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II. Densités des objets énergétiques O(e) - Raisonnement énergétique - réseau des liens entre les O(e)

III.3. Vie de l’Energie et les décalages

III.3.4. Influence de l’Approche Universelle sur la vie de l’Energie

Toutes les analyses ci-dessus attestent bien une différence dans la vie de l’Energie entre les manuels qui comportent une proportion d’Approche Universelle (AU) et ceux qui ne fonctionnent qu’en Approche Particulière (AP). Dans les « lieux » (manuels, chapitres) où l’AU s’exprime pleinement, ce qui se traduit par une forte densité de la population énergétique (DObjet) à l’échelle du manuel et des chapitres, et une forte intensité des relations entre O(e) (R(e) et densités de liens).

On voit de manière très claire que la présence de l’AU a toujours un effet sur la vie énergétique : suivant la place qui lui est donnée, son influence est plus ou moins forte.

- Par exemple au Vietnam, tant au Lycée qu’à l’Université, sa place est extrêmement limitée dans un seul domaine de la physique, la Mécanique; l’effet est surtout important dans le chapitre dans lequel elle apparaît, mais la Mécanique a de façon globale une vie énergétique sensiblement plus intense que les autres domaines. Il ne semble pas que cela soit un effet lié au domaine car le manuel de Mécanique est celui qui a la vie énergétique la plus pauvre parmi les manuels universitaires français.

- D’autre part nous avons vu que la vie énergétique pour le manuel du programme de 2000 est moins riche que celle du manuel du programme de 1992, conformément à la moins bonne situation de l’AU dans ce programme.

On peut donc considérer que l’AU favorise sensiblement la vie énergétique. Nous dirons

En conséquence, la vie énergétique plus intense de l’AU au Lycée français peut se trouver en

décalage par rapport aux AP des enseignements universitaires. (Cela peut se traduire par le sentiment d’une perte de contenu et de cohérence si des liens entre les deux approches ne sont pas établis.) . Cela indique donc bien une différence entre l’organisation du savoir de l’Energie du Lycée et celle de l’université, donc entre les rapports institutionnels à l’Energie des deux institutions : celle où sont formés les futurs enseignants et celle où ils enseignent. Le rapport personnel des enseignants se construisant principalement sous les contraintes de ces deux rapports institutionnels, les décalages liés à l’introduction de l’Approche Universelle au Lycée sont donc susceptibles de créer des difficultés pour les enseignants. Ceci nous ramène approfondir et compléter cette analyse. Dans la partie qui suit (C), nous allons procéder à des analyses détaillées de la vie de certains O(e) dans le but de répondre à cette question : Q3 – difficultés : « De tels décalages peuvent-ils expliquer certaines difficultés

d’enseignement du concept d’énergie (difficultés particulièrement visibles chez les jeunes enseignants) ? »

Partie C

Introduction de la partie C

Dans le chapitre précédent nous avons montré qu’en France l’Approche Universelle est quasi- absente dans l’enseignement de l’Energie à l’Université française alors que cette approche apparaît fortement au Lycée à partir de la réforme de 1992. On peut ainsi prévoir l’existence d’un malaise chez les enseignants de physique au Lycée français dû au décalage AU/AP repéré entre les deux rapports institutionnels à l’Énergie, Université et Lycée : ce sont principalement eux en effet, qui modèlent le rapport personnel à l’Energie des enseignants de Lycée.

Au Vietnam, le décalage AU/AP n’existe pas entre l’Université et le Lycée puisque l’AU est quasi-absente dans ces deux institutions. En ce qui concerne ce décalage, nous n’étudierons le cas des enseignants vietnamiens qu’en tant que population-témoin.

Dans cette partie, nous approfondissons l’analyse écologique de certains objets énergétiques dans différentes institutions en nous centrant plus particulièrement sur la réforme de 1992 au lycée en France. Notre objectif est de confronter la manière de vivre de ces objets dans les différentes institutions et de préciser les décalages éventuels.

Notre analyse dans cette partie porte en premier lieu sur l’institution du Lycée français. Cette analyse sera détaillée, afin que dans un second temps, nous puissions analyser les autres institutions en procédant par comparaison.

Les questions écologiques que nous allons examiner pour la réforme de 1992 sont :

- QE1-Objets Permanents : Quels objets sont présents de manière permanente dans

l’enseignement, c’est-à-dire avant, pendant et après la réforme de 1992 ? Comment leur habitat est il modifié, et quelle adaptation subissent ils au niveau conceptuel et de la niche écologique ?

- QE2-Objets Disparus : Quels objets présents avant 1992 ont disparu lors de la réforme de

1992 ? Pourquoi ?

- QE3-Objets Nouveaux : Quels objets nouveaux ont été introduits en 1992 ? Pourquoi ?

- Quels sont ceux qui subsistent en 2000 ?

- Quels sont ceux qui disparaissent en 2000 ? Pourquoi ? En quoi ces disparitions influent-elles sur la vie des autres objets énergétiques ?

