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II.1. Découpage en périodes : les programmes considérés

Examinons quelles périodes peuvent être significatives pour étudier l’évolution de la présentation de l’Energie depuis l’année 1975.

La période 1, de 1975 à 1992 : avant un unique programme pour tout le pays. Avant

1992, l’enseignement du Vietnam comporte deux programmes différents pour deux systèmes différents : au Nord, un système de dix ans avant l’université, au Sud, un système de douze ans. En 1980, il est décidé de passer à un même programme dans tout le pays avec un système de douze ans. Le passage à ce système programme s’est effectué sur douze ans, jusqu’en 1992. Nous n’avons pu disposer que d’un manuel de l’année 1984 au Sud pour cette période. C’est sur cette base que nous analysons le programme de 1975 (au Sud)

La période 2, de 1992 à nos jours. Elle correspond à un système et à un programme

désormais uniques pour tout le pays. Pendant cette période, quelques arrangements sont faits ; ils ne sont pas destinés aux classes normales de tout le pays, mais à certaines classes spéciales. Nous analysons donc seulement le contenu principal du programme général écrit en 1992.

La période 3 : le programme de 2002. Ce programme en est encore à l’étape de l’essai.

II.2. Les programmes

II.1.1. Période 1 (1975 - 1992)

L’Energie est introduite au niveau de la classe 10e (première classe du lycée). Le contenu de ce programme concerne uniquement le domaine de la Mécanique. Il comporte quatre parties : l’Energie apparaît explicitement dans une rubrique de la dernière partie D.

Partie A. Cinétique Partie B. Dynamique Partie C. Statique

Partie D. Lois de conservation

• Loi de conservation de la quantité de mouvement • Travail et Puissance

• Lois de conservation de l’énergie • Des applications des lois de conservation

L’Energie est donc insérée dans une partie dont elle n’est qu’un des deux objets principaux : Quantité de mouvement et Energie. Le titre de cette partie D semble indiquer qu’elle est un habitat propre à l’Energie (AU) mais son contenu est proche du domaine de la Mécanique. Les objets énergétiques introduits en premier relèvent de la Mécanique : Travail, énergie cinétique, énergie potentielle, Théorème de l’énergie mécanique. Le principe général de la conservation est abordé en dernier comme un élément de résumé. Mais ses applications interviennent pour des phénomènes de la Mécanique, par exemple pour étudier les mouvements, les chocs ou pour construire la loi de Bernoulli. Globalement, la partie « Lois de conservation » pourrait donner lieu à une présentation de l’Energie par l’AU, mais l’Energie est présentée dans une AP du domaine mécanique.

Pour les classes 11e et 12e, l’Energie apparaît comme étant déjà connue et elle intervient par l’AP pour étudier différents phénomènes, électriques ou d’oscillation par exemple,

II.1.2. Période 2 (1992 à nos jours)

L’Energie est aussi introduite au niveau de la classe 10e. Ce programme comporte deux grandes parties : Mécanique, Physique moléculaire et thermique ; l’Energie est insérée dans une sous-partie de chacune d’elles :

Partie A. Mécanique • Partie I. Cinétique • Partie II. Dynamique • Partie III. Statique

• Partie IV. Lois de conservation

- Lois de conservation de la quantité de mouvement. - Lois de conservation de l’énergie.

Partie B. Physique moléculaire et thermique.

- Théorie cinétique des molécules et l’air idéal. - Energie interne de l’air idéal.

Pour chacune des deux grandes parties, l’Energie n’est pas sujet principal. Elle est introduite dans la partie A en tant que l’un des objets à étudier dans le domaine Mécanique. Elle apparaît donc par l’AP dans une sous partie qui est exactement la quatrième partie D du précédent programme. En revanche, avec la nouvelle partie B, l’ajout de la rubrique « Energie interne de l’air idéal » présente clairement l’Energie dans les phénomènes particuliers de la Thermique. Globalement, dans ce programme, l’Energie est introduite par une AU insérée (sous-partie IV) dans une AP, puis elle est développée (rubrique de la (sous-partie B) dans une autre AP. Pour les classes 11e et 12e, la présence de l’Energie est semblable à celle du programme précédent.

