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Ma méthodologie devait répondre à plusieurs grands objectifs. Mon étude devait intégrer les attentes des partenaires de la thèse CIFRE16, au sein de l’Agence d’écologie urbaine de la Mairie de Paris. Le statut de doctorante salariée posait évidemment des questions de posture. Les multiples terrains à mener et les échelles à considérer, pour une thèse à produire en trois ans, ont aussi requis des stratégies adaptées. Je poserai ici les jalons méthodologiques de mon approche. Des développements et des précisions seront ensuite apportés tout au long du texte.

Les conditions de la CIFRE

Un contrat CIFRE permet à toute entreprise de droit public d’embaucher un doctorant dans le cadre d’une collaboration avec un laboratoire public. Le dispositif est soutenu par une subvention du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Avant mon intégration au projet, ma directrice de thèse avait rencontré les partenaires potentiels au sein de la Direction des espaces verts et de l’environnement17 (DEVE) de la Mairie de Paris, pour leur proposer une thèse en anthropologie autour du Plan biodiversité (Mairie de Paris 2011). Au sein de la DEVE, qui regroupait 3750 agents en 2014 (Mairie de Paris 2014), l’Agence d’écologie urbaine (AEU)18 (environ une centaine d’agents) est en charge

des questions environnementales et de la stratégie de développement durable de la Ville. Elle est constituée de différentes entités dont l’Observatoire parisien de la biodiversité ; son responsable est aussi le pilote du Plan biodiversité et le référent scientifique de cette thèse19. La directrice de la DEVE, le directeur de l’AEU et le responsable du Plan

16 Convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE).

17 Pour l’organigramme des services administratifs de la Ville et de la DEVE, voir annexe 1. 18 Idem.

19 Biologiste et éthologue de formation, spécialiste des milieux aquatiques, Philippe Jacob est entré à la Ville

en tant qu’éco-éducateur en 1989. En 1992, il devient responsable de l’animation au service Paris-Nature, à la tête d’une équipe de 90 éco-éducateurs. Il est ensuite chef du Pôle biodiversité à partir de 2005, au sein

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biodiversité se montrèrent intéressés par le projet et exprimèrent leurs attentes. Le doctorant devrait surtout veiller à enquêter auprès d’une diversité d’acteurs sociaux, notamment en interne à la Ville et à la DEVE. L’étude allait aussi contribuer à la réflexion de la municipalité sur l’avenir du délaissé ferroviaire et sur les « leviers » efficaces pour sensibiliser les « acteurs » aux questions de biodiversité urbaine. Dans le langage interne à l’AEU, le terme d’acteurs désignait avant tout des individuels et des collectifs du monde professionnel et urbain (bailleurs sociaux, gestionnaires d’espaces verts non municipaux, associations, architectes et urbanistes…), différenciés du grand public. Les réflexions du service portaient sur les stratégies à mener pour les associer et les faire activement participer au projet d’une ville plus écologique. Après l’acceptation de la thèse par la Direction en charge des CIFRE, j’intégrai pour trois ans l’équipe de l’Observatoire parisien de la biodiversité. Elle se compose d’un chef, de trois agents permanents et accueille chaque année des stagiaires, des apprentis et pour la deuxième fois une doctorante en CIFRE20. En étroite collaboration avec les autres services de l’Agence d’écologie urbaine, l’équipe met en œuvre le Plan biodiversité (Mairie de Paris 2011).

