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2-2- Participation des investisseurs institutionnels étrangers au capital

La distinction entre investisseurs institutionnels domestiques et investisseurs institutionnels étrangers est importante du moment que les institutionnels étrangers sont peu présents sur les marchés à propriété concentrée. En accord avec les résultats d’Ammer et al.

(2008), Ferreira et Matos (2008), Leuz et al. (2009)66, l’étude réalisée par King et Segal (2009), portant sur un échantillon composé de 277 entreprises canadiennes pendant la période

66 Sur la base d’un échantillon comportant 4 409 entreprises de 29 pays émergents et développés, Leuz et al.

(2009) montrent que les entreprises dont les structures de propriété favorisent l’expropriation des actionnaires minoritaires attirent significativement moins d’investissement américain. Ce résultat n’est pas simplement lié au développement économique du pays, il est aussi lié aux institutions légales et à la disponibilité des informations.

1989-2004, révèle que les investisseurs institutionnels américains sont particulièrement réticents à investir dans des entreprises où les intérêts des actionnaires de contrôle et ceux des actionnaires minoritaires ne sont pas alignés et que le risque d’expropriation est très important. Par ailleurs, il a été démontré que les investisseurs institutionnels étrangers sont plus vigilants à l’égard de l’utilisation des mécanismes protégeant leurs intérêts que les institutionnels domestiques. Fait nouveau, les investisseurs étrangers, principalement des investisseurs institutionnels anglo-saxons, détiennent une part de plus en plus importante du capital-actions des entreprises françaises cotées en bourse. À la fin des années 90, cette part aurait atteint 50 % pour l’ensemble des entreprises figurant à l’indice CAC 40 (Jeffers et Plihon, 2002).

Selon Ginglinger et l’Her (2006), les institutionnels étrangers contribuent à l’adoption de standards internationaux de gouvernance. Leur présence constitue une garantie de protection des droits des actionnaires minoritaires en cas de concentration de la propriété.

L’influence des investisseurs institutionnels internationaux se manifeste ainsi dans les changements qui s’opèrent concernant le fonctionnement interne des entreprises, l’application des principes de gouvernement d’entreprise par exemple. Les entreprises dont la stratégie de développement ne peut se financer qu’en ayant recours aux investisseurs internationaux ont parfaitement conscience qu’elles sont jugées sur la façon dont elles réalisent les exigences, pas toujours financières, de ces investisseurs exigeants. L’application de certaines règles résultant de la notion de « corporate governance » par les entreprises multicotées, se présente comme le deuxième objectif des investisseurs institutionnels internationaux. Ainsi, les entreprises doivent offrir des garanties en matière de gouvernement d’entreprise, condition essentielle pour attirer les capitaux, en particulier ceux des fonds anglo-saxons.

L’activisme coordonné des investisseurs institutionnels leur permet, en s’associant, de minimiser le problème du passager clandestin. Il est alors susceptible de parvenir à modifier la gestion des entreprises en faveur des intérêts des actionnaires. Ces investisseurs exigent une rentabilité accrue du capital et imposent des règles d’organisation (composition du conseil d’administration, transparence des comptes, ...) (Jeffers, 2000). D’où la montée en puissance dans les circuits d’intermédiation des investisseurs institutionnels et sur toutes les places boursières continentales qui valorisent la liquidité des marchés et la protection des minoritaires (Jeffers et Plihon, 2001).

Aggarwal et al. (2009) trouvent que les investisseurs institutionnels étrangers, en particulier américains, jouent un rôle prédominant pour améliorer le gouvernement d’entreprise, ce qui n’est pas le cas des institutionnels des pays ayant une faible protection des minoritaires. Leurs résultats corroborent ceux de Gillan et Starks (2007) et de Ferreira et Matos (2008) pour dire que l’effet des institutionnels étrangers est plus important que celui des institutionnels domestiques dans l’amélioration du gouvernement d’entreprise. Il va de soi que dans les pays de droit civil, les investisseurs institutionnels étrangers (en particulier ceux originaires des pays offrant une bonne protection aux actionnaires minoritaires) jouent un rôle primordial dans l’amélioration du système de gouvernement d’entreprise dans le monde (Aggarwal et al., 2009)67.

