• Aucun résultat trouvé

Du local au micro-régional : les logiques spatiales et la structuration du paysage dans la vallée de la Touques

vallée de la Touques

II- 1.2.b : Des implantations dans un paysage anciennement aménagé Le paysage est une réalité planimétrique héritée, transmise et transformée par les

1) Du local au micro-régional : les logiques spatiales et la structuration du paysage dans la vallée de la Touques

Après avoir dressé un tableau de la mise en valeur agricole des terres présentes dans la fenêtre d’étude, ce sont les formes du paysage qui sont étudiées à partir de l’état hérité consigné dans les planimétries des XVIIIe et XIXe siècles. L’image de l’agencement du paysage transmis au XVIIIe-XIXe siècles est le résultat de la combinaison de plusieurs logiques spatiales enregistrées par des éléments concrets du paysage, d’origine topographique et anthropique (cours d’eau, paléochenaux, fossés, limites parcellaires, routes et chemins, etc.) à diverses échelles. Ces logiques prennent la forme de réseaux distincts qui cohabitent, se superposent ou s’oblitèrent ; elles témoignent d’une construction du paysage sur le temps long, à force d’héritages et de transformations. A l’échelle locale, l’organisation de la trame parcellaire est parfaitement lisible. Le réseau viaire nécessite lui de dépasser la fenêtre d’observation, de réduire la focale pour apprécier son fonctionnement à l’échelle micro-régionale, en terme de tracés mais aussi d’itinéraires.

Les trames et anomalies parcellaires

On l’a vu en abordant le milieu : sous-sol, topographie, hydrographie et mise en valeur du terroir se répondent. Assez naturellement, les planimétries rendent compte d’une logique géographique assez prégnante, par l’intermédiaire de trois trames dominantes s’imbriquant relativement bien entre elles et tapissant la vallée de la Touques (Fig. II-41). On peut ici parler d’un « réseau de formation » (Chouquer 2000 ; Robert 2004 ; Pinoteau 2004 ; Pinoteau & Di Pietro 2004 ; Foucault 2004 ; Noizet 2005 ; Watteaux 2009) puisqu’il s’agit d’une structuration souple (c’est-à-dire pas systématiquement régulière), construite sur le temps long et qui ne se rapporte pas à une période particulière. Il témoigne de l’adaptation aux contraintes du milieu pour l’exploitation agricole. C’est pourquoi les parcelles sont de forme relativement irrégulière, allongée ou trapue selon les endroits et la logique du lieue.

 Trame « fluvio-parcellaire »

La première trame, la plus évidente à l’œil est de type « fluvio-parcellaire54 » (en bleu)

puisqu’il s’agit d’orientations (plus ou moins nord-sud) et d’alignements qui épousent le cours

54 Définition proposée par G. Chouquer : « Représentation spatiale de l’organisation d’une partie ou de l’ensemble d’un bassin versant dans une zone agraire. Ce réseau est constitue d’éléments concrets du paysage, soit hydrographiques (cours d’eau actifs, pérennes ou temporaires, paléochenaux), soit anthropiques (limites parcellaires, routes, fosses en eau). Ces éléments sont géométriquement lies entre eux par le processus morphologique de l’isoclinie. Ils forment un réseau plus ou moins continu de corridors. Ce réseau est structure en niveaux : un niveau supérieur (niveau des axes de référence) avec les cours d’eau actifs, pérennes ou temporaires, les paleochenaux ; un niveau intermédiaire comprenant les routes et longues successions de limites parcellaires ou de fosses en eau ; le niveau de détail (dit de

ondulant de la Touques55 sur une largeur variable de 300 m à 1500 m. On peut même ici parler

de « corridor fluvio-végalo-parcellaire56 » puisque ce tronçon morphologiquement cohérent

coïncide d’une part, avec la langue d’herbages caractéristique des fonds de vallée augerons et d’autre part, avec le réseau viaire qui encadre le lit mineur. Deux extensions maximales se distinguent : en rive droite, à hauteur de Fervaques, des alignements parallèles à la Touques sont notables et sont bien le fait d’une intervention projetée et datée sur les bois (aménagement au cours du XVIIIe siècle par le seigneur du lieu57). En revanche, les alignements les plus

occidentaux (en rive gauche, au niveau de St-Germain-de-Livet, Prêtreville et Auquainville) suivent plus librement le cours du fleuve et s’appuient sur un élément du réseau viaire venant combler l’espace créé par la courbe de la Touques à cet endroit. La présence d’un paléochenal peut être difficilement posée comme hypothèse à cause de la topographie (puisque l’on se trouve hors du lit mineur, à cheval sur des versants et des coteaux) : le fonctionnement et l’impact du réseau viaire dans la vallée semblent être des pistes à privilégier.