Ces questions nous amènent à poser une autre question concernant les deux programmes de 1992 et 2000 du lycée français :

- QE4– Cohérence AU : La réforme de 1992 est ancrée dans une recherche de cohérence

épistémologique qui correspond pour l’essentiel à l’AU. La disparition en 2000 de certains objets emblématique de l’AU pour des raisons didactiques détruit-elle cette cohérence ? Quel nouvel « équilibre » entre AU et AP s’établit en 2000 ?

L’objectif général de cette partie est de chercher à répondre à la question Q3 – difficultés :

« De tels décalages [entre formation des enseignants à l’université et l’enseignement au lycée] peuvent-ils expliquer certaines difficultés d’enseignement du concept d’énergie (difficultés particulièrement visibles chez les jeunes enseignants) ? »

L’organisation des chapitres de cette partie suit le fil des questions écologiques et donc tient compte du destin (permanence, création, disparition, …) des objets. Nous prenons le parti de

ne traiter que certains de ces objets. Les raisons de ce choix sont exposées dans le paragraphe suivant.

I. Objets choisis et structure du chapitre

L’analyse des chapitres précédents nous permet d’emblée de trier les objets énergétiques selon cette classification :

- Objets énergétiques permanents: Forme d’énergie, Principe de conservation de l’énergie, Bilan énergétique, Transformation de l’énergie, Transfert d’énergie, Travail, Chaleur, Puissance.

- Objets énergétiques nouveaux en 1992 : Rayonnement (subsiste en 2000) Rendement (disparaît en 2000) et Chaîne énergétique (disparaît en 2000).

- Objets énergétiques disparus en 2000 : le Théorème de l’énergie cinétique.

Nous avons choisis d’analyser quelques objets énergétiques permanents afin de suivre leur évolution avant, pendant et après la réforme de 1992 et de mettre en évidence leurs relations avec les autres objets énergétiques.

Nous nous centrons sur deux objets, le Principe de conservation de l’énergie et le Transfert

d’énergie car ce sont les objets fondateurs de la réforme de 1992.

« La façon d’introduire l’énergie dans ce nouveau programme [de 1992] est très différente de celle des précédents.

[…] Dans les programmes actuels [1992], le principe de conservation est énoncé dès le premier alinéa consacré à l’énergie […]. Les différents modes de transfert d’énergie sont décrits également d’emblée. Cette partie 2 se termine par l’analyse d’une ou deux chaînes énergétiques. Du fait de ce choix de présentation, les élèves se trouvent dans une situation originale pour l’enseignement : tout au long du reste de l’année […] ils analyseront diverses situations selon un principe qui sera déjà présent. « (COAST-MAFPEN, p.8).

Le Principe de conservation de l’énergie apparaît en première position dans le programme. Notre étude épistémologique (chapitre A1) montre son rôle unificateur pour l’Énergie dont il est l’objet fondamental. Il apparaît derrière presque toutes les analyses énergétiques et son apparition en première position dans le programme de 1992 a des répercussions sur la vie d’autres objets :

« Une lecture rapide du nouveau programme [1992] peut laisser croire que le changement est minime et que ce qui convenait jusqu’à maintenant peut encore largement servir. Et pourtant, le fait d’énoncer tout de suite le principe de conservation de l’énergie va profondément changer le sens des notions et des expériences que l’on propose. » (COAST-MAFPEN, p.8).

Un autre point du changement du programme de 1992 que nous voulons aborder est l’apparition du Transfert d’énergie et des modes de transfert. Le fait de réunir les différents modes de transfert d’énergie issus de différents domaines de la Physique (Approche Particulière) pour construire un objet commun « Transfert d’énergie », nécessite de procéder à une synthèse transdisciplinaire.

Notre analyse consiste à examiner la façon dont l’objet est introduit dans les programmes, puis à déterminer sa niche écologique dans les manuels, c’est-à-dire sa position dans l’ordre d’introduction des objets, ses relations avec les autres objets, son rôle dans a vie de l’Energie.

Cependant, nous souhaitons examiner avant tout autre, un objet nouveau de cette réforme, la Chaîne énergétique, création didactique du programme de 1992. La raison est que les autres objets ne sont pas totalement nouveaux et qu’il est nécessaire de présenter cet objet nouveau au préalable afin de pouvoir discuter dans notre analyse de la façon dont il intervient dans la vie des deux autres objets.

Dans les deux pays (France et Vietnam), nous avons procédé à un entretien avec une personne occupant une position importante dans la noosphère (cf grille d’entretien en annexe C) :

• en France, Guy Robardet, didacticien de la physique et membre de la Commission du programme de 2000

• au Vietnam, Mme LE Thi Thanh Thao, Maître de Conférence du Département Physique de l’Université Pédagogique de Hochiminh ville, spécialiste des méthodes d’enseignement et participante de la réflexion sur un nouveau programme qui devrait être mis en place en 2006.

