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Analyses planimétriques : décrire l’espace hérité, caractériser l’insertion des sites

variations d’échelles

I- 2.2.b : Analyser : observer, tester des paramètres

2) Analyses planimétriques : décrire l’espace hérité, caractériser l’insertion des sites

Parallèlement à l’approche spatialiste, adaptée tout particulièrement au traitement des critères sitologiques et situationnels – au milieu et au territoire en somme, le renseignement des critères associés au paysage requièrent une analyse de morphologie planimétrique. Il s’agit d’une part de restituer, comprendre et hiérarchiser le réseau viaire hérité pour quantifier (nombre de voies) et qualifier (statut des voies) la desserte de chaque site. D’autre part, il faut déterminer si les sites ont joué et transmis un rôle morphogénétique dans les formes du paysage : il est donc nécessaire d’avoir au préalable démêler les dynamiques et logiques spatiales enregistrées et transmises dans le parcellaire. Par définition, le cadre de la fenêtre d’observation est forcément à « bords flous » : l’analyse archéogéographique procédant par va- et-vient, par variations d’échelles pour identifier les formes et les trames. Ce sont bien entendu les méthodes développées en archéogéographie planimétrique (Chouquer 2000 ; Chouquer 2004 ; Chouquer 2007) qui forment le socle des analyses. Récemment conceptualisées et compilées dans un manuel (Robert 2011, auquel on se réfèrera en priorité), il n’est pas question de réinventer ce qui a déjà été théorisé mais de présenter pragmatiquement, les techniques d’analyse utiles au traitement du paysage, compte tenus des critères planimétriques proposés pour traiter la question plus large de l’interaction élites / espace.

Les formes du paysage : principes et méthodes d’analyse

C’est au niveau de la « carte compilée » que s’effectue le traitement et l’analyse des éléments géographiques associés dans la base de données géoréférencées. Après la collecte des informations (via géoréférencement des documents) et leur transformation géométrique (par vectorisation), « de nouveaux objets sont recomposés à partir des formes observées [...]. On en déduit alors les éléments morphogénétiques du paysage qui ont généré et transmis ces formes à travers la recherche des processus qui les animent » (Robert 2011 : 11). Trois grands principes guident l’analyse :

- « la recherche des formes d’organisation en réseau et des modalités spatio-temporelles permett[ant] leur transmission dans le temps,

- la recherche des discontinuités indiqu[ant] des phénomènes de conflits de forme,

- l’articulation des informations en réseaux cohérents et unités [morphologiques] hybrides » (ibid., : 135)

Organisation, transmission, discontinuité, réseaux et unités hybrides sont perceptibles ou se matérialisent sous l’aspect de morphogènes, c’est-à-dire d’ « éléments géographiques exerçant une influence persistante sur les formes, au-delà de leur époque de création et de fonctionnement » (ibid., : 135 ; Chouquer 2000 ; Marchand 2000 ; Marchand 2004 ; Chouquer 2007). On repère ces morphogènes grâce aux effets géométriques qu’ils produisent sur les formes, à des échelles spatiales différentes – effets définis et utilisés par les archéogéographes comme des indicateurs (Chouquer 2000 ; Chouquer 2004 ; Robert 2011 : 135-147), tels que

(Fig. I-11) :

- l’isoclinie : soit la recherche des orientations dominantes ; - l’iso-axialité : soit la recherche d’alignements remarquables ;

- l’isotopie : soit la mise en évidence du maintien d’une implantation, de l’emplacement d’un objet ;

- la connexion : soit la recherche des relations de proximité et de dépendance morphologique entre des objets ;

- la périodicité : soit la mise en évidence de mesures périodiques, de planifications ;

- le conflit de forme et anomalies : soit la mise en évidence, par rapport au style parcellaire général, de la discontinuité par la tension, la contrainte ou la présence de structure ou exploitation spécifiques ;

- la taille et la densité : soit la mise en évidence de la discontinuité par un écart à la norme locale.

