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La place de l’oral dans l’apprentissage des langues

APPRENDRE UNE LANGUE ETRANGERE

1.4 L’APPRENTISSAGE DES LANGUES ETRANGERES AU LYCEE Après avoir étudié les théories d’apprentissage en général, il est intéressant

1.4.3 La place de l’oral dans l’apprentissage des langues

Comme il a été indiqué dans une section précédente40, l’approche

préconisée par les autorités éducatives est l’approche par l’action. Or, cette méthodologie met en avant aussi bien l’oral que l’écrit. Qu’en est-il de la place réelle de l’apprentissage de l’oral dans les salles de classe ?

1.4.3.1 L’intérêt des autorités éducatives pour l’oral

Depuis quelques années, les activités orales demeurent une réelle préoccupation pour les autorités éducatives, qui en reconnaissent l’importance et les encouragent, notamment au travers des Bulletins Officiels. Cette littérature institutionnelle est importante dans le secondaire dans la mesure où elle diffuse la marche à suivre en définissant notamment les programmes officiels. Ceci montre le poids du mésocontexte (Bertin, 2011) dans la situation d’apprentissage.

Tous les Bulletins Officiels de lycée les plus récents mettent l’accent sur les activités orales : « la priorité est donnée aux activités de production, notamment à l’oral » (Ministère de l’Education Nationale, 2010b, 2010c : 3). Les programmes demandent également que les occasions de donner la parole soient multipliées (Ministère de l’Education Nationale, 2010b : 3). Enfin, le travail sur la phonologie, élément constitutif de la compréhension et de la production orale, est recommandé :

A l’heure où l’enseignement des langues met en avant la pratique orale des langues vivantes, il est opportun de rappeler que la langue parlée, avec ses codes propres, est porteuse de sens jusque dans les plus petites unités de son. C’est en redonnant à la forme sonore la place qui lui revient dans les apprentissages que l’on préviendra les obstacles à la compréhension et les inhibitions liées à un sentiment de l’étrange. (Ministère de l’Education Nationale, 2010b : 6)

De la même manière, le nouveau référentiel pour les BTS industriels encourage la pratique des activités orales :

Sans négliger les activités langagières de compréhension et de production à l’écrit (comprendre, produire, interagir), on s'attachera plus particulièrement à développer les compétences orales (comprendre, produire, dialoguer) dans une langue de communication

Page | 74 générale, tout en satisfaisant les besoins spécifiques à l'utilisation de la langue vivante dans l'exercice du métier (Ministère de l’Education Nationale, 2008a : 6).

De plus, les certifications proposées aux élèves des sections européennes (A2/B1) évaluent les élèves sur les cinq activités langagières, sans négliger les

activités orales41.

Le système scolaire français tente ainsi d’intégrer de plus en plus cet aspect en rénovant le baccalauréat de langue. Jusqu’alors, le baccalauréat était principalement écrit (excepté dans le cas de quelques spécialités ou options). Cela s’avérait particulièrement dommageable pour la place des activités orales dans la classe, l’épreuve terminale dictant généralement la préparation.

Les modalités de l’évaluation influant en amont sur les pratiques et les contenus, les enseignants ne sont pas toujours en mesure de s’opposer efficacement à la pression (ou à l’inertie) des élèves qui souhaitent une préparation étroitement ajustée aux exigences de l’examen. (Asselineau, 1999 : 7)

Toutefois, depuis la session 2013 du baccalauréat, en plus d’une épreuve écrite à la fin de l’année, les élèves des séries générales et technologiques passent deux épreuves orales en contrôle en cours de formation : ils sont évalués en compréhension orale (écoute d’un document authentique d’une durée d’une minute trente suivi d’un compte-rendu en français) et en production orale (présentation en continu sur une notion du programme, puis échange avec l’examinateur). Cette évaluation au baccalauréat des capacités liées à l’expression orale et la compréhension orale devrait permettre un développement et une meilleure intégration des activités orales dans les cours de langues vivantes.

