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vallée de la Touques

II- 1.2.b : Des implantations dans un paysage anciennement aménagé Le paysage est une réalité planimétrique héritée, transmise et transformée par les

2) Insertion et interaction entre les sites et les réseaux parcellaires et viaires

Le paysage décortiqué et analysé, l’objectif est maintenant de documenter l’articulation entre ces composantes et les sites d’habitats d’élites, leur insertion dans les différentes réseaux, parcellaires et viaires et leur potentiel rôle morphogénétique – c’est-à-dire leur capacité à influer sur la forme ou le flux sur le temps long et le temps court.

Temps long

On l’a vu, le paysage de la vallée de la Touques est largement marqué par un réseau de formation s’appuyant sur l’hydrographie et la topographie locales. Mis en valeur par les sociétés anciennes, ces dernières ont su tirer partie des atouts et contraintes du lieu sans créer réellement de fortes discontinuités dans le parcellaire. Quelques anomalies ont tout de même pu être repérées et ont été interprétées comme des ellipses de défrichement, des carrefours complexes ou des témoins d’une polarisation autour d’habitat et/ou d’activités artisanales. En superposant le semis de sites et le relevé des anomalies parcellaires, on observe qu’aucun habitat d’élites datant des XVe-XIXe siècles n’est à l’origine d’une forme spécifique relevée à l’échelle de la fenêtre d’observation. Cette absence de relation n’est pourtant pas vide de sens : elle indique que les sites n’exercent aucun rôle morphogénétique à l’échelle locale sur la longue durée et/ou que les anomalies sont le résultat d’interactions entre le milieu et les hommes antérieures au XVe siècle – aucune explication n’excluant l’autre naturellement. Nous avons ensuite testé l’attraction des anomalies sur les sites (Fig. II-45) : il ressort que seuls 10 sites (soit moins de 30%) sont compris dans leur emprise ou sont proches (distants de moins de 300 m). On peut en conclure qu’il n’y a pas non plus d’attraction significative sur le temps long. En revanche, on peut noter que sur les 4 sites antérieurs au XVe siècle (trois « mottes » et un « château » d’origine médiévale) associés à des manoirs, trois entretiennent des relations évidentes avec les anomalies d’Auquainville : A6 et A7 pour les deux mottes proches du manoir de la Pommeraye et A5 pour le château d’Auquainville situé entre le manoir de Lortier et de la Boulaye. Bien que l’effectif soit très réduit, cette forte proportion (75% des sites antérieurs au

XVe siècle) appuie l’hypothèse d’une formation ancienne – c’est-à-dire au moins médiévale – de ces trois anomalies liées à l’occupation du sol (défrichement, habitat groupé).

Parallèlement, la relation entre les sites et le réseau viaire sur le temps long appelle des remarques. Il apparait en effet, en comptabilisant le nombre de voies locales, micro-régionales et régionales64 présentes dans un rayon de 500 m autour de chaque site (Fig. II-46), que la

distribution des valeurs est plutôt asymétrique avec une moyenne de 2,4 voies par site, un minimum d’une voie et un maximum de 7 voies. Malgré une dispersion moyenne (coefficient de variation de 58,6%), on observe un seuil à partir de 4 voies : 82,4% des sites sont desservis par une, deux ou trois voies alors que 5 sites se distinguent par une forte connectivité avec quatre, cinq ou sept voies les desservant. Parallèlement, en prenant en compte le niveau des voies, avec d’un coté les voies locales et de l’autre micro-régionale et régionale, on est en mesure de préciser la relation entre les habitats d’élites et le réseau viaire. Les deux distributions sont marquées par les trois mêmes seuils regroupés en classes notées A, B et C – A correspondant à une valeur nulle, B à la présence d’une ou deux voies et C pour plus de trois voies. Pour le niveau local, malgré une très forte dispersion des valeurs (coefficient de variation de 95,9% et une faible moyenne à 1,1 voie locale par site), on note la prédominance de sites étant, dans un rayon de 500 m, au contact d’une ou deux voies (classe B : 50%) suivi de près par ceux n’ayant aucun contact avec une voie de niveau local (classe A : 41,2%). Trois sites (soit 8,8%, classe C) présente une desserte composée de plus de 3 voies locales. Un peu moins asymétrique, avec une moyenne de 1,3 voie par site, la distribution des voies de niveau micro-régional et régional montre que la grande majorité des sites (classe B : 85,3%) ont dans leur voisinage au moins une voie micro- régionale ou régionale. Seuls 3 sites en sont dépourvu (soit 8,8%, classe A) alors que deux (classe C : 5,8%) sont à proximité de plus de 3 voies de grand parcours.