En fonction des axes de recherche développés, des méthodes ont été élaborées pour répondre aux problématiques posées. Bien que récente, l’historiographique de la discipline archéogéographique fait que ce sont davantage les indicateurs permettant de mettre en évidence la présence de planification parcellaire (antique, médiévale) qui ont bénéficié en premiers de développements techniques dépassant la simple analyse « manuelle » (c’est-à-dire visuelle). On pense ici à l’isoclinie (filtres optiques) et à la périodicité (guides préformés, filtres d’images, quantogramme) qui ont mobilisé l’attention des chercheurs, notamment entre les années 1980 et 2000 (laboratoire de Besançon, Rennes). Depuis la diffusion des SIG, dès les années 1990 dans les services archéologiques de collectivité (le SDAVO tout particulièrement), de nouvelles méthodes ont été mises au point en utilisant les outils d’analyse à disposition par les logiciels. C’est notamment le cas des calculs d’orientation automatisés, développés par S. Robert et utilisés tout particulièrement pour étudier les formes du paysage sur de grandes fenêtres d’observation (Val d’Oise : Robert 2003b, Vendée : Watteaux 2009). Il s’agit de calculer l’orientation de chaque segment (lignes vectorisées) et de regrouper les angles obtenus en classes d’amplitudes égales (sous la forme de fourchettes angulaires, généralement de 10° à 20°) en introduisant ensuite l’information qualitative (l’appartenance à une classe) dans la table attributaire de chaque segment. La troisième étape consiste à récapituler les informations obtenues dans des histogrammes qui permettent d’analyser la répartition statistique des segments. Les classes dominantes étant celles accumulant le plus de segments, en termes de somme des longueurs (Robert 2011 : 137-138). Naturellement, le SIG permet aussi des requêtes sur la proximité (connexion), des analyses de distance (isotopie) et des calculs classiques de taille et de densité (discontinuité) – parallèlement aux analyses dites « à vue » sur les formes, les orientations, les alignements et les connexions, à force de va-et-vient entre les échelles d’observation.

En quittant les méthodes, on en revient aux principes des études planimétriques. Suite aux analyses, les interprétations sur les formes et les composantes du paysage (lieux habités, réseau viaire, parcellaire), leur articulation, transmission, chronologies et fonctions sont formulées à partir d’une confrontation avec d’autres informations ou documents (archéologiques, textuelles). Auxquels s’ajoute aussi la connaissance acquise sur les logiques spatiales du lieu étudié – produits de l’interaction entre le physique (milieu) et les sociétés (pratiques sociales, décisions politiques), entre les formes du passé et du présent. Le manuel archéogéographique écrit par S. Robert (ibid.) recense et détaille les types d’analyses existants,

pour étudier les composantes, mais aussi et surtout le fonctionnement et l’articulation des trames (parcellaires) et des réseaux (viaires) – historiographie comprise. Nous en reprenons succinctement, ici, les enseignements méthodologiques en centrant notre propos davantage sur les éléments recherchés (morphogènes), leur niveaux d’organisation et les méthodes d’analyses à mobiliser dans les études de cas à venir36.

Analyser le réseau viaire

Le réseau viaire est une composante essentielle du paysage dont l’approche a été renouvelée, la résilience et le dynamisme démontrés dès la Protohistoire (Vion 1989 ; Chouquer 2000 ; Chouquer 2007 ; Robert 2009). C’est ainsi qu’il est désormais bien acquis que ce qui génère, transforme et transmet le réseau de voies sur le temps long – quels que soient les structures, l’usage et le statut hiérarchique, leur caractéristique en tant qu’objet historique (voies stratégiques arpentées / voies non arpentées) – est avant tout la connexion avec les lieux habités. La topographie (relief, hydrographie) est certes une contrainte, son rôle de morphogène est réelle, mais différemment perceptible, selon les échelles spatio-temporelle considérées et les niveaux d’organisation du réseau, à savoir (Robert 2011 : 148-160) (Fig. I-12) :

- l’itinéraire qui correspond au flux, à la circulation existante entre deux lieux habités des biens et des hommes. On distingue les itinéraires de « grands parcours » (échelle régionale, supra régionale) reliant des centres urbains importants (villes), des itinéraires de « moyen parcours » (échelle micro-régionale) desservant de petites agglomérations (bourgs), des itinéraires de « petits parcours » (échelle locale) connectant les simples villages entre eux et enfin, des « déplacements dans les terroirs » (échelles micro-locale) depuis les noyaux villageois.

