II.1. Première fonction : Mettre en évidence le Transfert d’énergie
Les schémas présentés ci-dessus montrent que la Chaîne énergétique permet de mettre en évidence les Transferts d’énergie, représentés par des flèches. Ce rôle de mise en évidence est ainsi explicité dans le programme:
« Analyse d’une ou deux chaînes énergétiques. […] Traduire sous la forme d’un schéma les variations d’énergie et les transferts d’énergie opérés dans une chaîne énergétique » (Programme de 1992).
Dans les manuels, la Chaîne énergétique apparaît presque systématiquement dans tous les chapitres pour schématiser les situations à étudier comme par exemple une machine thermique et son rendement, récepteur/générateur électrique et son bilan énergétique. Mais elle est rarement exploitée dans les exercices. Dans le chapitre d’introduction du schéma de la Chaîne, il n’y a que 2 exercices sur 26 (Hachette, 1994) qui l’utilisent, par exemple pour « Compléter la schématisation de la chaîne énergétique correspondant au déplacement d’un
motard et de sa moto » (exercice 8, p.135). Quelques exercices utilisent la Chaîne énergétique
dans le chapitre « Transfert d’énergie » (5/35 exercices du chapitre). La Chaîne est employée pour représenter et identifier le Transfert d’énergie, par exemple : « Indiquer, sur un schéma,
les transferts et les réservoirs d’énergie mis en jeu » (exercice 15, p.151). Comme la Chaîne
énergétique est le seul schéma construit dans le cours et qu’il permet d’indiquer les transferts d’énergie, on comprend par défaut que c’est le schéma attendu : dans cet exemple l’appel à l’usage de la Chaîne énergétique est implicite.
Cette fonction de la Chaîne énergétique est également explicite dans le document COAST-MAFPEN où les modes de transfert d’énergie sont explicitement désignés (figure 3) dans le schéma de la Chaîne énergétique.
« N’oublions pas que les trois modes de transfert de l’énergie (chaleur, travail, rayonnement) se traduisent par la possibilité de trois flèches (pas plus) entre deux réservoir ou transformateurs.» (COAST-MAFPEN, p.20).
La Chaîne énergétique permet alors de mettre en évidence la position du Transfert d’énergie et les modes de transfert dans une situation à travers leur visualisation.
L’analyse de l’objet Transfert d’énergie que nous allons présenter plus loin montrera qu’il existe une confusion entre le Transfert et la Transformation et que cette confusion recouvre une confusion entre modes de transfert et formes d’énergie. Pour dessiner une Chaîne énergétique, on doit désigner l’événement orienté « Transfert d’énergie » par une flèche entre deux systèmes, et le mode de transfert par son nom au-dessus de la flèche, alors que l’événement « Transformation » de formes d’énergie apparaît à l’intérieur d’un système étudié. Le schéma de la Chaîne énergétique aide donc à identifier, distinguer, situer et mettre en relation ces objets.
II.2. Deuxième fonction : schématiser une situation physique afin de réaliser
un Bilan énergétique
II.2.1 Bilan énergétique dans les manuels
Avant 1992, le Bilan énergétique est présent dans le programme pour étudier les transferts d’énergie mais sans être défini. Dans la rubrique « Bilan énergétique dans un circuit électrique », on aborde le Bilan pour caractériser la chaleur « On dit aussi que chaleur a un
rôle équivalence du point de vue bilan d’énergie, leur propriété qualitatives son différentes : le travail est un transfert ordonné d’énergie, la chaleur un transfert désordonné d’énergie. »
(Programme de 1988, p.113, 114).
Dans les manuels étudiés (Hachette et Nathan, 1988), le Bilan énergétique apparaît plusieurs fois dans le domaine de l’Electricité mais aussi sans définition. Il est assez rarement utilisé comme un outil pour conduire l’étude énergétique d’une situation. Et il est presque systématiquement accompagné d’un schéma (figure 6):
« Le bilan énergétique dans le circuit considéré, qui ne comporte qu’un seul générateur, peut donc être schématisé par le dessin en haut de cette page : Pg= El= UPNI + rI2. » (Physique 1ère S, Nathan, 1988, p.194).
Le schéma (figure 6) ne suit pas de règles explicites, le Bilan n’est pas défini et par conséquent le Bilan énergétique possède ici un statut d’objet paraphysique.
