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Dans quelle mesure notre thèse de doctorat peut-elle être qualifiée d’"originale" ?

Assurément, toutes les thèses renferment une certaine dose de particularismes : nouveau regard épistémologique sur un sujet, objet novateur, terrain inexploré ou croisement de données multiples… La liste peut être longue tant les possibilités paraissent nombreuses.

Dès lors, qu’est-ce qui fait la singularité de notre démarche ? Quel recul sur notre propre travail pouvons-nous prendre ?

D.1. Une thèse en Convention industrielle de Formation par la Recherche

Le premier élément qui nous vient en tête se trouve aux origines du projet : c’est l’institution qui a fait vœu d’intégrer un jeune chercheur en son sein. Plusieurs de nos collègues nous ont expliqué que leur projet ou leur sujet de thèse relève d’une recherche personnelle, d’une réflexion propre, qui fait souvent suite à des expériences ou des études d’ores et déjà réalisées (mémoire de master, travaux dirigés à l’université, pratique individuelle, etc.). Pour notre part, cela se rapproche plus des thèses menées par contrat doctoral : l’étudiant se positionne sur un sujet, pour lequel il n’a pas forcément d’expérience, et s’"adapte" à la "commande". Nous pensons qu’il existe une différence entre les projets émanant des étudiants, et ceux émanant de l’entreprise (ou d’un organisme). D’un côté, la démarche ressemble à celle du bottom-up (ou ascendante) : l’étudiant tente d’élaborer son projet, le soumet aux instances qui le valideront ou non par la suite ; de l’autre, nous sommes face au top-down (ou démarche descendante) : l’étudiant "reçoit" le sujet, ne le pense pas en amont, et oriente ce dernier suivant sa pensée.

Notre projet de thèse s’inscrit résolument dans une démarche top-down : il émane de la structure.

La genèse a pris racine lors de l’"anniversaire" du CCAS : l’année 2012 correspondait aux quarante ans de la délibération de la Commission administrative actant le passage du BAS en CCAS. Cette délibération12 a encore une résonance pour beaucoup aujourd’hui. À partir de

ce document, l’idée est de s’interroger sur le chemin parcouru, sur les évolutions qu’a connues l’institution ou sur la "culture maison" qui  pour certains  serait perdue. Mais comment prendre du recul et de la distance sur ses propres pratiques lorsque le quotidien ne laisse que peu de temps ? Recourir à l’université et à sa capacité d’expertise était une des pistes : elle permet de réaliser un travail neutre et distancié, tout en garantissant une caution scientifique certaine.

C’est une rencontre fortuite, à l’issue d’une journée d’étude, qui est à l’origine des premiers contacts entre le CCAS et un enseignant-chercheur de l’université, membre du laboratoire C3S. Dès lors, s’installe une collaboration qui nous positionne rapidement comme jeune chercheur sur le projet. Après l’obtention d’un Master de sociologie, nous pouvons débuter : un chapitre sera d’ailleurs consacré aux résultats et aux enseignements de cette phase préliminaire. En constatant rapidement que nous avions ouvert de nouveaux axes et de nouvelles hypothèses, l’institution a décidé de constituer un dossier pour obtenir une Convention industrielle de Formation par la Recherche (CIFRE), et ainsi aider au financement d’un doctorat.

La CIFRE est un dispositif datant d’une trentaine d’années, géré par l’Agence nationale de la Recherche et de la Technologie (ANRT), mandatée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. L’objectif est de favoriser le développement des partenariats public-privé en plaçant un doctorant dans des conditions d’emploi (Site Internet ANRT). La convention regroupe, autour d’un même projet, une entreprise, un laboratoire scientifique et un étudiant. Au départ, seules les entreprises technico-économiques pouvaient recourir à ce dispositif. Depuis quelques années seulement, les associations, les organisations non gouvernementales et les collectivités territoriales ont la possibilité de faire appel à cette

convention. Celle-ci permet ainsi de réaliser un recrutement en CDD ou en CDI, tout en effectuant un suivi technique. Le laboratoire encadre scientifiquement la recherche pour laquelle le doctorant consacre 100 % de son temps. Un contrat de collaboration, établi par les deux parties, définit le pourcentage de temps de présence au sein de l’entreprise13 et au sein du

laboratoire. Enfin, c’est l’ANRT qui signe avec l’entreprise la convention, et subventionne jusqu’à 50 % du coût du projet14. À chaque année révolue, un rapport d’activité doit être produit

à destination de l’association nationale, dans lequel est exposé l’avancement des travaux, les difficultés rencontrées ou encore les prévisions pour la prochaine année. De ce document, visé par l’ensemble des acteurs, dépend le versement de la subvention.

