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0  LA REPRÉSENTATION DE LA CONSERVATION, DE L’ÉDIFICATION À LA

0.1   Mise en contexte 20

La culture de la conservation illustre un panorama complexe, reflet de tendances nationales, régionales et même individuelles très diversifiées, autant dans la manière de reconnaitre que d’intervenir sur le patrimoine architectural.

(Tanguay, 2012 : xiii)

Cette recherche se concentre sur les valeurs, les contraintes exercées et la performance des édifices à conserver. Elle ne porte pas sur la culture de la conservation comme modes d’expression historique identitaire, mais sur sa mise en service. La culture de la conservation ne peut pourtant pas être ignorée dans ce mémoire, car elle régit les actions qui seront apportées dans le cadre de toute action. Les approches de conservation retenues par les auteurs des ouvrages recensés influenceront donc les modalités d’interventions recommandées.

Les définitions des principaux termes liés à la conservation, proposées par les auteurs, constituent, de ce fait, le cadre permettant de mieux comprendre non seulement le

pourquoi conserver, mais aussi le comment conserver, objet de cette étude.

La conservation est apparue à différentes époques selon les pays et les cultures. Alors qu’Orbasli (2008) rattache l’intérêt pour la conservation, en Europe, aux grands principes sociaux et aux politiques nationales du XIXe siècle, Rény (1991) rappelle, à cet égard, que l’intérêt de conserver, au Québec, ne remonterait plutôt qu’après la Seconde Guerre mondiale. Jusque-là, Rény rappelle qu’on démolissait et qu’on reconstruisait sans discernement. Avant ce moment charnière, la conservation était chose rare, mais le processus délibéré de démolition l’était tout autant.

La conservation des édifices s’inscrit dans un processus global, régi autant par un contexte physique que par des valeurs sociales ou même internationales. Pour Orbasli (2008), la conservation est un acte qui transcende le simple fait d’opérer. C’est une manifestation de l’histoire, des matériaux, des techniques et du contexte culturel. L’acte

de conserver se présentera ainsi sous un caractère différent et suivant des interprétations variées. Young (2008) interprète, quant à lui, la conservation comme un ensemble de principes qui incorpore la science, l’art et le développement durable. Pour Tanguay (2012), « La permanence de notre patrimoine dépend des orientations de nos

actions, elle cherche ainsi à intégrer une dimension prescriptive et pratique » (Tanguay,

2012 : 1).

La question de la conservation apparaît ainsi comporter des aspects techniques et culturels à la fois, parfois peu conciliables, comme le rappelait d’ailleurs, il y a plus d’un siècle déjà, Georg Dehio1: « Il s’agit là d’un domaine dans lequel la théorie et la pratique

n’ont pas encore trouvé leur point d’équilibre, et où subsistent un grand nombre de problèmes » (Dehio, 1905). Encore aujourd’hui, ce paradoxe existe toujours. En effet, il

apparaît que ce soient ou bien les aspects théoriques ou culturels qui sont traités, sinon les aspects techniques, mais rarement les deux à la fois. Ainsi, alors qu’un organisme mondialement reconnu tel qu’ICOMOS aborde principalement les aspects culturels2, les aspects techniques, dont l’analyse de performance, y sont peu discutés. Ces aspects sont plutôt considérés par des conseils et des associations de recherche scientifique tels que la American Society for Testing and Materials (ASTM)3, le National Institute of

Building Sciences (NIBS) ou encore l’Institut de recherches en construction (IRC) du Conseil national de recherches Canada (CNRC).

Dans le cadre de ce mémoire, l’examen de plus de quatre-vingts (80) publications traitant du sujet, qui émanent d’organismes ou d’auteurs reconnus comme étant des références en matières de conservation4, suggère que le point d’équilibre avancé par Dehio, cette rencontre où les aspects se complèteraient de façon critique, n’est toujours pas atteint.

1 Georg Dehio (1850-1932) est historien. L’extrait est tiré d’un discours prononcé à Strasbourg le 27 janvier 1905 et intitulé La protection et la conservation des monuments au XIXe siècle, publié en épilogue

du livre Le culte moderne des monuments (Riegl, 1905).

