• Aucun résultat trouvé

De nombreuses recherches ont contribué à expliquer la part et la répartition de chaque catégorie dans une population donnée ainsi que leur comportement face à l’innovation et la consommation. Cela peut correspondre au niveau d’éducation, à la mobilité sociale, la richesse, etc. L’ensemble de ces éléments renvoie de manière intéressante à la question plus générale des barrières à l’adoption de l’innovation.

B) LES BARRIERES A L’ADOPTION DE L’INNOVATION

Les barrières à l’adoption peuvent être comprises comme tous les obstacles qui empêchent une « bonne » diffusion de l’innovation sur un marché. Ce concept de barrière désigne alors tout facteur qui aura une influence négative à différents niveaux. Au niveau des consommateurs c’est ce qui nous permet d’expliquer le niveau de contagion individuel ainsi que la résistance à la contagion. Au niveau de l’environnement institutionnel, il s’agit de ce qui pourrait bloquer la diffusion du fait de certaines caractéristiques culturelles ou économiques. Enfin, au niveau des entreprises, c’est leur plus ou moins grande capacité à lancer un nouveau produit qui influe in fine sur la rapidité de sa diffusion. L’étude de ces barrières a permis de mettre en perspective de nombreux facteurs explicatifs du rythme de diffusion à la fois au niveau des consommateurs et des entreprises. Cela peut être par exemple des

74

facteurs comme leur taille, mais aussi la capacité qu’elles ont, lors du lancement d’une innovation, à surmonter ces barrières, tant du point de vue du consommateur que des facteurs institutionnels (Talke & Hultink, 2010). Analyser l’influence et le fonctionnement de ces différentes barrières permet de comprendre les différences qui existent en matière de diffusion entre groupes d’individus ou marchés. Pour Rogers, les barrières dépendent aussi du type d’innovation et des caractéristiques de celle-ci comme le niveau d’interactivité qu’elle suppose entre individus (Rogers, 2010). C’est le cas de l’ordinateur et du téléphone. Sur un ordinateur, on peut travailler dessus seul alors qu’un téléphone nécessite que d’autres consommateurs l’aient déjà adopté pour l’utiliser. C’est l’effet réseau, où l’on a besoin d’une masse critique pour que la diffusion s’accélère.

Ce concept de barrières approfondit de manière empirique et théorique le cadre de la diffusion. En effet, si on arrive d’une part à déterminer quelles sont les barrières et ensuite à trouver les moyens concrets de les surmonter, les FMNs amélioreront in

fine leur GNPL. Les modèles que nous avons présenté s’intéressent au processus de la

diffusion dans le temps, mais qu’en est-il dans l’espace, c’est-à-dire quant à l’adoption dans différents pays ou régions ?

III.2)L

A QUESTION DE LA DIFFUSION INTERNATIONALE

Modéliser ce processus au niveau régional ou mondial est nécessaire pour bien comprendre le GNPL. En s’inspirant de modèles issus en particulier de la géographie, il est possible de modéliser la diffusion spatiale de l’innovation entre différents pays (Stremersch & Tellis, 2004). Toujours avec la référence à un processus de contagion, on peut étudier les caractéristiques de cette contagion au niveau de différents pays qui se fera par « contacts », tel un feu de forêt. Plus on est loin d’une région ou d’un pays « innovateur », plus le temps de diffusion sera long. Cette approche est quasi similaire à celle de Rogers ou Bass, mais les canaux de communication diffèrent. On peut alors essayer de répondre à un certain nombre de questions. Par exemple, est-ce que l’on peut se servir de l’analyse de la diffusion d’une innovation dans un pays en particulier

75

pour anticiper ce qu’il va se passer dans un autre ? De même, vont-ils avoir une influence les uns sur les autres ? À noter ici que, d’un point de vue formel, les deux modèles ne sont pas les mêmes, mais leur utilisation est très similaire. Ce qui va suivre adopte donc l’un ou l’autre.

Les travaux sur la diffusion internationale de l’innovation ont cherché à expliquer les différences de vitesses d’adoption entre différents pays. L’objectif était alors de comprendre s’il existait des « chemins » optimums pour favoriser la diffusion de l’innovation en commençant par tel ou tel pays. Les différences de taux d’adoption entre pays sont expliquées par la culture (approximée par de multiples variables) et permettent d’établir des catégories de pays (Ganesh, Kumar, & Subramaniam, 1997; Tellis et al., 2003). Cette catégorisation des pays a permis de montrer qu’il existait une influence provenant des pays dits leaders (ou innovants) sur des pays dits retardataires. Les retardataires sont dans l’attente de pouvoir observer les bénéfices que peut apporter l’innovation et ainsi diminuer le risque lié à son adoption. Les premiers adoptants aident les autres pays à comprendre le bénéfice potentiel de l’innovation. La diffusion internationale de l’innovation dans ce modèle dépend du type des premiers pays qui influence la vitesse de diffusion (Stremersch & Tellis, 2004). En effet, chaque pays a des niveaux différents d’attentes en ce qui concerne l’innovation. C’est cet élément qui explique la différence quant au décollage des ventes. Ces différences s’expliquent donc par des facteurs économiques et culturels.

Les modèles qui essaient de prendre en compte des « chemins » de diffusion internationaux n’apportent donc pas d’éléments très différents des modèles mono nationaux puisqu’ils ne font que comparer les mêmes variables entre différents pays. Néanmoins, ils ont le mérite de montrer comment, à un niveau macro, des pays peuvent s’influencer dans la diffusion de l’innovation de proche en proche. Ces différents modèles éclairent la phase aval du processus d’innovation des FMNs, mais présentent de nombreuses limites que nous voudrions souligner maintenant.

