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2  L’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE ET LES GUIDES TECHNIQUES :

2.2   Les auteurs 61

2.2.1 Le profil des auteurs

Les auteurs sont, pour la plupart, des architectes ou des ingénieurs, occasionnellement des historiens de l’architecture1; ils sont issus de centres de recherches, d’universités ou de la pratique privée. Qu’elle soit théorique, pratique ou les deux à la fois, l’expérience des auteurs de même que le milieu professionnel duquel ils sont issus se manifestent dans le type d’approches véhiculé dans les guides techniques. Ainsi, Architectural

Conservation (Orbasli, 2008) ou encore Rénover le bâti (Giebeler et al., 2012)

constituent des exemples dans lesquels le traitement des sujets est imprégné de l’expérience pratique des auteurs sur le terrain. L’expérience pratique apparaît d’autant plus présente lorsqu’une grande diversité d’auteurs, spécialistes en leur propre domaine respectif, sont regroupés ensemble dans une même publication, comme dans Historic

Preservation Technology (Yong, 2008).

L’approche pratique de certains auteurs tranche avec le contenu d’ouvrages plus théoriques traitant de la conservation et de ses grands paramètres, que l’on retrouve dans plusieurs guides gouvernementaux comme Conserver, un savoir-faire (Fram, 1993) ou encore Normes et lignes directrices (Parcs Canada, 2010). Ces documents, comme plusieurs autres guides analysés2, proviennent d’auteurs rattachés à des instances fédérales (les ouvrages de Parcs Canada), provinciales (Rény, 1991; Fram, 1991) ou municipales (Roy et Faure, 1998). Sinon, ils sont le résultat d’un partenariat entre des institutions publiques telles que la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) et des firmes privées spécialisées en enveloppe du bâtiment telles

1 Pour une réfection sensée des vieilles maisons (Kalman, 1980) et certains chapitres de Rénover le bâti (Giebeler et al., 2012) ont été rédigés par des historiens.

que PTVD1 ou encore RDH Building Engineering Limited2. Building Envelope

Rehabilitation (SCHL, 2001) en est un exemple d’aboutissement, avec une approche à

la fois théorique et scientifique, mais aussi pragmatique, ce guide étant d’ailleurs dédié à l’intention des consultants en enveloppe du bâtiment.

D’autres organismes, tels que l’Agence Qualité Construction3 (AQC), en France, regroupe plusieurs organisations professionnelles de la construction, mettant leurs connaissances et leur expertise à contribution pour publier non seulement un guide sous forme de fiches pathologiques, mais aussi des listes de matériaux testés dans des conditions d’usage non traditionnel.

2.2.2 Les sources d’inspiration

Les auteurs, plus précisément ceux qui sont issus de la pratique en conservation, puisent une part importante de leur inspiration dans leur propre cheminement et font usage de nombreuses études de cas. Lyall Addleson (1993), Aylen Orbasli (2008) et Georg Giebeler (2012) sont tous trois architectes européens, et leur guide respectif se base en grande partie sur leur propre expérience. Mais, au-delà de cette expérience, il apparaît que d’autres sources récurrentes se dégagent de l’ensemble des guides analysés. Ces sources proviennent principalement des chartes reconnues en matière de conservation, des assemblages et du savoir-faire en lien avec l’édifice, du contexte historique, de la science du bâtiment, de recherches précises entreprises par un auteur sur un sujet précis, d’entretiens auprès de professionnels, d’artisans et d’autres spécialistes en conservation ou encore d’anciens guides techniques et autres publications.

Les différentes chartes reconnues en matière de conservation, dont la Charte de Venise (Icomos, 1964) et la Charte d’Appleton (Icomos, 1983), souvent référées en introduction aux guides, constituent une assise sur laquelle les auteurs se basent pour développer les approches et les interventions qu’ils préconisent. Les chartes servent parfois même d’inspiration pour organiser les ouvrages, comme dans Conserver et mettre en valeur le

Vieux-Québec (Roy et Faure, 1998), Conserver, un savoir-faire (Fram, 1993) ou encore

1 Patenaude Trempe Van Dalen (PTVD) ont préparé, en collaboration avec la SCHL et l’Institut de technologie supérieure de Montréal, un guide d’intervention sur l’enveloppe (Guide des règles de l’art, 2012).

2 Firme de consultants de Vancouver, mandatée par la SCHL pour préparer le guide Building Envelope Rehabilitation, en collaboration avec d’autres firmes canadiennes spécialisées en science du bâtiment. 3 L’AQC regroupe 37 organisations du milieu de la construction, et son but est la prévention de désordres dans le bâtiment et l’amélioration de la qualité dans la construction.

Normes et lignes directrices (Parcs Canada, 2010). Exceptionnellement les chartes

constituent même une partie complète de guide technique (Rény, 1991), alors que les principes d’interventions y sont intégralement repris.

Dans d’autres guides, c’est le bâtiment lui-même, sa tectonique et le savoir-faire que ses assemblages renferment qui constituent la source d’inspiration générale et qui structurent le texte. C’est notamment le cas de Mémoires de bâtisseurs (Auger, 1998) ou de Kamouraska (Musée de Kamouraska, 1986) alors que photos, illustrations et tableaux descriptifs portent écho au patrimoine bâti. Certains guides, dont Rénover le

bâti (Giebeler et al., 2012), s’inspirent non seulement du bâtiment, mais aussi de son

contexte d’édification, en mariant ainsi approches technique et historique.

