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APPRENDRE UNE LANGUE ETRANGERE

1.4 L’APPRENTISSAGE DES LANGUES ETRANGERES AU LYCEE Après avoir étudié les théories d’apprentissage en général, il est intéressant

1.4.2 Les activités langagières orales

Le baladeur MP3, lorsqu’il est utilisé en cours de langue, est un instrument dont l’objectif pédagogique est de développer et consolider l’oral. Lorsque nous parlons d’ « oral » dans ce travail de recherche, nous envisageons les trois activités de communication langagières du CECRL : les productions orales (à la fois en

continu et en interaction)34 et la compréhension orale. Quelles sont les

caractéristiques de ces différentes activités langagières ? Quels en sont les mécanismes sous-jacents ?

1.4.2.1 L’expression orale

Afin de réaliser des intentions communicatives, les apprenants doivent mobiliser trois types de compétence communicative langagière (Conseil de l’Europe, 2001) :

- les compétences linguistiques, et notamment les compétences lexicale,

grammaticale et phonologique ;

- la compétence sociolinguistique ;

- la compétence pragmatique.

Concernant les compétences linguistiques, il est important tout d’abord de noter que notre vocabulaire de réception est plus étendu que notre vocabulaire de production. Ainsi, nos capacités d’expression sont plus restreintes que nos capacités de compréhension.

Parler implique également prononcer la langue. Or, contrairement à ce que pourraient penser les apprenants, il n’existe pas de prononciation parfaite dans la mesure où l’anglais est parlé à travers le monde (il y a donc des régionalismes). Selon Narcy-Combes, pour un apprenant français, « articuler l’anglais est plus difficile que l’écrire » (1990 : 56). En effet, il existe des différences phonémiques dans les systèmes phonologiques de l’anglais et du français. Le français est

34 Dans cette thèse, les termes « production orale » ou « expression orale » reprendront à la fois la

Page | 67 également une langue vocalique qui ne connaît pas les agrégats de consonnes (les

clusters), contrairement à l’anglais. Les apprenants peuvent aussi rencontrer des

difficultés suprasegmentales : le rythme n’est pas identique d’une langue à l’autre (le rythme est syllabique en français alors que le rythme est accentuel en anglais), tout comme l’intonation. Pour finir, les fréquences sont plus élevées en anglais.

La compétence sociolinguistique « porte sur la connaissance et les habiletés exigées pour faire fonctionner la langue dans sa dimension sociale » (Conseil de l’Europe, 2000 : 93). Elle est d’autant plus importante que la langue est considérée aujourd’hui comme un phénomène social. Lorsque nous parlons, nous devons par exemple utiliser des marqueurs de relations sociales, veiller aux règles de politesse, adapter son registre à l’interlocuteur…

Enfin, la compétence pragmatique permet à l’apprenant d’ordonner ses phrases, de structurer son discours (compétence discursive), ainsi que d’utiliser son discours oral à des fins fonctionnelles (compétence fonctionnelle).

Comme nous pouvons le constater, la performance productive ne relève pas uniquement de la compétence linguistique. Plusieurs paramètres doivent être pris en compte (Skehan, 1998 ; Ellis, 2008) : la précision (accuracy), la fluidité (fluency)

et la complexité (complexity)35.

Figure 15 – Les 3 paramètres de la performance productive

35 Dans les années 1980, Brumfit avait déjà fait des recherches sur la performance orale en langue

étrangère et avait établi deux paramètres : la fluidité et la précision (1984). Les recherches ultérieures ont élargi cette réflexion en introduisant un troisième paramètre : la complexité.

PRODUCTION ORALE

Précision

Fluidité

Page | 68 - La précision fait référence à la qualité de la langue produite dans la langue

cible. Cela implique que la production ne comporte pas d’erreurs : free from errors

(Wolfe-Quintero et al, 1998 : 33). Ainsi, le processus d’auto-correction est valorisé dans la mesure où il permet à l’apprenant de réviser sa production et de proposer

une langue plus exacte36.

- La fluidité renvoie à une production en temps réel, sans hésitations et sans pauses. L’output est traité rapidement. Cette fluidité nécessite un degré élevé d’automatisation qui est rendu possible par un entraînement régulier et une médiation (Narcy-Combes, 2005).

