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Dans les manuels universitaires français, la vie du Principe change suivant les domaines. Ce sont toujours les principes particuliers de chacun des domaines de la physique qui sont énoncés et non le principe général. Dans le domaine de la Mécanique, on retrouve la Conservation de l’énergie mécanique et le Théorème de l’énergie cinétique. L’écriture algébrique du principe général (accompagnée souvent du nom) apparaît cependant quelques fois comme un outil par exemple pour établir une équation de mouvement, ou pour caractériser une collision élastique. Son statut est donc ici plus proche d’un objet paraphysique. La situation est analogue pour le domaine de l’Electromagnétisme. Par contre dans le domaine Thermodynamique, le PCE général est construit comme un objet physique mais sous le titre de « premier principe de la thermodynamique ». C’est le seul cas où le Transfert d’énergie sert à raisonner sur la conservation de l’énergie d’un système non isolé. Dans les autres cas particuliers (mécanique ou électromagnétisme), on travaille sur l’équation de conservation d’un système isolé.

Pour le manuel vietnamiens de classe 10, le Principe général est toujours énoncé pour un

système isolé.

«Dans un système isolé, il y a la transformation de l’énergie d’une forme à une autre forme mais l’énergie totale est conservée » (Physique de classe 10, 2003, p.154).

Tous les énoncés apparaissent dans le domaine de la Mécanique, en respectant l’ordre classique de ce domaine : Travail, Puissance, Forme d’énergie en mécanique/Théorème de l’énergie cinétique, pour continuer par l’étude de la Transformation entre énergie cinétique et énergie potentielle qui permet d’amener à la conservation de l’énergie mécanique, puis à celle de l’énergie générale.

Dans les manuels universitaires vietnamiens, l’Energie apparaît pour la première fois de façon classique, c’est-à-dire dans le domaine de la Mécanique. Comme dans le manuel du Lycée, l’approche n’est pas totalement particulière : d’une part l’Energie est définie de manière générale et d’autre part on énonce le PCE général. Ceci est renforcé à l’Université

par la position de ces deux objets qui sont introduit très tôt. L’ordre d’introduction suit la séquence : Travail, Puissance, Energie générale et PCE général, Forme d’énergie mécanique et lois associées (énergie cinétique, Théorème de l’énergie cinétique, énergie potentielle, énergie mécanique et sa Conservation).

Deux formulations du PCE, spécifiques à la mécanique du solide, correspondant à un système isolé ou non, apparaissent mais sans l’idée de les distinguer explicitement (attention la

notation W désigne l’énergie totale, et A le travail) :

« W2 – W1 = A (énoncé 4-9). On peut énoncer : La variation de l’énergie d’un système pendant un processus quelconque possède une valeur qui est égale au travail que le système reçu de l’extérieur dans ce processus. […]

Dans le cas d’un système isolé […] W2 = W1 = constant (énoncé 4-10). L’énergie d’un système isolé

est conservée.

Les énoncés (4-9) ou (4-10) expriment la loi de conservation de l’énergie ; c’est-à-dire : l’énergie ne peut pas être perdue ou naître en soi, l’énergie se transfère seulement un système a un autre. » (Mécanique-Thermique, 2003, p.90, 91).

On remarque que ces énoncés, qui ne sont pas le PCE général, sont toutefois reliés avec la loi universelle de la Conservation de l’énergie. Le PCE général justifie les énoncés particuliers. Il joue le rôle d’une technologie (au sens praxéologique) pour ces énoncés.

Dans ces manuels vietnamiens, le PCE général n’apparaît toutefois jamais dans les exercices, à part une unique fois dans le manuel de Mécanique-Thermodynamique, où il est présenté comme une autre manière de résoudre une situation mécanique : « Appliquer le lois de

conservation de l’énergie pour résoudre l’exercice d’exemple 5 du chapitre 3 » (exemple 4.4,

p.55, Exercice de la Physique général, 2003). Cependant dans la résolution, c’est la Conservation de l’énergie mécanique qui apparaît : « On a : Augmentation de l’énergie

cinétique du système = Diminution de l’énergie potentiel du système ».

V. Conclusion

La Conservation de l’énergie est un objet physique permanent de l’enseignement de la physique. Le PCE sous sa forme générale est caractéristique d’une AU, et il y apparaît comme unificateur de l’Energie. Comme le montrent les études épistémologiques, le PCE étant la raison d’être originelle du concept d’énergie, il se positionne également à l’origine de tous les autres objets énergétiques et justifie leurs relations.

Cependant cette loi fondamentale de la Physique apparaît sous une grande diversité de formes, diversité qui se retrouve dans les programmes successifs et dans les manuels du secondaire. Les différentes formes de la conservation s’y livrent une concurrence dont un enjeu majeur reposerait sur le choix d’une AU ou d’une AP, et dans ce dernier cas, d’un raisonnement énergétique ou non. Ceci se traduit par une variation de la visibilité de l’Energie dans l’enseignement : cela va du cas où la loi de conservation est un objet physique universel occupant une position centrale, jusqu’au cas où elle n’apparaît que comme objet paraphysique, un outil pour le domaine physique considéré. En particulier, la position et l’importance donnée au Théorème de l’énergie cinétique en mécanique comparées à celles du PCE général, peut apparaître comme un indice de la force ou de la faiblesse de l’AU. D’autre part, la situation du Principe de conservation de l’énergie, fortement liée à la nature de l’Approche, va influer sur la vie et l’existence des autres objets énergétiques.

