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Panorama des méthodes d’apprentissage des langues étrangères

APPRENDRE UNE LANGUE ETRANGERE

1.4 L’APPRENTISSAGE DES LANGUES ETRANGERES AU LYCEE Après avoir étudié les théories d’apprentissage en général, il est intéressant

1.4.1 Panorama des méthodes d’apprentissage des langues étrangères

Nous commencerons par un rappel des méthodologies d’apprentissage des langues étrangères (Julié, 2008 ; Puren, 1994) afin de comprendre l’approche qui détermine nos programmes actuels. Chaque méthode s’appuie sur une vision particulière de la langue. Cela nous permettra donc de poser notre propre conception de la langue.

Malgré l'apparence de chronologie liée à l'utilisation de dates, il est important de signaler qu'il y a eu « des chevauchements, des enchevêtrements, des

Page | 62 retours en arrière, des adaptations » (Rézeau, 2001 : 79) entre les différentes

méthodologies28.

Au début du XXème siècle, l’apprentissage des langues étrangères fut basé principalement sur l’écrit avec la méthode grammaire-traduction, également appelée méthode traditionnelle. Cette technique était héritée de l’enseignement des langues classiques comme le latin et le grec. Selon cette méthode, apprendre une langue consistait à apprendre des listes de vocabulaire, des règles théoriques de grammaire et à traduire des phrases.

Mais cette manière d’enseigner les langues fut remise en cause car elle se fonde sur un paradigme de l’enseignement, et non de l’apprentissage. Une nouvelle méthode fit son apparition : la méthode directe. Celle-ci mettait en avant le bain linguistique et l’assimilation inconsciente des règles grammaticales. L’acquisition d’une langue en milieu scolaire était perçue comme similaire à celle d’une langue en milieu naturel. Cette approche récusait donc tout passage par la langue maternelle. La traduction était alors mise de côté, l’oral était privilégié. L’intérêt d’apprendre

une langue étrangère était de parler et de se faire comprendre oralement29.

La méthode directe déclina à partir des années 1920, et la méthode active vit le jour. Cette méthode s’avérait être une synthèse entre la méthodologie traditionnelle et la méthodologie directe. La méthode orale était assouplie : possibilité de recours à la traduction, enseignement de la grammaire à partir d’exemples…

La méthode audio-orale (MAO) se développa dans les années 1950-1960. Celle-ci fit son apparition pendant la deuxième guerre mondiale. En effet, les armées américaines avaient besoin de former le personnel militaire très rapidement à l’anglais. L’objectif principal de la méthode était de pouvoir communiquer ; par conséquent, l’approche était exclusivement orale et l’entraînement était de type behaviouriste. Selon les théories behavioristes, le langage est un comportement et

celui-ci ne peut s'acquérir qu'en le pratiquant. L’apprentissage se faisait grâce à la

28 De plus, les instructions officielles des autorités éducatives prônant une méthodologie ne sont pas

forcément appliquées sur le terrain.

Page | 63 répétition (avec les exercices structuraux appelés « drills »). L’idée était de conditionner un réflexe : stimulus, réponse, renforcement. Le langage était un comportement. Mais les exercices trop répétitifs lassaient les élèves, les possibilités de transfert étaient quasi-inexistantes, l’aspect culturel (très développé dans l’enseignement traditionnel) était abandonné au profit d’un apprentissage de la langue courante (la « synergie langue-culture » (Julié, 2008 : 19) était perçue comme inconcevable à l’époque).

Dans le prolongement, la méthode SGAV (structuro-globale audio-visuelle) apparut dans les années 1960-1970. Le fondement théorique était également le behaviorisme. Cette méthode « affich[ait] une volonté de considérer la langue sous sa forme structurée tant au plan phonologique que grammatical » (Rézeau, 2001 : 135). L’apprentissage se faisait par la vue (grâce à l’image) et par l’oreille (grâce au son) ; le support visuel remplaçait le support écrit. La méthode accordait donc elle-aussi la priorité à l’oral et proscrivait l’écrit, tout au moins au début de l’apprentissage.

Les approches notionnelle-fonctionnelle et communicative se développèrent en réaction aux approches audio-orale et audio-visuelle à partir des années 1970. Celles-ci insistaient toutes les deux sur la communication. Dans l’approche notionnelle-fonctionnelle, la grammaire n’organisait plus la langue, c’était le sens et les contenus : « l’approche notionnelle-fonctionnelle rempla[çait] la norme linguistique par la norme sociale » (Rézeau, 2001 : 135). La langue était découpée en deux concepts : les notions (catégories abstraites qui permettent d’organiser la réalité) et les fonctions (catégories qui indiquent ce que nous faisons concrètement avec le langage). En 1976, le Conseil de l’Europe publia des recommandations de

besoins de communication minimaux, le Threshold Level. Dans l’approche

communicative, la langue était vue comme un moyen de communication. Apprendre une langue consistait à apprendre à se comporter de façon adéquate dans des situations de communication : cette approche « dépla[çait] le point de vue sur la langue du système linguistique vers son utilisation appropriée, la compétence de communication » (Rézeau, 2001 : 135). Il y avait donc une dimension plus interactive dans l’apprentissage des langues.