II. Objet physique, objet para-physique, objet proto-physique

A priori, la vie des objets dépend des institutions dans lesquelles ils sont présents. Nous

empruntons à Chevallard la notion de perception didactique (Chevallard, 1985) pour conduire cette analyse. Nous parlerons ici de la plus ou moins grande visibilité didactique d’un objet. La visibilité (didactique) se traduit dans le système d’enseignement par des exigences plus ou moins fortes sur ce que l’enseignant et l’élève devront dire ou faire au sujet d’un objet (contrat didactique). La comparaison de la vie des objets dans les institutions différentes nous permet d’étudier les contraintes du contrat didactique qui influent sur la signification des objets enseignés. La notion de visibilité est donc pour nous l’une des manière d’examiner la signification d’un objet.

Dans le cadre théorique de la Transposition didactique, Chevallard (1985) distingue différents statuts pour les objets présents dans l’enseignement selon leur plus ou moins grande « visibilité didactique ».

L’objet le plus visible est « l’objet de savoir ».

« Qu’est-ce qu’un « objet de savoir » ? Pour l’enseignant de mathématiques, il faut ranger dans cette catégorie certainement les « notions mathématiques » : par exemple, l’addition, le cercle, la dérivation, […]

A propos des objets de savoir que sont les notions mathématiques, l’enseignant attend que l’élève sache (éventuellement) :

- donner la définition (ou retracer la construction) ; - donner les propriétés (« principales »), les

démontrer ; - reconnaître un certain nombre d’occasions d’emploi ; - etc. » (Chevallard, 1985, p.49-51)

Les objets ayant une visibilité moindre sont qualifiés par Chevallard de paramathématique et de protomathématique.

« [...] des notions qu’on peut dire « paramathématiques » : par exemple, la notion de paramètre, la notion d’équation, la notion de démonstration. Les notions paramathématiques sont des notions-outils de l’activité mathématique ; elles ne sont pas « normalement » des objets d’étude pour le mathématicien.

[…] Les notions paramathématiques […] ne font pas l’objet d’un enseignement : ce sont des objets de

savoir « auxiliaires », nécessaires à l’enseignement (et à l’apprentissage) des objets mathématiques

proprement dits. Ils doivent être « appris » (ou plutôt « connus »), mais ils ne sont pas « enseignés ». Il existe une strate plus profonde de « notions », mobilisées implicitement par le contrat didactique. Pour elles, j’ai proposé le qualificatif de « protomathématiques «

[…] Les notions protomathématiques, […], se situent à un niveau d’implicitation plus profond (pour l’enseignant, pour l’élève) « (p.49-51 et 55).

Nom d’un objet d’enseignement : nous dirons qu’un objet possède un « nom », s’il est

désigné exclusivement par un mot réservé dans le langage de la physique. Un objet qui n’a pas de « nom », peut apparaître de manière implicite dans un texte, ou bien il peut être désigné explicitement mais il n’y a pas un mot réservé et souvent plusieurs termes sont utilisés indistinctement. Nous verrons que le nom joue un rôle important dans la visibilité didactique des objets physiques analysés.

Nous distinguons ainsi trois niveaux de visibilité didactique pour les objets d’enseignement de la physique :

- Objet Physique (objet de savoir) : C’est un objet bien construit avec un « nom » une

définition et/ou des propriétés. Cet objet doit être su, c’est-à-dire qu’on peut demander à l’élève de savoir non seulement l’utiliser dans un exercice mais aussi donner sa définition ou ses propriétés pour justifier une démarche de résolution. Un Objet Physique est donc très visible.

- Objet paraPhysique : Il apparaît explicitement dans le manuel avec son « nom » mais sans

définition, simplement comme un outil pour l’activité en physique. Il est visible. Les exigences ne sont pas de même nature que pour un objet de savoir : l’élève doit l’apprendre, c’est-à-dire qu’il peut montrer qu’il sait s’en servir dans un exercice sans avoir à justifier son usage.

- Objet protoPhysique : cet objet est peu visible et donc ne peut pas être évalué

pédagogiquement. Il existe à travers des phénomènes et des situations physiques. Sa définition, ou sa construction, est hors de la responsabilité de l’enseignement. Son apparition est souvent implicite et il n’a pas de « nom ».

CHAPITRE C.1

Chaîne énergétique

La Chaîne énergétique est un objet qui n’existe dans aucune institution avant le programme de

1992 du lycée français et qui apparaît comme un objet physique dans la réforme de 1992.

C’est un objet nouveau voire une création didactique de cette réforme.

« C’est une création didactique […] faite pour aider à l’apprentissage des concepts. Cette représentation vient de la nécessité, aussi bien en physique que dans d’autres domaines scientifiques, d’un support graphique : les schémas électriques et les représentations vectorielles d’une situation avec des forces par exemple. » (COAST-MAFPEN, p.154)

Ce nouvel objet est assorti d’une représentation nouvelle, sous forme schématique, de l’analyse énergétique. Nous allons commencer par l’analyse de cette représentation schématique. Ensuite, nous étudierons, d’un point de vue écologique, les fonctions de cette représentation et les raisons de sa mort dans le programme de 2000.

La Chaîne énergétique n’apparaissant pas dans les autres institutions considérées (université française ou lycée et université du Vietnam), nous examinerons seulement à la fin de ce chapitre, les schémas énergétiques présentes dans ces institutions.

I. Représentation schématique de la Chaîne énergétique dans le