76

III.3)I

NTERETS ET LIMITES DES MODELES DE DIFFUSION

Les modèles de diffusion privilégient une perspective d’adoption individuelle de l’innovation. Ils considèrent que ce qui définit intrinsèquement l’innovation (ses attributs perçus par le consommateur) explique en partie le taux d’adoption. C’est ce que Rogers appelle les avantages relatifs de l’innovation. Rogers fait le lien entre caractéristiques de l’innovation et le niveau de diffusion de celle-ci. Un intérêt de cette approche est d’essayer de comprendre les freins à la diffusion à travers le concept de barrière. Comme nous l’avons vu, ce concept a été développé à différents niveaux d’analyse, de l’innovation en passant par le consommateur et la firme. Ces modèles nous donnent donc une vision générale du phénomène d’adoption de l’innovation, une vision presque désincarnée du fait des niveaux d’analyse retenus. Il faut donc faire attention à bien comprendre la portée de ces modèles en mettant en perspective ce qu’ils analysent réellement.

Ces travaux sur la diffusion ont permis une meilleure compréhension des phénomènes d’adoption d’un nouveau produit par les consommateurs et le potentiel d’adoption d’un produit par un marché. Néanmoins, ils raisonnent en général à « innovation donnée » et n’envisagent pas ses adaptations potentielles et re- conceptions au fur et à mesure de la diffusion. Ils ne traitent pas non plus de la question de l’appropriation de l’innovation par des clients internes ou externes à la FMN. En témoigne le type d’innovation étudiée, souvent globale et standardisée comme les moyens de télécommunications (téléphone, technologie 2G/3G et appareil électronique de masse comme la télévision). Au regard par exemple des innovations dans le numérique, ces modèles sont limités. En effet, dans les entreprises du numérique, les adaptations, voire les re-conceptions, sont très fréquentes du fait du coût de production et de montée en échelle presque nulle. La première limite de ce modèle peut donc se voir dans la non-prise en compte les besoins d’adaptations des innovations. La seconde limite est d’un autre ordre, elle concerne les nouvelles trajectoires d’innovations.

77

En effet, ces modèles de diffusion nous éclairent peu sur les dynamiques d’adoption de l’innovation d’un pays émergent vers un pays développé ou un autre pays émergent. Ces trajectoires mises en évidence aujourd’hui dans l’entreprise et dans la littérature ne sont pas prévues par l’approche théorique de la diffusion. Dans le modèle de la diffusion, les premiers adoptants doivent être des « références » pour que les autres adoptent l’innovation. Le modèle ne prévoit pas que les premiers pays à adopter l’innovation soient des pays « faiblement innovants » et que cette première étape puisse favoriser une diffusion vers des pays « plus innovants ». Les suiveurs ou retardataires sont donc caractérisés par leur propension à innover plus faible. Or il semble que ces perspectives aussi ont évolué fortement vers plus de complexité. Il est aujourd’hui plus délicat de caractériser le caractère innovant d’un pays. Finalement, cette modélisation est cohérente avec le modèle de Vernon, d’une diffusion des novateurs vers les suiveurs. Ces deux principales limites que nous soulignons sont donc à mettre au regard de la littérature qui se focalise plus sur le management de la phase aval.

En effet, de nombreux travaux en management de l’innovation ou en développement de nouveaux produits utilisent ce cadre théorique pour analyser l’impact de certaines variables sur le GNPL. Il faut cependant distinguer avec précision l’adoption au niveau d’un individu et l’adoption organisationnelle de l’innovation (Frambach & Schillewaert, 2002). Les mécanismes et variables qui expliquent la propension à innover (et donc adopter l’innovation) sont très différents que l’on analyse un individu ou une organisation. Faire à chaque fois cette distinction nous paraît essentiel pour bien comprendre les perspectives offertes par les modèles de diffusion sachant que l’un aura une influence sur l’autre. On a donc, dans notre perspective particulière, précisé les limites de ces modèles et de leurs utilisations. Nous allons voir maintenant comment caractériser de manière plus générale les modèles du GNPD et de la diffusion globale de l’innovation.

78

IV)C

ARACTERISATION DE L

APPROCHE DU

GNPD

ET DE LA THEORIE DE LA

DIFFUSION DANS LA PERSPECTIVE DE L

ETUDE DES PROCESSUS

D

INNOVATION DES

FMN

S

Comme on vient de le voir, dans le cadre théorique de la diffusion, l’innovation est approchée comme un produit dont les caractéristiques intrinsèques sont relativement figées, excepté pour le marketing mix. Cette approche s’explique en particulier par le fait que l’ensemble de cette littérature s’est construit principalement sur l’étude des innovations globales dans le sens du paradigme classique. Cette approche ne permet donc pas d’expliquer des « anomalies » comme l’innovation inversée. C’est une littérature qui est cohérente avec le modèle de cycle de vie de Vernon et qui est construite autour d’une vision ethnocentrée (du cœur vers la périphérie) du processus d’innovation c’est-à-dire des pays « innovateurs » vers les suiveurs. Les travaux sur le GNPL s’appuient sur le modèle de la diffusion. Il s’agit de déterminer les variables du marketing mix qui peuvent avoir une influence sur la diffusion globale. Nous synthétisons dans le tableau ci-dessous les caractéristiques de la phase aval dans le modèle de la diffusion (voir tableau n° 2).