- La complexité correspond au degré d’élaboration de l’output. Elle comporte deux dimensions : la sophistication des structures linguistiques d’une part, et la variété lexicale d’autre part (« a wide range of structures and vocabulary » ; Wolfe-Quintero et al, 1998 : 4)

Les trois paramètres ne mettent pas en œuvre le même mécanisme. La précision et la complexité reflètent les connaissances actuelles de l’apprenant, c’est-à-dire son interlangue. La fluidité nécessite un processus de contrôle afin d’activer les connaissances linguistiques stockées en mémoire.

Par conséquent, lorsqu’un apprenant s’exprime à l’oral, l’objectif n’est pas uniquement de viser la correction linguistique, mais également de communiquer avec suffisamment d’aisance pour ne pas rendre la communication laborieuse, tout en complexifiant les structures grammaticales et en variant le lexique. Il est toutefois difficile pour un apprenant de mêler les trois paramètres simultanément : ceux-ci entrent en concurrence au moment d’exécuter la tâche. La complexité, par exemple, peut limiter la précision. La fluidité, si elle est privilégiée, va l’être aux

dépens de la forme (complexité et précision). C’est le principe de la Trade-off

Hypothesis (Skehan, 2009) :

If performance in each of these areas, complexity, accuracy, and fluency (CAF), requires attention and working memory involvement, then committing attentional to one may have a negative impact on others. (Skehan, 2009 : 511)

36 Les potentialités d’auto-correction sont toutefois plus faibles en production orale qu’en

Page | 69 Selon le type de tâche à accomplir, les paramètres mis en avant ne sont pas identiques (Skehan, 2009 : 511-512) : une tâche fondée sur des informations concrètes et familières, de même qu’une tâche structurée, privilégient la précision et la fluidité ; une tâche interactive favorise la précision et la complexité ; une tâche qui nécessite une manipulation d’informations privilégie la complexité…

Dans le cadre de l’expression orale, Narcy-Combes a déterminé différentes capacités oratoires (1990b) : l’analyse de la situation, la conception du message, l’évaluation des moyens linguistiques, les connaissances lexicales, morphologiques, syntaxiques ainsi que pragmatiques, l’organisation de l’énoncé, la compensation, la formulation, l’articulation. Pour qu’un apprenant puisse être performant en production orale, il doit avoir atteint ces compétences : « l’amélioration du niveau va de pair avec celle du fonctionnement des capacités oratoires » (Narcy-Combes, 1990b : 65). L’objectif pour l’enseignant est alors d’aider l’apprenant à développer ces capacités, ce qui met en lumière une fois encore le rôle de médiation de l’enseignant.

Pour finir, la production en continu et la production en interaction fonctionnent selon deux principes différents. La structuration tout d’abord n’est pas la même : en effet, la production en continu ressemble davantage au discours écrit (la syntaxe est plus construite) ; il y a « peu ou pas de phrases entrecoupées ou incomplètes. » (Julié, 2008). En revanche, en interaction, il existe une grammaire propre qui s’appelle la « grammaire de l’oral » (Brazil, 1995 ; Huart, 2010), caractérisée notamment par des interruptions et une syntaxe relâchée. De plus, quand nous parlons en continu, nous cherchons uniquement à transmettre des informations, alors qu’en interaction la dimension de relations sociales vient s’ajouter (Julié, 2008).

Page | 70 1.4.2.2 La compréhension orale

L’entraînement à la compréhension orale en langue seconde, quant à elle, n’existait pas avant l’apparition de l’approche communicative dans les années

1970-198037. Même si la méthode audio-orale mettait l’accent sur l’écoute de documents

sonores, ces documents servaient à la répétition des structures et au développement de la prononciation (Vandergrift, 2003). De plus, les élèves devaient certes écouter des dialogues, mais ceux-ci étaient artificiels (ils entraient dans une perspective structurale, qui visait non pas la communication mais l’acquisition d’une structure). En effet, il existe trois types de matériaux pédagogiques (Bailly, 1997) : les documents authentiques (des documents bruts appartenant à la L2, conçus par

des locuteurs natifs pour d’autres natifs38) ; les documents didactiques (des

documents issus de manuels scolaires, fabriqués artificiellement par l’enseignant) ; les documents didactisés (des documents authentiques transformés pour servir à des fins d’enseignement de la L2). Les documents utilisés avant l’approche communicative étaient didactiques. Désormais, ce sont les documents authentiques qui sont privilégiés.