Pour mieux apprécier la connectivité des 34 sites en terme qualitatif, on a choisi de discrétiser les précédentes distributions sous forme de combinaisons, à l’aide des seuils A, B, C (nul, 1-2 voies, plus de 3 voies). On obtient alors 7 classes que l’on peut regrouper en 3 profils. Le profil 1 (ABA-ACA) correspond à une connectivité moyenne avec une dominante locale, le profil 2 (AAB-ABB) à une bonne connectivité avec une dominante micro-régionale et régionale alors que le profil 3 (BBC-BBC-BCB) caractérise des sites possédant une forte connectivité fondée sur tous les niveaux de voies. Il ressort de cette classification une distribution sur le temps qui démontre la forte majorité de sites en profil 2 (73,5%), suivi de ceux en profil 3 (17,6%) et 1 (8,8%). Ces résultats confortent l’idée que la relation sites / réseau viaire existe bel

64 C’est sciemment que nous avons exclu les voies de niveau micro-local, les considérant a priori moins stables sur le temps long.

et bien statistiquement, d’autant plus que la discrétisation hiérarchique du réseau permet de caractériser quantitativement mais aussi qualitativement la tendance générale. A ce stade des analyses, le rôle du facteur chronologique parait essentiel à tester pour expliquer la très forte connectivité des 6 sites65 du profil 3, avant de pouvoir accréditer celui du niveau social.

Temps court

On a montré qu’aucun rôle morphogénétique ne pouvait être attribué aux habitats d’élites des XVe-XIXe siècle dans notre secteur d’étude et que l’attraction qu’aurait pu exercer les anomalies sur les sites n’était pas non plus probante statistiquement. Il ne nous a donc semblé pertinent, pour des questions de représentativité, de tester le critère chronologique sur les 10 sites entretenant une relation topologique (compris dans l’emprise des anomalies ou proches).

En revanche, la relation site/réseau viaire a livré des tendances statistiques sur le temps long que l’on souhaite éclairer sous l’angle de la chronologie (Fig. II-47). En reprenant les profils définis précédemment, on peut observer la distribution des sites par siècle, selon les deux scénarii en jeu. Si le profil 2 reste dominant dans chaque cas et quelle que soit la période, ce sont les profils 1 et 3 qui fluctuent. Les sites à connectivité moyenne (profil 1), en faible nombre, se concentrent aux XVI-XVIIe siècles pour le scenario 1 et aux XV-XVIe siècles pour le scenario 2. En revanche, en scenario 1, c’est au XVe, XVIe, XVIIe et XIXe siècle qu’on trouve les sites à forte connectivité (profil 3) avec une proportion un peu plus forte pour le XVe et le XIXe siècle (33%) ; alors que dans la seconde série, ils ne sont plus présents au XVIIe siècle, bien qu’on les retrouve dans une proportion légèrement moindre pour le XVe siècle (25%) et dans les mêmes proportions au XIXe siècles que précédemment (33%). En constatant cette dispersion sur le temps court, sans réelle concentration sur une période (seul le XVIIIe siècle se démarque par l’absence de sites en profil 3 pour les deux séries), on ne pas affirmer que la chronologie explique la forte relation de certains habitats d’élites avec le réseau viaire – l’absence apparente de corrélation, au niveau des statistiques descriptives – permet de conforter l’hypothèse d’un estimateur hiérarchique plus que chronologique.

Trames parcellaires et viaires construisent le paysage dans lequel viennent s’insérer les élites entre le XVe et le XIXe siècle dans la vallée de la Touques. L’état transmis des réseaux, reconstitué à partir de la planimétrie et cartographie ancienne, a démontré que c’est avant tout le réseau (hiérarchisé) des voies qui se démarque comme un des facteurs d’implantation à retenir, avec des constances sur le temps mais peu de spécificités chronologiques. Comme

65 Soit le manoir St-Aubin, de Cheffreville, des Câtelets, du Lieu Seney ainsi que le château de Fervaques et de St- Germain-de-Livet... Deux sites qui, sans préjuger des résultats, appuient l’hypothèse de départ sur la corrélation entre le niveau social et la proximité de voie de grand parcours.

énoncé dans le Chapitre I, on ne saurait se limiter aux seuls paramètres sitologiques et planimétriques pour expliquer le choix du site, l’attractivité des lieux demande aussi à être examiner sous un autre angle : celui du maillage territorial, le paysage social.

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