Enfin, la mise en place de groupes de compétences est préconisée dans les Bulletins Officiels (Ministère de l’Education Nationale, 2010b, 2010c) : « La mise en place d’un enseignement par groupes de compétences pour les enseignements communs favorise l’atteinte des objectifs visés » (Ministère de l’Education Nationale, 2010b : 1). L’intérêt des groupes de compétences est de centrer le travail sur chaque activité langagière afin de la renforcer et de mieux prendre en compte la diversité des acquis. Les groupes de compétences s’opposent aux groupes de niveau

41 Une épreuve écrite évalue la compréhension écrite, l’expression écrite et la compréhension orale.

Page | 75 dans la mesure où ils ont pour but de travailler en fonction des acquis et des besoins des élèves : un élève peut donc se trouver dans des groupes différents selon l’activité langagière travaillée. L’existence de groupes de compétence implique que chaque activité langagière soit travaillée individuellement ; ainsi, la production orale et la compréhension orale ont le même statut que les activités écrites dans l’enseignement d’une langue étrangère.

1.4.3.2 La sous-représentation de l’oral

En revanche, les prescriptions institutionnelles ne reflètent pas nécessairement ce qui se passe dans la salle de classe. En effet, les activités orales sont sous-représentées au lycée. L’exposition à l’anglais oral est assez limitée.

Tout d’abord, les volumes horaires hebdomadaires ont diminué ces dernières années (la majorité des élèves de lycée ont 2 heures d’anglais par semaine). Parallèlement, les effectifs chargés (jusqu’à 36 élèves par classe) peuvent conduire à la difficulté de travailler efficacement la production orale. Les élèves ont donc peu l’occasion de s’exprimer en anglais, nonobstant les structurations et les tours de parole dirigés par le professeur. De plus, le professeur aurait tendance à monopoliser la parole en classe ; il est fait mention d’une « parole confisquée par le professeur » (Asselineau, 1999 : 10). Ainsi, il existe un déséquilibre entre le temps de parole du professeur et le temps où les élèves ont la possibilité de s’exprimer. Ceci peut s’expliquer par la peur du silence dans la salle de classe pour les professeurs (qui préfèrent parler si les élèves ne viennent pas à s’exprimer), ou par leur volonté de faire dire aux élèves ce qu’ils veulent entendre. La grande majorité des échanges se font de surcroît principalement entre le professeur et les élèves ; ces derniers communiquent rarement ensemble. Les élèves interviennent la plupart du temps uniquement pour répondre à une question du professeur. L’échange est monodirectionnel :

Le questionnement magistral constitue une activité majeure dans la plupart des étapes d’une séance, qu’il s’agisse du retour sur l’acquis, de la conduite de la découverte des nouveautés et de ce qui relève du commentaire, de l’interprétation ou de l’appréciation (Asselineau, 1999 : 8).

Page | 76 Enfin, les élèves s’expriment généralement sur la base du volontariat, ce qui signifie que certains élèves peuvent ne parler que très rarement. Or, moins un élève prend l’habitude de parler, plus il sera réticent à s’exprimer.

Cette tendance, évoquée par Asselineau en 1999, ne semble pas avoir encore évolué malgré la mise en place de la méthode actionnelle :

Conclusion attristante mais incontournable : le système scolaire actuel, et particulièrement celui du lycée, habitue les élèves à éviter de prendre la parole, à parler le moins et le plus doucement possible, à s’adresser au professeur plutôt qu’au groupe. (Julié, 2008 : 214) L’entraînement à la prononciation est aussi négligé. Cette idée est énoncée à plusieurs reprises (Elliott, 1995 ; Asselineau, 1999 ; Lord, 2008 ; Ducate, 2009a).

Teachers tend to view pronunciation as the least useful of the basic language skills and therefore they generally sacrifice teaching pronunciation in order to spend valuable class time on other areas of the language. (Elliott, 1995 : 535)

Malgré les prescriptions des autorités éducatives, les groupes de compétences décrits plus haut ne sont pas nécessairement mis en place, ce qui est d’ailleurs le cas dans le lycée qui constitue le terrain de notre étude.

