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S ECTION 2 : N OTRE TERRAIN POUR UNE ETUDE DE CAS UNIQUE / LE GROUPE A IR L IQUIDE ET LA

FIGURE 18: L’ACTIVITE IM : ENTRE PRODUIT ET APPLICATION CLIENT//REMARQUE : LA DISTRIBUTION PAR PIPELINE NE CONCERNE QUE LES CLIENTS DE LA LARGE INDUSTRIE

A) L ES FORMES DE L ’ INNOVATION PRESENTE DANS NOTRE ETUDE DE CAS

L’activité de la branche industrie marchande peut se décomposer en deux grandes étapes : la première étant de produire et d’acheminer le gaz chez le client, la seconde étant centrée sur l’utilisation du gaz par le client et ses besoins spécifiques. Ce sont donc deux champs très différents qui permettent à l’entreprise de se différencier soit par les prix soit par des propositions à forte valeur ajoutée. Les enjeux associés à ces deux champs ne sont pas les mêmes et c’est ce que nous allons voir à présent en différenciant les innovations dites logistiques et les innovations dites « application ». Nous verrons d’abord les spécificités des innovations logistiques puis de celles

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application. Enfin nous verrons pourquoi nous avons choisi d’étudier en particulier cette dernière catégorie.

i. LES INNOVATIONS « LOGISTIQUES »

Ce que l’on appelle innovation logistique c’est l’ensemble des solutions développées et mises en place permettant d’optimiser la production et la livraison de gaz. Ce type d’innovation a pour objectif fondamental d’améliorer la productivité interne d’Air Liquide. Ici, l’enjeu est de répondre à la pression à la baisse du prix de la molécule livrée et de rester performant vis-à-vis de la concurrence. Ce sont des innovations qui se déroulent « en interne », c’est-à-dire que ce sont les filiales qui sont le client final de telles innovations. Ce type d’innovation s’opère à trois niveaux.

AU NIVEAU DES MOLECULES

La première étape avant la vente de gaz consiste à déterminer quelles molécules doivent être produites et en quelle quantité. Le groupe propose du gaz de manière « classique » (qui n’implique qu’une seule molécule comme l’oxygène ou l’azote) ou plus spécifique en proposant des mélanges (pour la soudure par exemple), ou bien les molécules sont créées en laboratoire afin de répondre à des besoins très spécifiques (surtout en électronique). Le développement des innovations à ce niveau se fait donc sur la molécule, mais aussi sur les modes de production ou de sourcing afin qu’ils soient toujours plus efficients. À ce niveau, les programmes sont dirigés par les centres de R&D et pilotés par l’ensemble des divisions puisque les thématiques sont transverses (production de nouvelles molécules et modes de production). L’innovation concerne principalement l’ingénierie et la fabrication de gaz.

AU NIVEAU DU « CONTENANT »

La seconde étape dans le processus de vente revient au mode de conditionnement du gaz. En effet, une fois le gaz produit, les filiales doivent le conditionner afin de l’acheminer chez les clients. Dans le cas d’IM, il en existe deux principaux. On a ce que l’on appelle le « vrac », où on livre directement le gaz dans une citerne ou un tank disposé sur le site du client. L’autre solution consiste en la livraison de bouteilles qui

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sont remplacées et re-remplies régulièrement. L’innovation logistique se fait donc au niveau des stations de remplissage et ainsi qu’au niveau des bouteilles en tant que contenant en contact direct avec le client. Ces solutions doivent permettre d’assurer l’interconnexion entre tous les contenants proposés par Air Liquide à ses clients. La performance de ce processus de remplissage passe par une standardisation des équipements, même si encore une fois les contextes locaux ne sont pas identiques (chaque pays peut avoir des connexions différentes par exemple). On retrouve aussi cette variété pour les bouteilles du fait des contextes locaux et des types de marchés (en termes de taille, de pression, de connexions, etc.). Dans ce cas, l’innovation passe par une optimisation de la maniabilité, de la fiabilité et de l’utilisation des bouteilles par des clients très différents. Elle concerne également l’amélioration des bouteilles, des tanks, ainsi que les modalités de remplissage.

AU NIVEAU DE LA LIVRAISON

Une fois que le gaz a été produit puis conditionné, il faut le livrer chez le client. Cette étape est cruciale pour le groupe, car une grande partie de la rentabilité se joue dans l’optimisation de la livraison, mais aussi sur la satisfaction du client. Si un client n’a pas de gaz au « bon moment », il peut se retrouver dans la situation de devoir stopper ou fortement ralentir son activité. Le cœur des innovations à ce niveau réside dans le développement de technologies qui permettront d’optimiser les tournées de livraison de gaz. La logistique, les mathématiques appliquées, l’analyse de grandes quantités de données sont les compétences clés nécessaire pour développer ces innovations.

