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Chapitre 2 : Petite et grande histoire du chemin de fer de

D. Paysages

D’une longueur totale de 31 490 mètres, la boucle n’est plus circulée (ou très occasionnellement sur de courts tronçons) sur environ vingt kilomètres. 40% du linéaire est couvert, en tunnel ou sous dalle (APUR 2011b)181. La voie a la particularité de sillonner dans l’espace urbain sans aucun passage à niveau. Tantôt en tunnel, en remblai ou en déblai, elle présente une diversité de configurations, qui créent de multiples perspectives et des relations particulières avec la ville autour. Insérée dans le tissu hyperdense de la capitale et par endroits fortement végétalisée, la petite ceinture offre des paysages aussi étonnants qu’inattendus.

Architectures, configurations et relations avec la ville

Construite avant l’urbanisation des secteurs périphériques parisiens (ou au même moment à l’ouest), l‘infrastructure n’a pas eu à s’adapter à la ville, c’est la ville qui est structurée autour d’elle. Afin d’épouser la topographie, elle adopte différents profils sur de longues séquences. Parfois, elle serpente en-dessous du niveau de la ville. À l’air libre, elle est encastrée soit entre des murs de soutènement, soit entre des talus arborés. Souvent, elle se dérobe à la vue, s’engouffrant dans des tunnels ou sous des dalles. Ailleurs, elle prend de la hauteur et surplombe l’espace public, en remblai longée par des talus ou sur des ouvrages aériens comme des viaducs et des ponts. En passant d’une configuration à l’autre, la voie rejoint momentanément le niveau de l’espace public. Cette typologie ne saurait rendre compte de la diversité des tronçons, car d’autres variables multiplient ses profils, comme sa largeur, la symétrie ou non des abords, la quantité de végétation, le type de bâtiments qui la bordent...

L’urbanisation a été intense le long de la ligne endormie. Ainsi, les relations qu’entretient cet espace avec la ville sont d’une extrême diversité, de la coupure totale dans le cas des tunnels, jusqu’à la plus grande intimité lorsque l’infrastructure se dresse face aux fenêtres des riverains, dont les plantes en pots et le linge sont alors presque à portée de main des promeneurs clandestins (photo 15). Les paysages et les perspectives surprennent, tant par ce que l’APUR (2011b) qualifie d’ « effet belvédère » (ibid. : 14) sur la ville, que lorsque la voie s’enfonce dans des tranchées ultra végétalisées à l’ambiance intime, où l’urbain soudain s’efface. Avec l’espace public, la relation est souvent éphémère. La petite ceinture

181 Les données concernant la voie telle qu’elle est aujourd’hui sont principalement issues de l’ « Étude

prospective sur le devenir de la petite ceinture, phase 1 : diagnostic prospectif », publiée par l’APUR en 2011 (b).

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est secrète et fait des apparitions furtives sous des ponts, des passerelles ou sur des ponts- rails, qui ne dévoilent que les dessous de la belle endormie. Elle se révèle un peu plus lorsque la rue longe ses tranchées. Le traitement des limites entre espace ferroviaire et espace privé ou public détermine aussi la nature de leur rapport. Derrière des murs opaques, le passant doit se contenter du houppier des arbres. La panoplie des clôtures est surprenante. Elle va des grilles à barreaudage vertical du XIXe siècle, aussi élégantes que dissuasives, jusqu’aux grillages les plus austères. Lorsqu’elles ne sont pas doublées d’écrans végétaux trop épais, elles permettent aux curieux d’apercevoir l’univers caché de la voie. Les ponts- rues et les passerelles offrent le meilleur des points de vue, sur les entrailles et la colonne vertébrale du monument fossilisé (photo 16). N’oublions pas aussi les quelques dizaines de milliers de riverains dont les fenêtres donnent sur ce paysage insolite.