II.1.3. Période 3 (un programme à l’essai depuis 2002)

En 2002 est écrit un nouveau programme dont les manuels sont, pour le moment, en étape d’essai.

L’introduction de l’Energie se fait toujours en classe 10e. La structure du programme ne fait plus apparaître la séparation entre Mécanique et Thermique en deux grandes parties portant ces titre : « Mécanique », « Thermodynamique ». Mais quand on observe le contenu, on voit une grande ressemblance avec celui du programme précédent. Le programme est fait de sept petites parties et l’Energie est insérée dans deux d’entre elles :

• Lois de conservation.

• Base de la Thermodynamique.

Par rapport au programme précédent de 1992, le contenu de ces deux parties ne change pas beaucoup, mais la structure ou le titre sont un peu modifiés. La partie « Lois de conservation » regroupe deux contenus principaux : Lois de conservation de la quantité de mouvement et Lois de conservation de l’énergie qui étaient séparés en deux rubriques dans la sous-partie « Lois de conservation » dans le programme 1992. En dehors des connaissances concernant les chocs, le mouvement des satellites et trois lois de Kepler qui « sont introduits

dans le contenu mécanique afin de pouvoir utiliser de manière synthétique des lois de Newton ainsi que des lois de conservation », le contenu restant n’est pas différent. Pour la deuxième

partie, le titre est changé avec l’explication : « Si la partie « Base de la Thermodynamique »

ne porte plus l’ancien titre (Energie interne de l’air idéal), c’est parce qu’elle aborde les deux principes de la Thermodynamique ». Quelques applications sont ajoutées pour aborder

des phénomènes de la vie quotidienne.

Compte tenu de toutes ces modifications l’introduction de l’Energie n’a pas changé par rapport à celle du programme précédent. L’Energie apparaît globalement par l’AP et l’AU apparaît de manière floue.

Pour les classes de 11e et de 12e, l’Energie intervient par l’AP pour étudier des phénomènes dans les parties Electricité et Induction électromagnétique ou Oscillations.

II.3. Bilan de l’étude des programmes

Donnons d’abord, un résumé de notre étude sous forme de tableau (Tableau 2).

Après les modifications du programme 1975 intervenues pour le programme de 1992, celles qui sont prévues dans le Programme 2003 n’influencent pas davantage la structure et le contenu de l’enseignement de l’Energie.

Dans l’entretien réalisé avec un enseignant (mis par notre questionnement en position noosphérienne), on voit bien l’expression de la tendance à présenter l’Energie par l’AP au fur et au mesure des domaines, mais non comme un thème indépendant.

« On ne peut pas avoir l’ambition de résoudre suffisamment (la question de) l’enseignement du thème d’énergie dès la classe 10e, il faut aussi (l’enseigner) dans les classes suivantes. En 10e, il vaut mieux présenter seulement des notions fondamentales. Quand il n’y a pas encore suffisamment de connaissances, il faut analyser des exercices (application technique, etc.) simples pour que les élèves comprennent bien les notions (travail, énergie, conservation, transfert, transformation, etc.) sur la base de certaines notions de la mécanique, la thermique, l’électricité, l’optique, qu’on a étudiées au collège. » (Entretien avec Mme Le, 20/10/2003).

Date Classe Rubriques du programme Aspects présentés Formes d’introduction Approche PG : 1975 10e 1- cinétique 2- dynamique 3- statique 4- lois de conservation Conservation Transformation Travail 1- rien 2- rien 3- rien 4- AU, AP PG : 1992 10e 1- cinétique 2- dynamique 3- statique 4- lois de conservation

5- physique nucléaire et thermique

Conservation Transformation Travail 1- rien 2- rien 3- rien 4- AU, AP 5- AP PG2 2003 10

e 1- cinétique du point matériel 2- dynamique du point matériel et forces dans la mécanique