C’est un véritable tissu d’interactions qui se construit autour d’un même projet. Mais une CIFRE, menée avec une collectivité territoriale en sociologie, est-elle monnaie courante ?

Tout d’abord, monter un projet CIFRE n’est pas une sinécure : il faut réunir une entreprise et un laboratoire, les convaincre du bien-fondé du projet, pour enfin déposer un dossier à l’ANRT. Là, les choses ne sont pas forcément actées : une expertise de l’entreprise est réalisée (peut-elle accueillir un doctorant décemment ? De quelle qualité sera le suivi technique ? Existe-t-il une viabilité financière ?), puis une expertise du laboratoire (les axes de l’équipe d’accueil correspondent-ils à la problématique de la thèse ? Le suivi scientifique sera- t-il en adéquation avec le doctorat ?). Enfin le projet de thèse, rédigé par le doctorant, accompagné d’un curriculum vitae et d’un justificatif de diplômes, est aussi soumis au jugement : le projet doit avoir une vraie valeur scientifique et le cursus du doctorant doit y correspondre. Le taux de refus par l’ANRT peut apparaître faible (3 % en 2008), mais, pour une année, seules 1 300 demandes sont acceptées (Site Internet ANRT).

Selon les chiffres obtenus pour l’année 2012, les collectivités territoriales et les associations d’action sociale représentent seulement 4 % des CIFRE allouées, contre 50 % pour les entreprises de plus de 5 000 salariés. Pour preuve, d’après l’annuaire des propositions de

13 Nous utilisons le terme générique d’« entreprise », tout en y intégrant les collectivités territoriales et les

associations.

14 Le cas d’une collectivité territoriale étant particulier (pas de crédit impôt recherche par exemple), le

projets CIFRE en novembre 2012, seule une collectivité territoriale (un Conseil départemental en l’occurrence) a pu être trouvée15.

De plus, les sciences de la société ne constituent que 11 % des disciplines scientifiques concernées. En Franche-Comté, en 2008, seules 12 CIFRE étaient signées, contre 591 dans la Région parisienne (Site Internet ANRT).

Ces données sont corroborées par les statistiques de l’Université de Franche-Comté (UFC). On y apprend premièrement que, pour l’année 2012, seuls 50 % des doctorants sont financés dans l’École doctorale "Langages, Espaces, Temps et Sociétés" (LETS), notre École doctorale de rattachement. Pour toute l’UFC, en 2012, on ne dénombre que 10 CIFRE (9 en 2008, 14 en 2009, 10 en 2010 et 13 en 2011). Cette convention n’est pas commune. En croisant les données, les statistiques de l’UFC nous enseignent que seulement 1% des doctorants inscrits à l’École doctorale LETS en première année en 2012-2013 bénéficient d’une CIFRE (Site Internet UFC).

La première originalité de ce doctorat est donc qu’il est réalisé sous CIFRE. Cela crée ainsi des conditions de travail singulières.

D.2. Des conditions de travail originales

Cette convention offre des conditions de travail idéales pour réaliser une thèse : l’entreprise s’engage à fournir le matériel, le temps et les outils nécessaires à la bonne réalisation de l’enquête. Par exemple, pour notre cas, un bureau personnel avec les accessoires usuels (ordinateur connecté à internet, téléphone fixe et portable, espaces de rangements, possibilités d’impression...) nous a été alloué. Ce lieu nous a permis de mener parfois des entretiens sans être contraints par l’espace, tout en assurant la confidentialité des propos.

