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spatiales d’une « archéogéographie des élites »

I- 1.2.a : Facteurs d’implantation, facteurs d’analyse spatiale

2) Le paysage, lieu des insertions et des résiliences : des critères planimétriques

Si le milieu est un critère d’analyse courant pour expliquer le choix des sites, quels que soient la période et le niveau social, le paysage – au sens où on l’entend ici, c'est-à-dire comme l’entendent les archéogéographes (Robert 2011) – est relativement peu sollicité en tant que facteur d’implantation ou indicateur social pour qualifier un ou une sérié d’établissements. Souvent synonyme de « milieu », le paysage est un objet complexe à appréhender par les seules méthodes de l’archéologie spatiale qui s’intéresse avant tout aux interactions spatiales entre les lieux (questions sur la localisation ; la nature, la fonction et le statut des flux) selon la définition géographique du « réseau ». L’approche archéologique dérivée de l’analyse spatiale entraine une déconnexion des objets entre eux selon leur nature et fonction (parcellaire / réseau viaire / habitat) et un découpage du temps en périodes qui répond à des problématique axées principalement sur les dynamiques du peuplement.

L’archéogéographe s’intéresse aussi au paysage en tant que réseau, mais en le considérant comme le résultat de l’interaction entre les flux (circulation), les formes en plan (traces des flux dans le sol) et les modelés (matérialité en trois dimensions des formes) – d’origine naturelle et anthropique, sur le temps long. Voies, parcellaires et habitats constituent les éléments d’une trame résultant de l’interaction permanente entre les sociétés et leurs

milieux, dont la transformation et la transmission sont dynamiques dans le temps et les formes. L’analyse du paysage porte spécifiquement sur l’ensemble des formes et des modelés renseignées ponctuellement par les données archéologiques, transcrites par les relevés de terrain ou révélées par prospections (pédestres, aériennes), mais aussi enregistrés en planimétrie, sur des documents anciens d’échelles diverses (cadastre napoléonien, cartes et plans des XVIIIe-XIXe siècles) et récents (photographies aériennes, cartes topographiques) compilés et traités dans un SIG (ibid. ;Costa & Robert 2009). Il reste que le but d’une analyse archéogéographique est la compréhension des processus d’organisation et de transmission du paysage d’une fenêtre donnée – et non pas la reconstitution d’une succession d’états datés, ni d’ailleurs celle du paysage d’un site à un temps T, ou plus généralement d’une certaine catégorie sociale sur une période chronologique. En suivant le raisonnement et les étapes d’analyse des formes du paysage, il est néanmoins envisageable d’orienter les interprétations selon nos axes de recherche – c’est du moins ce qu’il sera expérimenter dans les études de cas.

Critères

Dans un premier temps, l’analyse consistera, de manière classique, à rechercher et mettre en évidence les types d’organisation (trames paysagères structurant la zone d’étude), les discontinuités (anomalies liées au peuplement), mais aussi l’articulation et la hiérarchisation des différents réseaux (viaire notamment, local et supra-local). Il s’agit ensuite d’étudier comment les habitats d’élite viennent s’insérer et se connecter dans le paysage – héritage à la fois de logiques géographiques et sociales anciennes, mais aussi lieu de nouveaux ancrages et projections qui sont du ressort des pratiques sociales. Ces mêmes sites peuvent théoriquement être des éléments attracteurs, soit « en permettant une mise en connexion dans le temps », et/ou morphogénétiques, c'est-à-dire « en exerçant une influence persistante sur les formes, au-delà de leur époque de création et de fonctionnement » (Robert 2011 : 135).