Page | 64 Enfin, l’approche actionnelle, qui constitue la méthode préconisée actuellement dans l’apprentissage des langues, est dans la continuité de l’approche communicative. Elle vit le jour dans les années 2000. Elle reprend tous les concepts de l’approche communicative en y ajoutant l’idée de tâches.

Est définie comme une tâche toute visée actionnelle que l’acteur se représente comme devant parvenir à un résultat donné en fonction d’un problème à résoudre, d’une obligation à remplir, d’un but qu’on s’est fixé. Il peut s’agir tout aussi bien, suivant cette définition, de déplacer une armoire, d’écrire un livre, d’emporter la décision dans la négociation d’un contrat, de faire une partie de cartes, de commander un repas dans un restaurant, de traduire un texte en langue étrangère ou de préparer en groupe un journal de classe. (Conseil de l’Europe, 2001 : 16)

Une tâche est un but à atteindre dans un environnement donné, au moyen d’actions ou d’opérations (Tricot & Nanard, 1998 : 37). En somme, est acceptée comme tâche toute activité mettant l’apprenant en action. D’autre part, l’authenticité de l’action est centrale. Dans cette approche, les élèves sont

considérés comme des acteurs sociaux qui agissent30 et communiquent tout en

accomplissant des tâches. La tâche favorise alors l’engagement personnel de l’élève et donne une légitimité à l’apprentissage. Ce concept de « tâche » apparaît dans le CECRL (2001). Les programmes français de collège et de lycée suivent d’ailleurs l’approche proposée par le CECRL, comme le précise le préambule de tous les nouveaux programmes de toutes les langues (« [le programme] prend appui sur le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) élaboré par le Conseil de l’Europe » ; Ministère de l’Education Nationale, 2010b : 1).

Dans l’approche actionnelle, l’idée de « langue-culture » est mise en avant. Si la langue est un outil de communication, elle représente aussi une identité culturelle. Langue et culture sont donc indissociables.

Selon le CECRL, apprendre une langue étrangère nécessite un travail sur les

cinq activités langagières31 : écouter et comprendre, prendre part à une

conversation, parler en continu, lire et comprendre, écrire. L’oral et l’écrit ont un poids équivalent dans cette approche.

30 Julié précise qu’ « agir » en cours de langue signifie « le faire langagièrement et dans la

langue-cible » (2008 : 85).

31 Avant la publication du CECRL, les « activités langagières » apparaissaient sous l’appellation

« compétences ». Il y avait auparavant 4 compétences (réception orale, réception écrite, production orale, production écrite) ; il y a désormais 5 activités langagières.

Page | 65 Enfin, le CECRL définit 3 niveaux communs de référence, eux-mêmes divisés en 2 sous-niveaux :

- le niveau A correspondant à un « utilisateur élémentaire » : niveau de

découverte (A1) et intermédiaire (A2) ;

- le niveau B correspondant à un « utilisateur indépendant » : niveau seuil

(B1) et avancé (B2) ;

- le niveau C correspondant à un « utilisateur expérimenté » : niveau

autonome (C1) et maîtrise (C2)32.

Nous présenterons le profil des élèves interrogés pour notre étude à partir de cette

classification33.

Puren résume le panorama des différentes approches avec le concept d’ « entrées » (2005) :

- entrée par la grammaire (avec la méthode traditionnelle)

- entrée par le lexique (avec la méthode directe)

- entrée par la culture (avec la méthode active)

- entrée par la communication (avec la méthode audio-visuelle)

- entrée par l’action (depuis l’introduction du CECRL en 2001)

C’est donc bien avec la méthode audio-visuelle que l’apprentissage de l’oral (expression orale et compréhension orale) a commencé à se développer dans les salles de classe.

L’enseignement d’un professeur doit être en accord avec les directives des autorités éducatives (à travers les instructions officielles). Dans la mesure où dans cette thèse le chercheur est également l’enseignante des élèves à l’étude, il est contraint par ce cadre institutionnel dans sa définition de la langue. Par conséquent, la langue sera perçue dans ce travail de recherche dans une perspective communicative actionnelle.

32 La « maîtrise » d’une langue étrangère n’équivaut pas à la compétence langagière d'un natif.

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