 Trame « hydro-parcellaire »

La seconde trame, également composée de limites de parcelles mais aussi de voies, vient se ramifier à la première, puisqu’il s’agit d’une trame « hydro-parcellaire » (en vert) qui s’appuie sur le réseau hydrographique secondaire. Globalement perpendiculaire à la trame « fluvio- parcellaire », son extension suit les cours d’eau et ruisseaux (permanents, temporaires ou asséchés) expliquant les formes curvilignes d’un certain nombre de parcelles, mais aussi une forte présence sur toute fenêtre – avec toutefois un déséquilibre entre la rive gauche et droite, la seconde étant moins couverte notamment sur la commune de Fervaques, au sud-est. Là encore, il ya une certaine concordance avec la mise en valeur des terres puisqu’herbages et vergers se concentrent surtout (surtout en rive gauche) dans ces corridors.

 Trame « oro-parcellaire »

Parallèlement, et toujours sans conflit de forme, une troisième trame que l’on qualifiera d’ « oro-parcellaire » (en marron) coexiste sur les plateaux, en lisière du secteur d’étude. Associée au relief plus plat, cette trame présente des formes plus régulières (plus ou moins carrées ou rectangulaires) en suivant une orientation globalement nord-ouest/sud-est pour la

cristallisation) qui rassemble les petites limites parcellaires et petits fosses en eau » (Dictionnaire de

l’archéogéographie sur http://www.archeogeographie.org)

55 Si l’habitude veut que l’on parle de la Touques comme d’une rivière, il s’agit pourtant bien d’un fleuve puisqu’elle se jette dans la Manche.

56 En référence aux réseaux « fluvio-végétalo-parcellaires » mis en évidence par C. Pinoteau en région Centre (Pinoteau 2004) associant le parcellaire et l’hydrographie, ainsi qu’au « corridor fluviaire » étudié par M. Foucault en Bourgogne (Foucault 2004) associant les formes liées à l’eau et au réseau routier.

rive gauche et est-ouest pour la rive droite. On y trouve plus fréquemment des labours et des bois.

Les deux tiers environs de la fenêtre d’étude sont donc occupés par un réseau de formation qui s’adapte aux caractéristiques du milieu, fortement marqué par le réseau hydrographique et la topographie, et surtout mis en valeur par les sociétés anciennes qui ont largement respecté les logiques du lieu. Toutefois, l’impact des sociétés sur le paysage est aussi perceptible par la présence d’anomalies parcellaires qui s’inscrivent en discordance par rapport aux trames dominantes, sans créer de ruptures morphologiques fortes (Fig. II-42). Deux zones sont particulièrement concernées : d’un coté les communes de St-Martin-de-la-Lieue et de St- Jean-de-Livet, et d’un autre la commune d’Auquainville. Précisons que les formes liées à la dynamique du réseau viaire seront plus spécifiquement traitées dans le paragraphe suivant – bien que les routes et chemins participent à la formation des anomalies parcellaires mises en évidence ici. Naturellement, seules les anomalies qui s’étendent sur plusieurs centaines de mètres sont étudiées à cette échelle locale. Les plus restreintes, liées notamment aux accidents topographiques ponctuels, n’ont pas été reportées car ces « micro-anomalies » (ou trames discordantes) ne créent pas de logiques spatiales à part entière. C’est le cas des plus ou moins grandes parcelles aux formes généralement régulières, disséminées dans tout l’espace étudié et qui correspondant aux parcelles de bois et forêts. Elles ont justement été isolées car ces surfaces boisées viennent occasionnellement s’insérer dans les anomalies d’envergure.

