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40 ANS D’ACTION SOCIALE BISONTINE

E. Les contextes endogènes

E.1. Une histoire locale forte

Pour commencer, les figures issues du terroir prennent une place centrale. Nous en retenons une particulièrement : Jeanne Antide Thouret. Fondatrice des « Sœurs de la charité », elle naît dans le Doubs au milieu du XVIIIe siècle, et œuvrera tout au long de sa vie en faveur des

"incurables", des malades, des prisonniers ou des enfants non scolarisés, afin de leur prodiguer des soins, une éducation, une présence. Cette femme reste un modèle pour bon nombre d’artisans de l’action sociale d’hier et d'aujourd’hui, et est citée dans plusieurs entretiens. Besançon a vu aussi naître certains penseurs et grands humanistes tels que Pierre-Joseph Proudhon, Charles Fourier, Victor Hugo, et bien d’autres, qui ont marqué de leur empreinte la vie locale.

La Franche-Comté est un territoire de forte tradition sociale. Preuve en est, la campagne de communication de la Ville de Besançon en 2012, intitulée « L’air(e) du temps », présente une affiche : « Besançon, terre d’innovations sociales ». Berceau des fruitières coopératives, de l’association des « jardins de cocagne », de l’"histoire" de la Rhodia et de celle des LIP (première SCOP de France), ces innovations restent des événements marquants pour les enquêtés. Par exemple, l’histoire de LIP révèle cet aspect fort : suite au dépôt de bilan de l’entreprise, les ouvriers créent six coopératives32, dans le but de continuer leur production, et

ainsi percevoir leurs rémunérations. C’est l’apogée à Besançon d’un mouvement ouvrier qui amènera l'esprit d’autogestion d’entreprise. Ces caractéristiques, véritables représentations locales, se perpétuent naturellement dans les consciences.

La plus forte et la plus revendiquée des innovations locales reste la fruitière coopérative, citée régulièrement dans les interviews. Créée au XIIIe siècle, et toujours en vigueur, son

principe repose sur la mise en commun du fruit du travail, dans le but de parer aux difficultés

de l’isolement et de la pression du marché. Elle reste un exemple dans le monde33. Plusieurs

enquêtés prennent cet exemple pour vanter les politiques sociales bisontines :

« Je pense aux fruitières à comté, au fait que la production laitière et fromagère nécessite une mise en commun de moyens, une mise en commun collaborative, avec l’économie sociale et solidaire, mais aussi l’insertion, les jardins de cocagne, etc. Tout ça, ça rentre dans une continuité, dans une grande histoire, qui fait que l’innovation sociale est un peu dans les gènes franc-comtois. » (Un ancien

Directeur général)

« L’autre chose, c’est le travail avec les associations par rapport à l’aide alimentaire. Je pense que ce n’est pas spécialement innovant, mais ça rejoint ma motivation de départ sur les logiques coopératives. Comment, sur Besançon, travailler ensemble ? » (Un

élu)

« À Besançon, ce sont des coopérations inspirées de vieilles traditions anarcho-syndicalistes, des fruitières au travail de précision des microtechniques. [Dans la ville de mes nouvelles

fonctions], on est vraiment dans ce qui reste des rapports de force :

on est dans le management par la rupture. C’est une autre forme de construction du social. Besançon, ce n’est pas ça. » (Un ancien

Directeur de service)

33 Cette affirmation n’est pas exagérée puisqu’un professeur japonais, Atsushi Miura, professeur à l’Université

de Saitama au Japon, enseigne le principe des fruitières franc-comtoises. Une présentation succincte est disponible en ligne à l’adresse : http://fr.pekea-fr.org/Rennes/T-Miura.pdf. (Voir également : MURAMATSU Kenjiro (2014), « L’insertion par le travail agricole : une "pépinière" pour réinventer l’autonomie et la solidarité », in FERRÉOL Gilles, LAFFORT Bruno et PAGÈS Alexandre (sous la dir. de), L’Intervention sociale en débats. Nouveaux

Certains enquêtés vont jusqu’à attribuer cette histoire locale à leur choix de carrière :