Au-delà des aspects matériels, c’est surtout la possibilité d’un double suivi qui fait la spécificité de la CIFRE. Là où les thèses "traditionnelles" voient un Directeur de thèse seul

15 Cela signifie qu’au temps t, une seule collectivité territoriale proposait d’embaucher un doctorant en contrat

orienter la réflexion, nous dépendons à la fois d’un suivi technique (effectué par le CCAS) et d’un suivi scientifique.

L’ANRT impose néanmoins un cadre précis : le temps d’une CIFRE est figé. Face à des thèses "classiques", pour lesquelles parfois une année supplémentaire, voire deux, sont accordées pour terminer au mieux le travail, il nous est imposé une date butoir qu’il n’est pas possible de dépasser. En signant un CDD, nous nous engageons à exposer nos résultats avant la fin du contrat. Le calendrier présenté en début d’exercice doit ainsi être respecté scrupuleusement. Toutefois, nous ne percevons pas cet élément comme une contrainte : l’entreprise est en attente de résultats pratiques, et les conditions de travail aident à respecter les délais.

Être embauché par une structure, c’est être soumis aux règles communes de l’établissement (présence quotidienne, congés payés et congés maladie). C’est un environnement qui nous permet d’avancer sereinement dans notre travail. Cette expérience professionnelle, en conditions réelles, aura pour le moins été bénéfique.

D.3. De l’intérêt d’embaucher un apprenti-sociologue

Dans quelle mesure la sociologie, et un apprenti-sociologue a fortiori, peuvent-ils être utiles pour une institution publique telle que le CCAS ?

Nous notons aujourd’hui que plusieurs agences ou observatoires existent, pour amener les sciences humaines et sociales à aider les décideurs politiques à poser un nouveau regard sur leurs fonctions et sur leurs décisions. Par exemple, la Chaire OPTIMA, de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, semble un bon exemple. Elle a été créée pour promouvoir l’expertise d’enseignants-chercheurs auprès collectivités territoriales.

Mais ce rapprochement ne paraît pas des plus naturels. Certains observateurs s’interrogent : « D’un côté, les producteurs de connaissances. De l’autre, les décideurs

politiques. Pour construire leur pensée, les premiers prennent un temps dont les seconds ne disposent pas. Mais ne faut-il pas museler l’urgence de l’action pour donner une chance à la réforme de s’armer intellectuellement ? » (Matyjasik, 2015, p. 56.) On prône ici un

"temps" ne se correspondent pas. Des spécialistes des politiques publiques, comme Michael Burawoy, défendent une sociologie qu’ils qualifient également de « publique » (Burawoy, 2009). Ils préconisent une enquête détachée du monde universitaire pour « coller » au mieux à la réalité.

Selon Nicolas Matyjasik, « loin de l’omniscience, parfois cloisonnée, l’action publique

peine à sortir de ses modes de pensée et d’action, de ses référentiels administratifs et politiques ; elle doit s’ouvrir ». Il va même jusqu’à évoquer la « misère de la pensée » du monde

public. C’est par les sciences humaines et sociales, qui ont une « capacité à poser des problèmes

qui ne sont pas nécessairement perçus par les acteurs sociaux », qu’un "remède" peut être

trouvé. En outre, il est conseillé de se sortir des liens habituels : très souvent, lorsque des chercheurs ou des intellectuels sont invités, c’est à l’occasion de « de petits déjeuners, de débats

ou tables rondes où, en rafale, [on] dispose de dix minutes pour exprimer un point de vue »

(Matyjasik, 2015, p. 60).

Ce questionnement prend racine autour du concept de temporalité : entre le domaine de la science et celui des décideurs politiques, les échéances sont différentes. Alexandre Moine et Nathalie Sorita abondent en ce sens en mentionnant la « dyschronie des temporalités » (Moine et Sorita, 2015, p. 115). Face à un temps politique conduit par le leitmotiv du changement, de la réforme et des échéances électorales (avec, comme défaut, une vision trop conjoncturelle), les auteurs estiment que le temps institutionnel s’inscrit dans une temporalité plus établie, plus stable. C’est notamment par le « récit de ses origines et figures, ses continuités et discontinuités

et ses lieux mémoriels » que le fondement temporel de l’institution existe.