Dans le manuel du programme de 1992 étudié, le Bilan est également un objet paraphysique mais il occupe une place plus importante. Il ne prend pas place seulement dans un domaine particulier de la Physique mais il est l’intitulé de l’une des trois parties du programme : « Bilan énergétique ». Cette partie concerne l’étude du point de vue énergétique de différents systèmes appartenant à des domaines particuliers de la Physique. Elle s’accompagne de schémas construits sur le modèle de la Chaîne énergétique. Dans le manuel, ce type de schéma peut être désigné par deux noms différents : Bilan énergétique, Bilan de puissance (figure 5).
Figure 6. Schéma illustrant le Bilan énergétique dans deux manuels du programme de 1988 : Nathan (à gauche)
(1988, p.194) et Hachette (à droite) (1988, p.169)
Dans le Document d’accompagnement de ce programme (1992), deux types de schémas sont présents distingués seulement implicitement. Le premier (figure 4) est identifié en tant que Chaîne énergétique. Le deuxième (figure 7) n’a ni définition, ni « notation ». Le seul indice présent qui le rattache à une étude de bilan énergétique est le titre du paragraphe « Analyse avant-après ».
Figure 7. Seul schéma du Bilan énergétique dans le Document d’accompagnement du programme de 1992
(1993, p.17)
Dans le document COAST-MAFPEN, le Bilan est explicitement distingué d’avec la Chaîne. Il est représenté par la Chaîne spécifique nommée Chaîne « état initial- état final » (figure 8) :
«Le professeur précise que les chaînes construites jusque-là correspondent à des situations pour lesquelles les transferts et les transformations de l’énergie sont en train de se produire ; on les appelle
des « chaînes pendant ». On a parfois besoin, pour faire un bilan énergétique, de représenter la situation avant que les transferts et les transformations ne se produisent et après qu’ils ont eu lieu. On construit alors des chaînes « état initial- état final. » (COAST-MAFPEN, p.29).
Figure 8. Document COAST-MAFPEN : Principe de la construction du Bilan énergétique (p.30) et un exemple
(p.83)
II.2.2. Chaîne énergétique, une base de règles de construction schématique
Un Bilan énergétique permet donc d’étudier comment évolue l’état du système choisi, entre un état initial et un état final. Il détaille et quantifie ce qui ce passe dans une maille centrée sur le système étudié (ie un système auquel l’on s’intéresse plus particulièrement). Ainsi la plupart des règles de construction établies pour le schéma de la Chaîne énergétique « Pendant » (COAST-MAFPEN) ou « à maillons multiples » (Manuel, Document d’accompagnement) sont également utiles pour construire le schéma du Bilan énergétique : elles permettent d’identifier et de caractériser les différents systèmes en jeu dans la situation, ainsi que les événements énergétiques qui se produisent. On notera que la dimension temporelle n’est pas explicitement spécifiée par les manuels (Hachette, Bréal).
Parce qu’un bilan est nécessaire à toute quantification s’appuyant sur un Principe de conservation, le bilan énergétique est une procédure préalable à l’exploitation du Principe de conservation de l’énergie pour quantifier une situation énergétique.
II.3. Troisième fonction : servir de base de raisonnement pour le Principe
de conservation de l’énergie.
Dans le manuel (Hachette, 1994), la Chaîne énergétique est introduite dans le chapitre « Conservation de l’énergie ». Ce fait montre que le raisonnement sur une Chaîne
énergétique pourrait servir à établir les bases de la conservation de l’énergie.
« Reprenons l’exemple de la fusée lors du décollage.
Nous pouvons raisonnablement considérer que l’énergie perdue par le réservoir A (le propergol) se retrouve dans les réservoirs B (fusée) et B’ (atmosphère), le convertisseur C (réacteur) n’emmagasinant pas d’énergie. Ainsi, l’énergie du système global formé par A, B et B’ est constante.