« Quand je suis arrivé ici, c’était par choix, car c’était là qu’il y avait des enjeux dans le social. Et précisément à Besançon, car j’avais deux possibilités : une piste ici, et une [ailleurs]. Je venais de terminer le bouquin de Gaston Bordet [historien de Besançon], qui l’a écrit avec Claude Neuschwander [dirigeant de Lip] : Lip, 20 ans

après. Il y avait une partie sur l’histoire locale, les logiques de

solidarités, l’impact de Proudhon, l’économie sociale propre à la Franche-Comté. Ça a joué, je me suis dit que c’était une terre intéressante. Je ne suis pas du tout du coin, mais je suis venu ici. »

(Un Directeur de service)

L’histoire propre d’un territoire, et les représentations associées, constituent des facteurs importants pour l’émergence de l’innovation. Au-delà de Besançon, nous constatons que d’autres territoires peuvent s’avérer féconds. Un exemple particulier : la Région Nord-Pas-de- Calais34. Terre de mines et d’industries, c’est là qu’est née la première bribe d’union des CCAS.

Selon les archives explorées, et reprises dans l’ouvrage d’Alain Borderie, le 10 novembre 1926,

« à l’initiative des BAS de Lille, Tourcoing et Roubaix, et avec les encouragements de M. Rondel, secrétaire du Conseil supérieur de l’Assistance publique », se tient la première « AG constitutive du Groupement des Bureaux de Bienfaisance du Nord, [dont] le docteur Théodore Delahousse [est] élu président » (Borderie, 2006, p. 42). Plus récemment, le précédent président

de l’UNCCAS était Patrick Kanner, ancien président du Conseil général du Nord et actuellement ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Les trésoriers généraux de l’UNBASF, de 1926 à nos jours sont originaires de Seclin, Tourcoing, Roubaix, Hazebrouck, Lille, ou encore Villeneuve-d’Ascq, villes du Nord-Pas-de-Calais.

Un autre exemple retient notre attention : la lutte du quartier de l’Alma-Gare à Roubaix dans les années 1970. Alors que la municipalité de l’époque décide la démolition des courées, les habitants, aidés de syndicats et d’associations, résistent pour sauver leurs quartiers. Ils ne

34 Par la loi no 2015-29 du 16 janvier 2015, relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et

départementales et modifiant le calendrier électoral, le Nord-Pas-de-Calais a fusionné avec la Picardie pour devenir les Hauts-de-France.

souhaitent pas voir détruire l’histoire au profit d’un nouvel habitat. Ils pensent que la rénovation peut se faire sur l’existant. Ils créent diverses instances pour faire entendre leurs voix auprès du conseil municipal, et obtiendront gain de cause. Monique Vervaeke et Bénédicte Lefebvre le relatent : « L’opération "Alma-Gare", commencée au milieu des années 1970, institue une

nouvelle relation avec les populations en les associant à l’élaboration du projet » (Vervaeke et

Lefebvre, 1997, p. 228.)

Un parallèle peut alors être effectué entre le Nord et Besançon : ce sont des terres de lutte sociale, marquées par une certaine forme de socialisme municipal qui forge en profondeur les actes, les personnes, les institutions, les mémoires et agit sur l’ensemble des processus à venir. Cette lutte peut être comparée à la lutte des LIP. Les citoyens refusent les décisions de suppression de leurs habitats de vie ou de leur entreprise. Ils imaginent alors des instances alternatives pour participer aux décisions.

E.2. Une culture maison particulière ?

Au regard de cette l’histoire locale, peut-on dire que dans la capitale franc-comtoise, il existe des pratiques professionnelles particulières ? Y a-t-il une "marque" singulière ? Pour permettre une analyse objective et constructive, nous avons interrogé des personnes ayant officié au CCAS et qui exercent maintenant leur activité dans d’autres villes. Un ancien Directeur, répondant à ce critère, nous explique :

« À Besançon, la question du sens a toujours prévalu sur [celle] de la gestion. Et derrière, ça nous a permis d’optimiser la gestion en ayant une vision. C’était très intéressant. Après, notre démarche était pragmatique : c’est une démarche à la bisontine, une démarche a-dogmatique. On avait des valeurs et des principes, pour autant, on n’était pas enfermés dans du dogme. Ça permettait de jouer sur toutes les ouvertures, et ça nous ouvrait les champs des possibles. En cela, on retrouvait la vieille tradition de l’innovation : on savait globalement où on voulait aller, mais en même temps, on le faisait pour savoir où on allait. On s’enrichissait à chaque fois de ces différents éléments. Ça a été une démarche passionnante à construire, parce que chaque dispositif n’était pas une contrainte

mais une opportunité pour ouvrir d’autres possibles, d’autres chemins. Et Besançon justifiait bien son slogan : "Besançon

l’innovation". »

