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1.2 La Filière Bois en France : ses acteurs et ses produits

1.2.2 L'ore de bois

Il existe deux catégories d'acteurs bien distinctes au sein de l'ore de bois bruts. La première, bien organisée, regroupe l'Oce National des Forêts et les communes, qui gèrent respectivement les bois domaniaux (10,3% de la surface forestière française) et communaux (16,3%). La seconde, qui soure fortement d'un manque de structuration, rassemble les propriétaires privés (qui détiennent quant à eux 73,4% de la surface forestière) ainsi que les organismes qui tentent de les fédérer : les coopératives et les experts forestiers. L'ore publique

Les Communes : Les communes forestières françaises sont caractérisées par une impor-tante hétérogénéité. Elles dièrent tout d'abord de par la surface forestière qu'elles pos-sèdent. Ainsi, certaines d'entre elles se désintéressent de leur forêt parce qu'elle représente un revenu potentiel marginal. D'autres au contraire, sont particulièrement concernées par la valorisation de leur bois qui peut représenter jusqu'à 25% de leur budget annuel. Par ailleurs, la forêt est, par nature, un bien multifonctionnel : économie du bois, tourisme, chasse. . . Les diérentes hiérarchisations de ces fonctions faites par les maires ainsi que les politiques communales qui en découlent, constituent un élément de diérentiation supplémentaire.

L'intervention de l'Oce National des Forêts permet en partie de gommer cette hété-rogénéité grâce à la mise en ÷uvre de plans de gestion qui homogénéisent l'organisation des activités de sylviculture et par le contrôle qu'il exerce sur les ventes de bois commu-naux. En eet, bien qu'elle en assure la gestion, la commune cone la commercialisation de la majeure partie de ses bois à l'ONF qui vend ainsi aussi bien des lots domaniaux que communaux. Les communes conservent cependant une certaine lattitude décisionnelle au cours de ces ventes par l'intermédiaire du prix de retrait. Bien que la commercialisation de leur bois soit le fait de l'Oce, c'est aux maires de xer le prix minimum au dessous duquel le lot ne sera pas accordé. Il semble néanmoins que la majorité des élus abandonne

1.2. LA FILIÈRE BOIS EN FRANCE : SES ACTEURS ET SES PRODUITS 17 cette tâche aux bons soins de l'ONF. Par ailleurs, les communes ont, depuis l'année 2005, la possibilité de vendre elles-mêmes une partie de leur bois en gré à gré. Pour qu'elle puisse se réaliser, ce type de transaction doit cependant être avalisé explicitement par l'Oce. L'activité de négoce, longtemps souhaitée par les communes, leur est donc désormais per-mise. La mise en marché des bois ainsi vendus semble toutefois assez peu concurrentielle. Cette faiblesse est par ailleurs mal vécue par l'aval qui craint des stratégies d'écrémage, l'amont réalisant ainsi un tri arbitraire parmi les diérents acteurs de la demande.

Il est à noter qu'il existe (tout du moins en Franche Comté) une volonté de regroupe-ment communal (syndicat intercommunal, communauté de communes. . .) autour d'axes stratégiques communs orant la possibilité d'une action durable dans le temps. Cette question de durabilité est par ailleurs un enjeu non négligeable pour les communes, dont les politiques de gestion forestière doivent être capables, pour être ecaces, de résister au turnover des maires. De plus, ces derniers sont bien conscients que de tels regroupe-ments permettent de concentrer l'ore et d'obtenir ainsi un plus grand pouvoir de marché, utile dans leur nouvelle activité de négoce lors des ventes de gré à gré. En outre, l'associa-tion de communes forestières favorise la réalisal'associa-tion d'économies d'échelle grâce à la mise en commun d'équipements forestiers.

La question de l'ecacité des marchés de bois bruts constitue pour les maires, un véritable dilemme. En eet, un meilleur fonctionnement de ces derniers pourrait accroître sensiblement les revenus communaux et eacer un sentiment de valeur résiduelle : la plupart des communes ont l'impression d'être les dernières servies par l'activité de la lière. Cependant les maires sont conscients que l'inecacité qui caractérise aujourd'hui les marchés de bois bruts constitue une protection à la faveur de l'activité locale. Ces derniers redoutent en eet, pour des raisons électorales évidentes, que l'amélioration de l'ecacité des marchés favorise l'arrivée d'acteurs étrangers, capables de s'approprier les stocks de bois communaux, au détriment de la demande locale. La position des maires à l'égard d'une possible amélioration des marchés de bois bruts est donc le résultat d'un douloureux arbitrage.