Ce raisonnement nous suggère d’émettre l’hypothèse d’une conservation de l’énergie. » (Physique 1ère
S, Hachette, 1994, p.131)
La Chaîne énergétique donne à voir les phénomènes énergétiques qui se passent dans un système fermé et/ou isolé (pour une fusée par exemple), comme des transferts d’énergie entre les sous-systèmes élémentaires qui la composent, la Transformation de l’énergie à l’intérieur d’un des sous-systèmes, pour aboutir à l’écriture de la Conservation de l’énergie du système global complexe fermé et/ou isolé. Cette citation reste au niveau d’une hypothèse non vérifiée. Or cette hypothèse a été testée longuement et difficilement par les scientifiques afin d’établir le Principe de conservation de l’énergie. Par contre, la Chaîne devrait permettre de décrire la situation physique du point de vue énergétique pour permettre l’écriture quantitative de la Conservation de l’énergie dans cette situation précise : elle permet de rassembler tous les éléments physiques (identifier, caractériser et mettre en relation des objets) de la situation, nécessaires pour la comprendre puis pour la quantifier via un Bilan énergétique.
Dans le schéma de l’analyse écologique (Chapitre B2) du manuel du programme de 1992, nous avons constaté que la Chaîne énergétique n’a pas de relation directe avec le Principe de conservation de l’énergie alors qu’elle en a avec d’autres objets énergétiques : dans ce manuel, aucun exercice ne demande de schématiser une Chaîne énergétique pour établir la Conservation mais plutôt pour étudier les Transferts d’énergie d’un système. Nous verrons lorsque nous étudierons l’objet Principe de conservation de l’énergie dans le programme de 2000, que ce principe peut aussi être reformulé en relation avec le Transfert d’énergie. Ceci montre le rôle de fondamental de la Chaîne pour supporter le raisonnement énergétique qui sous-tend la Conservation de l’énergie.
Cependant, nous pouvons supposer qu’une conséquence du peu d’exploitation de cet usage fondamental dans les manuels, particulièrement dans les exercices, est la perte pour la chaîne énergétique d’une grande partie de sa raison d’être.
II.4. Quatrième fonction : organiser les objets énergétiques.
Comme on vient de le voir, le schéma de la Chaîne énergétique aide à identifier, distinguer, situer et mettre en relation des objets énergétiques. Elle est donc un « organisateur » des objets énergétiques, donc de l’Energie. Ce rôle d’organisateur s’illustre par la capacité de schématiser une situation concernant plusieurs domaines de la physique du point de vue énergétique (chaîne à « maillons multiples »). C’est-à-dire à mettre en lumière la propriété de Transversalité de l’Approche Universelle. Ceci est explicitement mentionné dans le document COAST-MAFPEN.
« Une chaîne énergétique se justifie chaque fois que plusieurs domaines de la physique sont mis en jeu ce qui est le cas en particulier dans la partie « systèmes électriques » car la mécanique intervient aussi (générateur, récepteur). » (p.25).
« La représentation de la chaîne énergétique est particulièrement adaptée à des situations où il y a plusieurs domaines phénoménologiques simultanément ; or, c’est un des objectifs de cet enseignement.» (COAST-MAFPEN, p.155).
Le schéma est présent dans toutes les activités pour les élèves (TD et TP) de ce document. Dans un premier temps, différentes activités sont proposés pour s’entraîner à construire le schéma. Les concepts du thème de l’Energie sont introduits à travers cette activité comme les formes d’énergie, les modes de transfert et la Conservation de l’énergie. Dans un deuxième temps, le schéma sert aussi à introduire d’autres concepts : « Les chaînes énergétiques
l’ensemble des phénomènes énergétiques se produisant au cours de l’expérience. Elles sont ainsi bien adaptées à l’introduction d’un concept énergétique comme la puissance. » 2
(COAST-MAFPEN, p.42). Par exemple dans une séance de TP, la fiche d’instructions destinée aux élèves propose une activité de découverte de la grandeur physique Puissance : « Nous nous proposons […] de faire une analyse énergétique de la situation. A partir de
mesures que vous réalisez, nous vous demanderons de chercher une formule mathématique faisant intervenir l’énergie et qui vous permettra d’introduire une nouvelle grandeur. »
(COAST-MAFPEN, p.40). Pour les systèmes mécaniques, le schéma permet de représenter la situation afin de calculer le rendement (idem, p.62). Pour les systèmes électriques, il amène à étudier l’effet Joule, à représenter le fonctionnement du générateur, du récepteur, etc. La construction d’un schéma de Chaîne énergétique permet donc de réunir et de relier entre eux, les concepts concernant l’Energie.