Il poursuit :

« Je reprends mon expression : on a marché pour savoir où on allait. On savait qu’on allait faire quelque chose, mais on n’avait rien prédéterminé, jamais de dogme, on n’avait pas dit que ça allait être comme-ci, comme ça. Ça a été fait par coopérations, par apports de compétences et par consolidation. »

Et de conclure :

« Il y avait cette notion de faire valoir les droits, de fraternité et d’attention aux autres. C’était agréable parce que ça voulait dire que les politiques sociales ne se construisaient pas de façon isolée. On était en permanence dans des systèmes coopératifs. C’était intéressant de voir ces systèmes de management qui considéraient qu’en fait, c’est la réforme et la coopération qui sont au cœur de la transformation du monde. [Dans ma nouvelle commune], on a d’autres traditions. » (Un ancien Directeur général)

Cet enquêté a participé au montage de projets, il a pu ainsi en saisir les ressorts. Ces extraits nous proposent deux enseignements :

- premièrement, la question d’une "marque" bisontine ne serait pas, selon lui, un non- sens. La façon de travailler différerait du lieu de ses nouvelles fonctions. Héritées d’un passé social particulier, les méthodes se veulent coopératives, volontaristes et a-dogmatiques. L’enquêté explique ce dernier terme en montrant que les projets ne revêtent aucun dogme : une pensée ne peut être supérieure à une autre ;

- le deuxième enseignement réside dans l’« incrémentalisme ». Une définition de ce terme pourrait renvoyer aux manières d’agir "pas à pas". L’enquêté le dit à sa façon, en utilisant

une terminologie particulière : « approche pragmatique », « par tâtonnements », « moyens au

fil de l’eau », « marcher pour savoir où on allait », « nous savions qu’on allait faire quelque chose, […] mais en même temps nous n’avions rien prédéterminé ». L’incrémentalisme est la

construction d’un projet autour d’un but, sans que celui-ci soit strictement prédéterminé au préalable. En revenant à la définition de l'innovation sociale, on constate que le processus n'est pas linéaire, qu'il est fait de retours en arrière et d’hésitations. Créer une expérimentation sur la base de l'incrémentalisme, c’est laisser des espaces libres. À l'inverse, cloisonner, planifier intégralement un processus empêche de réorienter l’action et de sortir du cadre, dans le cas où un événement viendrait entraver le déroulement. Ici, la "méthode bisontine" offre des temps de pause, d’évaluation, d’hésitations.

Ce sont ces « temps interstitiels » qui produisent l’innovation pour Paul Marciano et Moïse Benadiba, pédopsychiatre et psychanalyste, chefs de service au Centre hospitalier de Valvert à Marseille. « Il est désormais admis de désigner par " temps interstitiels" , les moments

qui […] ne sont pas consacrés aux activités proprement dites ou aux séances de psychothérapie. On leur accorde de plus en plus d’importance dans la mesure où l’on repère de façon bien plus précise que jadis leur pertinente incidence » (Marciano et Benadiba, 2007, p. 79.) Ces temps,

appelés également « temps informels », correspondent à tous les temps de pause, de réflexion, d’arrêt, de relâche. Ils permettent l’émergence de nouvelles idées et, de ce fait, l’inspiration (qui correspond peu ou prou à la première phase du processus de l’innovation). Plusieurs enquêtés en ont conscience :

« On est tous pareils, on est en formation, on est dans le train, et puis " boum" on a une idée sur un truc. Parce que c’est un temps creux à un moment donné. Ça, dans les services, tu peux l’avoir à la pause- café, mais dans le quotidien du service, tu l’as quand même de moins en moins. Et ça, ça ne favorise pas. » (Un agent)

« C’est comme dans les brainstormings, quelqu’un dit un truc, et puis ça rebondit sur autre chose, et au bout d’un moment ça se maille. Mais il faut du temps pour organiser tout ça. » (Un agent)

Pour terminer sur ce thème, nous devons évoquer les "grandes figures" du CCAS que sont aux yeux de tous Henri Huot et Auguste Ponsot. Ce sont, pour beaucoup, ceux qui ont fait

de l’institution ce qu’elle est encore aujourd’hui. Un hommage perpétuel leur est rendu puisque leurs photographies respectives se trouvent dans la salle du Conseil d’administration, qui porte le nom de Salle Henri Huot35, et que bon nombre d’agents se revendiquent de leur héritage.

