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de retrait communaux) de proter de cette pratique pour manipuler dans l'ombre la dy-namique des prix du bois brut, selon son intérêt personnel et au détriment de la lière. Justiée ou non cette croyance détériore le comportement d'achat des scieurs et peut nuire à la qualité de l'allocation.

Les ventes de l'ONF se distinguent également par la révélation, en plus du prix d'achat, des première et deuxième ores non retenues. Cette pratique, peu courante dans le monde des enchères, a été instaurée à la demande de l'aval qui souhaitait ainsi améliorer son degré d'information. L'impact d'une telle procédure sur le revenu du vendeur et l'ecience de l'allocation est cependant ambigu. En eet, bien qu'elle permette à l'aval d'améliorer sa stratégie d'achat, la révélation des ores non retenues, tout comme celle du prix de réserve, peut avoir des eets néfastes sur les ventes en cela qu'elle facilite la constitution d'ententes.

Par ailleurs, une telle stratégie de communication a des eets évidents sur l'asymétrie informationnelle supportée par les acheteurs. En eet, les ores non retenues, à l'instar du prix de vente, permettent à ces derniers de capter un certain nombre d'informations sur les stratégies de leurs concurrents (d'autant plus que l'identité des individus actifs au cours de la vente est divulguée à la n de celle-ci). Dès lors, le gagnant de l'enchère n'est plus le seul participant à voir son ore (et avec elle une partie de son information privée) devenir information publique. L'anticipation de la diusion d'éléments informationnels les concernant risque d'émousser l'agressivité des acheteurs en début de vente. Ceci est d'autant plus vraisemblable que la probabilité de voir son ore révélée est accrue par la politique de communication de l'Oce (i.e. révélation des ores non retenues).

1.5 Discussion

Dans ce chapitre nous nous sommes attachés à la présentation des diérents acteurs et produits de la lière bois en soulignant leur forte hétérogénéité. Cette hétérogénéité est le fait, comme nous l'avons vu, de leurs caractéristiques intrinsèques, mais également, pour les agents de la lière, de leur divergence d'intérêts quant à l'évolution du marché de bois bruts. Nous avons également montré, grâce à un rapide survol de la situation allemande,

que bon nombre de dicultés inhérentes au secteur français étaient partagées par nos voisins Bavarois et du Baden Wurtemberg. D'autres sont en revanche évitées par le re-cours massif aux contrats d'approvisionnement grâce auxquels est commercialisée la quasi totalité des bois allemands. De tels produits n'étant pas encore disponibles en France, les problèmes ainsi résolus par l'Allemagne doivent dans notre cas, trouver une solution dans l'amélioration des marchés amont. Cette comparaison est également riche d'enseignements pour de possibles politiques publiques d'aide à la fédération des propriétaires privés.

Nous avons terminé ce chapitre sur la lière bois, par une brève présentation du mé-canisme d'enchère utilisé par l'ONF et par lequel transite aujourd'hui la grande majorité des bois publics. Dans les chapitres suivants, nous analyserons plus précisément, à l'aide d'outils théoriques et expérimentaux, deux caractéristiques des ventes de l'Oce exposées ci-avant : le timing séquentiel des enchères (chapitre 2 et 3) et le mécanisme de paiement au premier prix (chapitre 4). Un tel choix n'est pas anodin.

Il s'agit tout d'abord de mesurer les eets d'une modication de la temporalité des ventes sur les revenus du vendeurs et l'ecacité de l'allocation. Il apparaît en eet, comme nous l'avons précédemment indiqué, que les ux de l'amont vers les industries de première transformation sont trop irréguliers pour que celles-ci puissent sereinement faire face à leur demande aval. Notre objectif est donc de considérer l'impact attendu d'un lissage des ux grâce à la vente régulière et simultanée d'un ensemble de lots telle que pourrait l'assurer une plateforme virtuelle.

De plus, notre analyse tente d'identier la pertinence pour l'ONF, ainsi que, pour les communes, d'une modication de la fonction de paiement utilisée au cours des ventes. Il semble en eet que l'adoption d'un mécanisme au second prix puisse eacer cette impression de loterie dont sourent les acteurs de la demande.

Par ailleurs, les trois études que nous présentons ci-après tiennent compte des éco-nomies d'échelle qui peuvent-être réalisées lors de la phase d'exploitation des bois et qui constituent pour certains acteurs de l'aval, comme pour l'amont, une variable stratégique d'une importance signicative. Comme nous avons pu le voir dans cette section, c'est bien la présence de telles économies qui motive en partie le maintien des ventes en bloc et sur pied en France, et son retour dans le Baden Wurtemberg (à la demande des scieurs).

