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L’OBSERVATION PARTICIPANTE

Il s’agit d’exposer une méthode centrale de la réalisation de l'enquête, à savoir l'observation participante. En premier lieu, une délimitation de la méthodologie doit être faite, suivie de la place de celle-ci au sein du processus de recherche. Enfin, une présentation des différents terrains observés sera effectuée.

A. Définition et présentation de la méthode

Définitions

A.1.

Le principe même d'observation participante doit être soumis à un travail de définition, afin de bien circonscrire la méthode employée. Il faut tout d'abord rappeler que le terme d'« ethnologie » désigne l'ensemble de la démarche pour le travail de terrain et implique un savoir dual : sur l'autre mais aussi sur soi-même (Copans, 2005). Une fois encore, le propre des sciences humaines est de produire un savoir sur d'autres êtres humains, en ce sens, le chercheur intervient nécessairement dans le déroulement de son enquête ; c'est pourquoi la place de l'enquêteur est si importante à prendre en compte. L'observation peut demander une implication différentielle du chercheur, en fonction du type de méthodologie employée. En reprenant les distinctions opérées par Gilles Ferréol et al.118, deux grands types d'observations peuvent être dégagés : directe et participante. La première renvoie davantage à une position externe du chercheur par rapport au groupe enquêté, tandis que la seconde, « expérimentée par les ethnologues », implique l'enquêteur, incluant l'idée d'être accepté par le groupe, afin d'en saisir les quotidiennetés. Au sein même de l'observation participante, le chercheur peut être à découvert ou bien caché. Pour cette recherche en particulier, nous l'avons vu, j'ai choisi d'être à découvert, pour des raisons à la fois éthiques et pratiques. Il n'était pas nécessaire de dissimuler mon identité, l'acceptation se faisant en amont des terrains, par la présentation à la fois de la recherche et des costumes. L'observation pratiquée fournit des données particulières : des faits tels qu'ils sont vécus et ressentis par les informateurs, mais également ceux qui ne sont pas visibles de prime abord et que l'observateur se doit de mettre à jour. Les éléments recueillis consistent en observations, mais aussi en conversation in situ, en prise de contact pour des entretiens ultérieurs, etc. Afin de préciser davantage ce qu'est l'observation participante, il est

nécessaire de citer Daniel Cefaï119 : « Le terme a été conçu par Eduard C. Lindeman, qui

entendait par là l'incorporation d'un enquêteur à un groupe, si possible sans en perturber les activités ordinaires. » L'étude réalisée entre bien dans ce cadre, ma présence sur le

terrain n'ayant pas modifié le déroulement habituel des activités : quelques remarques amusées ont parfois été effectuées de la part des participants sur ma présence mais, passé ce temps, mon statut s'est rapidement fait oublier. De manière plus précise, Goffman met en avant l'importance du contrôle du rôle que l'on présente, quelle que soit la situation d'interaction : « Lorsque nous examinons comment l'individu participe à l'activité sociale,

il nous faut comprendre que, en un certain sens, il ne le fait pas en tant que personne globale, mais plutôt en fonction d'une qualité ou d'un statut particulier ; autrement dit, en fonction d'un moi particulier. »120 Il s'agit de donner à voir le rôle défini à un moment précis, en l'occurrence lors du travail d'observation. Cette façon de s’exposer se révèle comme une présentation de « son propre corps et de sa propre personnalité […] à tous les

imprévus pouvant toucher un ensemble d'individus, afin de pénétrer physiquement et écologiquement leur réponse à la situation sociale »121.