- le tracé est l’emprise au sol, et donc cartographiable en plan, de tronçons de voies entrant dans la constitution d’un itinéraire.

- le modelé, enfin, est la matérialisation des voies, il s‘agit de la structure construite étudiable à l’échelle de la fouille archéologique.

Différentes approches existent pour étudier le réseau viaire ancien. Si les modelés sont du ressort de l’analyse classique, alliant la documentation archéologique issue de fouilles à d’autres ressources documentaires (sources écrites, iconographie) ; la modélisation des itinéraires et la restitution des tracés anciens demandent des traitements plus spécifiques , quelles que soient les méthodes privilégiées. Le principe de la modélisation des itinéraires

36 Nous renvoyons pour les développements historiographiques sur cette question de la méthodologie appliquée à des objets historiographiques majeurs (la planification, les voies arpentées, la forme radio-quadrillée etc.) à Watteaux 2009 et Robert 2011, ainsi bien évidemment qu’à tous les ouvrages de G. Chouquer.

théoriques, adoptée et testée par S. Robert dans le Val d’Oise (Robert 2006 ; Robert & Wabont 2006 ; Robert 2007 ; Robert 2009b), consiste à relier des lieux habités – pôles dont on connait les échanges (attestés par l’archéologie ou supposés d’après le rapport taille / distance37) et

donc le poids morphogénétique pour le réseau. Des passages obligés (points intermédiaires, gués, cols, etc.) et/ou des contraintes sont appliqués à l’aide des outils fournis par les SIG, tels que le plus court chemin, la pondération de la distance par le relief et la pente, etc. L’intérêt de la modélisation réside dans la possibilité de comparer ces tracés théoriques aux tronçons reconstitués à partir du réseau transmis, point de départ des analyses mettant en application les principes de l’archéogéographie (Robert 2011 : 148-160 ; Watteaux 2009).

Deux méthodes coexistent et sont utilisées, distinctement (Poirier 2010) ou combinées (Marchand 2000 ; Marchand 2009 ; Watteaux 2009) selon les études et les pratiques disciplinaires des chercheurs. Toutefois, quelle que soit la méthode, le raisonnement s’effectue à partir d’un état hérité du réseau viaire. Dans la méthodologie développée par l’archéologue suisse E. Vion (Vion 1989), cet état est extrait de la planimétrie contemporaine (XIXe-XXe siècles) et permet de reconstituer les tracés anciens à partir d’une méthode d’analyse multiscalaire : portant sur des tris graphiques pour l’échelle micro-régionale et des tris numériques pour l’échelle supra-régionale. Les différentes étapes suivent, avant l’heure, les principes de l’archéogéographie planimétrique puisque, on va le voir, il est question de connexion, de discontinuités (anomalies), d’isoclinie (orientation) et d’iso-axialité (alignement) (Vion 1989 ; Marchand 2000 ; Marchand 2009 ; Watteaux 2009 : 263-265 ; Robert 2011 : 154- 156).

 La méthode des tris graphiques

Elle consiste à révéler le réseau local (voies reliant les pôles villageois et leurs écarts) à partir d’un état continu datant de la première moitié du XIXe siècle, à l’échelle 1/10 000 (cartes dites communales, en Suisse). Une fois ce réseau souligné, on met en évidence les anomalies, c’est-à-dire « tout tracé qui ne s’intègr[e] pas au rayonnement précédemment défini » (Vion 1989 : 77) – considérées comme les vestiges du réseau supra-local. Ces anomalies sous forme de segments sont alors reliées aux tronçons du réseau local, au plus court et au plus droit (alignements et orientations concordants). « La [nouvelle] carte recouvre alors les chemins régionaux actifs de l’époque de la carte [de référence utilisée] mais aussi des chemins désuets comme le montre parfois l’absence de la mention de l’itinéraire dans le nom du tronçon » (Robert 2011 : 155).