L’approche développée en archéogéographie à partir de la planimétrie permet ainsi d’expérimenter des facteurs d’analyse portant sur les formes et les flux, en interrogeant toujours la problématique centrée sur les estimateurs de distinction sociale. On pense ainsi tout particulièrement à deux éléments du paysage, déjà présents dans l’historiographie des élites, sollicités pour illustrer les manifestations du pouvoir, à savoir la capacité des habitats d’élite à créer des formes caractéristiques dans le paysage, à l’image des parcellaires radio-concentriques générés par les « châteaux » (Querrien 1994 ; Watteaux 2004b) et les relations étroites de ces mêmes « châteaux » ou « bourgs castraux » avec le réseau viaire (Laffont 2008 ; Bruand 2012) pour des raisons stratégiques, entendues militaires et économiques. Ce sont ces mêmes paramètres que l’on souhaite tester, en prenant néanmoins en considération toutes les logiques

régissant la formation des paysages, en s’interrogeant spécifiquement sur l’impact de l’insertion des élites dans les trames enregistrées dans les planimétries des XVIIIe-XIXe siècles. Parce que l’étude de la relation entre le pouvoir et l’aménagement du paysage nécessite aujourd’hui de ne plus « illustrer la description des pouvoirs par une surinterprétation des formes mais [d’]apprécier en quoi ces pouvoirs, à différentes échelles, contribuent à donner forme à l’espace […] et comment ces formes « projetées » composent avec des matérialités déjà en place et profondément hybridées » (Watteaux 2008 : 275). Ce qui amène à poser les questions suivantes : comment les sites se glissent-ils dans les logiques spatiales antérieures ? A l’inverse ou de manière différentielle, sont-ils à l’origine de transformations, de créations de nouvelles trames ? Produisent-ils des formes spécifiques, des anomalies, des discontinuités parcellaires ? La création d’un critère pour traiter ces questions revient donc à poser une hypothèse sur :

- la relation entre les sites et la trame parcellaire, soit évaluer le rôle morphogénétique de chaque habitat d’élites (enregistré dans le paysage du XIXe siècle), à l’échelle de la fenêtre d’étude.

Au-delà de la morphologie, mais dans la même perspective, il faudra aussi s’interroger sur le « poids » des sites dans la matérialité des flux, en termes de tracés mais aussi d’itinéraires. Les habitats d’élite influent-ils sur le réseau viaire déjà existant, de quelles manières ? Comment s’insèrent-ils dans la hiérarchisation et le système des routes et chemins antérieurs à leur installation ? Sont-ils à l’origine de nouveaux éléments du réseau, de quels niveaux ? Leurs positions témoignent-elles de prédilection particulière, avec le réseau local, supra-local, régional voire plus ? Ici, on aura recours à un critère déjà formulé par l’équipe d’Archaeomedes (1998), mais enrichi par l’apport de connaissances issues de l’analyse préalable du réseau viaire, notamment sur le statut hiérarchique des différents tronçons ; il s’agit de :

- la relation entre les sites et le réseau viaire, par l’intermédiaire de différentes mesures telles que le nombre de voies présentes à moins de 100 m et de 500 m, mais aussi surtout le nombre de voies de statut local, micro-régional et régional (et plus) dans un rayon de 500 m de distance de chaque site.

On souhaite donc tester le rôle des élites médiévales et modernes dans la construction du paysage, mais aussi la capacité de résilience de leur implantation sur le temps long. Cela revient à s’interroger également sur la manière dont les planimétries des XVIIIe-XIXe siècles ont enregistré et transmis leur rôle d’attracteur et/ou de morphogène dans le paysage. Les critères

planimétriques vont ainsi permettre de tester l’hypothèse de l’impact matériel des élites, leur capacité de marquer durablement le paysage.

Modalités

A ces critères d’analyse complexes, dont les variables devront s’adapter aux spécificités des études de cas, répondent des modalités d’analyse simples et transposables quelles que soient les échelles de temps et d’espace, à savoir des qualités intrinsèques tels que présence / absence, procédés, intensité pour la relation entre les sites et la trame parcellaire ; mais aussi des valeurs pour caractériser la relation au réseau viaire afin de déterminer s’il s’agit de critères valides pour la détermination sociale.

3) Le territoire, surface des relations sociales à agencer : des critères

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