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La séparation du pouvoir de contrôle62 de la propriété63 a conduit les financiers à distinguer parmi les actionnaires, les propriétaires indivis de l’entreprise, les actionnaires de contrôle et les actionnaires minoritaires. Tandis qu’il n’existe pas d’impact significatif sur la structure de propriété après la cotation des titres aux États-Unis, il s’avère qu’il y a une grande incidence sur le contrôle. La cotation aux États-Unis offre aux actionnaires de contrôle l’occasion de vendre leur bloc de contrôle. Auparavant, ces actionnaires détenaient le contrôle par un droit de vote appréciable. Après la multicotation, la vente du bloc de contrôle permet aux actionnaires de contrôle de diversifier leurs portefeuilles. La multicotation facilite le transfert du bloc de contrôle, ce qui facilite les changements de contrôle pour plusieurs raisons.

62 Pour Fayol (1970), le contrôle est un acte de surveillance visant à s’assurer que les obligations du personnel ont bien été remplies, c’est-à-dire, de vérifier ou d’inspecter de manière attentive la régularité des décisions prises par ces agents. Il s’agit donc d’un contrôle interne à l’entreprise. Dans l’esprit de Fama et Jensen (1983), il s’agit du contrôle exercé par les propriétaires sur les dirigeants de l’entreprise. En d’autres termes, c’est une autorité qui s’exerce sur les prises de décisions au sein de l’entreprise, généralement obtenue en faisant l’acquisition, seul ou avec l’appui d’alliés, d’une part importante des actions de cette entreprise. Adhérant au concept de contrôle élaboré par Fama et Jensen (1983), le contrôle représente un droit politique attaché aux droits de vote. Il s’évalue soit en fonction du poids de l’engagement financier de l’actionnaire dans le capital ou de la distribution des droits de vote (et non des actions), soit en fonction des éventuelles alliances d’actionnaires au sein d’un bloc et de la configuration de l’actionnariat.

63 La propriété est un droit patrimonial : c’est le droit de disposer d’une fraction de la richesse de l’entreprise en même temps qu’il est un engagement. Le droit sur la richesse de l’entreprise est celui d’user des revenus futurs (plus-values ou dividendes) en contrepartie du risque assumé. L’engagement qui est la contrepartie du droit est celui de supporter les pertes éventuelles au prorata de la participation de l’actionnaire. Le droit de propriété n’est donc pas seulement un droit aux bénéfices, il est aussi un droit aux pertes. En ce sens, la notion de droit est indissociable de celle de la responsabilité.

La première raison est que la cotation aux États-Unis accroît la notoriété des entreprises auprès des média et des analystes financiers (Baker et al., 2002). Ainsi, plusieurs acquéreurs potentiels peuvent s’informer à propos des entreprises, y compris les acquéreurs étrangers. La deuxième raison est que les normes de divulgation et l’amélioration de la transparence qui accompagnent la multicotation peuvent attirer plus d’acheteurs lors de la vente des blocs de contrôle, notamment étrangers. Le niveau élevé de divulgation et de transparence associé à la multicotation aide les acheteurs potentiels à assigner des évaluations plus exactes à l’entreprise ce qui accroît leur bonne volonté à faire une offre. La troisième raison est que les entreprises cotées aux États-Unis sont plus évaluées que celles non multicotées. Cette différence d’évaluation est négativement liée au degré de protection des investisseurs dans leurs pays d’origine. Ainsi, les actionnaires de contrôle qui souhaitent vendre leurs titres peuvent avoir un cours très élevé. Finalement, l’amélioration de la protection des investisseurs associée à la cotation aux États-Unis réduit la capacité des actionnaires de contrôle à extraire des bénéfices privés du contrôle (Doidge, 2001). Il est difficile pour les actionnaires de contrôle de trouver un acquéreur dans le marché d’origine capable d’acheter les blocs de contrôle. Par conséquent, la multicotation constitue une solution pour ces actionnaires qui souhaitent vendre leurs titres. À cet effet, le contrôle devient relativement plus attractif pour les acquéreurs qui ne peuvent pas extraire des bénéfices privés du contrôle et moins attractif pour les acquéreurs qui ont une meilleure capacité d’exploiter ces bénéfices privés.

Selon Doidge (2001), le changement des droits de vote dépend du type d’inscription.

Pour les entreprises qui inscrivent leurs titres par le biais d’ADRs niveau 2, l’auteur ne trouve aucun changement des droits de vote pendant l’année d’inscription et les années qui suivent la multicotation. Toutefois, il constate une baisse considérable des droits de vote pendant l’année de la multicotation jusqu’à cinq ans après pour la cotation par le biais d’ADRs niveau 3. Cette baisse reflète la dilution des droits de vote par des émissions des titres sinon par vente des titres. S’il est vrai que la multicotation ne conduit pas à adopter une structure de propriété dispersée, la cotation des titres aux États-Unis facilite les changements de contrôle.

Il y a un changement significatif de la composition des propriétaires des entreprises accompagné d’une baisse du nombre des entreprises qui sont contrôlées par des familles et des dirigeants. La majorité des changements de contrôle sont dûs à la vente du contrôle à des entreprises étrangères. Ils sont accompagnés par un changement des dirigeants et la majorité des nouveaux actionnaires de contrôle sont des étrangers. Il existe deux types de changement

de contrôle. La première situation lorsque l’actionnaire d’origine vend la totalité de ses titres de contrôle soit à un nouvel actionnaire de contrôle soit à un large groupe d’actionnaires dispersés. La deuxième situation est un changement appelé « un transfert de contrôle » qui se réalise lorsque l’actionnaire de contrôle vend une partie de ses titres ainsi un deuxième propriétaire acquis une part importante des droits de vote après la vente. Ces résultats stipulent que les entreprises utilisent les certificats d’actions étrangères (ADRs) comme un moyen pour vendre les blocs de contrôle à de nouveaux propriétaires étrangers, plutôt qu’un moyen pour changer le gouvernement d’entreprise.