 La méthode des tris numériques

Cette méthode repose quant à elle sur un état transmis du réseau viaire à très petite échelle, celle des cartes routières actuelles (1/1 000 000). Il s’agit de compter le nombre de branches à chaque carrefour : 5 branches et plus permettent de révéler le réseaux local, 8 branches et plus le réseaux régional « ainsi que des liaisons directes anciennes entre certains centres » (ibid. : 156) et 10 branches et plus la structure supra-régionale du réseau, les itinéraires de grand parcours. « Les deux dernières phases illustrent la concurrence entre les villes à travers la mise en évidence des contournements et des captures » (ibid.).

L’état transmis du réseau viaire peut être étudié sous un autre angle : il s’agit de la méthode élaborée, ces dernières années, par les archéogéographes (G. Chouquer, C. Marchand, S. Robert, M. Watteaux). Le point de départ est un fond continu élaboré à partir de la cartographie et planimétrie moderne et contemporaine dite « scientifique » (à partir du XVIIIe siècle) confrontées à des informations compilées dans la base de données spatialisées (anomalies parcellaires témoignant de tronçons disparus, tracés anciens révélées par photo-interprétation, voies disparues représentées sur les cartes anciennes, mentions de toponymes, structures archéologiques, etc.). La recherche des tracés anciens, et plus largement la compréhension du réseau, a été par ailleurs automatisée par S. Robert à l’aide notamment des outils fournis par les SIG (Robert 2009b). Plusieurs étapes la composent – l’établissement de la carte compilée étant acquise au préalable (Robert 2011 : 157-160) – soit :

1. La modélisation des tracés théoriques (cf. ci-dessus) ;

2. La recherche de tronçons suivant des orientations dominantes, en s’appuyant sur les tracés théoriques déduits de la modélisation précédente ;

3. La recherche de connexion des voies avec certains lieux dont on suppose le rôle morphogénétique (en utilisant les aboutissants dans les toponymes des voies, tout particulièrement le nom de capitales régionales), et de certains lieux (relais, ateliers monétaires, maladreries, péages, nécropoles / cimetières, calvaires, chapelles, tumuli, etc. selon les périodes) avec la voie qui est appréciée là comme le morphogène (en utilisant la distance entre les points et les tronçons) ;

4. L’analyse toponymique permettant de renseigner d’autres aspects des voies, c’est-à- dire les usages, les structures, le statut, l’ancienneté, la proximité de certains lieux, etc. ;

5. La recherche des alignements remarquables pour rétablir des liaisons entre des tronçons disparus et transmis pour restituer des tracés cohérents (hypothétiques) ;

7. La comparaison avec le modèle ce qui permet de le réajuster. Les expériences menées dans le Val d’Oise permettent à S. Robert de constater qu’« aucun tracé ne suit véritablement les axes théoriques proposés. Chaque itinéraire présente plusieurs tracés qui se succèdent ou coexistent de l’Antiquité à aujourd’hui. Il sont compris dans un faisceau large en moyenne de 4km et qui représente le domaine d’attraction de l’itinéraire » (ibid. : 159).

8. Enfin, dernière étape : la datation des réseaux à l’aide du principe de connexion pour établir des relations de contemporanéité entre un pôle (point) et un itinéraire (ligne), l’orientation et l’alignement peuvent aussi donner des indications d’antériorité du tracé par rapport à d’autres éléments du paysage (parcellaire, bâtiment, etc.) en procédant avec précaution et en raisonnant de proche en proche. A cela s’ajoutent d’autres informations à confronter : des indications issues de la cartographie et planimétrie ancienne (existence à telle date, contemporanéité, antériorité, postériorité, disparition, etc.), de la photographie aérienne, des données archéologiques et des archives – en respectant le potentiel et limites informatifs (éléments de datation relatifs à l’itinéraire, tracé ou modelé ?) de chaque type de documentation.