L’ethnologie (ou l’anthropologie sociale) se propose de comprendre les groupes sociaux en menant des enquêtes de terrain en immersion et en ayant notamment recours à l’observation participante (Copans 2008). Pratiquée initialement dans des sociétés lointaines et « exotiques », elle s’est progressivement intéressée à nos propres sociétés. Les questions du dedans et du dehors, du proche et du lointain, sont donc inhérentes à la discipline et plus encore lorsqu’elle s’exerce « chez soi ». Elles se posent évidemment en des termes particuliers dans le cas d’une thèse CIFRE, ou plus généralement de la recherche salariée, qui place le chercheur dans des rapports de subordination au sein d’organisations qui ont des intérêts directs dans les connaissances produites et sont parfois, comme dans mon cas, l’objet de l’étude21. Le chercheur peut être pris dans des injonctions contradictoires, entre des mondes régis par des règles différentes, et être tenté de favoriser son intérêt de salarié à court terme (Perrin-Joly 2010). Ces difficultés se posent surtout pour les doctorants CIFRE en charge de tâches opérationnelles ou impliqués dans des démarches de recherche-action (Foli & Dulaurans 2013, Hellec 2014). En ce qui me concerne, l’intégralité de mon temps de travail était consacrée à ma thèse. Pour autant, au sein de l’institution qui m’employait, j’étais à la fois observatrice et pleinement actrice.

Expliciter la place que j’occupais dans ce système est une étape nécessaire. Selon l’anthropologue Gérard Althabe (1990), dans toute enquête ethnologique de terrain, le

du nouveau Service de l’écologie urbaine. Dès 2008, il participe à la construction du Plan biodiversité. Il est aujourd’hui pilote de ce plan et responsable de l’Observatoire parisien de la biodiversité.

20 La première effectuait une thèse en géographie sur la contribution des jardins non municipaux à la trame

verte parisienne.

21 J’ai présenté mes réflexions sur ces questions lors du colloque « La recherche en funambule : établir une

approche critique tout en étant engagé par et dans son terrain. Le cas des thèses CIFRE en sciences humaines et sociales », à l’Université Rennes 2 les 3 et 4 septembre 2015. Ma présentation était intitulée « L’ethnologue au service du pouvoir : quelle posture face à l’antinomie ? ».

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chercheur est « produit » en « acteur du jeu social indigène », placé dès son arrivée « dans un réseau d’alliances et d’oppositions» (ibid. : 128). Comprendre les processus à l’œuvre révèle la manière dont le groupe s’articule avec l’extérieur, promeut un « autre » en acteur et l’utilise dans des jeux sociaux. Ma propre position d’actrice était à la fois liée à mon statut contractuel, et construit par les personnes aux côtés desquelles je travaillais. Mon statut de salariée, intégrée au sein d’une hiérarchie, impliquait certaines obligations : présence deux jours par semaine dans les bureaux de l’équipe, participation à certaines réunions et aux évènements organisés par la structure, présentations régulières, en interne, des résultats en cours. J’étais également actrice à travers mon étude elle-même, qui répondait à des intérêts stratégiques de la municipalité et des services en charge des questions de nature. L’enquête menée dans ces services s’apparente peut-être aussi à ce que Pascal Dibie (2008) décrit comme une « ethnologie d’intervention », qui vise à « provoquer la discussion », à forcer les personnes « à revisiter activement leur monde » et « à réinsuffler de l’imaginaire » (ibid. : 250-251) dans la machine institutionnelle. Mon statut était aussi produit par mes « collègues », les agents que je côtoyais chaque semaine, qui m’ont octroyé une place à part liée à mon activité de recherche. Au sein de l’équipe, elle me distinguait des autres. J’étais la seule à la pratiquer et elle me positionnait explicitement en observatrice. Si le groupe m’a assigné cette place, c’est notamment parce que ces personnes sont familières du monde et de l’exercice de la recherche. De formation universitaire pour certains, ils participent d’une organisation, l’Agence d’écologie urbaine, dont le rôle prospectif les amène à travailler en étroite relation avec des chercheurs. Dans le contexte de crise environnementale, cette collaboration reflète les rapports renouvelés entre sciences et société, entre sciences et pouvoir (Callon et al. 2001).