 Secteur de St-Martin-de-la-Lieue / St-Jean-de-Livet

Le cas se présente d’ailleurs sous la forme d’une anomalie enregistrant probablement la trace fossile de l’extension du bois de la Quaine (A1) situé à l’extrémité est de St-Martin-de-la- Lieue et traversé par le ruisseau justement du Bois de la Quaine. L’hypothèse d’une ellipse de défrichement est confortée par deux anomalies qui bordent celle-ci. En effet, les anomalies A2 et A3 à cheval sur St-Martin-de-la-Lieue et St-Jean-de-Livet s’étendent à partir de l’extrémité du Bois de la Quaine (A1) – la première en adoptant une forme radiale avec un rayon médian d’environ 800 m, la seconde en angle droit sur une bande d’environ plus ou moins 300 m isocline au réseau viaire. La rencontre de ces trois formes bien distinctes s’explique par la présence d’un carrefour à 4 branches58 dont l’existence est sans doute à mettre en parallèle avec

l’activité artisanale du lieu dont témoignent les toponymes présents dans cette zone : « la Tuilerie » (deux mentions), « la Poterie », « la Tuilerie de Paris », « la Ferme de la Tuilerie ». L’hypothèse d’un ancien centre de production céramique polarisé autour d’un carrefour (A2) est donc étayée par la présence du bois (A1) pour le combustible, des voies de communication (A3)

pour l’écoulement des produits59 mais aussi d’un possible lieu d’extraction de l’argile à

proximité. A quelques centaines de mètre du carrefour, au contact de A1 et A2, on trouve en effet une quatrième anomalie (A4) qui pourrait s’y apparenter. De forme radiale sur 300 à 500 m, elle encercle deux cours d’eau (ruisseau du Lieu Becquay et de Fourneville) dont l’interfluve forme une butte. Ces coteaux sont connus pour avoir abrité des carrières de sable : dans la parcelle occupée par le manoir des Sables (XVIe siècle), la carte géologique60 mentionne la présence

d’une poche de formations de versants (SC) sous l’aspect d’une cuvette ayant vraisemblablement traversé les bancs de sables (J5G et N5) et d’argile (N6). L’hypothèse d’un lieu d’extraction ancien est donc plausible à cet endroit précis – d’autant plus que la région de Lisieux (et plus largement le Pays d’Auge) est réputée dès le Moyen Age, et tout au long de l’Époque moderne, pour ses productions céramiques (de table et architecturales).

 Secteur d’Auquainville

Le second secteur riche en anomalies se trouve sur la commune d’Auquainville où l’on retrouve deux formes liées à des carrefours remarquables à 4 branches, associés à deux pôles d’habitat. Il s’agit d’une part du « village du Bocage » (A5) et d’autre part, à moins d’1,5 km à l’est, du « village de la Blondelière » (A6), connectés entre eux par le réseau viaire et adjacents au même bois. L’anomalie A5 est la plus visible avec son parcellaire de formation radio-quadrillé, caractéristique des trames non planifiées (Watteaux 2003). Elle se développe à partir d’une croisée de chemins en forme d’étoile, dans un rayon compris entre 500 et 600 m. La partie nord présente une parcellisation relativement importante et concentre le bâti, à l’inverse de la moitié sud où l’on trouve de vastes parcelles moins investies par les bâtiments. Contrairement au carrefour du Bocage, celui de la Blondelière (A6) n’est pas à l’origine d’un plan radio- concentrique, bien que de l’habitat lui soit associé. Cette anomalie, présentant pourtant globalement une morphologie radiale, est plus complexe : elle associe des fragments d’hydro- parcellaire liés au « ruisseau de la fontaine Saladin » ainsi que des orientations et alignements liés au bois, au centre duquel elle se trouve. Ici encore, l’hypothèse d’une ellipse de défrichement peut être avancée. D’autant plus qu’une troisième anomalie (A7) plus ténue peut être ajoutée, englobant A6 et oblitéré par A5. Antérieure donc aux deux anomalies précédentes, il pourrait s’agir de la trace fossile d’un ancien bois plus étendu, sur une surface potentielle d’environ 370 ha avec un diamètre moyen de 2 km. Au XIXe siècle et encore aujourd’hui, on retrouve des lambeaux de ce bois à l’ouest du village de la Blondelière sous le toponyme des « Petites Ventes » et, celui confinant au village du Bocage sous le nom de « Grandes Ventes ». La présence d’un « carrefour de la Forge Maltière » aux limites de cette anomalie appuie cette hypothèse – car

59 L’analyse du réseau viaire à venir documentera précisément le statut des voies à l’échelle locale et supra-régionale. 60 L’échelle au 1/50 000e de la carte géologique ne permet pas de garantir l’exactitude du positionnement, néanmoins la morphologie de la parcelle s’approche de la forme en « cuvette » cartographiée.

comme l’activité céramique, la métallurgie est un artisanat qui consomme beaucoup de combustible, avant même l’ère industrielle. Une huitième anomalie vient complexifier ce secteur en s’accolant à la précédente : il ne s’agit pas d’une forme à proprement parler mais d’un ensemble de lignes très discontinues ayant la particularité de s’associer en formant des angles aigus, et finalement des parcelles triangulaires. La densité de ces éléments et la toponymie explicite (mention du « carrefour de la Forge Maltière », « du Val Miesse » et « de Thuraine ») permettent d’interpréter cette anomalie un important carrefour de communication, à la croisée de plusieurs voies et donc probablement d’itinéraires. Cette abondance de carrefours soulève la question de leur concomitance et de leur hiérarchisation – questions auxquelles la seule trame parcellaire ne peut répondre.