Chapitre 2

Enchères Simultanées vs Enchères

Séquentielles : une Etude

Expérimentale avec des Biens

Complémentaires

Résumé

Au cours des ventes de bois bruts menées par l'Oce National des Forêts, les lots sont vendus séquentiellement. Par ailleurs, les diérentes parcelles de bois sur pied mises en vente peuvent présenter des complémentarités dites géographiques : il est plus protable pour un acheteur d'exploiter des parcelles qui sont proches l'une de l'autre. Cette ca-ractéristique propre aux lots commercialisés par l'Oce peut remettre en question la pertinence d'un mécanisme séquentiel. En eet, dans un modèle théorique d'enchères sous plis, Krishna et Rosenthal (1996) ont montré que lorsque la complémentarité entre les biens vendus était susamment importante, une vente simultanée génère des revenus plus élevés qu'une vente séquentielle. Dès lors, une modication du timing de l'enchère peut s'avérer protable pour l'ONF. C'est la question que nous explorons dans ce chapitre. Pour cela, nous montrons tout d'abord que la diérence de revenu constatée par Krishna et Rosenthal est liée au problème d'exposition, auquel sont confrontés les acheteurs. Nos résultats théoriques sont ensuite testés expérimentalement.

2.1 Introduction

L'Oce National des Forêt commercialise la grande majorité des bois dont il a la charge au moyen d'un mécanisme d'enchères séquentielles : les lots de bois sur pied sont vendus les uns après les autres. Cette temporalité des ventes peut également être observée sur les marchés privés tel que cela nous a été signalé lors de nos diérents entretiens en Franche Comté. Par ailleurs, au cours de ces ventes (qu'elles soient privées ou publiques) les lots vendus présentent souvent, pour les acheteurs qui souhaitent les acquérir, des complémentarités que la littérature économique qualie de géographiques. Ces complé-mentarités sont liées aux économies d'échelle qui peuvent être réalisées pendant la phase d'exploitation des bois. Il est en eet moins coûteux d'exploiter des parcelles géographi-quement proches l'une de l'autre. Dès lors, au cours d'une vente un acheteur ayant acquis une première parcelle, sera disposé à payer en moyenne plus cher que ses concurrents, pour une seconde parcelle proche de la première. Un tel acheteur, s'il réussit à s'appro-prier les deux lots, pourra dès lors réaliser des économies d'échelle ou, autrement dit, bénécier de la complémentarité géographique. La valeur associée à un paquet de lots, proches géographiquement, peut donc être plus importante que celle attribuée à chaque parcelle lorsque celles-ci sont considérées indépendamment les unes des autres. Les stra-tégies de package bidding consistant à faire une ore unique pour un ensemble de lots n'étant pas admises par l'ONF, les acheteurs dont les préférences incluent de telles com-plémentarités, sont sujets à un problème d'exposition. Ce problème d'exposition apparaît lorsqu'un acheteur fait une ore pour un bien supérieure à sa valeur unitaire, dans l'espoir de capturer une éventuelle complémentarité. En agissant ainsi, un tel acheteur s'expose à des pertes. En eet, s'il ne parvient pas à s'approprier le nombre de lots nécessaire à l'exploitation de la complémentarité, il réalisera alors un prot négatif. Ces complémen-tarités géographiques et les problèmes d'exposition qu'elles engendrent peuvent, dans une certaine mesure, remettre en question la pertinence d'une organisation séquentielle des ventes de l'Oce.

Au cours d'une enchère simultanée, les acheteurs ne savent pas s'ils ont acquis une par-celle donnée lorsqu'ils font une ore pour une autre. Dès lors, dans un tel mécanisme, leur sensibilité au problème d'exposition n'est pas la même que dans une enchère séquentielle.

2.1. INTRODUCTION 45 En utilisant un modèle dont les hypothèses sont proches de la réalité du marché des bois bruts, Krishna et Rosenthal (1996) ont montré au moyen d'un exemple numérique, que lorsque la complémentarité entre les biens vendus était susamment forte, une enchère simultanée générait un revenu supérieur à celui obtenu avec un mécanisme séquentiel. Au vu de leurs résultats, une modication du timing de vente pourrait s'avérer protable pour l'ONF ets à travers lui, pour les communes. En outre un tel changement s'inscrit dans une logique de lissage des ux, dont la nécessité pour l'aval a été discutée dans le chapitre 1.