C’est ainsi que le PCE passe d’un statut d’objet physique en 1992 dans une AU, à celui d’un objet protophysique en 2000 dans une AP. Ceci est à mettre en relation avec la disparition en 2000 de la Chaîne énergétique, autre objet emblématique de l’AU. Le programme de 2000 revient donc radicalement en arrière par rapport au programme de 1992. L’AU pourrait paraître totalement abandonnée si le statut d’autres objets énergétiques comme le Transfert d’énergie et les modes de transfert, n’était pas maintenu, ce qui représente malgré tout une évolution sensible dans l’enseignement de l’Energie.

Dans les manuels universitaires français, le statut du PCE contraste totalement avec celui proposé par la réforme de 1992 du secondaire. Mis à part peut-être dans le domaine de la Thermodynamique, la Conservation de l’énergie n’existe en tant qu’objet physique que sous des formes particulières. Le PCE général n’apparaît presque pas, et uniquement en tant qu’objet paraphysique. Il n’est donc quasiment pas visible.

Par contre, le cas des manuels vietnamiens est intéressant : dans le domaine de la mécanique dans lequel le concept d’Energie est très classiquement introduit, l’approche est clairement particulière. Cependant elle propose une définition générale de l’Energie accompagnée de l’énoncé du PCE général, et dans le manuel universitaire, les lois particulières sont mises en relation avec le PCE général. Toutefois le PCE général n’est pas exploité dans les exercices. D’après l’entretien avec G. Robardet, la décision des concepteurs du programme de 2000 d’abandonner l’AU et de retourner vers une AP, repose en particulier sur d’importantes difficultés d’enseignement ressenties par les enseignants. Or, en examinant la situation de la loi de Conservation de l’énergie en 1992 dans le détail, on voit apparaître diverses sources de complexité et de confusion.

Certaines sont directement liées à l’AU et révèlent des difficultés dans le manuel à intégrer le PCE dans une AU de manière cohérente. On peut citer l’absence de mise en relation entre les lois particulières utilisées (conservation de l’Energie mécanique) et le PCE général, la faible exploitation du PCE général en particulier dans les exercices, ou bien la complexité et le manque de visibilité de l’objet Transformation, étroitement lié au PCE, et qui semble ne pas avoir encore atteint une maturité suffisante.

D’autres sources importantes de complexité ne sont pas liées directement à l’AU, mais s’y superposents (formulation du PCE uniquement pour un système isolé, choix du système pour l’énergie potentielle).

L’accumulation de telles difficultés pourrait bien avoir joué un rôle dans le rejet global par les enseignants des propositions formulées en 1992, et par conséquent dans l’échec de l’AU.

CHAPITRE C.4

Hypothèses sur les contraintes et les difficultés possibles

Les chapitres précédents nous ont permis de montrer comment existent les Approches AU et AP, et tout particulièrement l’influence de l’AU sur la vie de l’Énergie (B), ainsi que la vie de certains objets énergétiques (C) dans les institutions étudiées.

Nous allons, pour conclure les parties théoriques (B et C), formuler sous forme d’hypothèses et de questions certains des résultats pour montrer comment les rapports institutionnels contraignent le rapport personnel des enseignants à l’Energie et les difficultés possibles qui peuvent en résulter. Ces hypothèses seront mises à l’épreuve d’une expérimentation (partie D).

Nous faisons d’emblée une constatation pour le cas du Vietnam. Dans les chapitres précédents, nous montrons qu’en France il existe un décalage important entre la vie de l’Energie dans la formation disciplinaire des enseignants à l’Université et sa vie dans l’enseignement au lycée, alors que ce n’est pas le cas au Vietnam où la vie des objets énergétiques analysés dans les chapitres C1, C2 et C3 est semblable quelque soit l’institution. Nous étudions donc le cas des enseignants vietnamiens comme une population témoin. Pour formuler ces hypothèses et ces questions, nous faisons référence à :

- L’écart existant entre l’approche particulière de la formation disciplinaire des enseignants français et vietnamiens à l’Université, et l’Approche Universelle (AU) au lycée en France. - L’évolution de l’AU dans les programmes récents, 1992 et 2000.

Cette référence nous conduit à définir deux catégories d’enseignants de 1ère S du Lycée : • « les jeunes enseignants » : ce sont des enseignants de physique qui n’enseignent ou n’ont

enseigné que sous le programme 2000 ; de ce fait, ils ont peu d’expérience de l’enseignement et l’on peut faire l’hypothèse que leur rapport personnel à l’Énergie reste dominé par leur formation disciplinaire. Nous considérons que les étudiants PLC1 sont un cas extrême des jeunes enseignants puisqu’ils viennent de sortir de leur formation universitaire. Et les enseignants vietnamiens aussi car pour eux, le rapport institutionnel de l’Energie au lycée français est totalement étranger.

• « les enseignants experts » : ce sont des enseignants de physique qui ont enseigné en 1ère S au moins sous le programme de 1992.

Notre hypothèse vise plutôt les jeunes enseignants qui ont un rapport personnel avec l’Energie que nous supposons peu contraint par le rapport institutionnel du lycée, et encore proche de celui de l’université. Le cas des enseignants experts nous est utile pour comparer et étudier l’influence des évolutions qui ont eu lieu entre le programme de 1992 et de 2000.

Nous avons choisi d’étudier trois objets dans les analyses écologiques des chapitres C, mais nos résultats ont fait émerger certains d’autres objets dont nous tiendrons compte. Nous classons les hypothèses suivant les objets examinés.