A l’échelle micro-locale et locale, les planimétries rendent bien compte de l’empreinte des sociétés anciennes et permettent de documenter – au-delà de la nature des masses de culture – la mise en valeur terroir mais aussi l’aménagement à proprement parler du paysage. Aménagement qui résulte de la combinaison d’éléments hybrides (« socio-naturels ») comme les trames et anomalies parcellaires avec d’autres logiques spatiales, à des échelles plus petites, telles que celles du réseau viaire.

Le réseau viaire

Avant de pouvoir étudier l’articulation et la hiérarchisation du réseau viaire traversant la fenêtre d’étude, il s’agit de constituer à partir d’un fonds continu disponible à petite échelle (cadastre napoléonien, 1/2500e) et d’autres ressources cartographiques (tout particulièrement le Plan d’une partie de la rivière de Touque..., fin XVIIIe siècle) un état transmis du réseau viaire

(Fig. II-43). L’analyse archéogéographique de cet état permet ensuite d’identifier des

« anomalies ». Ces anomalies sont en réalité des tronçons de voies, des tracés plus récents en conflit avec la trame environnante ; ou à l’inverse des tronçons ou tracés plus anciens, abandonnés après la création de nouveaux chemins ou routes mais enregistrés dans le parcellaire. Dans la vallée de la Touques, on a ainsi pu isoler des tronçons disparus au XIXe siècle (mais existant sur la cartographie du XVIIIe siècle), des hypothèses de tracés disparus par la concordance d’indices planimétriques (alignements, discontinuités, isoclinie) et des tracés plus récents, postérieurs à la fin du XVIIIe siècle (absents du Plan d’une partie de la rivière de Touque...) mais représentés sur le cadastre napoléonien (levé entre 1819 et 1834 dans le secteur étudié). Trois zones ont subi des aménagements viaires bien lisibles dans l’état transmis du XIXe siècle.

 A St-Germain-de-Livet

Traversant de part en part St-Germain-de-Livet, la grande route de Livarot à Lisieux (actuelle D579), appelée aussi Route Impériale 199, est construite entre 1811 et 1824 (WikiSara 2010 ;Billard 2008) parallèlement à l’ancienne route de Livarot à Lisieux, appelée aussi le vieux chemin de Livarot à Lisieux, qui était plus tortueuse car s’adaptant aux logiques spatiales induites par l’hydrographie et la topographie. La nouvelle route arpentée vient oblitérer l’ancienne et couper le parcellaire en ligne quasi droite, créant une belle anomalie dans le paysage et des formes caractéristiques de tension morphologique (parcelles en biseau, triangulaires, etc.) à l’interface des deux voies. A l’inverse de l’ancienne voie, la grande route de Livarot à Lisieux vient se connecter directement à une autre voie (à St-Martin-de-la-Lieue) qui a subi aussi des transformations au cours du temps : le chemin de Fervaques à Lisieux et Gacé dit aussi le grand chemin.

 A Fervaques

Longeant la rive droite de la Touques depuis Lisieux, le chemin vraisemblablement ancien de Fervaques à Lisieux et Gacé a été modifié entre à la fin du XVIIIe siècle61, tout

particulièrement au niveau de Fervaques : en rive droite, en limite de la commune d’Auquainville, le tronçon a été rectifié au niveau du carrefour avec le chemin vicinal d’Auquainville à St-Pierre-de-Mailloc, en face du manoir de la Boulaye (n°2). En rive gauche, toujours longeant la rivière, le chemin de Fervaques à Cheffreville est créé juste en face du château de Fervaques (n°10) pour connecter ce pôle aux chemins de Livarot. Ces travaux d’infrastructure au contact de la rivière, conduits par le seigneur du lieu sont à mettre en parallèle avec l’aménagement du bois de Fervaques, percé de chemins et de routes forestières qui viennent oblitérer le parcellaire attenant et le réseau viaire préexistant qui contournait l’espace boisé. Dans ces deux entreprises, l’objectif est clair : il s’agit d’améliorer la connectivité des lieux et des réseaux, de dépasser des obstacles (bois, lit mineur de la rivière) pour améliorer la desserte du bourg, et par là-même du château éponyme (n°10).