3- lois de conservation 4- mécanique des fluides

5- théorie cinétique des molécules et l’air idéal

6- Base de la Thermodynamique 7- Etats de base des matériaux

Conservation

transformation Travail 1- 2- rien rien 3- AU, AP 4- rien 5- rien 6- AP 7- rien

Tableau 2. L’enseignement de l’Energie dans les programmes du lycée au Vietnam (de 1975 à nos jours)

Dans les programmes, l’Energie est toujours introduite en étant présentée dans une rubrique titrée « lois de conservation », une propriété de l’AU. Mais le principe général de conservation de l’énergie n’est pas traité indépendamment du domaine mécanique. Il est énoncé en résumé après le principe de la conservation de l’énergie mécanique (tandis que le théorème de l’énergie cinétique apparaît encore avant). Finalement, si nous disons qu’une telle présentation fait insérer l’Energie par l’AU dans l’AP, on a globalement de l’AP, tandis que l’AU se manifeste essentiellement grâce au découpage en rubriques, avec le titre « lois de conservation ».

III. Conclusion

Ces analyses nous ont permis d’examiner l’existence des deux approches de l’Energie dans les programmes du lycée en France et au Vietnam. Inversement l’analyse en termes d’approches permet d’avoir des caractéristiques du contenu de ces programmes et des changements relatifs à l’Energie.

En France, de 1957 à nos jours, chaque changement de programme a concerné l’enseignement de l’Energie. D’un programme à l’autre, des modifications notables se jouent autour des deux approches que nous avons définies, en particulier avec leur ordre. Le Principe de conservation à un rôle important dans la présentation de ces deux approches. Avec le programme de 1992, l’AU occupe une position remarquable.

Au Vietnam, en termes d’approches, le changement des programmes ne modifie pas le traitement de l’Energie. Elles apparaissent toutes les deux mais l’AU est toujours insérée dans l’AP et a une présence très ténue.

III.1. Réflexion à propos des réformes

Pour les changements intervenus dans la période que nous avons appelée « l’après Commission Lagarrigue », le physicien M.Hulin2 fait un constat d’échec provenant de difficultés qui existent à la fois du côté des élèves et du côté des enseignants :

« Mais, en fait, il y aura un constat d’échec. Les travaux des didactiques de la physique permettent d’en comprendre certaines raisons qui tiennent essentiellement à ce que la démarche « heurte profondément les habitudes de pensée et d’action des élèves, et que les enseignants, à tous les niveaux, sont le plus souvent impuissants à les amener sur le terrain de l’analyse scientifique des concepts, des relations, des phénomènes » [Hulin M., 1988a, p.328] » (Hulin N, 1996a, p.65).

La réflexion de chercheurs impliqués dans des projets d’enseignement rejoint le propos ci-dessus. Ainsi, dans le bilan des difficultés qu’ils ont rencontrées pour la mise à l’essai de leur projet (cf. ch.A.1), Lemeignan et Barais (1992) rappellent l’importance des difficultés que connaît globalement l’enseignement de la physique à la fin de ces années 1980. Ils indiquent que ce sont « essentiellement des problèmes de choix curriculaires en relation avec les

objectifs de formation poursuivis et des problèmes de formation des enseignants ».

Ce qui retient fortement notre attention à propos de formation des professeurs est une analyse de N.Hulin relative aux réformes et aux changements de programmes. Elle considère ces changements en termes de décalage en les décrivant sous le titre : « Décalage entre les

mesures décidées pour l’enseignement secondaire et la formation des professeurs »

« Les enseignants ne sont pas préparés à la nouvelle pédagogie prônée par la réforme Fortoul qui établit la « bifurcation des études » sous le Second Empire, et ce sera une des causes de l’échec. Les recommandations pour inclure dans l’exposé du cours un « aperçu de la marche de le science » ne sont accompagnées d’aucune mesure au niveau de la formation des enseignants, tant en 1854 qu’au début des années 1980 ». (Hulin N, 1993, p.68).

