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• Colère

Page | 79 Figure 17 – Répercussions de l’estime de soi

Une raison possible du malaise des apprenants est que le cadre de la salle de classe est loin d’être authentique. En effet, cela ne leur paraît pas très naturel de communiquer dans une autre langue quand tout le monde (le professeur et les

élèves) partagent la même langue maternelle45. Par conséquent, les élèves doivent

faire comme s’ils étaient anglophones. « Le domaine [de la salle de classe] est celui de la convention, du "faire-semblant", du "faire comme si". » (Asselineau, 1999 : 4)

Il existe une différence importante entre le classroom talk et le natural talk (Julié,

2008 : 213).

Dans le domaine de la production orale, les élèves peuvent ressentir une certaine vulnérabilité à s’exprimer devant les autres (que ce soit devant l’enseignant ou les autres élèves). En effet, s’exprimer est une « forme d’action, une affirmation de soi » (Chatenet & al, 2003 : 10). Par conséquent, il n’y a pas d’expression orale sans risque. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la présentation orale est souvent présentée comme l’activité la plus angoissante.

Oxford (1995 : 65) la caractérise ainsi : the most anxiety-producing activity. De plus,

lorsqu’ils s’expriment, les élèves se sentent observés par les autres, et notamment par leurs camarades. Ils craignent ainsi d’être jugés et que l’on se moque d’eux. Parler devant les autres ou avec les autres, c’est être en mesure de faire des erreurs et d’être entendu par tous. L’erreur n’est pas publique, contrairement à la

45 Il s’agit d’ailleurs d’une barrière à l’authenticité prônée pour la tâche.

Aåtudes

Performances EsÄme de soi

Page | 80 production écrite. Or, les élèves de lycée sont particulièrement inhibés, par rapport aux collégiens ou aux élèves de l’école primaire par exemple, qui ont beaucoup plus de facilité pour prendre la parole en classe. D’après Aday-Escudero (1995), ce sentiment d’inhibition vient avec l’âge – plus les élèves sont âgés, plus ils deviennent timides, et plus ils craignent de parler dans une langue étrangère.

La compréhension orale peut également être source d’anxiété pour les apprenants dans la mesure où selon Graham (2006), la tâche d’écoute est la plus difficile dans le domaine de l’apprentissage. Il s’agit d’une opération mentale complexe, qui requiert de l’élève qu’il s’engage dans un processus actif (car « entendre » ne veut pas dire « comprendre »). Il faut alors une forte motivation de la part de l’élève.

Enfin, lorsque les apprenants parlent ou écoutent de l’anglais, leur identité

peut être mise à mal et menacée46, car ils ont affaire à une langue différente de

leur langue maternelle, d’une autre culture. En effet, comme il a été montré précédemment (voir 1.2), il existe une synergie entre langue et culture. Ainsi, apprendre une autre langue nécessite que l’apprenant intègre la culture correspondante :

Rentrer dans une langue étrangère, c’est en quelque sorte devenir autre, précisément parce que cette langue recèle non seulement une culture et une civilisation nouvelles, mais aussi un découpage du monde et un système de représentation différents. (Julié, 2008 : 217) Ceci peut donc être source de stress et de mise en danger pour les apprenants, ce qui peut conduire à les perturber :

On découvre qu’apprendre une langue étrangère est terriblement impudique. Il faut se délester de l’habit socio-linguistique qui protégeait son être, au risque de mettre à nu la tradition qu’on déguisait tant bien que mal, sous les échanges codifiés fournis par sa culture. Si le jeu apparaît attrayant à un esprit de 10 ans, il devient risqué au moment de l’adolescence. (Laborde, dans Médioni & Vigneron, 2005 : 17)

46 Le désir d’intégration ou l’envie de connaître les membres d’une autre culture peut aussi avoir

l’effet inverse et être source de motivation pour un individu. Afin de devenir un membre « compétent » de cette nouvelle communauté, il fera tout son possible pour développer sa maîtrise de la langue. L’apprentissage de la langue n’est plus une menace pour son identité, mais une étape indispensable pour créer la nouvelle identité convoitée.