On le voit le type de documentation exploitée, l’échelle d’observation et les questions posées au réseau viaire influent sur les méthodes d’analyse à mettre en œuvre, ce qui explique la diversité des études existantes sur ce sujet. Les archéogéographes se distinguent par une appréhension systémique du paysage en tant qu’objet socio-environnemental : le réseau viaire ne pouvant s’apprécier qu’en articulation avec le maillage des lieux habités et les trames parcellaires, avec qui il partage des morphogènes communs.

Analyser le parcellaire

Le rôle morphogénétique de la topographie (lignes de crête, coteaux, versants, etc.), de l’hydrographie active (rivière, cours d’eau, fossés en eau, etc.) et/ou éteinte (paléochenaux, paléoméandres, marais asséchés) voire de la végétation (délimitation de forêts) dans la constitution des formes parcellaires est un fait acquis. Le poids du réseau viaire dans la formation et la transmission du parcellaire parait de prime abord évidente. Pourtant, les travaux en archéogéographie (Leturcq 1997 ; Marchand 2000 ; Robert 2003 ; Watteaux 2009) montrent que si « les voies de grand parcours qu’elles soient arpentées ou non, apparaissent particulièrement morphogénétiques, [...] tous les tracés [...] ne jouent pas un rôle morphogénétique [sur le parcellaire], ni sur tout leur parcours. Il s’agit le plus souvent d’une relation complexe entre l’orientation locale de la voie et la topographie » (Robert 2011 : 161). Sans revenir sur les « formes historiques » du parcellaire (les planifications antiques et

médiévales, les parcellaires radio-concentriques médiévaux38) qui ont longtemps mobilisé

l’attention des chercheurs, on peut dire que ces morphogènes sont identifiables pour tous les types d’organisation parcellaire : qu’il s’agisse de parcellaires de « fondation » (planifiés, produit d’un projet politique comme la centration antique) ou de « formation » (produit de l’interaction entre les sociétés et leur milieu sur la longue durée, à l’image de la forme « radio-quadrillée »), à des degrés divers et selon des processus à mettre en évidence. Il en va de même pour les unités morphologiques qui « s’individualisent généralement par une forme distincte de leur environnement » (circulaire, radiale, curviligne, rectiligne, etc.), en ne s’intégrant pas ou mal aux trames parcellaires dominantes de fondation et/ou de formation. Ces unités correspondent « soit à la production volontaire d’une forme géométrique simple39 [anciens marais, clairières de

défrichement, garennes, zones franches ou délimitant des bâtiments spécifiques comme les églises, habitats d’élite, cimetières, etc.] soit à l’adaptation à l’oro-hydrographie40 [parcellaires de

pente, de vallée, « corridors fluviaires », etc.] » (ibid. : 167).

Comme pour le réseau viaire, la parcellaire contient plusieurs niveaux d’informations qui peuvent de chevaucher car il possède une valeur foncière (découpage des propriétés) et d’usage (types de cultures), mais aussi deux structures, l’une matérielle (fossés, haies, levées de terre) et l’autre concernant le fonds de propriété (occupation du sol et morcellement foncier). Parallèlement, S. Robert utilise le même découpage du parcellaire en niveaux de forme que pour le réseau viaire (ibid. : 161-162) (Fig. I-13) :

- « Le flux concerne les différents éléments qui peuvent s’appuyer sur la structure matérielle du parcellaire pour circuler : eau, sédiments, hommes, animaux, etc. qui circulent sur les limites de parcelles ou dans des types de culture particulier ». Ce niveau de forme du parcellaire ne donne pas (encore) lieu en archéogéographie à une modélisation à proprement parler, il est implicite ou issu d’une déduction.

- « Le tracé ou l’emprise au sol concerne à la fois les limites des parcelles ou la surface de la parcelle en plan. [...] Sa forme a un rôle sur les flux dans la mesure où ceux-ci l’emprunteront en fonction de son orientation par rapport à la pente ou par rapport à des cheminements pour les hommes ou la faune entrant dans des itinéraires ». L’analyse consiste à reconnaitre ces tracés.

