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d’études supérieures

5.2. Facteurs associés à la poursuite d’études dans l’enseignement supérieur

5.2.1. Accès et achèvement des études supérieures

La figure 24 représente le rapport de chances de chaque catégorie des variables retenues pour les deux modèles. Le premier modèle concerne l’accès au supérieur, et le second l’achèvement des études. Rappelons que ces deux régressions concernent des univers de population différents, et que la comparaison entre des coefficients doit en tenir compte.

112 Pour rappel, l’ensemble de détails correspondants à chaque régression sont présentées en annexes (pages 351-

Figure 24. Rapports de chances pour accéder et achever les études supérieures

Elaboration de l’auteur. Source : CPV-Lima, 2007. Tous les 18-24 ans, sauf RM indépendants. Note : Sont uniquement représentés les coefficients significatifs à 5%. Liste d’abréviations en

page 5. Détails de la régression en annexes (pages 343 et 345).

1,41 1,97 1,19 1,05 1,30 1,15 1,06 1,20 1,27 0,90 0,94 2,32 2,55 2,91 1,46 1,21 1,08 0,72 1,03 0,94 0,88 1,50 1,62 1,08 1,05 1,16 1,11 1,05 1,07 1,12 1,06 1,40 1,84 1,56 1,15 1,15 1,06 0,84 0,96 0,93 0,6 0,8 1,0 1,2 1,4 1,6 1,8 2,0 2,2 2,4 2,6 2,8 3,0 INDIVIDU Sexe: Femme Langue maternelle: Espagnol Lieu de naissance: Lima Lieu de naissance: Autre grande ville MENAGE Nombre de RM: Deux Taille ménage: 1-4 membres TD: Basse TD: Moyenne Lieu de naissance: Autre grande ville

Lieu de naissance: Rural Langue Maternelle: Espagnol Langue Maternelle: Espagnol et Autochtone Niveau d'instruction: ES incomplet Niveau d'instruction: ES technique complet Niveau d'instruction: ES universitaire complet NSE: Q4 (plus aisé) NSE : Q3 NSE : Q2 SECTION Accès à l’ES dans la section : faible Langue maternelle autochtone : répandue Lieu de naissance zone rurale : répandu Niveau socioéconomique Q1 : répandu

Accéder à l'ES Achever la formation

Au niveau individuel, la langue maternelle du jeune est un facteur déterminant dans la poursuite d’études. Les jeunes de langue maternelle espagnole ont deux fois plus de chances de se former que les jeunes de langue maternelle autochtone. Il s’agit bien du facteur qui limite le plus, autant l’accès que l’achèvement du supérieur ; cependant, il est plus décisif concernant l’accès. Le degré d’association qui ressort de nos calculs est largement plus important que les études consultées. Nous en déduisons que la population de langue autochtone n’est pas assez prise en compte dans les échantillons urbains de l’Enquête Nationale des Ménages, principale source d’information pour la sociologie de l’éducation au Pérou.

Pour la plupart des locuteurs de langues indigènes dans le pays, la langue représente une barrière difficilement franchissable et qui détermine fortement les transitions vers l’enseignement supérieur à Lima. Cette situation montre la grande difficulté d’intégration sociale pour une minorité d’étudiants issus de matrices culturelles andines et amazoniennes. C’est une manifestation de la « fracture linguistique » du système éducatif péruvien (Ames, 2002). L’écart important en termes de résultats scolaires pendant l’éducation de base en est une autre (Cueto, 2004 ; PREAL, 2010). L’absence de mesures d’accompagnement ou de programmes éducatifs spécifiques visant à faciliter l’intégration de ces jeunes à l’enseignement supérieur n’en est que plus flagrante.

