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2.1.b : La carte compilée ou la base de données archéogéographiques A partir de cette fenêtre, l’objectif a été de déterminer quels critères et variables ont pesé

Colombier » dans la vallée de la Seine

II- 2.1.b : La carte compilée ou la base de données archéogéographiques A partir de cette fenêtre, l’objectif a été de déterminer quels critères et variables ont pesé

dans le choix du site du Colombier, lesquels ont été véritablement discriminants et de tenter d’interpréter ce choix, opportuniste ou raisonné, en terme de pratiques sociales. Pour y parvenir, il est nécessaire de décrire le plus exhaustivement possible les caractéristiques du lieu, en partant du principe que Jean Le Normand s’insère dans un paysage déjà existant, résultat d’héritages et d’interactions permanentes entre les sociétés et les milieux depuis des siècles. C’est pourquoi l’espace est envisagé dans toutes ses composantes (milieu, paysage, territoire), comme cela a été le cas pour la vallée de la Touques. Un travail d’inventaire et de traitement des ressources a dont été engagé pour les restituer le plus exhaustivement possible, avant la réalisation des analyses planimétriques et spatiales, portant sur les formes du paysage et les réseaux de lieux habités. C’est la phase d’élaboration de la carte compilée, une base de données archéogéographiques, composée d’un semis de points (lieux habités groupés et isolés) reliés entre eux par des linéaments (réseau viaire, parcellaire)

89 Fenêtre d’observation aux confins Nord de la zone étudiée par C. Marchand dans sa thèse d’archéogéographie sur les paysages du Sénonais occidental (Marchand2000).

1) Les ressources documentaires pour la reconstitution de l’espace ancien

Parallèlement aux informations recueillies dans les bases de données archéologiques (Patriarche, Service Régional de l’Archéologie Île-de-France) et la bibliographie locale et régionale, la cartographie ancienne (XVIIIe siècle) a constitué une ressource intéressante pour établir l’inventaire des objets spatiaux, compris dans la fenêtre d’étude. Elle a aussi fourni occasionnellement des jalons chronologiques – en prenant évidement en considération les limites informatives de chaque source. L’étude sur la vallée de la Touques nous a montré que les cartes et plans sont loin d’être des sources directes, ils demandent une lecture critique qui tienne compte de leurs spécificités. Du plan à grande échelle à la carte topographique, six documents ont été particulièrement sollicités, en tenant compte de leurs atouts et défauts respectifs connus (Costa & Robert 2009, Laboulais 2008, Antoine 2002, Touzery 1995, Dainville 2002, Pelletier 2001, Pelletier 1999, Cavanna 2012b) et déjà détaillés, pour la plupart, dans la première étude de cas. Nous nous contenterons ici de les évoquer rapidement, en ciblant les six documents les plus informatifs pour le secteur de Varennes-sur-Seine (Fig. II-f).

L’Atlas des routes de France dit de Trudaine (1745) [ AN/F-14-8446 ]

Le secteur d’étude étant traversé par la Route royale de Paris à Auxerre, l’Atlas de Trudaine a été utilisé, non pas pour le modelé du parcellaire et le tracé des voies secondaires, mais pour le repérage et la physionomie des lieux habités qui sont généralement représentés assez fidèlement, sur environ 500 m de part et d’autre de la route qui a motivé le relevé – ici la Route royale de Paris à Auxerre depuis Fontainebleau.

La Carte géométrique de la France dite de Cassini (1752-1757) [ IGN/feuille 46-Sens ] La Carte de Cassini a été utilisée dans le même esprit, sachant qu’elle a été réalisée avec l’objectif de positionner les lieux habités les uns par rapport aux autres. Si le positionnement géographique peut souffrir d’une petite centaine de mètres d’erreur et si la caractérisation des lieux (via la sémiologie graphique) est parfois peu rigoureuse, l’exhaustivité ne peut être mise en doute – surtout dans le secteur de Varennes, peu contraint topographiquement et peu dense en termes de lieux habités groupés et isolés.