38 Pour l’ensemble de ces objets géohistoriques récemment réexaminés sous l’angle de l’archéogéographie, voir : CHOUQUER & Favory 2001 ; Lavigne 2002 ; Lavigne 2006 ; Chouquer 1996-1997 ; Chouquer 2000 ; Chouquer 2004 ;

Chouquer 2006c ; Chouquer 2007 ; Watteaux 2004b ; Watteaux 2009 ; Marchand 2000 ; Marchand 2004 ; Brigand 2007.

39 Pour les garennes, plessis, parcs à gibiers mis en évidence dans le cadre d’études archéogéographiques : cf. Robert 1995 ; Watteaux 2002. Pour les marais asséchés et les ellipses de défrichement : cf. Abbé 2007 ; Chouquer 1996-1997. 40 Cette question des formes liées à l’oro-hydrographie, tout particulièrement les « corridors fluviaires », a été abordée dans Pinoteau & Di Pietro 2004 ; Pinoteau 2004 ; Foucault 2004 ; Noizet 2005a ; Noizet 2006.

- « Le modelé concerne à la fois la forme des limites (fossés, haies, etc.) mais aussi, le contenu de la parcelle avec son type d’occupation (labours, prés, emblavures etc.) car ils ont une influence sur la circulation des flux ». Ici, encore comme pour le réseau viaire, il s’agit d’observer les modelés à partir de la documentation disponible (archéologique, cartographique, planimétrique).

On retrouve aussi le même raisonnement à partir réseau transmis, enregistré et relevé à partir des documents planimétriques du XIXe siècle notamment (cadastre napoléonien) qui sert de fonds de plan à l’établissement de la carte compilée composée de documents cartographiques anciens géoréférencés, de données archéologiques spatialisées, de nouvelles données acquises par la carto- et photo-interprétation (formes actives et fossiles). Dans la carte compilée, on intègre aussi une cartographie des voies, du relief et du réseau hydrographique, « dans la mesure où les éléments morphogénétiques pour le parcellaire sont à rechercher généralement dans le réseau viaire et de l’oro-hydrographie » (ibid. : 173). L’analyse se déroule ensuite par étape, à l’aide des méthodes déjà évoquées (ibid. : 173-177) :

1. Recherche des orientations dominantes (isoclinie) du parcellaire, à comparer avec les autres réseaux ;

2. Recherche automatisée et/ou à vue des alignements remarquables (iso-axialité) ;

3. Recherche des conflits de forme et des dynamiques, c’est-à-dire des discontinuités qui mettent en évidence « des limites entre objets incommensurables, ne fonctionnant pas dans la même échelle de pratique » (ibid. : 173) ;

4. Détermination des formes qui reste une étape d’interprétation, puisqu’il est question de l’appréciation personnelle de l’archéogéographe (expérience de l’ « œil », choix des seuils, contexte géographique de la zone d’étude) ;

5. Datation des formes et réseaux parcellaires, étape la plus délicate, puisqu’il s’agit de récolter des informations chronologiques à partir des relations entre les parcelles et les autres objets du paysage : voies, hydrographie et surtout données archéologiques. « Les cas les plus fréquents sont l’observation de l’insertion de l’habitat dans le réseau viaire » (ibid. : 174), cette insertion peut s’effectuer par l’orientation et la forme (relations indirectes car il peut y avoir un décalage temporel entre la mise en place du morphogène, le site et ses limites) mais aussi la liaison directe entre un morphogène du parcellaire et un site – cas de figures souvent rencontrés dans les analyses du parcellaire menées à partir de fouilles archéologiques préventives. S. Robert parle d’une « exigence de cohérence qui doit motiver le rattachement d’un site à un réseau », en ne se contentant pas d’une « unique parenté d’orientation » (ibid. : 176). De la même

façon, la datation des limites de réseau est complexe car elle se fonde généralement sur

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