Mes supérieurs hiérarchiques, quant à eux, utilisaient la recherche en train de se faire. À leur demande, j’écrivais quelques lignes dans des documents internes ou présentais mes résultats oralement22. Ainsi, ils valorisaient en interne une approche anthropologique assez inédite dans ces services, dans lesquels les études relèvent généralement des sciences naturelles, de l’ingénieur ou encore des sciences politiques et de la géographie. À l’inverse, mes supérieurs s’opposèrent une fois à une communication proposée de ma propre initiative. En 2014, peu après le début de la nouvelle mandature municipale, des décisions politiques sur le devenir de la petite ceinture étaient imminentes. Après plus d’un an et demi de contrat, je disposais d’une matière ethnographique conséquente et de premières analyses. Motivée par le souci que soit prise en compte la vie sociale existante dans cet espace, je proposai à mes supérieurs de communiquer auprès des décideurs (le haut de la hiérarchie des services techniques et les élus). Ils refusèrent sur l’argument que mon étude n’était certainement pas assez aboutie. Un responsable m’expliqua plus tard, à demi-mots,

22 En trois ans, j’ai réalisé six exposés de durées variables. Le public se composait d’agents de l’Agence

d’écologie urbaine ou plus largement de la Direction des espaces verts et de l’environnement. Il me fut aussi demandé une présentation de quelques minutes pour un comité de pilotage d’une étude sur les services écologiques de la petite ceinture (2014-2015). Différents représentants de la Mairie de Paris et de Réseau ferré de France y étaient présents.

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qu’ils craignaient que d’autres « récupèrent » mon travail. Cet évènement fut révélateur des jeux de pouvoir entre l’administration, les élus et cet organisme hybride qu’est l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR)23, dont la proximité avec le politique est vécue comme une concurrence dans certains services municipaux.

Le manque de recul menace tout enquêteur qui passe un long moment sur le même terrain. Dans le cadre d’une « ethnologie du contemporain », plus que de distance, Yves Delaporte (1987) parle de distanciation, entendue comme une attitude intellectuelle. Mais comment la mettre en œuvre en étant engagée de cette manière dans mon terrain ? À un moment donné, l’ethnologue s’extrait complètement du milieu qu’il étudie (même s’il est proche géographiquement). Or, chaque étape de la recherche fut vécue dans la proximité avec les agents de l’Observatoire parisien de la biodiversité et une partie de ceux de l’Agence d’écologie urbaine24. Le processus de distanciation a reposé sur la construction d’un

« dehors » conscientisé et délimité. La distanciation devenait effective grâce à des allers et retours constants entre le dedans et le dehors. De quoi fut constitué ce dehors ? Au sein même de l’Observatoire et en dehors de tout moment de réunion ou d’échanges avec mes collègues, mon bureau pouvait devenir un espace du dehors. Dans cet espace de travail qui m’était réservé, je pouvais aménager le temps de la réflexivité. Par un retour à l’écrit sur mon carnet de terrain et la description ethnographique de situations vécues à l’intérieur, je me plaçais un moment en dehors. Ce dehors se constituait aussi d’une autre sphère, où j’avais la chance de pouvoir m’immerger de manière régulière. Chaque semaine, je passai plusieurs jours à mon laboratoire de recherche, au Jardin des plantes d’abord, puis au Musée de l’Homme après sa réouverture, où chaque doctorant dispose d’un espace de travail personnel. Ces moments étaient précieux pour prendre du recul (Perrin-Joly 2010), mais aussi pour relâcher, sortir de l’auto-surveillance et de l’attention constante sur ce qui m’entourait. Un dernier facteur, propre à ma recherche, favorisait la mise à distance de mon institution d’appartenance : mon enquête sur la petite ceinture. Menés en parallèle, la distance entre ces deux terrains d’enquête était considérable. D’un côté, la puissante machine institutionnelle se caractérisait par des discours et des relations sociales extrêmement normés, formels et hiérarchisés. De l’autre, la friche était un univers de la marge, où régnaient l’informel, le spontané et la transgression. La distance entre ces mondes sociaux permettait, en dépit de leur proximité géographique, d’opérer un détour ethnographique et ainsi d’avoir un « regard éloigné » (Lévi-Strauss 1983) sur ce qui était le plus proche de moi, le lointain éclairant le proche et vice versa. Rappelons enfin que le

