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Lima dans les années 2000 et

2.2. Enseignement, emploi et nuptialité en contexte néolibérale

2.2.3. Nuptialité et fécondité

L’entrée en union conjugale en passant par le mariage civil est peu répandue au niveau national, et assez faible à Lima, en comparaison à d’autres capitales de la région comme Santiago, Mexico et Buenos Aires (Arriagada, 2007). Ceci est lié à des schémas culturels, mais aussi, dans une certaine mesure au manque d’intégration des populations rurales aux démarches formelles (Rodríguez Vignoli, 2004).

Pour ce qui est de la santé sexuelle et reproductive, depuis les années 1990, l’objectif de réduction de la fécondité est priorisé. La planification familiale devient une priorité politique du gouvernement, le budget du Programme National de Planification Familiale atteint son niveau le plus élevé en 1996. La prévalence contraceptive s’accroît, passant à 69% des femmes en âge de procréer. Entre 1992 et 2000, la part de la provision publique gratuite de méthodes contraceptives modernes passe de 36 à 67%. Par ailleurs, dans la même période, la proportion de femmes qui utilisent une méthode moderne, passe de 55,6 à 73% des femmes

qui utilisent une méthode contraceptive55F55F

56 (Aramburú, 2014). A partir de 1996, l’Etat assure la

distribution gratuite de dispositifs pour la contraception dans les établissements publics de santé.

Concernant l’entrée en union conjugale, jusqu’à la réforme de 1993, le droit péruvien ne reconnaissait aucune union en dehors du mariage. Puisque la majorité des couples dans le pays étaient en union libre, ils ne bénéficiaient d’aucun cadre normatif concernant les droits et les devoirs des partenaires. Avec la réforme, les unions libres sont reconnues comme une forme d’union avec des responsabilités semblables au mariage56F56F

57. Ce changement de norme a

eu pour but de réduire les obstacles institutionnels face au traitement différencié par la législation et les services publics en termes de droits et d’assistances. Tous les districts à Lima mènent des campagnes de formalisation des unions avec l’organisation de mariages collectifs, plus accessibles économiquement et assez populaires dans les districts urbanisés à partir des années 196057F57F

58.

À propos de l’interruption volontaire de grossesse, la législation péruvienne est l’une des plus strictes de la région (Guillaume et Lerner, 2007). L’avortement est illégal58F58F

59 et, si la pratique

de l’avortement clandestin existe, elle est en général réalisée dans des conditions très précaires59F59F

60 (Ferrando et Hlatshwayo, 2006).

La littérature met en avant le fait que la formation d’un couple est marquée par une faible connaissance de la sexualité qui reste tabou au sein de la famille et que les politiques

56 Le gouvernement promeut en particulier les méthodes de longue durée comme les injections et la ligature des

trompes. Entre 1992 et 2000, la stérilisation par injection passe d’être peu utilisée (3%) à devenir une des méthodes les plus utilisées (21,5%) (ENDES, 1992, 2000).

57 Quelques années après, en 1998, les couples partageant le même domicile durant 24 mois continus sont

considérés par la loi comme convivientes « cohabitants », statut qui confère les mêmes droits et devoirs que le mariage en ce qui concerne la vie commune. La différence entre le mariage et la cohabitation concerne l’héritage.

58 Un peu plus d’un quart du total de mariages célébrés en 2011 à Lima se sont réalisés selon cette modalité

(INEI, 2016). Ce type de mariage est plus fréquent dans des circonscriptions qui concentrent des populations défavorisées comme Ventanilla, Villa Maria del Triunfo, San Juan de Miraflores, entre autres. Par exemple à San Juan de Miraflores, 60% des mariages célébrés on eu lieu selon cette modalité. En contraste, à Miraflores, district aisé, le taux de mariages collectifs n’est que de 1,6%.

59 Sauf depuis 2000 pour le cas où la vie de la femme est en danger. Néanmoins, selon les estimations, la

pratique reste peu fréquente car le cadre administratif et médical est inadapté (Pace et al., 2006).

60 L’interdiction d’avorter est aussi morale, le sujet est tabou dans la société péruvienne. Les églises chrétiennes

d’éducation sexuelle sont peu efficaces (Binstock et Näslund-Hadley, 2010 ; Cáceres et al., 1992 ; Mendoza et Subiría, 2013a).

Deux principaux processus peuvent être signalés : la chute de la fécondité et le report de l’âge des femmes au premier enfant.

Au Pérou, en l’an 2005 le nombre moyen d’enfants par femme (indice synthétique de fécondité, ISF) est de 1,5 parmi les femmes ayant une instruction supérieure, contre 4,3 pour celles sans éducation formelle (Aramburú et Bustinza, 2007). Entre 1977 et 2005, l’ISF s’est réduit de 44% parmi les femmes les plus éduquées, passant de 2,7 à 1,5 enfants par femme, tandis que la réduction est moindre parmi les femmes sans éducation de base (Aramburú et Bustinza, 2007). La prévalence contraceptive augmente à plus de 52% parmi les femmes sans éducation de base et se maintient à 75% des femmes ayant suivi l’enseignement supérieur. Néanmoins, près de la moitié des premières continue à utiliser des méthodes contraceptives peu efficaces au milieu des années 2000 (INEI, 2008).

A Lima, l’ISF est passé de 2,5 en 1991 à 2,1 en 2015 (INEI, 2016). Cette réduction est associée à la participation féminine au marché de travail (Jaramillo, 2016)60F60F

61. C’est

particulièrement significatif quand les femmes ont un niveau d’instruction plus élevé, et moins significatif quand la femme vit en couple.

Concernant le taux de fécondité parmi les adolescentes (15-19 ans), il est passé de 57 à 80‰ dans la ville de Lima, entre 1996 et 2013 (Mendoza et Subiría, 2013b). La prévalence de grossesses pendant l’adolescence augmente, même si celle-ci est légèrement moindre pour la population de la capitale. Dans les contextes de précarité, ces problèmes s’aggravent. Le

manque d’information sur la sexualité et la planification familiale explique les taux élevés de grossesses non planifiées (Balarin et al., 2017).

Il est important de noter la proximité entre l’âge médian d’entrée en couple et l’âge où l’on a son premier enfant. L’entrée en couple et la fécondité sont fortement liés. Cette association entre union et fécondité est plus forte parmi les individus moins éduqués. L’âge médian

61 Selon les estimations de l’auteur, la baisse de la fécondité expliquerait 27% de la participation des femmes au

marché du travail, ce qui est quatre fois plus important que pour les mêmes estimations aux USA. Ces résultats sont alignés avec les résultats au niveau continental concernant le rapport entre baisse de la fécondité et participation au marché de travail (Cruces et Galiani, 2007).

d’entrée en union conjugale des jeunes nés pendant les années 1980 est de 27 ans pour les hommes et 24 ans pour les femmes (INEI, 2007).

Un aspect important à souligner pour l’entrée en union concerne le fait que l’accès au logement est difficile pour les jeunes couples car, à Lima, il n’existe aucune aide publique pour l’accès au logement. Même pour les milieux sociaux intermédiaires, l’accès à un logement indépendant pour les jeunes s’avère compliqué. C’est ainsi qu’une stratégie très répandue consiste à agrandir ou diviser les logements pour former des espaces indépendants, susceptibles d’accueillir les nouveaux ménages formés par des membres de la famille. La densification des zones d’expansion urbaine de Lima a été amplement décrite comme le résultat de ces stratégies familiales (Zolezzi et al., 2005).