Henri Huot est adjoint aux affaires sociales de Jean Minjoz, alors Maire de Besançon, de 1959 à 1977. Olivier Borraz, qui lui consacre une partie de son ouvrage, écrit : « Durant les

premières années, l’adjoint œuvre à la fois en amont et en aval. En amont, il rend visite aux personnes en difficulté pour se rendre compte de l’étendue de leurs problèmes qu’il transmet ensuite aux services. En aval, il défend ses projets devant le maire puis devant ses collègues élus » (Borraz, 1998, p. 82.) Cet adjoint semble particulièrement concerné par sa mission, en

allant jusque sur le terrain observer les problèmes. Selon Borraz, deux grandes orientations auraient marqué ses mandats : « Le lancement d’un programme de logements-foyers pour

personnes âgées à partir de 1964, qui se traduit par la construction de 450 appartements en treize ans ; le remplacement des dons en nature par des dons en argent qui débouche, en 1968, sur la création d’un Minimum social Garanti » (ibid., p. 83.) Enfin, fait révélateur, en analysant

l’index des noms propres de cet ouvrage, hormis Jean Minjoz et Robert Schwint (les deux maires de la période étudiée par l’auteur), Huot est celui qui possède le plus d’occurrences.

Les enquêtés dépeignent à leur tour le personnage :

« Henri Huot a été le premier à parler de dignité et non d’assistanat. Donc oui, il y a des valeurs de référence, des valeurs portées par Huot, et elles restent dans notre domaine. » (Un agent)

« Nos meilleurs bénévoles sont nos anciens usagers, on les a remis debout. Ils restent debout grâce à ce qu’on a mis en avant de ce qu’ils avaient de mieux. Et ça, c’est très "Huot" quoi… » (Un ancien

Directeur)

« Henri Huot, c’est un peu ce que [Alain] Touraine qualifiait d’"instituant

métasocial". En fait, aujourd’hui, Henri Huot, c’est un peu une story-telling. » (Un ancien Directeur)

L’autre figure qui a œuvré à construire la "marque" bisontine est Auguste Ponsot. Il a consacré une grande partie de sa carrière à l’action sociale (de 1959 à 1992), et était considéré comme la cheville ouvrière de ce "duo". Plusieurs agents nous rappellent à son souvenir :

« On était dans une culture de service rendu à la population, dans une valorisation des services. Et le travail qu’ont fait Monsieur Ponsot et Monsieur Huot est vraiment un travail remarquable ! »

(Un ancien Directeur de service)

« C’était intéressant : quand un projet était élaboré, le directeur nous convoquait. Monsieur Ponsot nous expliquait où il voulait en arriver, et on était associés à une partie des étapes. On avait dès le début les perspectives et les différentes étapes à franchir. » (Un agent

en fonction au CCAS)

Nous aimerions mettre en avant, afin de mieux cerner ces deux personnes, une fiche biographique. Pour ce faire, nous reprenons quelques extraits issus d’un ouvrage édité par la Mairie de Besançon sur Henri Huot. Pour Auguste Ponsot, nous proposons l’hommage rendu lors du Conseil municipal du 25 septembre 2008 par Jean-Louis Fousseret, maire de Besançon, peu de temps après son décès.

Auguste Ponsot (1933-2008)

« À cet instant, je voudrais aussi rendre un […] hommage à Auguste Ponsot. [Il était], vous le savez, une grande figure de l’action sociale. [Il] va laisser à toutes celles et à tous ceux qui ont croisé son chemin le souvenir d’un travailleur acharné et modeste, tout entier tourné vers l’amélioration des conditions d’existence des Bisontins les plus défavorisés. C’est une volonté affichée dès son entrée en 1959, à ce que l’on appelait à l’époque "le bureau de bienfaisance de la Mairie" et qui le conduisit, échelon après échelon, en 1977, au poste de Directeur du Centre communal d’Action sociale. Bien sûr, je ne récapitulerai pas toutes les actions qu’il a engagées, toutes les structures qu’il a contribué à créer […]. Henri Huot et Auguste Ponsot sont à l’origine des premiers logements-foyers de France, à Besançon, ainsi que de la relance du CHAT (Centre des Handicapés au Travail). Besançon est, avec Lille, [et] nous en sommes fiers, une des seules villes de France à gérer en direct un Centre de Handicapés au Travail. Ce