23 L’APUR est une association à but non lucratif qui regroupe la Ville et le Département de Paris, ainsi que

plusieurs grands acteurs du territoire francilien (la Région Île-de-France, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, la Ratp, la Caisse d’allocations familiales de Paris, Paris métropole et l’établissement public d’aménagement Orly-Rungis-Seine-Amont). Créé en 1967 par le Conseil de Paris, elle a pour missions d’analyser les évolutions urbaines et sociétales à travers des études et des réflexions prospectives pour contribuer à la définition des politiques publiques d’aménagement et de développement, et plus largement aux orientations de la politique parisienne. L’influence de cet organisme sur l’orientation de la politique urbaine est apparue comme importante lors de l’enquête.

24 Seuls les derniers mois de rédaction, en dehors du temps de contrat de la CIFRE, ont été vécus en dehors

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recours à l’ethnographie est des plus utiles. La description systématique et méthodique des situations sociales rend possible une déconstruction du réel par l’objectivation, et donc une mise en perspective.

Une dernière question se pose quant à la possibilité de produire des savoirs critiques alors que le doctorant est engagé d’une manière contractuelle et hiérarchique dans son terrain. Et ce d’autant plus, comme l’affirme Jean-François Gossiaux (1992), que l’ethnologie est nécessairement subversive, parce qu’elle remet en cause l’ordre établi et ses principes. La recherche salariée doit permettre l’élaboration d’une pensée critique, ce qui fut le cas pour cette thèse. Le rôle « tampon » joué par mon supérieur (également responsable scientifique de la CIFRE) entre la recherche en cours et l’environnement institutionnel, rythmé par des temps différents de ceux de la recherche (Perrin-Joly 2010), a certainement favorisé mon autonomie. De plus, j’ignore si des craintes existaient sur l’issue de ma recherche, mais je n’en ai perçues aucune.

Les terrains

Comme pour tout terrain ethnologique, l’enquête a nécessité un bricolage méthodologique (De Sardan 1995). L’exercice est en effet un perpétuel recommencement, car pour être correctement mené il doit être adapté aux particularités de chaque terrain (Terrolle 2012). Pour sa partie institutionnelle, l’enquête portait sur la culture de la biodiversité que la Ville de Paris élabore, avec l’Observatoire parisien de la biodiversité au centre du processus. J’enquêtais aussi en interne sur la petite ceinture, sur laquelle différents services municipaux sont engagés au titre des aménagements réalisés, ou futurs. Ainsi, mes supérieurs et mes collègues étaient aussi des acteurs de mon terrain d’étude. De plus, l’institution possède des mécanismes internes de contrôle et elle est traversée, comme l’entreprise, par des jeux de pouvoir auquel le chercheur n’échappe pas (Flamant 2005). Enquêter a donc nécessité une explicitation et un jeu sur ma posture, d’une situation à l’autre, d’un interlocuteur à l’autre.

La plupart des conditions de l’observation participante, qui consiste en un séjour long dans le milieu étudié, au plus près des personnes et en interaction permanente avec elles (De Sardan 1995), étaient réunies. L’administration municipale est une entité vaste et se compose d’une multitude de sous-unités, des intérieurs à l’intérieur, entre lesquelles se nouent des alliances et des rivalités, auxquelles j’ai dû m’adapter. Les situations observées étaient surtout des réunions. En fonction de leur objet, mon implication variait de la pure observation à la participation la plus directe, en passant par des comportements intermédiaires, ou en alternant au cours d’une même réunion. Les moments de restitutions étaient intéressants pour comprendre les enjeux de la recherche du point de vue des agents municipaux concernés et analyser mes propres stratégies face aux attentes institutionnelles. Ma position instituée de chercheuse « à l’intérieur » légitimait un accès à des réunions

