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LES APPRENANTS

2.1.2 La diversité par le sexe

Il existe des différences entre les filles et les garçons dans le domaine scolaire. Selon une étude statistique récente (Ministère de l’Education Nationale, 2013), les filles réussissent mieux que les garçons, et ce dès l'école primaire. Elles sont aussi moins nombreuses à redoubler, et leur taux de réussite au diplôme national du brevet et au baccalauréat est plus élevé. Toutefois, filles et garçons n'ont pas les mêmes parcours scolaires. Au lycée, les filles ont tendance à plus s’orienter vers l’enseignement général et technologique que vers l’enseignement

professionnel.Elles délaissent également plus les filières scientifiques et techniques.

Après le baccalauréat,dans les classes préparatoires aux grandes écoles, elles sont

fortement majoritaires (74 %) dans les filières littéraires et minoritaires (30 %) dans les filières scientifiques. D’un point de vue comportemental, filles et garçons divergent aussi (Baudelot & Establet, 2007) : d’un côté, les garçons ont tendance à transgresser les règles ; de l’autre, les filles se montrent plutôt « dociles » en respectant les conditions d’apprentissage. Elles « parviennent à [mieux] remplir leur métier d’élève » que les garçons (Baudelot & Establet, 2007 : 56).

49 La différenciation entre apprentissage et acquisition a été mise en lumière par Krashen dans son

Page | 88 Quelles sont les raisons de ces disparités ? Si l’imagerie médicale montre des différences anatomiques au niveau du cerveau des filles et des garçons (taille et volume), les différences sont très faibles dans le domaine cognitif : par conséquent, il n’y a « aucun rapport entre le poids du cerveau et les aptitudes intellectuelles » (Baudelot & Establet, 2007 : 14). Les écarts dans le domaine scolaire entre filles et garçons sont donc liés non pas à des facteurs d’origine biologique, mais à des facteurs culturels et sociaux. Selon Françoise Héritier (citée par Baudelot & Establet, 2007), il existe une « valeur différentielle des sexes ». Cela signifie que la société attribue une valeur différente aux deux sexes. Par conséquent, l’identité sexuée n’est pas une donnée naturelle, mais une construction sociale. Le processus de socialisation différenciée intervient dès la naissance et pendant l’enfance. Les adultes imposent des croyances aux enfants. Ce « modelage » (pour les sociologues), cette « empreinte psychique » (pour les psychologues) enracine des stéréotypes, qui conditionnent le parcours scolaire des enfants.

Dans la mesure où notre étude porte sur l’interaction entre les apprenants et les technologies, il est intéressant de voir s’il existe aussi une opposition filles/garçons dans les technologies.

Pour Cooper, il existe un fossé numérique à l’égard des sexes :

Women are underrepresented in their use and ownership of computers, women take fewer technology classes in high school, in college women are far less likely to graduate with degrees in IT fields and enjoy interacting with computer less than men do. (2006 : 1)

Même si le fossé numérique se réduit, les filles demeurent moins confiantes que les garçons par rapport à leurs compétences à utiliser les technologies (Cooper, 2006 ; Heemskerck & al, 2009). Ce manque de confiance provient de stéréotypes inscrits dans l’opinion commune : les filles ne seraient pas faites pour le domaine technologique. Or, si elles ont tendance à entendre que les ordinateurs sont plus pertinents pour les garçons, elles auront tendance à y croire, et elles seront plus réticentes à les utiliser:

The roots of the digital divide are embedded in social developmental differences between boys and girls, societal stereotypes of what is appropriate for the two genders, and gender-specific attributional patterns (Cooper, 2006 : 2)

Page | 89 Comme l’ont montré Rosenthal et Jacobson (1968) avec l’effet Pygmalion, les attentes ont beaucoup de poids sur la réussite des élèves. Selon la prophétie auto-réalisatrice, la réussite ou non d’un élève est influencée par les hypothèses émises sur son avenir. En effet, dans leur expérience, les élèves dont les enseignants croyaient en leur chance de réussite réussissaient mieux que les enfants pour lesquels il n’y avait aucune attente.