Il faut évoquer la manière d’effectuer ce travail d’observation. Comme le rappelle très justement Jean Peneff, l'observation directe ne contraint pas le chercheur de la même manière que l'observation participante, mais ne lui donne également pas accès aux mêmes données : « Le sociologue, observateur extérieur non directement concerné par l’action en

cours, ne subit pas, comme l’observateur participant, la contrainte du temps, le poids de la durée […]. L’observateur non participant est plutôt dans la situation de l’usager de loisirs qui a du temps à perdre, des activités libérées, qui relâche le contrôle dans l’emploi de son temps. »122 Pratiquer l'observation participante, c'est donc prendre part aux activités observées et accepter d'être soumis à diverses contraintes induites par ces différentes tâches. De plus, l'observation ainsi mise en place apparaît comme une situation sociale particulière : « Elle se présente bien comme une interaction proprement dite, disons une

relation de face à face entre l'observateur et la (les) personne(s) observée(s). L'acte de recherche est lui-même un processus d'interaction en situation naturelle qui sollicite la

119Daniel Cefaï (2003), « Postface », in Daniel Cefaï (textes réunis par), L'Enquête de terrain, op. cit.,

p. 501.

120Erving Goffman (1974), Les Rites d'interaction, trad. fr., Paris, Minuit, p. 47 (1re éd. américaine :

1967).

121Erving Goffman, cité par Albert Pierre (1996), Ethnographie..., op. cit., p. 88.

122Jean Peneff (1995), « Mesure et contrôle des observations dans le travail de terrain », Sociétés

compétence des interactants et donc aussi celle du chercheur. »123 Cela permet de replacer l'observation au sein d'un contexte particulier : l'interaction, à laquelle le chercheur ne peut échapper. Quant à la manière de faire, « les méthodes de travail de l'observateur sont

celles de la vie quotidienne et de toute interaction ordinaire »124.

Le parallèle avec les travaux réalisés par Goffman peut alors être fait puisque, comme le souligne Piette, « il y est toujours question de la présentation de soi »125. Le chercheur se donne à voir dans l'interaction, il occupe une place particulière et n'échappe pas aux règles qui s'appliquent dans ce contexte. L'idée de « garder la face », concept cher à Goffman126, est centrale : le chercheur doit maintenir le « rôle » qu'il s'est choisi dans l'interaction, afin de la mener à bien. Pour ma part, j'ai décidé de prendre part à la vie quotidienne lors de mon terrain, au même titre que les autres participants. Cette position adoptée permet de laisser de côté, du moins lors d'une interaction, le rôle du chercheur. La prise de note, par exemple, permet le changement de statut et le retour à un autre rôle. « L'observation

participante en tant qu'elle constitue un accès progressif aux savoirs pertinents et partagés est d'abord une forme de socialisation plutôt qu'une participation de type affectif ou psychologique à quelque groupe […]. Le chercheur dispose d'une capacité de distance critique et de réflexivité ordinaire qui maintiennent la possibilité d'effectuer son analyse. Ce jeu de distance-proximité peut d'ailleurs s'accomplir à partir d'un compartimentage entre les deux activités. »127 Ainsi, passer d'une activité à une autre ou, pour le dire

autrement, d'un rôle à un autre, permet au chercheur de « définir la situation », selon les termes employés par Goffman.

Au cours de mon travail d'observation, je me suis basée pour partie sur l'un des concepts définis par ce dernier, à savoir l'observation dite interactionnelle, le but étant de concentrer le regard sur les formes d'interactions en vigueur dans le groupe étudié. Une partie de l'observation se focalise sur l'interaction qui devient à son tour objet d'étude. J'ai choisi de placer cette manière de faire au centre, afin de mettre en lumière les notions d'échange et de transmission qui ont lieu par le biais des interactions quotidiennes. Ainsi, le type de méthode choisi comprend l'observation participante, qui engage le chercheur dans la

123Albert Piette (1996), Ethnographie..., op. cit., p. 68. 124Ibid., p. 69.

125Ibid.

126Cf. Erving Goffman (1974), Les Rites d'interaction, trad. fr., Paris, Minuit (1re éd. américaine : 1967),

par exemple.

quotidienneté du terrain analysé, mais aussi une observation de type interactionnelle, qui permet de se focaliser sur les échanges et les rôles observés, ainsi que sur la manière dont les acteurs définissent la situation qu'ils sont en train de vivre.