Cette analyse théorique nous amène à émettre l’hypothèse suivante :

H6 : La présence des investisseurs institutionnels étrangers dans le capital incite l’entreprise à choisir la cotation directe ou par le biais des certificats d’actions étrangères niveau 2 ou niveau 3 en tant que mode d’entrée dans une bourse américaine.

Conclusion du chapitre

Depuis la faillite d’Enron en décembre 2001 et les multiples scandales68 et manipulations comptables survenus récemment aux États-Unis et en Europe, le thème de la protection des actionnaires minoritaires a connu une actualité nouvelle. La découverte de scandales comptables massifs dans des entreprises telles que Worldcom, Adelphia, Tyco, Parmalat, … ou les pertes abyssales de certaines autres tel que General Motors, Vivendi ou France Télécom a brutalement révélé les défaillances d’un système de surveillance des directions générales jusque-là souvent considéré comme le plus performant au monde. Ces scandales financiers ont affecté la majorité des entreprises provoquant pour celles-ci de graves

67 Aggarwal et al. (2009) examinent la relation de causalité entre les institutionnels et le gouvernement d’entreprise : si les institutionnels conduisent à un meilleur gouvernement ou bien si l’amélioration du gouvernement attire les investisseurs institutionnels. En cohérence avec les travaux de McCahery et al. (2009), ils trouvent que les institutionnels jouent un rôle actif dans l’amélioration du système gouvernement d’entreprise.

L’inverse n’est toutefois pas vrai.

68 Les scandales financiers sont définis comme une manifestation de l’impact de la manipulation informationnelle sur les cours des titres. En dissimulant des informations aux marchés ou en faisant des annonces de résultats erronés, les entreprises parviennent, sur le court terme, à éviter la chute des prix de leurs titres. Il se crée alors une bulle qui éclate lors de la découverte de la manipulation informationnelle. C’est grâce à l’information que le marché attribue la juste valeur aux actifs financiers.

conséquences financières. Rares, sont celles qui ont été épargnées par ce phénomène. Les difficultés sont apparues avec le temps et se sont révélées avec des complexités majeures du fait des différentes approches mises en oeuvre et qui sont liées aux différents modèles de gouvernance utilisés : anglo-saxon, japonais ou européen. Cependant, par une approche systémique, l’impact d’une telle modélisation d’un système de contrôle sur les activités de l’entreprise se révèle capital.

Ces scandales conduisent à s’interroger sur la qualité de l’information comptable publiée et sur le degré de confiance que peut accorder l’investisseur aux outils d’évaluation censés refléter fidèlement la valeur créée pour les actionnaires. Les investisseurs sont semés de doute sur la sincérité des comptes des entreprises et sur leur valorisation69. Toutefois, à force de défendre les droits des investisseurs, ne craint-t-on pas la perte de l’attractivité du marché financier américain en raison des risques de sanctions qui sont infligées en cas de violation de la réglementation ? À cet égard, l’entrée en vigueur de la loi Sarbanes-Oxley est censée avoir un impact négatif sur la cotation en bourse aux États-Unis. Il convient de constater que les marchés d’actions aux États-Unis ont récemment perdu de leur attrait en raison notamment des nouvelles contraintes réglementaires américaines. Le marché américain serait-il ainsi victime de ce qui est appelé le « paradoxe de la probité » ?

69 Plusieurs critiques ont été formulées à l’encontre du modèle comptable d’évaluation de l’entreprise : production tardive d’une information comptable et financière devenue obsolète, principes complexes, nombreuses pratiques discrétionnaire de la part des dirigeants, ….