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portant sur la petite ceinture, dans lesquelles j’étais conviée au titre d’observatrice. Ainsi, je profitais du fait qu’une présence silencieuse et une prise de notes frénétique ne dénotaient pas avec l’attitude qu’on attendait de moi. Mais cet accès avait ses limites et les comprendre fut instructif quant au fonctionnement de l’organisation et au poids politique des différents enjeux. J’ai par exemple été associée au processus de pilotage d’une étude sur les services écologiques de la PC, cofinancée par la Ville de Paris et Réseau ferré de France. Je figurais dans la mailing list du comité, j’étais invitée aux réunions et recevais les écrits au fur et à mesure de la progression de l’étude. Par ailleurs, un processus de discussions et de négociations autour de l’avenir de la friche était en cours, impliquant les strates hiérarchiques les plus hautes de la Ville et de RFF. En dépit de l’intérêt qu’aurait eu son suivi pour mon étude, qui rappelons-le est en partie financée par la municipalité elle-même, je n’ai pas été sollicitée pour y participer et n’aurais même pas été en mesure de demander à l’être, car je prenais connaissance des évènements et des décisions après coup et de manière floue. En fonction de la sensibilité politique des enjeux, j’étais soit associée, soit ignorée par le système (ce qui me permettait de prendre la mesure de l’enjeu). Plus généralement, malgré l’accès privilégié aux situations et à l’information qu’offrait ma position interne, elles venaient rarement à moi de manière automatique. Le fait d’être placée à un niveau hiérarchique relativement bas et de n’être en charge d’aucune tâche opérationnelle était, de ce point de vue, parfois défavorable. Cela dit, les mécanismes à l’œuvre ont révélé l’efficacité de l’institution municipale en termes de contrôle de l’information et de centralisation du pouvoir décisionnel. Mon enquête de terrain fut l’occasion de les expérimenter.

Le second type de situations d’enquête au sein de l’administration était les interactions, des entretiens jusqu’aux échanges les plus informels. J’adaptai ma posture en fonction de la position de l’interlocuteur au sein de l’organisation municipale. Elle regroupe un tel nombre d’agents, d’entités et de strates hiérarchiques que je me suis trouvée face à des agents si éloignés que nous aurions pu appartenir à deux organisations différentes. L’appartenance contractuelle à l’administration offre, de manière incontestable, un accès à des personnes et des informations qu’il aurait été impossible d’obtenir autrement. Mais dans un univers où l’identité se décline à la fois par le nom et le service, le rattachement à l’Observatoire parisien de la biodiversité allait de pair avec une étiquette naturaliste et m’inscrivait d’emblée dans des jeux internes qu’il m’a fallu décrypter. Vis-à-vis des autres services administratifs, l’Agence d’écologie urbaine a un rôle d’expertise et de prescription. Lorsque mes interlocuteurs occupaient une position éloignée dans le système, et alors que je venais précisément discuter avec eux d’écologie, tous ou presque se sentaient obligés de prévenir tout faux pas en avouant leur ignorance dans le domaine. Afin de rééquilibrer les échanges, j’insistais sur la nature de mes recherches et mon manque total de compétence naturaliste. À l’inverse, les liens professionnels au sein de l’Agence sont tissés par un ensemble de valeurs et de convictions partagées autour des questions environnementales. Les sujets sont techniques et administratifs, mais revêtent également une dimension un peu militante, et les agents sont liés par le sentiment de mener un combat

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commun. Avec ces personnes, l’appartenance mutuelle à ce service favorisait l’établissement d’une confiance entre l’enquêteur et ses informateurs.

Avec mes collègues les plus proches, au sein de l’Observatoire, ma position était plus complexe. Ils étaient tout à la fois des personnes auprès desquelles j’enquêtais, avec lesquels je discutais de mon sujet et à qui je soumettais des interprétations, et avec lesquels je partageais un quotidien professionnel, ce qui induit la construction de liens. Cette intrication entre professionnel et personnel dans la relation aux enquêtés est somme toute courante sur le terrain, c’est même ce qui fait son « inconfort » (De la Soudière 1988). Pour le gérer, le maintien d’une ambiguïté dans la relation est souvent nécessaire (Cefaï & Amiraux 2002), mais impossible à tenir dans mon cas. Maintenir un flou sur mes