L'Oce National des Forêts : L'Oce National des Forêts assure à la fois les fonc-tions de sylviculteur, vendeur (pour les bois communaux et domaniaux) et exploitant. Il

lui est souvent reproché par l'aval de favoriser, pour les bois domaniaux, l'activité syl-vicole au détriment de ses responsabilités commerciales. Il est vrai que nous avons pu constater, au cours des diérents entretiens que nous avons réalisés, une certaine disparité entre les diérentes directions régionales de l'Oce pour ce qui est de l'appréciation de la commercialisation des bois. La politique de gestion d'une parcelle donnée est le fruit d'un arbitrage entre l'optimisation de la sylviculture d'une part et l'optimisation des revenus issus de sa vente d'autre part. Le rapport de force entre ces deux objectifs varie d'une région à l'autre. Dans la région Centre pour ne citer qu'elle, l'ONF apporte une attention toute particulière à la valorisation de ses bois sur le marché. Cette ecacité commerciale est imputable à la nature du produit : le chêne de Tronçais (notamment pour la fabri-cation de merrain3) est à la vente de bois ce qu'un Gevrey-Chambertin est au marché viticole. Cet arbitrage en faveur de la commercialisation des lots dans la région Centre est cependant loin d'être partagé avec les autres directions régionales.

En sa qualité de vendeur exclusif pour les lots publiques, l'Oce National des Forêts joue un rôle clé dans l'amélioration de l'ecacité du marché des bois bruts. Cependant, s'il a conscience de son inuence, l'Oce semble réticent à assumer un éventuel leadership. Avant de discuter l'intérêt d'un tel leader en amont de la lière bois, il convient de rappeler ce que l'analyse économique qualie par ce terme. Selon nous, un leadership est une façon non-coercitive d'imposer une stratégie commune à un ensemble d'agents, ceci an d'atteindre des objectifs partagés. L'agent qui assume cette fonction est qualié de leader. Pour l'instant il n'existe pas véritablement de leader au sein de la lière bois française, bien qu'une majorité d'acteurs aie conscience qu'un tel type d'agent puisse remédier au manque d'harmonisation dont soure la lière. Certains d'entre eux, majoritairement des acheteurs, laissent entendre que ce rôle devrait être assumé par l'ONF. Cependant cette volonté n'est pas partagée par l'Oce qui s'accorde avec certains maires pour renvoyer cette responsabilité du côté de la demande. En eet selon eux, un leadership aval serait capable d'imposer une standardisation des bois, nécessaire à une amélioration de la qualité des transactions. Il n'en demeure pas moins cependant, que la modernisation des modes de ventes ne saurait aboutir sans une complète participation de l'ONF, qui fait déjà gure de référence pour les ventes privées.

1.2. LA FILIÈRE BOIS EN FRANCE : SES ACTEURS ET SES PRODUITS 19 Comme nous l'avons déjà signalé, l'Oce organise les ventes de bois communaux et domaniaux et, si les prix de retrait des lots des communes peuvent être xés par les maires, ces derniers abandonnent souvent cette tâche aux agents de l'Oce. Dans de telles conditions, les acheteurs reprochent à l'ONF une position exagérément dominante. En eet, l'Oce étant organisateur des ventes, il obtient de nombreuses informations nominatives sur les ores faites par les acheteurs et peut s'en servir lors des ventes de gré à gré sur les invendus ou pour xer les prix de retrait dans les ventes suivantes. Par ailleurs, il est parfois reproché à l'ONF de manipuler les prix de retrait en fonction de ses objectifs commerciaux. Parce qu'elle pourrait garantir une plus grande transparence informationnelle, une amélioration du marché de bois bruts permettrait d'eacer de tels soupçons, nuisibles au bon déroulement de la vente.

L'ore privée

Les propriétaires forestiers : Bien qu'hétérogènes de par la taille et la composition des surfaces forestières qu'ils possèdent, les propriétaires privés ont en commun un manque de compétences pour tout ce qui concerne la commercialisation des bois. Cette ignorance est parfois comblée par le recours à des professionnels de la vente, à savoir : les coopératives forestières et les experts forestiers. Cependant, la grande majorité des bois privés (environ 70% en Franche Comté) sont aujourd'hui vendus sur pied en gré à gré, directement par les propriétaires. Les revenus issus de la commercialisation de leurs bois étant marginaux et relativement espacés dans le temps, ces derniers ne voient pas l'intérêt de s'organiser et préfèrent s'en remettre au bouche à oreille , ce qui bien évidemment pose des problèmes en terme d'allocation. Conscients de cette situation, certains scieurs consacrent une partie de leur temps au démarchage des propriétaires, ceci au détriment de leur activité aval. Par ailleurs une part importante des bois privés est commercialisée sur un marché souterrain comme bois de chauage.