 A proximité du manoir de Caudemone, à Auquainville

Dans des proportions moindres, c’est au contact du manoir de Caudemone (n°1) à Auquainville que l’on observe un réaménagement de l’espace via la disparition de plusieurs tronçons entre le XVIIIe et le XIXe siècle – notamment un important en fond de vallée, parallèle au chemin de Fervaques à Lisieux et – au profit d’un nouveau chemin connecté à un carrefour

61 La datation repose sur les éléments extraits du chartrier de Fervaques, où il est fait mention de travaux routiers effectués entre 1783 et 1789 pour le compte du seigneur de Fervaques.

important (l’anomalie A5, cf. Fig. II-42), où passe également le chemin vicinal d’Auquainville à St- Pierre-de-Mailloc.

Par ces quelques éléments récents, il apparait déjà une hiérarchisation du réseau par la présence de carrefours et d’itinéraires stratégiques anciens. La compilation cartographique ayant permis de dégager quelques éléments de chronologie relative, deux états hérités vont pouvoir être considérés : celui du XIXe siècle et un plus ancien, antérieur à la seconde moitié du XVIIIe siècle. Le fonds de plan choisi étant le cadastre napoléonien levé au 1/2 500e, il n’est pas envisageable d’utiliser la méthode Vion des tris graphiques et/ou numériques définies pour des échelles plus petites (respectivement 1/10 000e et 1/1 000 000e) et donc des niveaux de détails bien moindres. Il reste néanmoins possible d’examiner la hiérarchisation du réseau relevé à un haut degré de précision, en partant de la fenêtre d’observation, c’est-à-dire une échelle locale. Pour ce faire, ce sont les noms des routes et chemins relevés – les odonymes, et tout spécialement les aboutissants (ex : route de Fervaques à Lisieux) – qui ont été utilisés comme critères de classement. A partir de l’état antérieur à la seconde moitié du XVIIIe siècle62, nous

avons considéré les liaisons comme :

- micro-locales, lorsque les aboutissants se rapportent seulement à des hameaux, écarts, lieux-dits ou autres dénominations d’usage ;

- locales, lorsque les aboutissants comprennent les communes de la fenêtre d’observation ainsi que celles directement limitrophes ;

- micro-régionales, lorsque les aboutissants se trouvent à une distance de moins de 10 km des limites du secteur d’étude, c’est-à-dire compris globalement dans le triangle Lisieux- Livarot-Orbec ;

- régionales, lorsque les aboutissants sont situés dans un rayon maximal de 30 km à partir du centroïde de la zone d’étude (au niveau de la commune d’Auquainville), soit au sud Vimoutiers, le Sap et Gacé, Bernay à l’est et, au nord la grande route de Paris à Caen par Lisieux ;

- et enfin supra-régionales si les aboutissants concernent un lieu situé hors de l’espace normand – seule une occurrence a été relevée mais elle a finalement été traitée comme une liaison régionale car il s’agit du chemin des âniers à la route de Paris à Fervaques, donc d’un chemin se raccordant à la route de rang supra-régionale, non d’une mention directe.

Il ressort de ce premier traitement l’image d’un réseau micro-local et local cohérent et dense, reliant les lieux habités – isolés et groupés – entre eux (Fig. II-44). Les connexions entre

les différents tronçons au contact des pôles d’habitat produisent des carrefours en étoile, de 2 à 3 branches maximum. Au-delà de ces caractéristiques somme toute classique pour le réseau micro-local et local (Vion 1989 ; Marchand 2000 ; Robert 2003 ; Watteaux 2009 ; Robert 2011), on peut observer une densité plus importante en rive gauche qui s’explique logiquement par le nombre plus importants de centres de village (7 sur les 11 communes anciennes de la fenêtre d’observation) qu’en rive droite. Il faut aussi noter l’existence d’un seul tracé de niveau local traversant la rivière (présence d’un pont) : il s’agit du chemin du Mesnil-Germain et d’Auquainville à St-Pierre-de-Mailloc, seule transversale est-ouest de ce niveau hiérarchique. Le réseau micro-local et local sert par ailleurs de support à certains tracés de niveau micro-régional et régional que l’on interprète alors comme ancien, voire déjà tombé en désuétude dans la

Outline

Documents relatifs