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variations d’échelles

I- 2.2.a : Inventorier et compiler : créer des corpus

2) Diversité et potentiel informatif : des ressources documentaires à exploiter

La base de données spatialisées est donc élaborée à partir d’ensembles documentaires qui varient nécessairement selon les études de cas – les contextes de production et les niveaux de fiabilité variant avec. Toutefois, on peut distinguer des catégories de ressources et d’ores et déjà préciser leur potentiel documentaire et leurs limites informatives pour la constitution des corpus de sites et d’objets archéogéographiques. Sans chercher à refaire ce qui a déjà été écrit sur la documentation exploitable en archéogéographie (Costa & Robert 2009 ; Robert 2011), nous avons choisi de présenter, de manière ciblée, les trois grandes ressources documentaires que sont les bases de données archéologiques, la bibliographie et l’érudition locale et les différentes modes de représentation de l’espace (cartographie, planimétrie, photographie), pour l’inventaire des habitats d’élite médiévales et modernes et des composantes de l’espace ancien (Fig. I-8).

Bases de données archéologiques

Les première ressources à consulter pour établir un corpus de sites restent les bases de données réalisées par les différents services archéologiques régionaux (Patriarche) et départementaux, sous forme de « cartes archéologiques » c’est-à-dire associant des données textuelles (description des entités) à des référencements spatiaux (localisation et représentation géométrique) sous SIG. Elles fournissent une grande partie de notre « matière première » en termes de localisation, datation et statut des sites principalement, à des échelles spatiales variables. Bien qu’il faille reconnaître que les sites les plus récents (c’est-à-dire modernes, voire du second Moyen Age) sont rarement recensés ou, si c’est le cas, généralement accompagnés d’une laconique mention indéterminé. Néanmoins, pour les sites les plus anciens (antérieurs au XIe siècle), elles restent des ressources assez efficaces.

Il existe toutefois une grande disparité entre les régions : la qualité et le degré d’information des cartes archéologiques dépendent du nombre de prospections (pédestres, aériennes) et fouilles entreprises, programmées et préventives, mais aussi du dépouillement bibliographique systématique (ou pas). La carte archéologique n’est jamais exhaustive, elle est avant tout un outil de gestion et de protection du patrimoine archéologique, qui enregistre des informations qui peuvent être discontinues et hétérogènes. Elle doit donc être envisagée comme un document qui reflète l’intensité ou l’absence de documentation archéologique en certain point de territoire administré. Elle est avant tout « une mesure de l’activité des archéologues »

(Desachy 2006) et doit faire l’objet d’un examen critique attentif, à l’aide à une bonne connaissance du contexte scientifique local (Cavanna 2007 : 14-40).

Bibliographie et érudition locale

De la même façon et à des échelles très variables, la bibliographie régionale contemporaine (histoire, archéologie, géographie historique, patrimoine) est une ressource incontournable pour réaliser l’inventaire des sites et éventuellement étoffer le corpus archéogéographique. Discontinue et hétérogène par nature, elle nécessite le même travail de critique que pour n’importe quelle recherche archéologique et/ou historique. Par principe, on considère qu’une mention de toponyme ne localise pas nécessairement un site mais donne un indice de localisation ; qu’un toponyme n’informe pas directement sur le statut social initial d’un site (manoir, château, etc.) mais transmet une perception à un temps T ; qu’une mention textuelle ne date pas mais donne un indice de datation en tant que terminus post quem.

Parallèlement et selon la même logique, les travaux d’érudition locale peuvent également être une source d’informations intéressante. Les sociétés d’archéologie ou plus généralement les sociétés savantes des XIXe-XXe siècles ont en effet produit un certain nombre d’inventaires de sites considérés comme « remarquables » ou « pittoresques » qui peuvent notamment renseigner les sites aujourd’hui totalement disparus du paysage. Certaines régions, comme la Normandie, bénéficient des travaux des premiers « archéologues » – tel qu’A. de Caumont, auteur de la première Statistique monumentale, sur le Calvados (Caumont 1867 ; Arcisse de Caumont... 2004).Il est bien entendu que ces informations (de seconde main souvent, issues de la tradition orale parfois) nécessitent un emploi circonstancié – les références bibliographiques et/ou les cotes des archives (quand elles sont utilisées) ne sont pas toujours mentionnées de manière précise : c’est pourquoi les vérifications, recoupements et confrontations peuvent s’avérer quelques fois difficiles à mettre en œuvre.

Représentations actuelles et anciennes de l’espace

La cartographie actuelle, c’est-à-dire topographique au 1/25 000 (Série Bleue), thématique au 1/50 000 n’est pas une ressource adaptée à la découverte et l’inventaire de sites – bien qu’elle permette de les localiser sur une carte actuelle. A plus petite échelle (1/40 000 puis 1/80 000), il existe la carte d’État Major, « ancêtre » des cartes topographiques réalisées par l’IGN – dont les minutes de terrain au 1/10 000 permettent, en revanche, de repérer des sites ou de connaître leur état au cours du XIXe siècle, mais aussi de documenter le réseau viaire, les lieux habités, l’hydrographie.