La science du bâtiment et l’état d’avancement des connaissances constituent, pour d’autres auteurs, dont Ines-flores (2006), Forsyth (2007) ou Young (2008), les leviers qui permettent de comprendre les assemblages et d’en évaluer la performance. L’approche, principalement orientée vers la connaissance scientifique, inspire, par liens de causalité, les approches d’investigations et d’interventions qui sous-tendent une telle analyse. Certains ouvrages se concentrent sur un sujet précis, alors que la démarche proposée est le résultat des études entreprises par leur auteur. C’est le cas notamment de l’étude d’investigation proposée par Flores Ines-Colen (2006) ou encore de l’Atlas des époques, mosaïque des systèmes constructifs élaborée par Georg Giebeler (2012), dont il est traité dans Rénover le bâti, à partir d’une recherche personnelle qu’il a entreprise dans les ouvrages d’architecture allemands des XIXe et XXe siècles (entretien avec George Giebeler, 2014). D’autres documents, tels que les guides techniques Maître d’œuvre (Ville de Québec, 1987), développeront leurs thèmes à partir de recherches ciblées non seulement dans des références techniques, mais aussi directement auprès d’artisans et de spécialistes en conservation.

Enfin, quelques guides s’inspirent aussi de ce qui s’est publié par le passé. Ces guides renferment de nombreuses références tirées d’autres ouvrages de même nature. Une telle approche se constate surtout dans des documents gouvernementaux, comme les guides techniques Maître d’œuvre (Ville de Québec, 1987), qui reprennent des avis et des recommandations de publications antérieures sur le même sujet. Cette approche est aussi employée dans des guides « grand public » tels que La rénovation des bâtiments (Bergeron, 2000), qui regroupe, à la fois, sous forme de patchwork, des extraits de

publications de gouvernements, de la SCHL et du Conseil national de recherches Canada (CNRC) et de nombreuses données tirées intégralement du code du bâtiment en vigueur à l’époque et des normes qui s’y rattachent.

2.2.3 Le collectif versus l’ouvrage individuel : comparaisons

Compte tenu de la grande variété des thèmes qui peuvent être abordés dans un guide technique traitant de la conservation, le collectif d’auteurs apparaît être une approche privilégiée1 afin que des sujets précis puissent être abordés par des spécialistes en la matière. Il appert qu’un traitement par sujet et par auteur engendre toutefois une certaine incohérence entre les diverses sections des guides, que ce soit au niveau de la structure même des sujets ou de leur formulation.

C’est le cas notamment des fiches techniques publiées par Héritage Montréal (1985 et site Internet) ou de celles du Conseil des monuments et sites du Québec (Blouin et al., 1985). La contribution de plusieurs auteurs pour une même collection peut parfois mener à des contradictions, comme constaté dans Technologie de la conservation

architecturale (Parcs Canada, 1994)2. Dans ce dernier guide, les approches diverses adoptées par les auteurs créent une certaine confusion. Ainsi, le volume 4, Conception

et mise en valeur, fonctionne d’abord suivant des matériaux, sans même aborder

réellement les systèmes de construction, puis fonctionne, par la suite, par approche d’intervention (conception, modifications) et enfin par type de bâtiment. Quant au volume 5, Entretien pour fins de conservation, il fonctionne par systèmes de toitures et de murs, alors que le volume 6, Conservation des matériaux, reprendra à nouveau la thématique des matériaux pourtant déjà abordée dans un précédent volume.

La force d’un ouvrage collectif apparaît optimale lorsque chacun des auteurs traite d’un matériau spécifique ou d’un domaine particulier, mais suivant une même approche globale, comme dans Historic Building Conservation (Forsyth, 2007) ou dans Rénover le

bâti (Giebeler et al., 2012) alors que l’éditeur Detail se serait assuré de cette continuité

1 Six (6) des vingt-neuf (29) guides analysés sont rédigés par un collectif d’auteurs, et ce sans compter les ouvrages publiés par des instances gouvernementales.

2 Selon le volume de la collection que l’on consulte, la réhabilitation est parfois décrite en termes d’amélioration, parfois en termes d’entretien. Une contradiction entre les approches par matériaux et par systèmes est aussi constatée entre les volumes.

en sélectionnant lui-même les auteurs1 et en coordonnant le montage du guide (entrevue avec Georg Giebeler, 2014).

Les guides provenant d’un seul auteur, au contraire d’un collectif, portent habituellement sur des thématiques plus concises, par exemple Mémoire de bâtisseurs (Auger, 1998), qui se concentrera sur les charpentes de bois durant une période définie de l’Histoire, ou encore Le ravalement, guide technique (Virroleaud, 2011), dont la démarche s’articulera spécifiquement sur la performance en service des façades.

2.2.4 Le titre donné aux guides

Le titre même des guides est révélateur de l’approche préconisée pour traiter de la conservation et plus spécifiquement de l’enveloppe. Par exemple, Technologie de la

conservation architecturale (Parcs Canada, 1993) et Historic Preservation Technology

(Young, 2008) mettront l’emphase sur les savoirs et les pratiques de la conservation dans une approche théorique, alors que Conserver et mettre en valeur le Vieux-Québec (Roy et Faure, 1997) abordera l’enveloppe dans une approche plus analytique. Les

défauts de la construction (Addleson, 1993) ou encore Fiches pathologie bâtiment

(AQC, 2013) emprunteront une voie beaucoup plus pratique en faisant usage d’études de cas de problèmes d’enveloppe, comme les titres l’indiquent clairement.