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L’obligation nouvelle d’évaluation socio-économique est trop souvent vécue comme une obligation formelle

L’évaluation socio-économique dans les processus décisionnels

D’INTERVENIR SUFFISAMMENT TOT POUR POUVOIR ECLAIRER LA DECISION PUBLIQUE

3. Pour s’affirmer, l’évaluation socio-économique a besoin d’intervenir suffisamment tôt pour pouvoir éclairer la décision publique

3.2. L’obligation nouvelle d’évaluation socio-économique est trop souvent vécue comme une obligation formelle

De nombreux porteurs de projet ont rapporté à la mission le caractère formel et synthétique de l’exercice d’évaluation socio-économique, souvent réduit à une compilation des pièces élaborées au fil des études préalables et concentré sur les projets susceptibles de faire l’objet d’une contre-expertise (§ 3.2.1). Or, l’évaluation socio-économique souhaite au contraire accompagner le porteur, le financeur et le décideur dans l’élaboration du projet : la mission recommande l’adoption d’une circulaire interministérielle qui en clarifierait la démarche (§ 3.2.2).

3.2.1. Les porteurs de projets se concentrent sur les projets destinés à faire l’objet d’une contre-expertise (supérieurs au seuil de 100 M€) mais ont des difficultés à compléter leurs dossiers d’évaluation socio-économique, souvent réduits à une compilation de pièces

Si le champ d’application de la nouvelle obligation d’évaluation socio-économique introduite par l’article 17 de la LPFP pour 2012-2017 est très large (cf. § 2.1.2 supra), les porteurs de projets rencontrés par la mission ont, pour l’essentiel, indiqué concentrer l’exercice d’évaluation socio-économique aux seuls projets susceptibles de faire l’objet d’une contre-expertise (qui dépassent le seuil de 100 M€), à l’exception :

des projets pour lesquels l’évaluation est prévue par une autre obligation, comme pour les projets d’infrastructures de transport (à partir de 83 M€), dans le secteur de la santé (à partir de 50 M€) ou en matière informatique (à partir de 9 M€) ;

de certains secteurs, comme celui de la justice, qui a transmis à la mission trois dossiers d’évaluation pour des projets d’un montant compris entre 20 et 100 M€.

Même sur les projets soumis à contre-expertise, les lacunes des dossiers d’évaluation socio-économique transmis au CGI révèlent les marges de progrès des porteurs de projet en la matière : en effet, la majorité des dossiers contre-expertisés ne contient pas les éléments essentiels à une évaluation socio-économique.

Ainsi, en ce qui concerne le respect du cahier des charges fixé par le décret (cf. encadré 2 supra), selon les éléments fournis par le CGI (tableau 3) :

si aucun porteur de projet n'a présenté de dossier complet en début de contre-expertise, la plupart d’entre eux l’ont complété au fil de l’exercice ;

la majorité des dossiers d’évaluation socio-économique fournis aux contre-experts comprenait des options et variantes, précisait le dimensionnement du projet ainsi que son calendrier, fournissait des indicateurs de performance et une cartographie des risques, et faisait référence aux guides méthodologiques de référence ;

cependant, seule une minorité donnait des indicateurs socio-économiques, et un nombre important de dossiers avait des difficultés à fournir des éléments satisfaisants sur le mode de réalisation (lié aux modes de financement) envisagé.

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Tableau 3 : Complétude des dossiers d’évaluation socio-économique contre-expertisés* au regard du cahier des charges

Source : Éléments transmis par le CGI pour actualiser le bilan présent dans le document relatif aux leçons des premières contre-expertises réalisées par le CGI (11 décembre 2015).* Bilan réalisé sur 39 dossiers contre-expertisés entre juillet 2014 et octobre 2016.

Plusieurs éléments peuvent en partie expliquer cette difficulté à compléter les dossiers d’évaluation socio-économique :

dans un certain nombre de secteurs, la méthodologie applicable en matière d’évaluation socio-économique n’existe pas en tant que telle84, ce qui rend délicat l’identification d’ « indicateurs socio-économiques » et qui conduit les porteurs de projet à faire une compilation de leurs évaluations préalables ;

selon le niveau d’avancement du projet, les informations relatives aux modes de réalisation et de financement sont plus ou moins connues (comme en témoigne le cas du dossier de LGV Poitiers-Limoges dont la DUP a été annulée le 15 avril 201685).