La compréhension orale est un processus mental complexe. En effet, le

verbe « comprendre » vient du latin cum (« avec ») et prehendere (« saisir »). Cela

signifie que l’apprenant qui écoute ne doit pas recevoir l’input sonore passivement : il doit « le saisir » activement et par conséquent, s’engager dans un processus actif. « Un va-et-vient permanent [doit s’instaurer] entre l’apprenant et le texte (discours parlé ou écrit), entre ses connaissances du monde et l’input qu’il reçoit. » (Julié, 2008 : 168).

La compréhension orale consiste en différentes opérations mentales :

37 D’ailleurs, le fait que la compétence de compréhension orale soit désormais évaluée au lycée va de

pair avec un entraînement structuré (Roussel, 2014 : 2).

38 Mais Bailly précise aussi que tout document extrait de son contexte d’origine et utilisé en classe

Page | 71 Listeners must discriminate between sounds, understand vocabulary and grammatical structures, interpret stress and intention, retain and interpret this within the immediate as well as the larger socio-cultural context of the utterance. (Vandergrift, 2003)

Ces différentes opérations mentales permettant la construction du sens peuvent se classer en trois phases (Roussel, 2014 : 3) : la perception (reconnaître les mots, découper le flux du discours) ; l’analyse des éléments syntaxiques (attribuer du sens aux formes en formant une interprétation mentale des mots) ; l’interprétation (inférer et déduire le sens du discours à partir de ce qui a été compris).

La compréhension de l’oral requiert une combinaison de deux processus : un

processus ascendant (bottom-up) et un processus descendant (top-down).

Listening comprehension is not either top-down or bottom-up processing, but an interactive, interpretive process where listeners use both prior knowledge and linguistic knowledge in understanding messages (Vandergrift, 2003).

Connaissances antérieures

TOP-DOWN

BOTTOM-UP

Connaissances linguistiques

Figure 16 – Les processus en œuvre en compréhension orale

Le processus bottom-up est un processus de décodage (de l’input vers la mémoire

de travail) : on part des sons, des mots, des structures grammaticales. Le processus

top-down est un processus d’interprétation (de la mémoire à long terme à la

mémoire de travail) : on part des connaissances antérieures et du contexte.

Même si les deux processus ont cours pour la compréhension d’un document sonore, la démarche privilégiée dans l’apprentissage d’une langue étrangère est le processus descendant. En effet, vu que tous les apprenants n’ont

pas les mêmes savoirs en amont, l’approche top-down permet de s’adapter à cette

diversité. D’autre part, en partant du connu, les apprenants sont plus en mesure d’anticiper ce qu’ils vont entendre et d’inférer des informations.

COMPREHENSION ORALE

Page | 72 Narcy-Combes a également définit plusieurs capacités concernant la compréhension orale (1990b) : l’anticipation, la perception auditive, la segmentation, la reconnaissance des schémas sonores, la reconnaissance lexicale, syntaxique, morphologique et pragmatique, l’analyse conceptuelle par rapport au contexte, la compensation, la synthèse, l’interprétation, la mémorisation du fond et de la forme. L’élève doit maîtriser ces différentes compétences pour être performant en compréhension orale.

Les obstacles que les élèves rencontrent souvent en compréhension orale sont dus (Julié, 2008 : 191) :

- au caractère fuyant de la langue parlée (en effet, si l’écoute réciproque

permet d’interrompre et de demander des clarifications sur ce qui a été dit, la transmission de l’information est continue dans les enregistrements) ;

- à la méconnaissance du lexique ;

- aux écarts entre graphie et phonie39 ;

- à l’opacité de la chaîne parlée.

De surcroît, contrairement à l’écrit, les conditions physiques lors de l’écoute sont plus ardues : bruits environnants, débits pouvant être très rapides, accents non-homogènes, spécificités articulatoires individuelles…

Enfin, la compréhension de l’oral requiert un bagage lexical minimum (Julié,

2008), ce qui met l’accent sur l’importance des connaissances linguistiques. L’input

doit en effet être compréhensible pour devenir intake.

Nous verrons ultérieurement (en 3.3.2) dans quelle mesure le baladeur MP3 est utilisé pour lever certains des obstacles en expression orale et en compréhension orale.

39 Par exemple, en classe de Terminale, dans une unité sur le clonage, plusieurs mots ont posé

problème dans une compréhension orale : saliva, HIV, virus. A l’écrit, n’importe quel élève est capable de les comprendre, mais leur prononciation a été un obstacle à l’oral. Cela illustre bien le fait que tout input ne devient pas systématiquement intake.

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