De par sa longue existence, la petite ceinture a traversé différentes périodes architecturales. Les matériaux et les formes de ses gares et de ses ouvrages d’art en sont les reflets. L’Atelier parisien d’urbanisme (APUR 1999) propose une typologie du bâti et du mobilier qui comprend les nombreux ponts (pont-rail lorsque la voie passe au-dessus de la rue, pont- rue lorsque qu’elle passe en-dessous), les gares, les équipements ferroviaires (signaux, rambardes…), les clôtures et garde-corps, les viaducs, les passerelles, les murs de soutènement et les têtes de tunnels. L’organisme accorde une valeur esthétique et patrimoniale différente à ces réalisations. Celles qui relèvent d’un patrimoine à valoriser datent majoritairement du XIXe siècle et témoignent parfois de techniques révolues. Les plus récentes sont souvent jugés sans caractère, issues de périodes architecturales qu’il

Photo 16 : La voie en tranchée dans le XIVe,

photographiée depuis un pont-rue. Photo personnelle, août 2014.

Photo 15 : La voie en hauteur entre les immeubles dans le XIIe. Photo

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conviendrait mieux d’oublier. La question des gares est intéressante. À l’interface entre l’espace public et la voie ferrée, elles ont souvent été squattées par des populations diverses et plusieurs font actuellement l’objet de réhabilitations182. Les arcades des viaducs ont aussi été intensément investies de manière spontanée, occupations qui ont été largement normalisées dans le cadre de conventions d’occupation. Elles abritent surtout des artistes, des associations et des entreprises. À l’instar des bâtiments, les tunnels datent de différentes époques. Certains sont faits de pierres de meulière, quand d’autres sont constitués de simples plaques de béton gris. Sur le linéaire lui-même, la voie offre par endroits des perspectives très dégagées, longues percées à travers l’urbain (photo 17). De son ancienne fonction ferroviaire, subsistent évidemment les voies, mais aussi diverses installations techniques : escaliers, portails, anciens locaux, signalisation…

Photo 17 : Un photographe prend la vue sur la ville depuis un pont de la PC. Photo personnelle, août 2014.

Les autres éléments constitutifs de son identité paysagère sont la végétation, les graffitis et les déchets. La végétation se développe elle aussi dans un certain désordre. L’importance de sa présence dépend avant tout du profil de l’infrastructure. C’est sur les voies que le milieu est maintenu le plus ouvert, car les cahiers des charges des gestionnaires exigent de les dégager régulièrement de toute végétation. Selon la date de la dernière intervention, elles peuvent être totalement dépourvues de végétation ou complètement recouvertes. Les plantes surgissent entre les pierres du ballast, sur les murs et les anciens quais… Les surlargeurs et les talus sont les surfaces les plus fortement végétalisées. La flore s’y développe par endroits avec une densité et une exubérance qui, du fond des tranchées, crée un paysage vert monumental (photo 16). En plus du débroussaillage sur les voies, d’autres éléments dans le paysage témoignent de la gestion pratiquée, comme les prairies nettes ou les petits tas de bois mis à disposition des hérissons et des insectes183.

182 Au fil des années, beaucoup ont été détruites. Seize bâtiments de gares subsistaient en 2014, dont

quatre toujours en activité sur le RER C.

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Les graffitis recouvrent la plupart des surfaces des bâtiments et le mobilier ferroviaire toujours en place. La petite ceinture offre une toile géante aux bombeurs. Du plus petit blaze rapidement gribouillé à la fresque collective de plusieurs mètres carrés, le fouillis des dessins sans cesse renouvelés apporte à certains endroits une abondance étonnante de couleurs (photo 18).

Photo 18 : Les graffitis omniprésents dans le paysage recouvrent les surfaces verticales accessibles. Ici un pont et sa porte métallique dans le XIVe. Photo personnelle, août 2014.

Les déchets sont les derniers éléments incontournables du paysage, même s’ils sont moins nombreux depuis la mise en place des chantiers d’insertion en 2006. Les objets encombrants, comme des véhicules ou des machines d’électroménager, se sont raréfiés. Les détritus sont surtout de petite taille. Ils sont présents partout, mais se concentrent à des points particuliers en fonction des occupations et de la proximité de la voie publique. La nature de ces déchets sera examinée, car une part de la vie sociale de la friche et de notre société contemporaine se lit en eux.

