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S ECTION 4 : T HEORIES DE LA FMN ET PROBLEMATIQUE DE LA PHASE AVAL DU PROCESSUS

I.1. P OURQUOI LES FMN S SONT ELLES SPECIFIQUES ?

L’étude des FMNs dans le champ spécifique de la gestion est relativement récente. Dans la littérature managériale, les premiers travaux qui ont essayé de traiter cette question au niveau de la firme et non au niveau industriel ou économique remontent à la fin des années 60 (Hymer, 1970, 1976; Perlmutter, 1969). L’ensemble de ces travaux séminaux ont tenté de comprendre pourquoi il existait des entreprises qui préféraient opérer leurs activités directement à l’étranger plutôt que de passer par un système commercial d’exportation. C’est cette particularité qui nous permet de définir ce qu’est une FMN. On peut ainsi définir la FMN comme une entreprise qui effectue des investissements directs à l’étranger (IDE) et possède des activités à valeur ajoutée réparties dans différents pays, activités qu’elle exerce dans le cadre de filiales coordonnées par un siège (Dunning & Lundan, 2008, p3). Dès lors, on postule qu’une FMN se compose d’un siège (ou maison mère) qui dirige et coordonne au moins une filiale dans un pays étranger, la filiale étant une unité économique détenue au moins à 51 % par le siège.

C’est en particulier à partir des travaux de Hymer (1970, 1976) que la recherche en management international s’est développée en pensant la FMN comme objet d’étude à part entière. L’objectif était alors de comprendre pourquoi il existe de telles entreprises. En effet, nous avons vu précédemment qu’une FMN profitait d’un avantage en pouvant acquérir des connaissances et compétences réparties à travers le monde. Mais nous n’avons pas vu, de manière plus générale, pourquoi une firme aurait intérêt à s’implanter dans un marché étranger sur lequel elle manque a priori de

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connaissances. Théoriquement, c’est une « aberration » puisque sur un marché « parfait » une telle firme ne pourrait supporter la concurrence locale (Hymer, 1970). La réponse est simple : ces firmes disposent d’un avantage particulier (ou spécifique) qu’elles développent d’abord dans leur pays d’origine. Elles utilisent ensuite cet avantage spécifique pour s’implanter à l’étranger : c’est ce que l’on appelle les ressources uniques. Ce sont par exemple les marques, les produits, les brevets, des technologies uniques, etc. (Kindleberger, 1969) ou des actifs spécifiques au sens de Williamson (1979). Les FMNs vont, à partir de leurs ressources et actifs, arbitrer entre coûts de transaction et coûts de coordination liés à une implantation dans un pays étranger (Williamson, 1975, 1979). Du fait de l’opportunisme des acteurs, de la rationalité limitée et donc de l’incomplétude des contrats, le marché n’est pas stable et encore moins les marchés étrangers si on se place du point de vue du siège de la FMN. Les entreprises qui souhaitent effectuer des ventes à l’étranger ont donc intérêt à internaliser leurs activités en investissant directement dans ces pays (IDE). L’existence théorique des FMNs peut donc se comprendre dans l’arbitrage permanent qu’effectuent les firmes pour déterminer l’intérêt ou non de s’implanter localement (Buckley & Casson, 1998; Cantwell, 1991). Cette notion d’arbitrage nous permet de mieux interpréter les choix d’implantations des FMNs d’un point de vue général, mais aussi sur l’ensemble de sa chaîne de valeur et non uniquement du point de vue de l’innovation. La FMN se comprend comme un acteur qui va optimiser l’organisation de sa chaîne de valeur en fonction des différents avantages comparatifs que lui offre chaque pays en matière d’innovation, de production, de distribution, etc. C’est le modèle de « l’usine globale » (Buckley, 2009).

Les FMNs existent donc, car elles disposent d’avantages ou actifs spécifiques qu’elles vont faire valoir sur d’autres marchés et pays. On peut alors avoir une vision de la FMN qui est définie intrinsèquement par l’innovation. En effet, sans innovation, l’entreprise ne pourrait pas développer des actifs spécifiques qui lui permettent d’avoir un succès à l’étranger. La plupart des avantages proviennent du développement

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d’actifs dits spécifiques, uniques ou nouveaux, donc issus d’innovations technologiques, marketing, organisationnelles, etc. La FMN existe parce qu’elle produit une valeur unique et profite au moins à court terme de cet avantage. Elle peut alors se développer dans des pays et localités différents de son pays d’origine où se situe le siège. Certains considèrent même la FMN comme un facteur de développement à l’échelle des pays dans lesquels elle s’implante par le caractère économique et innovant de son activité. La FMN, en quelque sorte, travaillerait en symbiose avec les pays hôtes, participant à la fois à leur développement économique (Eden & Lenway, 2001) et social (Prahalad, 2006). Mais déjà, Hymer (1970) nuançait cette vision de la FMN puisque selon lui, la taille et la puissance économique démesurées des FMNs détruisent le jeu de la concurrence. Elles profitent, au-delà de leurs avantages spécifiques, de leur organisation en réseau pour s’implanter et se partager des marchés étrangers afin d’optimiser les prix et les profits au niveau mondial. Cette taille leur offre aussi la possibilité de déterminer elles-mêmes les règles du jeu en imposant leurs visions et produits au marché (Hertz, 2003; Korten, 2001). Cette approche plus critique fondée sur l’analyse des institutions peut aussi être vue comme une autre forme d’avantage spécifique. Dans cette vision, les FMNs peuvent donc modifier à leur avantage ces institutions.

On a donc souligné les facteurs qui justifient d’un point de vue théorique l’existence des FMNs : l’utilisation d’avantages spécifiques, les arbitrages liés aux coûts de transaction et aux distorsions de marché. D’autres explications sont possibles, notamment la dispersion mondiale des connaissances. Cette littérature nous apporte également des éléments de réponse sur comment les entreprises s’internationalisent, et les enjeux de cette internationalisation pour leur processus d’innovation.

I.2.L’

ETUDE DES PROCESSUS D

INTERNATIONALISATION DES

FMN

S ET L

IMPORTANCE