Notre projet général est d’avoir des éclairages sur les difficultés des enseignants actuels dans l’enseignement de l’Energie. Nous faisons l’hypothèse qu’en France, à l’occasion de la réforme de 1992, ces problèmes de formation des enseignants soulevés par les changements des années 1980 perdurent.

L’invitation de N.Hulin à examiner les changements sous l’angle des décalages entre les mesures décidées et la formation des enseignants nous conduit à considérer l’enseignement universitaire à la base de la formation. En particulier, nous soulignons que si l’AU est très présente au lycée avec le programme novateur de 1992, il semble que ce ne soit pas le cas à l’université. D’où un décalage possible. Dans la suite de notre travail, nous nous interrogeons sur de tels décalages entre l’enseignement secondaire et l’enseignement universitaire et leur conséquence en termes de difficultés pour les enseignants, aussi bien en France qu’au Vietnam.

III.2. Hypothèse et questions initiales

Comme à l’université, l’enseignement de la Physique est découpé en cours se rapportant à des domaines, nous supposons a priori que l’Energie y apparaît pour l’essentiel avec l’Approche Particulière. Nous faisons l’hypothèse que l’absence à l’université d’Approche Universelle, ou encore qu’un manque de synthèse dans le thème de l’Energie, constitue un élément majeur de décalage possible, entre la formation initiale des enseignants et l’organisation au lycée, à partir de 1992, des savoirs sur l’Energie.

Q1 – « deux approches » : Qu’en est-il des deux approches AU et AP dans les

enseignements dispensés à l’université et au lycée, en France et au Vietnam ? Quelles sont les caractéristiques respectives de leur forme de présence ? Quelles sont les différences entre ces formes de présence ?

Q2 – « décalage » : Les différences de traitement de l’Energie constituent-elles des décalages

entre l’organisation des savoirs présents dans la formation des enseignants et au lycée ?

Q3 – « difficulté » : De tels décalages peuvent-ils expliquer certaines difficultés d’enseignement du concept d’énergie (difficultés particulièrement visibles chez les jeunes enseignants) ?

CHAPITRE A.3

Cadre théorique

Notre sujet d’étude est l’Energie et notre questionnement concerne les difficultés des professeurs dans l’enseignement de ce thème. Dans la conclusion du chapitre précédent, nous avons avancé que dans le cas de la France, dans le contexte des changements de programme intervenus après la réforme de 1992, les difficultés des professeurs pouvaient provenir de décalages entre l’enseignement universitaire, base de la formation, et l’enseignement au lycée. Notre projet est de mettre en évidence les écarts et les cohérences entre les savoirs sur l’Energie à enseigner au lycée et les savoirs universitaires qui servent de référence aux professeurs. Pour cela nous comparerons le traitement de l’Energie dans la formation des futurs professeurs et dans l’enseignement au lycée, en France, après la réforme de 1992. Dans le cas du Vietnam, nous avons vu que l’enseignement au lycée n’avait pas connu de changement notable. Toutefois, il est intéressant, ne serait-ce que pour connaître les conditions de la formation des professeurs, d’examiner comment l’Energie est traitée dans la formation. De plus, nous avons pour hypothèse de travail que de manière générale la comparaison de deux systèmes peut faire davantage ressortir les caractéristiques de chacun d’eux. Nous étudierons le traitement de l’Energie dans la formation des futurs professeurs et dans l’enseignement au lycée, au Vietnam.

Nous mènerons donc des analyses dans deux cas, la France et le Vietnam, et deux contextes, la formation des futurs enseignants et l’enseignement de l’Energie au lycée.

Nous nous appuierons sur la Théorie Anthropologique de Chevallard (1989, 1992). Elle nous fournira des outils pour structurer notre étude, préciser notre questionnement et juger de la valeur des réponses que nous apporterons.

Dans ce bref chapitre, nous allons d’abord délimiter notre domaine d’étude afin de nous placer dans des contextes équivalents, d’un cas à l’autre, et dans des conditions qui permettent la comparaison, d’un contexte à l’autre. Puis nous présenterons les éléments de la Théorie que nous mettrons en œuvre dans la suite de notre travail.