Les principaux aménagements : la nature à l’honneur

Les quelques aménagements réalisés sur la voie ces dernières années témoignent de la métamorphose progressive de l’infrastructure.

Plusieurs secteurs font l’objet de conventions d’occupation temporaire et sont loués à RFF par différents acteurs publics et privés. Quelques emprises adjacentes à la voie sont utilisées pour le stationnement de véhicules par des entreprises. Un important dépôt RATP, créé provisoirement pendant la reconstruction d’un centre de bus, occupe depuis 2009 de larges

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terrains à cheval sur le XIIe et le XXe arrondissement. L’installation a entraîné le bétonnage

d’importantes surfaces de prairie. D’autres terrains et surlargeurs ont été vendus et lotis184.

Accompagnant et consacrant le changement de statut de la voie, la Ville de Paris a ouvert au public plusieurs secteurs à usage d’espace vert et de jardinage associatif, dans le cadre de son accord avec RFF en vigueur depuis 2006. La carte présentée en annexe 6 date de 2015 et indique en vert (foncé et clair) les espaces de nature et les jardins partagés ouverts sur l’emprise. À cette date, les transformations en espaces verts publics avaient toutes été réalisées dans des quartiers très ou relativement favorisés (XVIIe, XVIe, XIIe et XVe) (Pinçon & Pinçon-Charlot 2008, Clerval 2010).

Dans le XVIIe arrondissement, l’ancien embranchement des ateliers Gouin, acquis par la municipalité, a été le premier site transformé en jardin public. Le jardin Paul-Didier (anciennement Colonel-Manhès) a ouvert en 2005 puis a été agrandi en 2011. Son parcours linéaire court de la rue Pouchet jusqu’au square Boulay-Level. De facture assez classique, son allée principale est longée par une végétation horticole diversifiée. Deux partis pris ont orienté les choix végétaux et paysagers : des haies persistantes, dont le dessin au sol s’appuie sur l’existant, et une grande variété de plantes (près de 70 espèces) pour offrir une large gamme de textures et de couleurs185. Certaines plantes s’imposent dans le paysage de manière étonnante, notamment des bambous hauts et denses qui encadrent certains cheminements. Différents petits espaces, comme une aire de jeux ou des espaces de repos équipés de bancs, sont délimités par des haies de troènes et de charmes. En pente douce, la promenade rejoint le niveau des rails, qu’on entrevoit derrière le grillage et la végétation plantée. Les concepteurs de la Ville ont fait un discret clin d’œil au passé du lieu en posant quelques traverses en bois dans les allées. À une extrémité du cheminement, au pied des escaliers permettant de sortir du jardin, un grillage nu offre une vue dégagée sur la voie, sa végétation spontanée et ses graffitis (photos 19). À l’été 2014, une rangée de jolis tournesols plantés lors d’une action de militants du végétal ornaient les abords opposés des rails.Le premier véritable tronçon transformé se situe dans le XVIe. Dans les années 1980,

184 L’enquête s’est évidemment focalisée sur les questions de nature. Cependant, au vu de la

documentation et de la cartographie rassemblées, des acteurs rencontrés, des diverses informations récoltées, les données sur les constructions effectuées sur la petite ceinture ne sont pas les plus visibles quand on s’intéresse à cet endroit.

185 Source : http://www.mairie17.paris.fr/mairie17/jsp/site/Portal.jsp?page_id=386, consulté le

30/06/2015.

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il était pressenti pour accueillir un parking souterrain pour des trains. Mais lorsque les rails sont déposés en 1993, des habitants du quartier (un des plus riches de Paris) contestent vivement le projet et réclament la création d’un espace de nature, ce qu’ils obtiennent. « La petite ceinture du XVIe » ouvre ses portes en 2007 et la Ville achète le terrain en 2009 pour assurer la pérennité de l’équipement (Foster 2010). La promenade est conçue sur le modèle du « sentier-nature ». Le végétal spontané est à l’honneur et un parcours constitué de plusieurs « étapes-nature » présente les différentes « stations écologiques »186 traversées :