2 La Charte de Burra (1979 révisée 1999) est un exemple de texte qui illustre bien l’approche véhiculée par ICOMOS.

3 ASTM, sous-comité E06.24 Building Preservation and Rehabilitation Technology.

4 Parmi les associations et organismes dont les publications ont été consultées, on notera l’Association pour la préservation et ses techniques (APT), le National Trust for Historic Preservation (NTHP), l’International Council on Monuments and Sites (ICOMOS) ou, plus près du contexte québécois, Action Patrimoine ou Héritage Montréal.

Selon les angles adoptés par les organismes de référence, les définitions de la conservation qui y seront proposées seront donc variées. La terminologie traduira donc différentes cultures selon la nature physique, la destination d’usage ou les objectifs de l’intervention (Roy, 1997)1. Elle pourra ainsi varier selon que la démarche proposée est plus théorique (Parcs Canada, 2010), méthodologique (ACQ, 2012; Fram, 1993; SCHL, 2001) ou scientifique (Addleson, 1993), en réponse à la commande à laquelle elle doit répondre.

Nommer ce dont on traite apparaît donc constituer un véritable défi devant la diversité des thèmes abordés et des mots qui s’y rattachent. Yong (2008) parlera, à cet effet, d’ambiguïté, de confusion. D’une part, les termes liés à la conservation sont nombreux parce que les degrés d’intervention sur le bâti sont très vastes et peuvent provenir de motivations variées : esthétiques, techniques et fonctionnelles (Giebeler et al., 2012). D’autre part, les mêmes mots sont interprétés de façons contradictoires d’un document à l’autre. « Du point de vue terminologique, l’exubérance et la variété des termes utilisés

pour définir la même chose, de même qu’il existe autant de propositions théoriques souvent contradictoires que d’auteurs écrivant sur le sujet, rend encore une fois toute tentative de développement théorique vouée à l’échec » (Tanguay, 2012 : 4).

Les termes liés à la conservation sont laissés à l’interprétation de chaque auteur, de chaque organisme. Par exemple, le vocable restauration peut représenter soit un principe d’intervention2 comme dans Conserver et mettre en valeur le Vieux-Québec (Roy et Faure, 1998), soit un traitement3, comme dans Normes et lignes directrices (Parcs Canada, 2010). Ces ouvrages proposent aussi tous deux une hiérarchie des actions mais, encore ici, différente. Alors que Normes et lignes directrices distingue trois types majeurs de traitement de conservation4 : la préservation, la restauration et la

1 Le terme restauration en est un exemple, alors qu’il signifie habituellement le retour à un état antérieur, il représente plutôt en Italie une modification de l’état actuel, en considérant l’architecture comme « une œuvre ouverte » (Pirrazolli, cité par Roy, 1997 : 27). Le terme réhabilitation pourrait être celui qui s’apparente le plus à la définition de Pirrazolli.

2 Pour Roy et Faure (1997), les principes définissent des règles générales d’action servant à établir des critères qui, eux, constituent des exigences ou des recommandations spécifiques.

3 Ce sera ici le traitement qui dictera les mesures à adopter, et non nécessairement l’état des composantes. 4 La conservation est définie comme étant « l’ensemble des actions ou processus qui visent à sauvegarder les éléments caractéristiques d’une ressource culturelle afin d’en préserver la valeur patrimoniale et d’en prolonger la vie physique. Il peut s’agir de préservation, de réhabilitation, de restauration ou d’une combinaison de ces approches de conservation » (Latourelle, 2010 :17).

réhabilitation, Conserver et mettre en valeur le Vieux-Québec définira, pour sa part, la conservation autour de seulement deux grands axes : l’entretien1 et la restauration2. L’intégration de glossaires dans la plupart des ouvrages a le mérite de bien identifier, dès le départ, les enjeux dont il sera question dans les textes respectifs. Normes et

lignes directrices (Parcs Canada, 2010) propose, par exemple, un glossaire d’une

soixantaine de mots, dont plusieurs sont essentiels à la bonne compréhension des intentions de l’auteur sur le sujet.

0.2 La signification des termes