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S ECTION 4 : T HEORIES DE LA FMN ET PROBLEMATIQUE DE LA PHASE AVAL DU PROCESSUS

B) L ES ENJEUX DE L ’ ORGANISATION DES FMN S

B.2) L E PROBLEME DE LA LOCALISATION ET DE LA COMPREHENSION DES CONTEXTES LOCAU

À l’inverse de cette vision purement centralisée, les tenants de l’école d’Uppsala ont souligné l’importance de la prise en compte de l’environnement local des filiales dans la prise de décision (Johanson & Vahlne, 1977; Johanson & Wiedersheim-Paul, 1975). En effet, cela ne signifie pas que les avantages spécifiques qui émanent du siège ne sont pas décisifs, mais plutôt que le siège constitue un centre de décision à rationalité limitée qui doit raisonner avec des informations imparfaites concernant les filiales. Le siège ne peut donc pas, par nature, être un centre de décisions qui coordonne toutes les activités stratégiques de la firme. En effet, la FMN se caractérise aussi à travers sa diversité géographique et elle doit être prise en compte d’un point de vue organisationnel. Comment intégrer de manière rigoureuse des contextes locaux si différents sur le plan économique, social, culturel et institutionnel (Shenkar, 2001) et surtout, comment en tirer des avantages puisque les filiales peuvent elles aussi détenir des ressources spécifiques ?

C’est dans la lignée des travaux sur les externalités positives (Marshall, 1920) que des auteurs comme Dunning (1993) firent le lien entre les facteurs liés à la localisation de l’activité (institutions, accès aux matières premières, à un certain capital humain ou financier, etc.) et la formation ainsi que l’entretien des avantages spécifiques des

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FMNs (Dunning, 1991, 1993). À travers son approche « éclectique », Dunning est un des premiers à réconcilier ces problématiques avec la compréhension de l’internationalisation des firmes. Il ouvre alors la voie à une meilleure prise en compte des spécificités locales avec en particulier l’approche dite des clusters (Bathelt, Malmberg, & Maskell, 2004; McCann & Folta, 2008; McCann & Mudambi, 2005). C’est cette approche qui permettra de discuter sous un angle nouveau le rôle des filiales et de repenser ainsi l’avantage lié à une localisation particulière au regard du coût de coordination que cela entraine. Cette approche très économique (cluster,

spillover, etc.) de la prise en compte des contextes locaux propose des outils

analytiques pour appréhender la diversité des environnements des filiales. Il en découle des questionnements portant sur la modélisation d’une telle diversité ainsi que sur la construction des avantages spécifiques, l’organisation de la FMN et les modalités d’internationalisation. Différentes réponses ont été apportées montrant spécifiquement comment la FMN s’organise pour tenter de concilier ces trois dimensions.

La FMN est donc une organisation particulière qui va essayer de s’organiser pour à la fois profiter de avantages spécifiques développés au niveau du siège, mais aussi s’organiser pour en développer de nouveaux au niveau de ses filiales. Cette approche nous permet de mieux comprendre à la fois l’intérêt pour les FMNs d’aller chercher de nouvelles ressources au sein de ses filiales, mais aussi les difficultés d’un point de vue organisationnel. On a donc une vision plus générale des enjeux liés à la gestion de l’internationalisation de leur processus d’innovation du fait des relations complexes entre siège et filiales. Nous allons voir maintenant comment la FMN parvient à intégrer ses filiales au sein de son réseau.

I.3.V

ERS UNE CONCEPTION INTEGRATRICE DE LA

FMN

L’accent mis sur les différents contextes locaux a conduit les chercheurs à considérer que la spécificité de la FMN n’est pas dans la formation de ses avantages spécifique ou dans ses modalités d’internationalisation. Mais au contraire, qu’elle