la prairie, la lisière, la zone humide, les murs, le boisement et le talus calcaire. La rhétorique de la conservation de la biodiversité et de l’écologie scientifique domine. L’association Espaces, qui intervient depuis 1997, a conventionné avec la Ville et continue d’assurer l’entretien. Sans ses rails, l’endroit garde de son ancienne identité ferroviaire un tracé linéaire sillonnant à travers la ville, du ballast encore visible par endroits et des caractéristiques végétales particulières. L’absence de rails et de contraintes ferroviaires a conduit à une relative fermeture du milieu. Certaines séquences de la promenade se font sous de véritables « voûtes arborées »187 (photo 20).

Photo 20 : Le sentier-nature aménagé sur un ancien tronçon du XVIe. Source :

http://www.unjourdeplusaparis.com/paris-insolite/promenade-dans-les-sentiers-nature, consulté le 19/05/2016.

Dans le XIIe, l’embouchure de l’ancien embranchement reliant la ligne de ceinture à celle de Bastille-Vincennes est aménagée par les paysagistes des services municipaux en 2008, dans le prolongement du square Charles Péguy. Toujours dans l’idée de la promenade et du sentier-nature, l’espace de 200 mètres de long est structuré autour d’un unique cheminement sur lequel le visiteur peut observer la végétation et lire les panneaux l’informant sur les différentes strates végétales. Contrairement au XVIe, la transformation

186 Terminologie utilisée dans le document de la Mairie de Paris intitulé « La petite ceinture du 16e arr., de

la friche ferroviaire au sentier nature », qui présente la promenade et sa signalétique. Disponible en ligne : http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=5&ved=0CC4QFjAE&url=http%3A%2F %2Fwww.paris.fr%2Fviewmultimediadocument%3Fmultimediadocument-

id%3D53557&ei=mWGSVf_HFO2R7AaxxYrwDw&usg=AFQjCNHksG_I95rWqyufyJkjIujC3C_WRQ&bvm=bv. 96783405,d.ZGU, consulté le 30/06/2015.

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opérée est importante, mais la démarche est aussi celle de la biodiversité : les espèces plantées sont indigènes, la réinstallation de plantes pionnières et sauvages favorisée par une gestion adaptée. L’extension accueille aussi un jardin pédagogique cultivé par des écoles du quartier et un jardin partagé d’habitants.

Le dernier espace vert public a été réalisé en 2013 entre la rue Olivier de Serres et la place Balard (XVe). « La petite ceinture du XVe » a été pensée à la fois dans une perspective

écologique et patrimoniale, avec une volonté de valoriser la nature présente autant que l’identité ferroviaire. Une allée a été créée en lieu et place d’une des voies, l’autre a été préservée. Cela répondait à une exigence de RFF pour pouvoir desservir une station électrique au niveau de Vaugirard, mais la voie a été pleinement intégrée à l’aménagement et au dessin général de la promenade. L’aménagement imaginé par un paysagiste de la Ville repose sur l’esthétique de la friche industrielle et sur un cheminement se déroulant comme un fil d’Ariane continu à travers le paysage. Le mobilier se résume à des grillages et des garde-corps métalliques gris clairs, quelques bancs au design moderne, composés de poutres cubiques en bois. Quant au végétal, il a été soigneusement jardiné par petites touches. Ici encore, l’association Espaces a poursuivi sa mission après l’ouverture au public. La conception et les pratiques habitantes sur cette promenade feront l’objet d’un chapitre.