3.2.2. Le cadre de l’évaluation socio-économique gagnerait à préciser les principes de proportionnalité et de progressivité qui doivent s’appliquer à la démarche Sans circulaire précisant le cadre juridique applicable, force est de constater l’hétérogénéité des interprétations des porteurs de projets sur le champ d’application de l’obligation, sur les attentes en termes de contenu de l’évaluation socio-économique, ainsi que le moment de réalisation de l’évaluation.

Pour un grand nombre d’interlocuteurs, l’exigence des « avis requis par la loi et les règlements » dans le dossier implique que l’évaluation socio-économique est l’ultime évaluation préalable avant la prise de décision engageant le projet d’un point de vue budgétaire et comptable. Cette interprétation les conduit souvent à réduire l’évaluation

socio-84 Voir annexe IV relative aux enjeux méthodologiques de l’évaluation socio-économique.

85 Le 15 avril 2016, le Conseil d’État a choisi d’annuler la DUP prise par décret du Premier ministre le 10 janvier 2015 concernant la ligne à grande vitesse (LGV) entre Poitiers et Limoges, notamment sur un motif d’irrégularité externe, en application de la jurisprudence Danthony, en estimant que le dossier soumis à enquête publique était insuffisant, notamment en ce qu’il ne contenait aucune information précisé relative au mode de financement et à la répartition envisagée du projet.

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économique à une compilation des autres études préalables, alors même que la démarche d’évaluation socio-économique a besoin, pour être utile, d’accompagner la réflexion sur le projet le plus en amont possible. Ainsi, l’instruction Royal insiste sur le caractère itératif du processus d’évaluation : l’évaluation stratégique des objectifs du projet, l’analyse de ses effets, ainsi que leur synthèse, doivent être régulièrement complétées et actualisées au fil de la maturation du projet (cf. graphique 10).

Graphique 10 : Processus d’élaboration itératif recommandé par l’instruction Royal

Source : Présentation du « nouveau référentiel transport » par le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), 16 septembre 2014.

Concernant l’interprétation de cette exigence des « avis requis par la loi et les règlements » dans le dossier soumis à contre-expertise, le CGI a indiqué avoir travaillé avec plusieurs entités concernées (l’Autorité environnementale, la DINSIC et Fin Infra notamment) de sorte à éviter que les délais d’instruction ne s’additionnent86. Concrètement, la saisine du CGI et celles des autres entités peuvent être concomitantes et la contre-expertise s’organise de telle sorte à rendre ses travaux après les autres (les avis des autres entités complétant progressivement le dossier initial).

Par ailleurs, il semble à la mission cohérent de ne pas appliquer les mêmes exigences d’évaluation à l’ensemble des projets d’investissements publics et :

de prioriser ceux dont les enjeux sont déterminants, notamment d’un point de vue financier. L’importance financière d’un projet dépend de son secteur (comme en témoignent les différents seuils retenus par les études préalables sectorielles mentionnées ci-dessus) : dès lors, il paraît que le principe de proportionnalité de l’évaluation doit s’adapter, dans chaque secteur, aux enjeux des projets ;

d’adapter les attentes du contenu du dossier d’évaluation socio-économique en fonction de l’importance du projet et du secteur concerné87. Le cas échéant, il

86 Voir analyse des délais de contre-expertise dans l’annexe III.

87 Voir annexe III relative à la contre-expertise, qui propose la mise en place d’une étape d’analyse de recevabilité des dossiers transmis aux contre-experts (proposition n° 4 de l’annexe III).

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conviendrait de préciser les avis qui doivent obligatoirement être joints au dossier transmis au CGI (et ceux qui sont, au contraire, dispensables à ce stade de l’instruction du projet).

En tout état de cause, l’évaluation socio-économique ne doit pas être conçue comme statique, mais progressivement affinée au fil du temps et de la maturation du projet, sur l’exemple britannique du « five case model » (cf. § 1.1.2 supra).

Proposition n° 2 : Préciser, pour chaque secteur concerné, les attentes en matière d’évaluation socio-économique réalisée par les porteurs de projet, en particulier (i) les exigences minimales du contenu du dossier d’évaluation, (ii) l’articulation avec les autres procédures d’évaluation, ministérielles ou interministérielles (contenu, calendrier, etc.), ainsi que (iii) les principes de proportionnalité et de progressivité de la démarche : l’évaluation socio-économique doit être d’autant plus documentée que le projet est important (importance financière au regard des standards du secteur) et mature (avancement des études préalables avant la décision de réalisation). Ce travail devrait également concerner les établissements publics qui relèvent de la tutelle de l’État et qui portent des investissements significatifs.

3.3. L’évaluation socio-économique doit trouver sa place dans les processus

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