Le Plan terrier de la seigneurie de Varennes (1769) [ AD77/37F1 ]

Il s’agit d’un document à vocation fiscale, qui recense, localise et décrit les possessions du seigneur de Varennes dans un registre accompagné d’un atlas de plans. Ces seize plans, par leur exhaustivité et leur précision métrique, offrent non seulement un état de la trame parcellaire antérieur au cadastre napoléonien, mais également une image datée du paysage par le biais

d’une sémiographie très détaillée. Ils permettent en outre de confronter les structures et le parcellaire mis au jour par les fouilles à cet état abouti du site, quelques années avant la destruction et disparition de la « Ferme du Colombier » dans les années 1780. Tout comme le suivant, ce document été entièrement vectorisé pour servir de fond de plan parcellaire.

Le Cadastre de Louis Bertier de Sauvigny dit Plan d’Intendance (1781) [ AD 77/1C38-13 ] Réalisé à partir d’un arpentage par masses de culture, le Plan d’Intendance levé sur le territoire de Varennes a pour vocation d’évaluer le potentiel agricole de chaque paroisse de la généralité de Paris et donc de rationaliser la perception de l’impôt. De ce fait, il est particulièrement utile pour documenter le réseau viaire, les lieux habités et la nature des parcelles. Si la représentation doit parfois être soumise à confrontation, la qualité géométrique est très satisfaisante.

Le Cadastre napoléonien de Varennes (1809) [ AD77/4P37 ]

C’est le document de référence pour étudier le paysage au début du XIXe siècle, en raison du niveau de détails et de la précision du relevé parcellaire. Généralement utilisé comme fond de plan, il n’a été sollicité ici que pour des vérifications à vue notamment pour les toponymes, n’ayant pas été vectorisé pour des raisons techniques. Le géoréférencement en effet s’est avéré impossible à cause d’une forte déformation des photographies du registre réalisées aux Archives départementales de Seine-et-Marne – au moment de l’étude, les planches volantes du cadastre étaient en effet absentes pour cause de numérisation.

La Carte d’État-Major au 1/80 000 (début XIXe siècle) [ IGN/feuille 18-Sens ]

Le niveau de détails de cette carte, levée à l’échelle nationale, est naturellement bien moindre que les précédents plans et cartes, d’où son recours essentiellement pour l’étude du réseau viaire supra-local à régional.

A ces ressources cartographiques anciennes, il faut également ajouter toute la cartographie actuelle mise à disposition par l’Inrap, notamment les cartes topographiques de l’IGN au 1/25 000, la carte géologique du secteur et les modèles numériques de terrain associés.

2) Un corpus de lieux et de sites

L’inventaire des lieux habités au début du XVIe siècle a nécessité le croisement de plusieurs ressources documentaires. Pour les habitats groupés, ce sont la Carte de Cassini (1752- 1757) et l’Atlas de Trudaine (1745) qui sont privilégiées car pour ce niveau d’information, elles

sont des sources fiables et homogènes (Costa & Robert 2009). On dispose donc d’un état pour le milieu du XVIIIe siècle – ce qui n’est pas foncièrement gênant puisque les habitats groupés recensés sont d’origine largement antérieure au XVIe siècle90. Ces lieux se répartissent de la

sorte : un bourg (Varennes-sur-Seine), une ville (Montereau-Fault-Yonne) et quatre villages (Ville-St-Jacques, Noisy, Esmans et Cannes), avec lesquels le site du Colombier entretient des relations de distance plus ou moins lâches.

L’inventaire des habitats isolés91 existant dans l’emprise de la fenêtre d’étude, au début

du XVIe siècle a demandé un inventaire beaucoup plus approfondi. Dans un premier temps, il s’est fondé sur les occurrences de la carte archéologique de la Seine-et-Marne (SRA Île-de- France) à laquelle on a confronté la cartographie ancienne et des éléments de bibliographie locale. Dix-sept sites – dont deux inédits (Fig. II-g) – ont été recensés et localisés sur la zone d’étude (Fig. II-h et Fig. II-s). Une datation relative leur a été attribuée en fonction des informations disponibles, minces et/ou peu convaincantes pour certaines. Pour palier ce problème de fiabilité, on a limité l’information chronologique au strict minimum, c’est-à-dire à l’existence ou non du site au début du XVIe siècle, lors de l’implantation de la « Ferme du Colombier ». Neuf sites ont livré des indices d’une antériorité au XVIe siècle et donc de leur contemporanéité à l’établissement de Jean Le Normand, sept sites existent de manière certaine au XVIIIe siècle sans que l’on dispose de plus de précisions (faute de documentation tangible) et une présomption d’antériorité est posée pour un dernier site, à ce jour juste mentionné par la cartographie du XVIIIe siècle.