L’opposition filles/garçons se poursuit également dans la question de l’attribution des réussites et des échecs. Quand un individu réussit ou échoue, il l’attribue à une cause. D’un côté, les garçons ont tendance à attribuer leur réussite en technologie à leur aptitude, et leur échec à leur mauvaise chance ou au peu d’efforts qu’ils ont fournis. De l’autre côté, les filles attribuent leur réussite plus à leurs efforts et leur chance qu’à leur compétence. Si elles échouent, c’est, selon elles, parce qu’elles ne sont pas bonnes. Cette différence de perception des causes est positive pour les garçons qui gagnent en confiance et négative pour les filles, qui se dévalorisent : « the pattern of attribution is protective for boys and damaging to girls » (Cooper, 2006 : 7).

Par conséquent, un cercle vicieux se crée :

Figure 18 – Cercle vicieux lié aux stéréotypes (Cooper, 2006) Gender stereotypes AÇribuÄon paÇerns Computer anxiety Computer aåtudes Computer performance

Page | 90 Les stéréotypes sur les filles et les technologies conduisent à une attribution dommageable par les filles de leurs réussites/échecs. Cet environnement négatif mène à un sentiment d’anxiété, et donc à une attitude négative à l’égard de la technologie. Celle-ci entraîne de moins bonnes performances.

Schoenberg (2001) nuance toutefois cette vision en court-circuitant le mythe de la fille technophobique (le sous-titre de son ouvrage étant « short-circuiting the myth of the technophobic girl »). Elle présente une série de faits qui viennent contrebalancer l’idée traditionnelle que l’opinion commune se fait sur les filles à l’égard des ordinateurs.

Tableau 7 – Mythes et réalités autour de la « fille technophobique » (Schoenberg, 2001)

Mythes Faits

Les filles ont peu d’intérêt ou d’aptitude pour les technologies.

L’usage des ordinateurs par les filles a augmenté régulièrement.

Filles comme garçons utilisent les technologies de manière similaire.

Les filles utilisent les ordinateurs de manières très différentes des garçons. Les garçons ont un accès plus grand aux

ordinateurs que les filles.

Les filles utilisent les ordinateurs aussi souvent que les garçons.

Des logiciels neutres, correspondant aux intérêts à la fois des filles et des garçons, sont disponibles sur le marché.

Presque la moitié des jeux vidéo avec des personnages féminins contiennent des messages négatifs sur les filles, ainsi que des stéréotypes féminins.

L’utilisation accrue des technologies par les filles a mené à une augmentation des choix de carrière dans le domaine de l’informatique.

Peu de filles continuent leurs études ou leur carrière professionnelle dans l’informatique.

Les filles d’aujourd’hui ont des modèles forts de femmes dans les sciences et les technologies.

Même les filles ayant des compétences en sciences, mathématiques et

informatique ne poursuivent pas des carrières dans ces domaines.

Page | 91 Enfin, plusieurs spécialistes (Karsenti, 2003b ; Cooper, 2006 ; Schoenberg, 2001) s’accordent pour dire que la perception de l’objet technologique diffère pour les filles et les garçons. Ils tendent à penser que les TIC ont un impact différencié sur les filles et les garçons et que l’attitude face aux nouvelles technologies diffère selon le sexe. Les filles et les garçons n’appréhenderaient pas de la même manière l’utilisation des nouvelles technologies. Les garçons seraient plus intéressés que les filles par les TIC mais en contexte scolaire, leur intérêt aurait tendance à fléchir :

Les garçons ont une conception différente de l’utilisation des TIC. Les garçons ont plus tendance à jouer à des jeux et à percevoir l’ordinateur comme un instrument à caractère ludique. Les filles, quant à elles, semblent surtout, mais non exclusivement, considérer les technologies comme des outils de travail ou d’apprentissage. (Karsenti, 2003b : 2)

Le constat précédent concernait la disparité entre les sexes par rapport aux technologies, mais principalement aux ordinateurs. L’opposition filles/garçons existe-t-elle pour les appareils nomades ?

Après avoir vu des éléments intrinsèques et donc figés (comme l’âge et le sexe), nous allons à présent nous intéresser à des variables individuelles, sujettes à

évolution. Les variables sont valables pour la description d’un individu à un instant t

donné50.