Les innovations logistiques développées pour la division de l’industrie marchande sont essentielles pour répondre aux objectifs d’optimisation de la production et de la livraison du gaz. Elles sont donc essentielles pour les filiales, pour qu’elles puissent rester compétitives sur le prix de base de la molécule. Comme on l’a vu, ce sont des innovations qui n’impliquent pas directement les clients finaux du groupe (à part pour l’utilisation des bouteilles), mais elles impliquent souvent toutes

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les filiales du groupe. Par exemple, Air Liquide doit gérer en temps réel plus de 12 millions de bouteilles à travers le monde. Une innovation qui influence la livraison ou la traçabilité des bouteilles aura donc un impact très important, mais en contrepartie de difficultés nombreuses dans la phase de conception. On peut donc parler d’innovations « internes » dont l’objectif principal est d’assurer la rentabilité du groupe.

ii. LES INNOVATIONS « APPLICATION »

Dans la division industrie marchande, la compréhension fine des besoins du client est essentielle. En effet, comme nous l’avons présenté plus haut, les clients sont très nombreux et surtout très variés. Les filiales, pour vendre du gaz, doivent donc comprendre leurs besoins pour ensuite essayer de « rentrer chez eux ». Au-delà de fournir simplement du gaz, il faut proposer des solutions ou des applications gazqui intéressent le client. On entend par application gaz (le cœur de métier d’IM) les équipements que l’on installe directement sur le processus industriel du client. Cette application valorise les propriétés des gaz pour améliorer l’efficacité du procédé industriel du client ainsi que les modalités d’utilisation de ces équipements.

Les applications gaz permettent à la fois de vendre plus de gaz et d’améliorer la performance du procédé du client. L’innovation d’application consiste donc à partir du besoin du client et de ses problèmes pour ensuite proposer une solution qui améliorera son processus industriel et sa production. Ces améliorations peuvent se décliner sur différentes dimensions. Certaines visent une amélioration de la productivité du processus et une réduction des coûts de fabrication. D’autres visent une mise aux normes et un perfectionnement de la sécurité des installations. La réduction de l’empreinte écologique (réduction de l’émission de polluants) et de la facture énergétique (économie d’électricité, gaz naturel, etc.) peuvent être atteintes aussi grâce à des applications gaz innovantes. Par exemple, une application gaz peut consister à améliorer les systèmes d’injection d’oxygène dans les bruleurs des hauts fourneaux d’Arcelor Mittal afin d’optimiser la combustion. Ou encore une application gaz peut permettre à un industriel comme Picard d’optimiser son processus de surgélation des

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fruits rouges pour éviter leur éclatement. Les innovations d’application renvoient à une autre spécificité puisqu’elles sont liées à un équipement. En effet, Air Liquide va proposer une amélioration de procédé qui se matérialise par un équipement (un tunnel de surgélation par exemple, qui sera composé de buses d’injection, d’un tapis roulant, d’un contrôleur thermique, d’un compresseur, etc.). Air Liquide produit et développe une partie de ces équipements, mais travaille aussi avec des équipementiers qui intègrent soit la solution globale (le tunnel de surgélation dans sa globalité) ou certaines parties de cette solution (l’injecteur d’azote par exemple). Cela ajoute donc une forme de complexité à ce type d’innovation d’un point de vue organisationnel (co- innover avec l’équipementier) et dans son intégration par le client.

Pour mener une telle stratégie d’innovation orientée client dans un contexte BtoB, les équipes locales doivent disposer de compétences très fortes à la fois d’un point de vue technique, mais aussi marketing. Des compétences techniques sont nécessaires pour comprendre le process industriel du client et ensuite déterminer si une application déjà existante dans le groupe ou une nouvelle solution pourrait l’aider. Il faut aussi disposer de compétences marketing pour convaincre le client du bien-fondé d’une telle démarche et in fine de l’achat d’une application. Ce type d’innovation est central dans la division industrie marchande, car elle permet aux filiales de « rentrer chez le client ». Air Liquide arrive à convaincre le client en comprenant sa structure de valeur et en lui expliquant comment il peut l’améliorer à travers la proposition d’amélioration de leurs procédés. La question ici n’est pas d’utiliser un produit différent (la molécule reste la même), mais un procédé, une mise en œuvre du gaz différente. Nous avons particulièrement développé cette notion dans l’article n° 1 en montrant le rôle des communautés de pratiques dans le développement et le déploiement de ce type d’innovation. Nous ne pensons pas ajouter un nouveau type d’innovation avec la notion d’innovation d’application, mais au contraire montrer comment nous pouvons être plus précis dans la description des innovations.

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