Abstraction faite de la temporalité, notre convention a également permis de réunir, lors de colloques et autres séminaires, le monde universitaire et les agents territoriaux. Par exemple, le directeur général adjoint16 a exposé un outil innovant lors du Colloque Médiations et

régulations, organisé par le C3S, en mars 2015. La CIFRE a ainsi tissé des liens forts entre le

monde académique et le monde professionnel.

Pour terminer sur l’intérêt de disposer d’un apprenti sociologue, il est important de noter que nous avons eu parfois à rappeler comment la sociologie pouvait "servir" la réflexion. Nous

ne sommes ni élu, ni décideur technique. Notre tâche n’est pas de fournir des solutions "clés en main", révolutionnaires. Au contraire, c’est dans l’accompagnement et dans la prise de distance sur le quotidien que nous nous inscrivons. Le sociologue observe et propose un diagnostic, à charge ensuite aux responsables de s’appuyer sur ces introspections pour élaborer le changement.

D.4. Observer une structure en mouvement

La dernière originalité de la démarche tient à l’objet sur lequel nous travaillons : il se trouve en constante évolution. Le CCAS, directement lié aux décisions politiques prises localement, est influencé par le calendrier électoral. Plusieurs échéances ont d’ailleurs eu lieu pendant la période :

- en mars 2014 se sont tenues les élections municipales. Elles sont primordiales car elles décident du futur politique de l’institution : le maire étant le président, la décision démocratique peut changer la donne en profondeur. De plus, cette année-là, la vice-présidente de la mandature précédente a décidé de ne pas se représenter17. Le tableau suivant donne les résultats de cette

élection :

Précédent maire de Besançon : Jean-Louis Fousseret (Parti socialiste)

Résultat 2nd tour

Union de la gauche 47,4 %

Union de la droite 44,4 %

Front national 8,2 %

Nouveau maire de Besançon : Jean-Louis Fousseret (Parti socialiste)

- en avril 2015 ont eu lieu les élections départementales. Le Conseil départemental est le chef de file de l’action sociale sur son territoire : sa politique vient directement influencer celle du CCAS. Ces élections ont vu, dans le Doubs, une nouvelle majorité venir au pouvoir. Voici un tableau synthétique des résultats :

Précédent Président du Conseil départemental : Claude Jeannerot (Parti socialiste)

Résultat 2nd tour

Union de la Droite-UMP-DVD 36,9 %

PS-DVG-EELV 35,8 %

Front national 25,5 %

Nouvelle Présidente du Conseil départemental : Christine Bouquin (Union de la Droite)

- en décembre 2015 se sont déroulées les élections régionales. Même si l’influence du Conseil régional n’est pas aussi forte que celle du Conseil départemental, la Région participe en partie au financement du CCAS. C’est surtout le contexte de fusion des régions et l’arrivée de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la république, dite NOTRe, qui pourra, à terme, toucher directement l’institution communale. Ci-après, les résultats :

Précédente Présidente du Conseil régional de Franche-Comté : Marie-Guite Dufay

Résultat 2nd tour

Union de la Gauche 34,3 %

Union de la Droite 32,9 %

Front national 22,4 %

Nouvelle Présidente du Conseil régional Bourgogne-Franche-Comté : Marie-Guite Dufay

Au-delà des aspects purement politiques, c’est au sein même de l’institution que plusieurs changements notables ont pu être observés :

- premièrement, et nous y reviendrons longuement, un projet social a été élaboré. Il a pu être présenté en septembre 2015 lors d’un séminaire des cadres, puis lors d’un séminaire des administrateurs ;

- deuxièmement, le directeur général a quitté ses fonctions en juillet 2015. Le nouveau directeur général nommé est l’ancien directeur général adjoint. Il a pris son poste au 1er janvier

- enfin, les services évoluent eux aussi. Par exemple, la résidence « Le Forum » a déménagé et est devenue « L’Agora ». De même, la DSO a vu l’autonomisation du 115 vers le Groupement de Coopération sociale et médico-sociale18. Enfin, la question du maintien du

service d’aide à domicile se pose régulièrement même si, au cours de l’année 2015, le CCAS a repris la gestion du SSIAD (initialement service municipal).

