluant notamment des essais de performance1, en vue de réhabiliter l’étanchéité des murs extérieurs. Le dessin montre, d’une part, l’évaluation de l’état des matériaux, qui mène à recommander certains travaux à caractère d’entretien (améliorer l’état) et, d’autre part, l’évaluation de la performance des plans d’étanchéité à l’eau, à l’air et à l’humidité et des pertes de chaleur, laquelle mène vers des considérations plus globales d’amélioration de la performance, adaptées aux conditions spécifiques de l’enveloppe centenaire.

Les études de performance des enveloppes existantes en service, telles que montrées ici, sont encore à l’état embryonnaire2 et se basent actuellement sur des projets ponctuels. Pour compenser ce manque, il semble que l’on tente habituellement, tant bien que mal, d’appliquer, de façon erronée, sur les édifices existants, des modèles d’évaluation développés pour de nouvelles constructions, avec des matériaux contemporains. Cette lacune apparaît être le résultat d’un processus de recherche inachevé par manque de ressources ou de méthode. Des exceptions telles que les études faites avec la Commission scolaire de Montréal permettent donc de développer des outils de vérifications, pour la plupart inexistants.

Le comportement des enveloppes existantes requiert une analyse qui se distingue de celle des bâtiments neufs3. Notre recherche démontre que les cadres théoriques et idéologiques posés dans l’analyse de l’enveloppe sont actuellement incomplets dans la compréhension même de l’enveloppe – les systèmes constructifs plutôt que les matériaux – et de leur fonction – la performance plutôt que l’état physique seul.

Ces conditions justifient d’autant plus la pertinence de développer de nouveaux outils de mesure et d’analyse en vue de proposer, ultimement, un renouvellement du guide technique.

1 Essais de mouillage, thermographie et infiltrométrie.

2 De telles études sont surtout disponibles pour des assemblages qui nous proviennent d’Europe, via les

guides techniques et les autres écrits scientifiques, donc difficilement assimilables à des climats plus froids.

3 La question de l’efficacité énergétique en est un exemple, alors que les préoccupations sont toutes

récentes – quarante ans au Québec – et que les modèles adaptés aux assemblages du passé sont inexistants.

Graphique 17 : Organigramme synthèse réalisé à la suite d’expertises réalisées sur l’enveloppe verticale d’une école de la Commission scolaire de Montréal datant de 1923. L’organigramme montre la distinction entre les résultats auxquels mènent l’analyse de l’état et l’analyse de la performance. Les couleurs et les dimensions des cercles réfèrent à l’ampleur et à la gravité des désordres, expliquées dans le document d’analyse qui accompagnait le schéma. Étude faite par l’auteur, 2014.

5.3 La réhabilitation de l’enveloppe au cœur même des enjeux du