Dans le présent chapitre, nous nous proposons d'étudier la pertinence d'une telle modi-cation du mécanisme de vente pour les propriétaires de bois. Pour ce faire, nous démon-trons tout d'abord au moyen d'un modèle théorique, que la supériorité d'un mécanisme simultané en présence de fortes complémentarités (mise en évidence par Krishna et Rosen-thal) s'explique par la sensibilité des acheteurs au problème d'exposition. En eet comme nous le montrons, cette sensibilité n'est pas la même dans une enchère séquentielle que dans un enchère simultanée. De plus, cette diérence varie en fonction de la valeur de com-plémentarité. Ainsi, notre modèle prédit que les acheteurs s'exposent plus dans des ventes simultanées que dans des ventes séquentielles, lorsque les biens qu'ils souhaitent acquérir présentent une forte complémentarité. Par conséquent, un mécanisme simultané génère dans ce cas, des revenus plus importants. Nos prédictions théoriques sont ensuite testées via la méthode expérimentale. A cette n, nous avons retenu un design se composant de deux parties. Dans la première partie de notre expérience, nous répliquons la procédure proposée par Holt et Laury (2002), permettant de mesurer l'attitude des sujets face au risque. La seconde partie de notre expérience concerne quant à elle, l'étude des diérents comportements d'ore en présence de biens complémentaires, dans les deux mécanismes qui nous intéressent ici : l'enchère séquentielle et l'enchère simultanée. Plus précisément, l'objectif de cette seconde partie est de mettre en évidence les diérences de sensibilité des acheteurs au problème d'exposition dans les deux systèmes d'enchères. Pour ce faire, nous avons simulé des situations de marché dans lesquelles un seul acheteur dit global pouvait bénécier d'une complémentarité s'il parvenait à acquérir l'ensemble des biens mis en vente. Cet acheteur était confronté pour chaque bien vendu, à un unique concur-rent dit local ne valorisant quant à lui qu'un seul bien précis parmi l'ensemble des objets

vendus. Le choix de cette opposition global vs local, tente de capturer une conguration concurrentielle propre au marché de bois bruts, sur lequel sont en concurrence de petites entreprises (souvent familiales et positionnées sur des marchés de niche) et d'importantes industries internationales.

Notre design est construit de manière à mettre en évidence l'arbitrage comportemen-tal induit par le problème d'exposition : faire une ore au-dessus de sa valeur unitaire de manière à augmenter ses chances de capturer la complémentarité ou au contraire, faire une ore proche de sa valeur unitaire an d'éviter d'éventuelles pertes. Dans cette optique nous avons choisi, pour incarner les acheteurs locaux, d'utiliser des automates (programmes informatiques) programmés pour suivre leur stratégie dominante. Ainsi les individus présents lors de l'expérience n'interagissaient jamais les uns avec les autres, cha-cun opérant sur son propre marché avec son propre set d'automates. De cette manière nous évitons tout bruit potentiel, induit par de possibles comportements hors équilibre de la part des acheteurs locaux. Sur ce point notre design est similaire à celui utilisé par Kagel et Levin (2002 et 2005).

Nos résultats expérimentaux ne conrment pas la présence d'une diérence dans le comportement d'exposition des acheteurs, entre l'enchère simultanée et l'enchère séquen-tielle, ceci quelque soit le niveau de complémentarité. De plus, nous n'observons aucune dif-férence de revenu entre les deux mécanismes (ce qui en soit n'inrme pas notre hypothèse première d'une relation entre l'exposition des sujets et le revenu ranking de Krishna et Rosenthal). L'introduction de l'aversion au risque nous permet d'observer que conformé-ment aux prédictions théoriques, le degré d'exposition des individus décroît lorsque leur coecient d'aversion augmente. L'eet de l'aversion au risque sur le comportement d'ore est par ailleurs plus saillant dans le mécanisme simultané. Cette sous-exposition engen-drée par l'aversion au risque apparaît dans nos résultats comme une source d'inecience : les acheteurs ne faisant pas une ore susante pour capturer la complémentarité, celle-ci leur échappe alors qu'il aurait été plus ecace qu'elle leur revienne.

Nos résultats sont, pour certains, semblables à d'autres précédemment obtenus dans la littérature propre à la théorie des enchères. Celle-ci a connu un regain d'intérêt depuis les fameuses enchères FCC. C'est d'ailleurs an d'explorer ces dernières, que de premières expériences comparant des enchères séquentielles et simultanées en présence de