Ce sont tous ces mouvements, ayant plus ou moins d’importance sur l’action, qui font en partie l’originalité de cette étude. Toutefois, la contrepartie à cette dynamique réside dans le manque d’emprise des effets à long terme qui agissent sur la structure. En constante adaptation, il peut sembler parfois difficile de donner du recul à notre raisonnement. Il est nécessaire d’avertir à nouveau le lecteur que, face à un objet qui n’est pas figé, nous avons dû redoubler d’attention et travailler à une vraie distanciation, en vue de produire une étude objective.

D.5. Un statut particulier

Au-delà de la spécificité du sujet, c’est notre place de doctorant en CIFRE qui peut également être perçue comme particulière. La convention ne donne aucun statut prédéfini : nous sommes à la fois étudiant au sein de l’université, et chargé d’étude pour la structure. Ni l’une ni l’autre de ces facettes ne peut réellement supplanter la seconde. Au moment d’exposer nos contributions, ou lorsque nous devons nous présenter, un point s’est posé : quel statut fallait-il mettre en avant ? Cela peut paraître anodin, mais c’est en réalité lourd de sens : une vraie différence existe entre être chargé d’étude-doctorant et doctorant-chargé d’étude. Le fait d’inscrire une qualification avant l’autre a, pour nous, une importance. Pour parer à cela, nous avons décidé de nous adapter à chaque public. Face aux universitaires (lors de colloques ou de séminaires), dans un article scientifique, le statut de doctorant est mis en premier ; à l’inverse, dans le milieu professionnel, lors de rencontres, de réunions ou de séminaires internes, nous avançons notre statut de chargé d’étude prioritairement.

Ce petit exemple montre à quel point le doctorat en CIFRE oblige à se positionner : nous utilisons pour cela le terme d’« équilibre ». René Barbier et François Fourcade, dans leurs analyses de recherches-actions, caractérisent la situation : « Le chercheur joue [...] son jeu

professionnel dans une dialectique qui articule sans cesse l’implication et la distanciation, l’affectivité et la rationalité, le symbolique et l’imaginaire, la médiation et le défi, l’autoformation et l’hétéroformation, la science et l’art. [Il] n’est ni un agent d’une institution, ni un acteur d’une organisation, ni un individu sans appartenance sociale, par contre il accepte éventuellement ces différents rôles à certains moments de son action et de sa réflexion. Il est avant tout un sujet autonome et plus encore un auteur de sa pratique et de son discours »

(Barbier et Fourcade, 2008, p. 1.)

Cet équilibre nous impose, comme le préconisent Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthes, d’élaborer « un monde commun » (Callon, Lascoumes et Barthes, 2001, p. 153). Force est de constater que les deux mondes (universitaire et administratif19) possèdent

quelques divergences au niveau des pratiques professionnelles.

Prenons l’exemple de l’écriture pour étayer notre propos : cela permet d’illustrer la façon dont nous devons rendre compte de nos résultats pour l’un et l’autre, et parfois pour les deux simultanément20.

Du côté du monde administratif, des documents réguliers sont attendus. Ces points d’étape doivent respecter un certain nombre de principes, et s’approcher de la forme d’une note

administrative. Cette dernière est très normée : les phrases sont relativement courtes, un jeu

peut être réalisé avec la typographie, les titres doivent ressortir clairement, le nombre de pages est limité et l’écriture impersonnelle. L’intérêt d’un tel document réside dans l’efficacité et le concret. Nous entendons par là qu’il doit pouvoir être lu rapidement (presque en "diagonale"), attirer l’attention sur des termes clés, et donner la teneur générale en quelques mots. Il est enfin attendu une conclusion brève, qui appelle à une validation et/ou encourage une action opérationnelle à venir.

Du côté de l’université, la forme n’est pas la même : écrire pour ce "monde" ne repose pas dans l’élaboration d’un document concret et pratique. Au contraire, c’est plutôt le