Centre était à l’époque en grande difficulté financière et Auguste Ponsot a décidé de salarier le personnel handicapé. Il a aussi contribué à créer l’abri de nuit des Glacis, à mettre en place des services d’aide à domicile, puis de repas à domicile pour les personnes âgées.

Auguste Ponsot était un homme de cœur et de convictions. [Il] fut de toutes les luttes pour offrir aux anciens, aux exclus, aux personnes isolées et à celles en situation de handicap, un minimum de solidarité et d’accompagnement. Surtout, je le disais il y a un instant, aux côtés d’Henri Huot, […] il a formé un tandem exceptionnel dont l’innovation la plus marquante fut, en 1968, l’instauration du minimum social garanti (MSG) destiné […] à rompre avec l’assistance en tous genres […]. Auguste Ponsot a été un homme imaginatif, un créatif, un visionnaire, et sa disparition fait beaucoup de peine. »

Jean-Louis Fousseret, Maire de Besançon, le 25 septembre 2008.

Henri Huot (1913-2001)

« […] Lors de l’inauguration du foyer-logement qui portait son nom, le 29 novembre 1990, Henri précisait : « J’avais connu la pauvreté dans mon enfance paysanne, mais c’était une

pauvreté laborieuse et digne qui n’excluait ni la fierté, ni les moments de joie. Mes parents m’ont donné l’exemple du travail honnête et de la générosité. Et je revois encore, enfant, les chemineaux nombreux passant sur la grande route et qui ne s’arrêtaient jamais en vain à la ferme. »

[…] Henri fut boursier de la République et son profond attachement au service public laïc [y]

fut lié.

[…] Le jeune enseignant est de ceux que l’injustice, le malheur innocent révolte. On retrouve [cette] marque dans l’intervention au conseil municipal de Besançon le 30 juin 1958, lors d’un

débat houleux pour savoir s’il convenait de signer un jumelage avec Fribourg en Brisgau. Refusant la responsabilité de tout un peuple, Henri, qui est favorable à l’établissement de liens pouvant contribuer à la paix, rappelle que Fribourg a été très largement sinistrée et déclare :

« Je suppose que les cimetières de la ville sont en grande partie remplis par des cadavres innocents. »

En 1959, [il obtient] la délégation d’adjoint aux affaires sociales : 8 agents, 1 assistante sociale. Des secours [sont] attribués en bons de pain (6 kg par famille et par mois), des tickets de viande, des colis pour les fêtes, des vêtements et des chaussures donnés, triés, distribués aux indigents. C’est le choc, le contact avec. [Il parlera de la] "misère dégradante et humiliante du prolétaire urbain devenu vieux et condamné à tendre la main pour survivre."

[…] Je ne vais pas vous infliger la liste de [ses] réalisations, une chronologie en a dénombré

plus de 50 ! Résumons donc […] : 13 haltes-garderies et crèches, […] 9 centres sociaux et d’enseignement ménager quadrillant les quartiers, […] 8 logements-foyers et restaurant, celui de la Terrasse, inauguré en 1964 [dans le quartier de] St Claude, étant le second de ce type construit en France […].

Les exclus n’étaient pas oubliés et je voudrais ici évoquer plus particulièrement la situation des travailleurs nord-africains pour deux raisons : parce que là encore, ce qui s’est fait à Besançon fut original, et qu’il faudra bien en parler un jour si l’on veut que la deuxième génération ne soit pas déstabilisée par un manque de repères ; et puis, parce que cette action fut le symbole même des convergences au service d’une cause, le creuset d’amitiés fortes qui unirent des administratifs comme M. Landau de la Préfecture, des militants chrétiens comme le protestant Carbonare et l’abbé Chays, autour de l’adjoint fédérateur.

[…] Mais une question se pose : toutes ces œuvres ne contribuaient-elles pas à cautionner un