Page | 81 Ainsi, la perception des élèves de la langue étrangère, des locuteurs natifs et de la culture de la langue étrangère a une influence sur leur apprentissage de cette même langue.

Cet état des lieux a mis en lumière un décalage entre d’une part, la méthode actuelle d’apprentissage des langues et les instructions officielles des autorités éducatives françaises et européennes qui favorisent le développement des trois activités langagières orales, et d’autre part la pratique réelle de l’oral au sein de la salle de classe. La compréhension orale et la production orale sont difficilement mises en place par les enseignants. Elles sont également perçues plutôt négativement par les apprenants. Nous pouvons nous demander s’il existe une relation de cause à effet entre ces deux situations. Dans ce contexte, un travail plus fréquent sur l’oral dans la salle de classe facilité par l’utilisation d’un baladeur MP3 aurait-il une conséquence positive sur les représentations et l’attitude des apprenants à l’égard des activités orales ?

1.5 SYNTHESE

Ce premier chapitre s’intéressait au processus d’apprentissage d’une langue étrangère. Il a permis de situer notre posture épistémologique et de déterminer le cadre théorique dans lequel notre objet d’étude – le baladeur MP3 – va se construire.

Pour résumer, notre recherche se placera dans une optique (socio)constructiviste. L’apprenant est perçu comme l’acteur central de son apprentissage ; c’est lui qui appréhende la réalité qui l’entoure à sa manière : ses connaissances sont une « reconstruction », et non une simple copie de la réalité. L’apprenant organise son monde au fur et à mesure, tout en s’adaptant. Ainsi, sa perception de l’apprentissage et de l’objet d’apprentissage est primordiale.

La situation d’apprentissage sera analysée comme un système dynamique complexe à cinq pôles. Par conséquent, quand il y a apprentissage, apprenant,

Page | 82 enseignant, objet, contexte et technologie interagissent. La technologie se construit donc en relation avec ces autres éléments. D’autre part, l’approche retenue sera dynamique : cela signifie que la situation d’apprentissage est sujette à évolution dans le temps. La nature, la place et le rôle de chaque élément ne sont pas fixes. L’objet technologique se construit en permanence.

En suivant notre approche constructiviste et dynamique, l’investissement d’un apprenant (ce qui le pousse à s’engager dans le processus d’apprentissage) est donc un construit qui lui est propre ; il dépendra de ses perceptions. Il sera également fluctuant ; par conséquent, des modifications dans la situation d’apprentissage doivent avoir lieu pour soutenir celui-ci.

Enfin, l’apprentissage d’une langue étrangère s’inscrit depuis quelques années dans une approche communicative actionnelle. Les activités langagières orales ont une place de choix au sein de cette méthode. Toutefois, l’oral n’est pas encore suffisamment développé en pratique dans les salles de classe malgré les préconisations de l’institution. Il existe des blocages, d’ordre matériel (temps, moyens) et humain (les professeurs et les élèves). Mais dans une perspective dynamique, les blocages ne sont pas immuables et la situation peut évoluer. Il est alors possible de s’interroger : l’introduction du baladeur MP3 peut-elle contribuer à lever ses blocages ?

Ce premier chapitre a attiré notre attention sur différents éléments que nous retiendrons comme indicateurs dans notre partie expérimentale et que nous introduirons dans notre questionnaire :

- les affects négatifs et/ou positifs

- le degré d’investissement des apprenants par rapport à l’apprentissage de

l’anglais et aux activités orales

- la fréquence d’utilisation du baladeur MP3 (utilisation les années

précédentes / utilisation dans les autres langues)

- l’intérêt que les apprenants trouvent à utiliser un baladeur MP3 dans un

Page | 83 Après avoir défini le concept général d’apprentissage, les deux chapitres suivants développeront les deux composantes du système les plus saillantes par rapport à notre thème d’étude, à savoir l’apprenant et les technologies.

CHAPITRE 2