Les actionnaires de contrôle sont supposés être les mieux informés sur l’état financier de l’entreprise. Ainsi, un ordre d’achat indique une volonté de la part de ces actionnaires de s’engager plus dans l’entreprise. Cet engagement entraîne l’augmentation du risque de non diversification. Les actionnaires ne prennent de telle initiative que s’ils anticipent de bons résultats de l’entreprise. Inversement, un ordre de vente d’un bloc d’actions est un signal négatif sur le marché. Cet ordre sera interprété par la détention d’une information privée négative sur la rentabilité de l’entreprise. Les actionnaires anticipent une baisse des cours des titres de l’entreprise et la mise en vente de ces actifs vise à limiter une future perte. Un tel désengagement doit être progressif et ne doit pas commencer immédiatement après la multicotation. En effet, la découverte de ces intentions par le marché provoquera l’échec de la multicotation. Par conséquent, la cotation à l’étranger peut cacher une volonté de désengagement des actionnaires de contrôle qui anticiperaient une diminution de la rentabilité de l’entreprise sur le long terme. Ainsi, la multicotation présente non seulement une bonne alternative qui permet d’éviter des procédures administratives complexes et coûteuses pour les acquéreurs mais aussi elle permet de prendre le contrôle de l’entreprise au prix du marché (Kammoun, 2008).

Dans une étude récente, Ayyagari et Doidge (2010) examinent si les actionnaires de contrôle des entreprises utilisent la cotation aux États-Unis pour faciliter les changements de propriété et de contrôle. Avant la multicotation, environ trois quarts des entreprises composant leur échantillon ont un actionnaire de contrôle. Après la multicotation, environ la moitié des droits de vote des actionnaires de contrôle diminuent en moyenne de 24 %. De grandes diminutions des droits de vote sont associées aux caractéristiques des actionnaires de contrôle, aux contraintes du marché domestique et à la meilleure performance et liquidité de la bourse. En outre, les auteurs observent un changement de contrôle de 22 % des entreprises.

Les actionnaires de contrôle vendront le contrôle à un acquéreur étranger. Leurs résultats stipulent qu’à travers la vente des parts ou du contrôle, ces actionnaires de contrôle utilisent la multicotation aux États-Unis pour diminuer le coût de transfert de la propriété.

2- Effet de la structure institutionnelle sur la décision de multicotation

Les marchés domestiques ne suffisent pas toujours à contenter certaines entreprises désireuses de lever des fonds propres en soutient, généralement, à leurs programmes de développement. Les entreprises se tournent vers les places financières étrangères, principalement américaines, pour accroître et diversifier leurs possibilités de financement. Par ailleurs, les stratégies de financement des entreprises sont impactées par le phénomène croissant de mondialisation. L’accès direct aux marchés de capitaux étrangers semble engendrer des bénéfices importants. En étant plus visibles sur les places boursières, les entreprises multicotées peuvent ainsi toucher de nouvelles catégories d’investisseurs.

Bien qu’ils soient des actionnaires comme les autres, leur influence et la place qu’ils occupent dans la structure de l’entreprise ne sont pas similaires. Nous ne pouvons pas comparer les investisseurs institutionnels64 avec les investisseurs individuels disposant des parts insignifiants de l’entreprise malgré le fait que tous les deux soient des actionnaires minoritaires. Les fonds d’investissements se distinguent des autres petits actionnaires du fait qu’ils sont en mesure d’influencer les décisions prises par les majoritaires et que les orientations stratégiques de l’entreprise correspondent à leurs exigences et attentes.

La politique des investisseurs institutionnels à l’égard des entreprises dont ils sont actionnaires résulte en grande partie des règles qui définissent leurs obligations à l’égard des épargnants. Il s’agit de défendre l’intérêt des épargnants en respectant des principes comme la prudence, la loyauté, ... Leur politique actionnariale s’exerce principalement à deux niveaux. En premier lieu, elle vise à amener les entreprises à privilégier un objectif de création de valeur actionnariale. Il s’agit de maximiser la valeur et le rendement financier du portefeuille géré par les investisseurs. En deuxième lieu, les investisseurs institutionnels

64 L’OCDE (1998) insiste sur le fait que les fonds investis institutionnellement doivent être gérés de manière professionnelle, au sein d’institutions qui en ont fait leur métier. Nous distinguons les fonds de pension, les sociétés d’assurance, les fonds ou des sociétés d’investissement plus ou moins spéculatifs et les banques tournées vers la gestion d’actifs.

cherchent à imposer aux entreprises des règles de « gouvernement » destinées à faciliter le contrôle des entreprises dont ils sont actionnaires. La généralisation des principes de gouvernance dans les entreprises ouvertes au capital étranger serait ainsi une conséquence directe de la pression exercée par les investisseurs institutionnels américains.

Toutefois, la distinction entre investisseurs institutionnels domestiques et étrangers s’avère importante du fait que les préférences des investisseurs institutionnels domestiques et étrangers sont divergentes. Les institutionnels étrangers évitent d’investir dans des entreprises poursuivant une politique de versement des dividendes élevés. Tandis que ce type d’entreprises est recherché par les investisseurs institutionnels domestiques (Ferreira et Matos, 2008). Contrairement aux institutionnels domestiques, les institutionnels étrangers ne sont pas liés par une relation d’affinité avec les dirigeants de l’entreprise (Ferreira et al., 2009).

2-1- Participation des investisseurs institutionnels domestiques au