En outre, on observe que les femmes ont 1,4 fois plus de chances d’accéder au supérieur que les hommes. De l’ensemble de facteurs, les différences selon le sexe sont les plus marquées, tant pour l’accès que pour l’achèvement. Les écarts paraissent surprenants, car les femmes sont exposées à l’abandon des études en cas de grossesse112F112F

113. La performance académique est

une possible clé d’interprétation de ces résultats. Dans l’enseignement secondaire, les filles ont de meilleurs résultats, ainsi que moins de retard scolaire que les garçons (Guadalupe et al., 2017). Par ailleurs, les attentes familiales sont différenciées sur la base d’une conception de rôles distincts : les hommes subiront davantage de pression pour abandonner les études pour aller travailler, notamment lorsque leur ménage traverse des conjonctures difficiles (Cotrina, 2015).

113 Selon l’Enquête Démographique et de Santé Familiale, les principales raisons d’abandon des études pour les

Le lieu de naissance présente une association moins marquée avec l’accès, et minimale par rapport à l’achèvement d’une formation. Néanmoins, ces associations sont significatives. Les Liméniens natifs accèdent davantage à l’enseignement supérieur que les jeunes nés dans les petites villes et en zone rurale. En revanche, il est étonnant qu’il n’y ait pas de différence entre l’accès des jeunes originaires de zones à faible densité et ceux nés dans les grandes villes de province.

Par ailleurs, les jeunes membres de ménage sans lien de filiation avec les responsables de ménage ont beaucoup moins de chances d’accéder et de conclure une formation. Les fils et filles des responsables du ménage ont 10 fois plus de probabilités d’y parvenir que les autres catégories (neveux, cousins, entre autres). Dans un souci de visibilité, cette variable n’a pas été inclue dans les figures113F113F

114.

Au niveau du ménage, on retrouve les plus forts déterminants pour l’accès et l’achèvement des études. Les enfants de parents ayant accédé à une formation ont beaucoup plus de chances de commencer et de finir une formation. Le cas extrême est celui des jeunes issus de ménages avec un diplôme universitaire, car ils ont presque trois fois plus de chances de suivre une formation, par rapport à ceux ayant des parents sans accès au supérieur.

Dans la section précédente nous avions constaté, parmi les enfants dont les parents ont reçu une formation technique, une prédilection marquée pour les études techniques, notamment parmi les filles. Ces résultats révèlent une autre particularité des jeunes de ce groupe, à savoir une plus forte tendance à finir leurs études. Si les jeunes issus de ménages de diplômés techniques ont moins de probabilités d’accéder au supérieur que les fils d’universitaires, ils en ont davantage de finir leurs formations. En effet, les premiers ont 1,84 fois plus de chances de finaliser que les jeunes issus de ménages non diplômés, tandis que les seconds en ont 1,56 fois plus.

La connaissance des opportunités spécifiques, en termes de débouchés professionnels, peut être un argument des parents de formation technique pour influencer le choix des jeunes et ne pas suivre l’idéal d’aller à l’université. Ceci aura un impact sur l’âge de sortie du système. Le niveau d’instruction des responsables du ménage est également susceptible de moduler l’importance donnée à l’obtention d’un diplôme professionnel, l’implication personnelle et les stratégies familiales pour une réussite.

Les parents diplômés seront ainsi plus engagés dans celle-ci, en apportant notamment leur connaissance et leur expérience des milieux académique et professionnel. Par ailleurs, le choix d’une filière post-secondaire sera fortement influencé par les ressources culturelles mobilisées lors du processus de socialisation, ce qui apparaît intimement lié aux résultats académiques à l’école, aspect identifié comme déterminant dans la continuité éducative et le type d’études suivies à Lima (Guerrero, 2014 ; León et Sugimaru, 2013).

Les ménages avec un niveau supérieur inachevé sont beaucoup plus proches des ménages diplômés que des ménages sans accès au supérieur. Ceci peut indiquer que l’expérience d’un passage dans une université ou un institut technique a des conséquences intergénérationnelles significatives. Le fait d’avoir fait partie d’un environnement académique peut former une vision du monde professionnel et des possibilités d’insertion qu’offre un diplôme.

Par rapport au niveau socioéconomique, les effets du niveau d’instruction des parents sont considérables, tant pour l’accès que pour l’achèvement. Un enfant de parent n’ayant pas complété son éducation supérieure a quand même 2,3 fois plus de chances d’étudier qu’un enfant de parents sans études supérieures.