complé-2.1. INTRODUCTION 47 mentarités, ont été conduites par Plott (1997) et Lledyard et al. (1997). Leur design prévoyait cependant une règle d'abandon, permettant aux participants de revendre à un prix identique au prix d'achat, les lots préalablement acquis, s'ils n'avaient pas réussi à obtenir un nombre de lots susant pour pouvoir bénécier de la complémentarité. La présence de cette règle aaiblit la pertinence des comparaisons qui peuvent être faites entre nos résultats et les leurs. Par ailleurs, même si ces auteurs mettent en évidence le problème d'exposition qui se pose aux sujets, la responsabilité de ce dernier dans la diérence de revenu entre l'enchère séquentielle et l'enchère simultanée n'est pas explorée. Dans un environnement avec des biens complémentaires, Kagel et Levin (2005) ana-lysent les comportements d'ore d'acheteurs humains ayant des demandes multi-units, confrontés à des automates ayant quant à eux des demandes single-unit. Leur étude com-pare plus particulièrement l'enchère sous plis et l'enchère ascendante avec prix uniforme. Leur design, dont nous nous inspirons ici, leur permet d'explorer les tensions entre les incitations à sous-enchérir (problème de réduction de la demande lié à la présence d'un pouvoir de monopsone dans un mécanisme de vente à prix uniforme) et les incitations à sur-enchérir pour tenter de s'approprier la complémentarité. Leurs résultats, en accord avec le problème d'exposition, montrent que les sujets sont réticents à faire des ores su-périeures à leur valeur unitaire, quand bien même un tel comportement est optimal pour eux. Bien qu'elle mette l'accent sur la sensibilité des individus au problème d'exposition, leur étude est néanmoins diérente de la nôtre en ce sens qu'elle ne s'intéresse pas à la temporalité des ventes.

Le design de Kagel et Levin opposant des acheteurs ayant des demandes multi-unit et des acheteurs ayant des demandes single-unit, est similaire à celui utilisé par Katok et Roth (2004). Toutefois, dans l'expérience conduite par ces derniers, les deux catégories d'acheteurs sont incarnées par des sujets et les auteurs n'ont donc pas recours à des automates. Cette fois encore, le problème d'exposition n'est pas mis en perspective avec la temporalité des ventes comme nous le faisons dans le présent chapitre. En eet, Katok et Roth comparent la performance d'enchères ascendantes et descendantes, exclusivement simultanées. Leurs résultats conrment la robustesse du mécanisme descendant, même dans des situations présentant de potentiels comportements stratégiques de la part des acheteurs ayant une demande single-unit.

Bien que nous ne considérions pas ici les stratégies dites de package bidding, nous pouvons cependant citer les travaux expérimentaux de Brenner et Morgan (1997) ainsi que Isaac et James (2000), qui analysent de telles options comportementales, dans le cadre particulier des enchères de Vickrey. Isaac et James observent notamment de fréquentes situations dans lesquelles les acheteurs ne parviennent pas à capturer la complémentarité en raisons d'ores trop faibles, aboutissant à des allocations sous-ecientes.

Si nous considérons à présent la littérature théorique, les diérents travaux compa-rables au nôtre, peuvent être divisés en deux catégories. La première catégorie regroupe les études qui prolongent le modèle d'enchère séquentielle proposé par Krishna et Ro-senthal et explore par son intermédiaire l'anomalie de déclin des prix, mise en évidence par Ashenfelter (1989). Ainsi, au moyen d'un exemple numérique, Branco (1997) montre que des acheteurs désirant acquérir deux biens complémentaires vendus séquentiellement, sont plus agressifs dans la première que dans la seconde enchère. Par conséquent, dans son exemple, les prix espérés diminuent entre la première et la seconde vente. Les résultats de Branco sont partiellement contredits par l'étude de Menezes et Monteiro (2004). En eet, ces derniers démontrent que dans l'enchère séquentielle avec complémentarité, les prix ne sont pas toujours décroissants. Cependant, contrairement à Branco, ces deux au-teurs supposent des biens homogènes. Par conséquent, les acheau-teurs ayant une demande single-unit sont indiérents entre le premier et le second bien vendus et de ce fait n'orent pas toujours leur vraie valeur dans la première enchère. Dans un second exemple, Branco (2001), compare des enchères au second prix, séquentielles et simultanées. Il montre alors que le design retenu lors des ventes FCC surpasse ces deux mécanismes, tant en termes d'ecience que de revenu. Albano et al. (2001) décrivent quant à eux, l'équilibre d'une enchère simultanée ascendante. Ces derniers montrent ensuite que ce mécanisme est plus performant en terme d'ecience que l'enchère séquentielle qui, elle même, surpasse l'en-chère simultanée. Selon les auteurs, la perte d'ecience constatée avec un mécanisme simultané est imputable à une plus grande agressivité des acheteurs dans un tel système de vente, agressivité motivée par l'obtention de la complémentarité. Cette dernière est par ailleurs à l'origine d'un revenu plus élevé dans l'enchère simultanée. Sur ces points leurs prédictions sont partiellement en contradiction avec nos résultats expérimentaux, comme nous pourrons le constater ci-après.

2.2. MODÈLE ET BENCHMARKS THÉORIQUES 49