Trois jardins partagés ont aussi été créés sur le linéaire. Les Jardins du Ruisseau, sur les quais d’une ancienne gare du XVIIIe, ont été inaugurés en 2004, après des années de mobilisation et quelques interventions « sauvages » de l’association de quartier l’Écuyer à la tulipe. Le tronçon est ici en tranchée et on accède aux quais jardinés par un escalier installé par la municipalité depuis le pont de la rue du Ruisseau. Des bacs en bois permettent de jardiner hors-sol et un haut grillage vert, modèle standard des jardins partagés parisiens, marque la frontière entre espace du jardin et espace ferroviaire. Dans le XIVe, le jardin de la rue de Coulmiers est géré par l’association Vert-tige, créée en 2007 « suite à la destruction de la végétation présente depuis de nombreuses années sur la parcelle située dans la rue de Coulmiers »188. Elle était notamment composée de fruitiers et de roses, vestiges d’anciens jardins ouvriers. Le jardin collectif forme une longue bande entre le trottoir et le haut mur de soutènement, qui offre une vue plongeante sur les rails. Un grillage vert délimite l’espace, où on cultive dans des bacs hors-sol. Le dernier né, baptisé le Jardin des deux lauriers, a ouvert en 2012 sur le terrain de l’ancienne gare de la rue Claude Decaen dans le XIIe, jardiné pendant de longues années par l’Homme des bois. Suite aux déboires

juridiques du jardinier, la mairie locale décide de créer un jardin collectif sur le terrain, aujourd’hui géré par l’association Graines de partage. Situé en contrebas de la voie, le jardin est longé par la rue, mais derrière un mur opaque. Seul le portail offre une vue sur l’intérieur, un terrain carré traversé de part en part par une allée centrale asphaltée, au bout

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de laquelle un vieil escalier mène à la voie. L’ouverture au public du terrain a entraîné la fermeture de cet accès.

Depuis peu, certaines gares sont réhabilitées et connaissent une « deuxième vie branchée »189. A la fin de l’année 2014, la presse commente l’ouverture de la Recyclerie dans l’ancienne gare d’Ornano et le projet du Hasard ludique gare de Saint-Ouen. La Recyclerie est un bar-restaurant et un lieu d’activités commerciales et culturelles basés sur les valeurs du recyclage et du « faire soi-même ». En plus de pouvoir manger et boire, un atelier de bricolage est mis à disposition des clients, des animations sont organisées pour apprendre à faire des semis, à gérer son stress ou encore à customiser de vieux habits. Le lieu accueille une « ferme urbaine » composée d’une « basse-cour de 19 poules, un jardin d’aromates et d’arbres fruitiers, des constructions en bois locaux d’Île-de-France, deux systèmes de compostage, une prairie mellifère […], une jungle végétale intérieure, un système d’aquaponie, et surtout un potager collectif »190. Le Hasard ludique n’a pas encore ouvert ses portes. Le projet est celui d’un lieu culturel, qui combinera salle de spectacles, atelier de pratique artistique et restaurant191.

Conclusion du chapitre 2

L’histoire du chemin de fer de ceinture est liée à celle des limites de la capitale, qui incluent et excluent, qui marquent le passage entre l’intérieur, lieu du pouvoir (Pinçon & Pinçon- Charlot 2008), et l’extérieur, la banlieue. Les anciens terrains et servitudes militaires, liés notamment aux enceintes, ont représenté des opportunités foncières et des espaces d’expérimentation urbanistique dans plusieurs villes françaises (Grandvoinnet 2011, Meillerand 2011, Mathis & Mathis 2015). À Paris, leur aménagement au XXe siècle a reconstitué une nouvelle enceinte, composée d’une frontière quasi infranchissable et symbole du règne de l’automobile, le périphérique, épaissi par une bordure dont l’architecture ne ressemble ni à l’intérieur ni à l’extérieur et qui renforce ainsi la coupure (Fernandez 1983). La ville s’est développée à partir d’un noyau central, qui a grossi au fil des siècles (Pinçon & Pinçon-Charlot 2008), en repoussant les indésirables vers la périphérie, tout au long du XIXe siècle et jusqu’à aujourd’hui. La ceinture parisienne, à part dans l’ouest parisien, est un lieu de relégation. À travers son habitat à l’aspect distinct et sa situation périphérique, elle matérialise une exclusion qui s’étend à ceux qui y vivent. Plusieurs auteurs ont fait la lumière sur ce prolongement entre habitat et habitant. « La Cité n’est pas tant le lieu où ILS sont que celui où ILS sont désignés », écrit Colette Pétonnet (2012b : 385). Lieu de liberté échappant en partie à la norme et au contrôle, elle a ensuite