Par ailleurs, un jeune provenant du quartile le plus aisé à 1,46 fois plus de chances que celui provenant du quartile le moins aisé. L’écart de chances d’obtenir un diplôme s’atténue considérablement entre les différents quartiles de niveau socio-économique, en particulier entre le quartile le plus aisé et les autres. Puisque l’accès est un premier filtre, le comportement des ménages d’où sont issus les jeunes en formation est semblable. Un exemple en est l’absence de différences pour l’achèvement des études entre les deux quartiles les plus aisés.

Concernant les caractéristiques démographiques du ménage, les estimations indiquent que la taille du ménage, ainsi que le rapport de dépendance, sont des facteurs qui entrent en jeu. Toutes choses égales par ailleurs, les individus issus de ménages ayant moins de cinq membres ont 1,3 plus de probabilités d’accéder au supérieur que les ménages plus nombreux. Le nombre de membres dépendants exerce une pression sur le budget familial, et peut réduire les ressources destinées à l’éducation supérieure et pousser les jeunes à travailler plutôt qu’à poursuivre des études.

Ceux issus de ménages à taille réduite (1,3) et d’origine migrante rurale (1,3), présentent plus de chances de suivre une formation dans le supérieur. Ces aspects font écho aux résultats d’autres recherches menées à Lima. D’une part, le nombre de membres dans le ménage peut être un aspect limitant, indépendamment du rapport de dépendance démographique, ce qui a été expliqué en termes de manque d’espace dans les lieux de résidence et pression démographique sur les ressources (Becker, 1990). Par ailleurs, plusieurs études mettent en avant le lien entre migration et attachement à l’éducation (Ames, 2000 ; Ansion, 1994), ce qui explique l’importance de l’origine géographique des parents. Concernant ces deux aspects, il a été montré que la taille de la fratrie peut être limitante pour la trajectoire scolaire, et, qu’en milieu précaire, les familles d’origine migrante s’investissent tout particulièrement dans la scolarisation de leurs enfants (Arrué et Huamani, 2008; Cavagnoud, 2011; Munar et al., 2004).

L’origine migrante des parents induit une probabilité plus élevée que leurs enfants poursuivent leurs études : les enfants de migrants d’origine rurale ont 1,27 fois plus de probabilité que les enfants de Liméniens. Ceci est renforcé par la langue des parents, puisque les parents ayant une langue maternelle autochtone ont plus de probabilités de voir leurs enfants accéder à l’enseignement supérieur. Par contre, les différences sont beaucoup moins marquées concernant l’achèvement des études.

Au niveau du quartier, tous facteurs égaux par ailleurs, la concentration d’adultes ayant accès au supérieur est positivement associée à la probabilité d’accès du jeune aux études supérieures ; il s’agit du facteur le plus fortement associé à l’accès à l’enseignement supérieur et dans une moindre mesure à l’achèvement des études.

Il existe donc un lien entre la composition éducative du quartier et la poursuite d’études au- delà des caractéristiques individuelles et de ménage. Cependant, ce résultat n’impliquerait pas uniquement un effet de quartier, pour démêler les rapports entre effet de distribution et effet de quartier, il serait nécessaire d’avoir plus d’informations sur les contextes urbains et le rapport des jeunes à ceux-ci ; par exemple, en ce qui concerne la transmission ou l’influence de l’exposition au quartier vis-à-vis des normes sur l’emploi et l’éducation. C’est ainsi que la prise en compte des liens sociaux entre jeunes, et entre jeunes et adultes peut s’avérer révélatrice. Au Pérou, les liens entre l’environnement résidentiel et la continuité éducative constituent un champ de recherche à développer.

Nous retenons de ces deux premiers modèles que l’accès et l’achèvement des études sont fortement associés au niveau d’instruction des responsables de ménage, au niveau socioéconomique, ainsi qu’à la langue maternelle et au sexe du jeune. Les femmes et les hispanophones ont plus de chances d’accéder et d’achever une formation, ainsi que les enfants de ceux ayant accédé au supérieur et ceux du quartile supérieur.