Un autre attribut vient enrichir l’inventaire, une estimation du niveau social réalisée à partir de l’étude de la sémiographie utilisée sur la Carte de Cassini pour caractériser ces lieux. Il faut insister sur le caractère relatif et non absolu de cet attribut, car la caractérisation sociale des lieux sur la Carte de Cassini peut être variable d’une planche à l’autre (donc être propre à chaque ingénieur chargé d’une partie du territoire). Des exemples d’emploi de symboles différents pour un même type d’habitat et de même position sociale ont été observés, et il est difficile de déterminer s’il s’agit d’un problème de perception, d’une difficulté de caractérisation sociale pour des sites intermédiaires, ou bien d’un changement de statut social pour certains sites (Cavanna 2012b). Sur le secteur de Varennes-sur-Seine, quatre symboles sont employés (ferme/maison, hameau, château, tour ruinée) (Fig. I-i). En comparant avec la symbologie rencontrée dans l’étude de cas réalisée sur la vallée de la Touques, nous avons interprété ceux- ci socialement et fonctionnellement, en nous appuyant sur des « signes extérieurs de distinction

90 En n’excluant toutefois pas la possibilité de disparitions de hameaux entre le XVIe et le XVIIIe siècle…

91 Sous le terme « isolé », on entend parler autant des lieux habités dispersés dans l’espace (fermes) que des lieux en situation d’habitat groupé mais se différenciant par leur statut (habitats d’élites).

sociale » – c’est à dire les manifestations matérielles évidentes de la mise en scène d’un niveau social (surface et qualité des constructions, organisation architecturale, présence d’éléments emblématiques comme la tour/l’enceinte/le fossé, monumentalisation de l’espace autour du site, recherche de panorama, attraction ou rejet du voisinage, etc.).

Symbole ferme (3 sites)

Soit une petite unité d’exploitation agricole combinée à l’habitat des exploitants et/ou propriétaires, ordinaire par son architecture et modeste par sa capacité de production, ne présentant pas de signes manifestes de distinction sociale.

Symbole ferme/habitat d’élites92 (9 sites dont la « Ferme du Colombier »)

Soit le siège d’une exploitation agricole et le lieu de vie des exploitants et/ou propriétaires, se distinguant de la simple ferme par une certaine aisance exprimée dans les formes et les surfaces architecturales (habitat, annexes), ainsi que dans l’outil de production (surfaces agricoles).

Symbole habitat d’élites (5 sites)

Soit un ensemble architectural, plus ou moins vaste, à vocation essentiellement résidentielle (ou clairement séparés de bâtiments d’exploitation agricole), marquant fortement le paysage par des signes extérieurs de distinction sociale afin d’asseoir une notabilité et un pouvoir (économique et social, voire politique) à l’échelle locale ou supérieure.

Symbole fortification (1 site)

Soit un lieu présentant des caractéristiques militaires dans son architecture et exerçant une autorité sur une portion d’espace (défense, contrôle, perception, etc.) émanant d’un pouvoir local, régional ou royal.

Il faut préciser ici que la Carte de Cassini n’apporte pas d’élément supplémentaire à la question de la détermination sociale du Colombier par rapport aux autres sites, car s’il est bien mentionné sous la dénomination « Colombier Ferme », le symbole utilisé (fortification ruinée) et la localisation sont erronés : il s’agit, à cet emplacement, de la Folie Picard en ruine93 (Fig. II-f et

92 Le symbole « hameau » présent sur la planche de Sens de la Carte de Cassini illustre sans doute un problème de caractérisation à cause de l’absence de signe adéquat, car ces mêmes sites sont représentés sur l’Atlas de Trudaine sous la forme de grosses exploitations agricoles. C’est pourquoi on leur a attribué une modalité à l’interface de la ferme et de l’habitat d’élites.

93 A la date du levé cartographique (1752-1757), le Colombier est d’après les sources écrites encore en activité. De plus, la localisation coïncide parfaitement avec celle de la Redoute, bien identifiée grâce à l’Atlas de Trudaine. Cette erreur pose tout de même question…

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