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S ECTION 2 : S PECIFICITE DU PROCESSUS DE DEVELOPPEMENT LOCAL POUR COMPRENDRE LES

FIGURE 10: MODELE DE KLINE ET ROSENBERG,

B) I NTEGRER DES CONNAISSANCES DE FORMES TRES VARIEES

Jusqu’ici, nous avons vu que les sources d’innovation s’étaient démultipliées et nous avons montré comment les FMNs ont dû adapter leurs processus d’innovation pour y faire face. Nous voudrions souligner de plus la variété des types de connaissances à acquérir et intégrer.

ENTRE CONNAISSANCES TECHNOLOGIQUES ET DE MARCHE

Nous pensons qu’il est intéressant de retenir la distinction que font Doz, Santos, & Williamson (2004) pour différencier deux catégories de connaissances essentielles au processus d’innovation à savoir les connaissances dites de marché et les connaissances technologiques (Doz et al., 2004). On peut définir les connaissances technologiques comme l’ensemble des éléments techniques et scientifiques qui permettent de concevoir de nouveaux objets, services ou systèmes technologiques. Ce type de connaissances peut se comprendre au regard de la spécialisation scientifique qui structure l’ensemble de ces savoirs en disciplines et spécialités. Pour pouvoir être utilisée, la connaissance scientifique est en général codifiée (article, brevet), mais potentiellement très complexe à mobiliser du fait des savoirs prérequis pour les comprendre et les mobiliser. C’est ce caractère complexe et extrêmement spécialisé qui rend sa détection et son absorption délicate pour les FMNs. Ces entreprises mettent donc en place des stratégies RH liées à la R&D ou l’innovation (Hidalgo & Albors, 2008; James, 2002; Lacaze, Defelix, & Galey, 2005). Cela se complète aussi par des stratégies d’ouverture dans le domaine scientifique afin d’optimiser l’intégration de ces connaissances (Corbel et al., 2011; Veugelers & Cassiman, 2005). Nous pensons ne pas avoir à plus spécifier ce type de connaissances alors qu’à l’inverse, les connaissances dites de marché, de par leur caractère spécifique, nécessitent qu’on s’y arrête plus longuement.

DES CONNAISSANCES DE MARCHE SPECIFIQUES ET ANCREES LOCALEMENT

L’ensemble des connaissances qui permettent à la FMN de comprendre le marché dans lequel elle veut s’implanter, particulièrement pour développer et vendre des

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innovations, constitue ce que nous appelons les « connaissances de marché ». De manière plus générale, on peut voir les connaissances de marché comme l’ensemble des connaissances concernant les clients et les concurrents (Day, 1994). Ce type de connaissances est essentiel pour les entreprises afin de comprendre le marché dans ses dimensions marketing. En effet, la prise en compte de ces connaissances de marché a une influence directe sur la performance du processus d’innovation des entreprises (Luca & Atuahene-Gima, 2007). La difficulté pour les entreprises est de réussir à prendre en compte ces connaissances dans leur processus d’innovation. Les connaissances de marchés sont en effet multiples de par les dimensions qui les sous- tendent : leur caractère tacite, leur dispersion, leur contexte et enfin leur spécificité (Galunic & Rodan, 1998). La difficulté réside dans les modalités d’absorption de ces connaissances. Par exemple, les connaissances de marché spécifiques aux usages sont caractérisées par Von Hippel (1994) comme contenant des informations « collées » ou « adhérentes ». Toujours selon Von Hippel (1994), une information est adhérente lorsqu’elle est coûteuse à acquérir, transférer et utiliser dans un lieu différent (Von Hippel, 1994). Les connaissances spécifiques aux lead user et aux usages sont donc par nature collantes et difficilement identifiables. Le processus d’innovation des FMNs est donc directement impacté au niveau de la phase amont par le caractère adhérent de ce type de connaissances. La même année, Nonaka et al (1994) généralisent cette idée en montrant comment la nature des connaissances affecte le processus d’innovation en termes de management des connaissances. Ces auteurs distinguent d’un côté les connaissances explicites c’est-à-dire facilement codifiables et transférables, des connaissances tacites, c’est-à-dire fortement encastrées dans un individu. Ces connaissances sont donc peu visibles et difficilement repérables et utilisables (Nonaka, Byosiere, Borucki, & Konno, 1994). On parle alors du caractère encastré de la connaissance de marché. Ce qui est intéressant ici c’est donc de voir comment les activités liées à l’innovation, du fait même de la nature des connaissances qui sont nécessaires, rendent le processus d’innovation complexe.

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Plus les connaissances sont spécifiques à des routines et un contexte local, plus le caractère encastré de celles-ci est important (Madhok, 1997) et donc, plus il est difficile de les cerner. C’est souvent le cas des connaissances de marché des pays dans lesquels les FMNs souhaitent acquérir de nouvelles connaissances pour innover. On retrouve cette dimension du caractère tacite des connaissances dans la difficulté que peuvent éprouver les entreprises à comprendre les usages des consommateurs. Or depuis les travaux séminaux de Von Hippel (1986, 1988), on sait que les utilisateurs sont à la fois sources et catalyseurs d’innovations. C’est en effet grâce aux multiples interactions avec les consommateurs et usagers que les entreprises peuvent innover et créer de la valeur (Thomke & Von Hippel, 2002). Les entreprises doivent s’attacher à repérer et comprendre des consommateurs particuliers que sont les lead users pour leur permettre une bonne compréhension des marchés futurs (Urban & Von Hippel, 1988; Von Hippel, 1986). Ce que permet « l’utilisation » de ces consommateurs ou usagers particuliers c’est de mobiliser une connaissance et de l’information tacite. Cette approche aide au développement des innovations à travers les multiples interactions mises en place pour nourrir le processus d’innovation (Scheid & Charue- Duboc, 2011). C’est donc un processus d’innovation qui devient beaucoup plus interactif, permettant aux FMNs de mieux comprendre la ou les valeurs nécessaires à la réussite d’un projet de développement local. Les FMNs doivent ajuster leur processus d’innovation pour intégrer ces connaissances qui par nature sont encastrées localement, du marché au consommateur final. À chaque contexte différent, les connaissances de marché seront différentes et un travail de compréhension des besoins et des usages devra être mis en place.

Nous avons discuté la capacité de la FMN à appréhender et produire des connaissances variées dans son processus d’innovation. Mais on peut se demander comment sont transformées ces connaissances en innovations, en artefacts si on reprend les termes de Pavitt (2005).

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II.2)I

NTEGRER ET TRANSFORMER DES CONNAISSANCES EN ARTEFACT

:

LA QUESTION DU DOUBLE ENCASTREMENT DU PROCESSUS D

INNOVATION DES

FMN

S

Comment à partir de connaissances très variées et dispersées à travers le monde, les FMN transforment ces connaissances en artefacts, en innovations ? En effet, les entreprises doivent aujourd’hui maîtriser un ensemble de compétences et savoir-faire très importants pour développer de nouveaux artefacts innovants. Les produits ou services sont de plus en plus complexes, car ils intègrent des technologies et savoir-faire très différents. Nous verrons d’abord que cette question relève du problème de couplage entre connaissances technologiques et de marché. Puis, que dans un contexte multinational, ce couplage et la mobilisation des différentes compétences nécessaires à l’innovation peuvent être rendus encore plus complexes du fait du double encastrement des filiales.