Les acteurs de l'ore ont bien conscience que le manque de coordination constitue une source d'inecacité. Ce handicap est particulièrement agrant pour la partie privée de l'ore qui détient à elle seule 70% de la ressource en France. Bien qu'il existe des organisations fédératrices (comme les coopératives) à l'instar de l'ore publique (cf. l'ONF et les communes), celles-ci sont encore peu sollicitées par les propriétaires. Pourtant, le

manque de compétences forestières dont sourent ces derniers devrait les inciter à se tourner d'avantage vers des professionnels. En eet, les problèmes que posent l'ignorance et le manque de coordination des propriétaires peuvent trouver un début de solution dans le recours à des agents qualiés. Ceux-ci rendent l'ore privée dès lors plus accessible pour les acheteurs. La pertinence d'un tel recours à des intermédiaires est cependant conditionnée par le degré de concurrence qui sévit entre ceux-ci. A l'heure actuelle, il existe deux types d'acteurs pour l'ore privée, qui dièrent de par leurs stratégies de vente et les rapports qu'ils entretiennent avec les propriétaires : les experts forestiers et les coopératives forestières.

Par ailleurs, il est nécessaire de responsabiliser les propriétaires en leur enseignant les bonnes pratiques, indispensables à une gestion durable de la forêt. En eet, les coupes rases représentent environ 80% des revenus qu'un particulier tire de son bois. Il est donc important de pratiquer des coupes d'éclaircie de façon à maximiser la coupe rase. Or la plupart des propriétaires s'inscrivent plutôt dans une logique de court terme en se focalisant sur les gros acheteurs (la trituration) et concentrent donc leur attention sur les coupes d'éclaircie au détriment des coupes rases. Il est donc important de bien former les propriétaires forestiers sur ce point en leur expliquant que le raisonnement ne doit pas porter sur le prix au m3 mais bien plutôt sur le prix à l'hectare.

Les Coopératives forestières : Les coopératives ont vocation à fédérer l'ore des propriétaires privés. Le volume de bois ainsi mobilisé demeure cependant assez faible4 : en Franche Comté par exemple, les coopératives mobilisent 15 à 20% de la ressource forestière privée.

Ces entités fédératrices dièrent assez fortement de par leur mode de fonctionnement. Certaines (comme les coopératives franc-comtoises) sont composées d'un certain nombre d'adhérents privés. Chaque adhérent achète une part du capital de la coopérative et s'engage à livrer tout ou une partie de sa production dont l'exploitation est laissée à la discretion de l'entreprise. La coopération n'est pas forcément exclusive : les adhérents s'en-gagent pour une certaine durée et certaines surfaces (la production des surfaces forestières

4. Exception faite de la région Aquitaine qui représente à elle seule 80% de la gestion coopérative en France.

1.2. LA FILIÈRE BOIS EN FRANCE : SES ACTEURS ET SES PRODUITS 21 désignées revient à la coopérative). Les adhérents sont aussi bien des gros propriétaires forestiers que des petits et respectent suivant les cas, plus ou moins leurs engagements. Par ailleurs, ces coopératives ont la possibilité de travailler avec des tiers non adhérents. Ces non adhérents sont généralement des communes : dans ce cas les coopératives s'appro-visionnent auprès de l'ONF en achetant en bloc et sur pied de manière à pouvoir contrôler le timing de l'exploitation.

Il existe également des coopératives forestières qui n'exigent pas de la part des proprié-taires, l'acquisition d'une partie de leur capital. Celles-ci peuvent se contenter de fournir simplement un service d'aide à la commercialisation (conseil, estimation des bois. . .). Le propriétaire est libre de mandater ensuite la coopérative pour la vente de ses bois5. Cette seconde catégorie de coopératives insiste particulièrement sur la responsabilisation des agents privés.

Les coopératives fonctionnent quasi-exclusivement sur le mode de contrats d'approvi-sionnement. Ces contrats concernent aussi bien des scieries que des industries de panneaux ou encore de papier. La durée des contrats, le cadençage des livraisons, l'indexation ou les modes de renégociation des prix dièrent d'une organisation à l'autre. C'est parce qu'elle contrôle l'ensemble du processus d'exploitation et de livraison que la coopérative est à même de capter des économies d'échelle. Pour ce faire, certaines n'hésitent pas à réaliser de forts investissements en informatique avec notamment l'acquisition de logiciels de gestion, qui permettent une vision ne du travail à faire, année après année sur chaque parcelle. Une bonne maîtrise du carnet de commande est en eet essentielle an de maxi-miser la productivité des machines. Une telle gestion des bois est parfois mal considérée par certains acteurs publiques, qui craignent que les coopératives sacrient la sylviculture au prot de la rentabilité.

Les experts forestiers : Les experts forestiers mobilisent une partie du bois privé (environs 10% en Franche-Comté). La majorité de ces bois est vendue en gré à gré : l'expert assure l'adéquation entre l'ore de bois issue de son portefeuille de propriétaires et la demande de bois formulée par son portefeuille d'acheteurs. Les experts forestiers ont

5. Ce mode de fonctionnement n'est pas sans rappeler les associations de propriétaires bavaroises que nous aborderons dans une prochaine section consacrée au marché allemand.

parfois recours à des ventes groupées concentrant l'ore de plusieurs experts avec l'édition d'un cahier de vente commun. Lors de ces ventes, les prix de retrait sont xés par l'expert en accord avec le vendeur. La procédure utilisée est alors quasiment la même que celle de l'ONF.