Les cartes thématiques, géologiques notamment, sont précieuses pour renseigner des critères sitologiques comme la nature des sols (bien que l’échelle du 1/50 000 diminue sensiblement le degrés de précision, surtout aux interfaces) alors que les ressources numériques disponibles sur l’altitude en autorisant des extrapolations (en rasters et/ou vecteurs) sur les pentes, l’exposition au soleil, les faciès topographiques, les bassins versants. Elles apportent des données de qualité sur l’actuel, avec une résolution comprise généralement entre 25 et 50 m.

Les photographies aériennes, notamment les missions de l’IGN à haute altitude pour une plus large couverture, permettent de conforter une présomption de site (ruinés ou abandonnés) par repérage de traces fossiles sous la forme d’indices phytologiques (tracés et/ou tâches) dans les parcelles en herbes ou cultivées, au moment de la prise de vue. Il est d’ailleurs intéressant de confronter les missions entre elles (et/ou avec des missions obliques ou horizontales à basse altitude) pour révéler des indices différents ou plus ou moins parlants selon les années (voire les décennies, avant et après les remembrement des années 1970), les saisons, l’exposition. Pour ce qui est des objets archéogéographiques, tels que le parcellaire et la voirie disparus, la carto- et la photo-inteprétation, sont des moyens efficaces pour alimenter les corpus par vectorisation des objets, à des échelles suffisamment fines pour combiner précision et fiabilité.

Le cadastre napoléonien réalisé dans la première moitié ou au milieu de XIXe siècle, selon les régions, est un document planimétrique incontournable, compte tenu de son potentiel informatif et de sa qualité d’exécution (cf. ci-après). Utilisé comme fond de plan, il permet de renseigner à la fois les corpus de sites et les composantes de l’espace, grâce notamment à sa grande échelle (1/10 000 à 1/2 500), l’exhaustivité des représentations (parcelles, bâti, lieux habités, voirie, nature des masses de culture, toponymes) qui concourent à documenter, de fait, les critères sitologiques, planimétriques et situationnels.

Moins systématique en archéologie, le recours à la cartographie scientifique des XVIIe- XVIIIe siècles est réellement intéressant, avec des fonds documentaires variés, compte tenues des échelles et de la production riche dans certaines régions, telle que l’Île-de-France, lieu d’expérimentation pendant plus de deux siècles. Les cartes topographiques des géographes de l’Académie (la plus célèbre étant celle de Cassini, à l’échelle de la France), des ingénieurs- géographes des armées (levés des régions frontalières, des places fortes, etc.), tout comme les cartes et plans d’ingénieurs (tels que l’Atlas de Trudaine, les relevés des routes et voies navigables, etc.), présentent un grand intérêt pour la localisation de sites, pour des raisons d’échelle de représentation et de précision topographique. Ces derniers permettent souvent d’augmenter les corpus de sites jusqu’alors jamais rencontrés dans la bibliographie et/ou

disparus au cours des XIXe-XXe siècles. Il est certain qu’une mention sur une carte ou un plan ne date pas la création d’un site d’habitat d’élites, cependant elle permet quelques fois de découvrir l’existence de certains, et de les localiser précisément sur les ressources actuelles via leur géoréférencement. Ils permettent aussi d’apporter des éléments nouveaux sur le statut du site à la date de réalisation du document, grâce au « langage des géographes » (Dainville 2004) que sont les signes conventionnels et les toponymes utilisés pour caractériser les lieux.

La cartographie ancienne, quelle que soit l’échelle, est une ressource indispensable pour le contexte situationnel en permettant de situer des lieux habités, groupés ou dispersés, existants à un temps T (antérieur à l’état du XIXe siècle fourni par le cadastre napoléonien), relié par le réseau viaire (existant, disparu et en projet quelques fois) souvent cartographié dans ces périodes d’intense aménagement du territoire par le pouvoir central. A plus grande échelle, sous la forme éventuellement de plans (plans-terriers, plans d’intendance), le parcellaire relevé, antérieur donc à celui des cadastres napoléoniens, renseigne autant le milieu (espaces en herbe, cultivées, boisées, etc.), les formes du paysage et ses différentes mises en valeur (étangs, cultures, marais, friches, etc.) que les infrastructures existantes (moulins, ponts, voirie, etc.). De tous ces documents, des indications sur la datation « relative » des sites peuvent également être extraites, par état d’ante et post quem en comparant les différents cartes et plans. Une telle richesse informative nécessite d’autant plus de prudence, c’est pourquoi un examen critique s’impose pour légitimer la confiance que l’on peut accorder à ce genre de documents : il s’agit finalement améliorer la fiabilité et la justesse des corpus.

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