De plus, dans leur pratique de classe quotidienne, les enseignants ont également tendance à évaluer moins régulièrement les compétences orales que les compétences écrites. Les notes d’oral sont beaucoup moins nombreuses que celles d’écrit. Or, l’évaluation est inséparable de l’apprentissage. Un déficit d’évaluation de l’oral peut donc être le signe d’un déficit d’entraînement à l’oral. Selon une étude de 2007 (Ministère de l’Education Nationale : 11), 70 % des professeurs considéraient que la part de leurs évaluations orales s’élevait uniquement à 25%. Bien souvent, la note d’oral est constituée uniquement de la note de participation.

Pour illustrer cette idée, nous avons répertorié en juin 2013 l’ensemble des notes obtenues par tous les élèves d’une même enseignante pendant l’année 2012-2013 afin d’établir une répartition entre les notes orales et écrites pour chaque

niveau42.

42 L’enseignante étant également le chercheur dans cette thèse, il est important de préciser que ce

bilan a été fait à la fin de l’année scolaire 2012-2013 (c’est-à-dire un an avant l’expérimentation). La répartition des notes n’a subi aucune influence liée à l’expérimentation.

Page | 77 Tableau 5 – Répartition notes orales / écrites

Notes d’oral (%) Notes d’écrit (%)

Ecouter Parler en continu Parler en

interaction43 2nde 13 13 13 61 1ère44 0 8 23 69 Terminale 7 17 7 62 BTS 1 9 19 10 62 BTS 2 10 16 21 53

Graphique 1 – Proportion des notes écrit / oral

Le tableau et le graphique précédents montrent clairement la prépondérance de l’évaluation de l’écrit. Ceci peut s’expliquer de plusieurs manières. Premièrement, il est difficile pour un enseignant d’évaluer de manière fiable l’activité de production orale. En effet, celui-ci n’entend une prestation orale qu’une seule fois, et n’a pas la possibilité de revenir dessus. Cela est dû au caractère fugace de la langue orale, qui empêche tout retour en arrière. Deuxièmement, faire passer tous les élèves à l’oral (notamment quand les effectifs sont pléthoriques) est chronophage pour les enseignants. Troisièmement, jusqu’à présent, le baccalauréat évaluait principalement l’écrit (la compréhension et l’expression écrites) ; les

43 85 % des notes prises en compte pour la production orale en interaction sont celles de

participation.

44 L’absence de notes en compréhension orale en 1ère s’explique par le fait que le cours de 1ère est un

cours de Littérature étrangère en langue étrangère. Par conséquent, l’accent est mis davantage sur l’écrit. 61% 69% 62% 62% 53% 39% 31% 38% 38% 47%

2nde 1ère Tle BTS 1 BTS 2

écrit oral

Page | 78 enseignants avaient ainsi tendance à accentuer les activités écrites afin de préparer au mieux les élèves à l’examen. Les épreuves ayant changé très récemment, il faut certainement un temps d’adaptation pour que la « culture » de l’entraînement à l’oral s’installe.

Les activités orales dans la classe de langue peuvent également être source d’appréhension pour les élèves.

La question de l’affect est en effet très importante dans la salle de classe. Arnold (1999) définit l’affect comme l’état d’esprit, les émotions, les sentiments, les humeurs qui conditionnent notre attitude. Il existe deux types d’affect selon lui : les affects positifs et les affects négatifs. Le tableau ci-dessous illustre ces deux catégories.

Tableau 6 – Catégories d’affects (d’après Arnold, 1999)

Arnold considère que les affects positifs sont bénéfiques pour l’apprentissage car ils mènent à un apprentissage plus efficace ; l’anxiété, en revanche, est le facteur qui entrave le plus le processus d’apprentissage. Celle-ci peut d’ailleurs être débilitante (« debilitating anxiety » – Oxford, 1999 : 60) et avoir pour effet de réduire les performances des élèves.

Nous pouvons en conclure qu’un cercle vicieux a des risques de se mettre en place dans la mesure où les apprenants qui ne réussissent pas ont généralement une faible estime d’eux-mêmes. Or le manque d’estime de soi va créer davantage d’anxiété.

Affects posiÄfs

• EsÄme de soi

• Empathie

• MoÄvaÄon

Affects négaÄfs