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proviendrait plutôt de l’existence du réseau qu’elle forme avec ses filiales. Les FMNs sont donc aujourd’hui de plus en plus vues comme un ensemble d’unités dispersées géographiquement et non comme une unité centralisée exploitant à l’extérieur de ses frontières des avantages spécifiques développés dans le pays historique du siège. La capacité à créer des compétences à travers ses filiales apparaît désormais essentielle dans l’analyse des FMNs (Cantwell, 1989). À partir de ces travaux, même si tous les auteurs que nous allons citer ne se réclament pas de cette approche en termes de compétences et de cluster, on comprendra la FMN comme un réseau. On peut voir ce réseau comme un ensemble d’unités différenciées dans l’espace qui se trouvent au croisement de connaissances et de compétences. Cette approche de la FMN guidera de très nombreux travaux (Birkinshaw, Brannen, & Tung, 2011; Doz, 2011). Cette perspective est selon nous au fondement de la compréhension des processus d’innovation des FMNs et de la question de son internationalisation. D’un point de vue organisationnel, cela nous permet de mieux prendre en compte le fait que la FMN va intégrer de nombreux artefacts (connaissances, compétences, technologies, etc.) issus de géographies différentes.

En reprenant des éléments de distinction classiques de la théorie de la firme (Forsgren, 2013) on peut distinguer trois grandes approches de la prise en compte de l’environnement dans l’organisation des FMNs. Nous retrouvons une approche institutionnelle, une approche basée sur les « réseaux commerciaux » et une dernière dite de la contingence. Ces différentes perspectives théoriques ne sont pas mutuellement exclusives et chacune apporte des éléments de compréhension nouveaux de la FMN. Cette vision que nous donnons par « courant » nous permettra de définir différents modèles de la FMN en rapport direct avec les problématiques de l’innovation sur lesquelles nous nous sommes déjà appuyés pour comprendre les spécificités du processus d’innovation des FMNs. Ces différentes perspectives sont intéressantes à différents niveaux, mais dans le cadre de cette thèse nous développerons spécifiquement celles issues de la contingence. Nous mettons donc de

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côté les théories dites institutionnelles ou néo-institutionnelles ainsi que la question de la légitimité des FMNs à intervenir dans différents environnements, car ces questions n’étaient pas au centre de notre processus de recherche.

A)COMMENT INTEGRER LES SPECIFICITES DES FILIALES : L’APPROCHE PAR RESEAUX D’AFFAIRES C’est en opposition à l’approche hiérarchique vue plus haut que s’est développée l’idée qu’une FMN, pour comprendre ses filiales, doit d’abord appréhender les réseaux dans lesquels elles se trouvent. Différents travaux empiriques faisant suite aux travaux de l’école d’Uppsala ont mis en lumière la manière dont les FMNs s’organisaient pour prendre en compte ces différents réseaux (Hakansson & Snehota, 1989). Ils ont en particulier montré que, pour appréhender l’environnement des filiales, il faut comprendre leurs relations commerciales, leur réseau d’affaires (Andersson, Forsgren, & Holm, 2002, 2007). La notion de pays et de frontière devient plus floue, car un réseau, par définition, n’a pas de frontières au sens d’un pays d’appartenance en particulier. Cette approche montre comment la FMN et le siège plus particulièrement doivent investir dans ces réseaux. En effet, pour s’internationaliser, il est nécessaire de passer par ces différents réseaux. L’investissement passe aussi dans une compréhension accrue des filiales pour analyser les forces et faiblesses des réseaux dans lesquels elles sont encastrées. Les filiales peuvent alors avoir un rôle beaucoup plus influent au sein de la FMN si leur réseau local est crucial pour le reste des unités de la firme (Andersson et al., 2002, 2007). Cette conception des réseaux d’affaires de la FMN permet de modéliser l’environnement des filiales. Néanmoins, il privilégie une vision purement économique de l’environnement, le réseau étant à voir en quelque sorte comme une somme de relations commerciales avec des degrés plus ou moins élevés d’importance stratégique.

Cette approche par réseau d’affaires rejoint les travaux insistants sur le double encastrement des filiales. Néanmoins, malgré leur apport, ces modèles ne discutent pas clairement de l’influence de l’environnement sur l’organisation de la FMN. Nous

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allons donc voir maintenant comment les approches fondées sur la contingence et les modèles qui en sont issus apportent une grille théorique plus pertinente encore pour nos travaux et pour comprendre les enjeux liés à l’innovation.

B)UNE ORGANISATION CONTINGENTE A L’ENVIRONNEMENTET LA PRISE EN COMPTE DU ROLE DES