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Lima dans les années 2000 et

2.2. Enseignement, emploi et nuptialité en contexte néolibérale

2.2.2. Marché du travail et insertion professionnelle des jeunes

Les jeunes liméniens ont subi les transformations du marché de travail, suite aux mesures néolibérales pendant les années 1990. Les nouvelles règles sont basées sur la flexibilisation des conditions d’emploi. Comme conséquence, la précarisation de l’emploi salarié s’est accrue avec la croissance de la population jeune employée de façon temporaire : en moyenne entre 2005 et 2010, 53% des 15-29 ans change de situation de travail au moins une fois par an et seulement près de 20% d’entre eux sont occupés pendant toute l’année (Chacaltana, 2005). Par ailleurs, au cours de la deuxième moitié des années 2000, les taux de chômage de jeunes (18-29 ans) étaient deux fois plus importants que ceux des 30-60 ans. Le taux moyen de chômage jeune à Lima (15-29 ans) était de 13% en 2007 (INEI, 2008).

Le processus de flexibilisation passe par une nouvelle législation qui fait obstacle à la syndicalisation et a conduit à l’affaiblissement des organisations syndicales (Villavicencio, 2010). Chacaltana (2006) a documenté la chute de la syndicalisation des travailleurs, passant de 39% en 1990 à 7% en 2005. Parmi les travailleurs de moins de 30 ans, le taux de syndicalisation est inférieur à 4%.

Deux phénomènes principaux donnent forme au marché de travail en 2007 : la réduction de l’âge d’embauche et l’augmentation de la participation féminine.

Concernant la réduction de l’âge d’embauche, la participation de la population de moins de 35 ans au marché du travail est passée de 44 à 60% entre 1981 et 2002. Ceci a été accompagné par une réduction considérable de la durée d’embauche des adultes et une augmentation constante du nombre d’heures travaillées par les travailleurs actifs de moins de 35 ans. Cette augmentation s’explique par la libéralisation du marché de travail dans un contexte d’expansion de l’offre d’emploi, ainsi que le renouveau de la main-d’œuvre au détriment des travailleurs plus âgés et mieux payés (Saavedra et Chacaltana, 2001). L’analyse des secteurs d’activité dans lesquels les jeunes travaillent montre que 75% sont employés dans les services et le commerce. Selon les données de l’Enquête Nationale des Jeunesses réalisée en 2011, seulement un jeune sur cinq possède une assurance maladie, et cette proportion est moins importante pour le cas des travailleurs autonomes et des services domestiques. Par rapport aux conditions d’emploi, un jeune salarié sur trois indique avoir signé un contrat de travail et moins de 5% d’entre eux déclare avoir signé un contrat à durée indéterminée (Chacaltana, 2006). Par ailleurs, à Lima, on a assisté à une augmentation de structures productives et commerciales de taille réduite, en offrant aux travailleurs jeunes des opportunités dans des petites unités, souvent informelles.

Au cours de la période 2000-2010, le marché du travail au Pérou s’est élargi : pendant cette décennie, l’indice mensuel de l’emploi, qui mesure l’évolution de l’emploi dans des entreprises privées formelles avec dix ou plus travailleurs, a connu une croissance annuelle supérieure à 3%54F54F

55 (Castillo et al., 2006). Cependant, ce marché se caractérise par une

flexibilité accrue des conditions de l’emploi, notamment pour les plus jeunes. Ainsi, même si le marché du travail formel absorbe de plus en plus d’individus en âge de travailler, les travailleurs moins qualifiés et les jeunes (14 à 25 ans) sont les plus sensibles aux variations dans la demande liée aux cycles économiques (Galdo et al., 2009).

Le deuxième processus est l’accès croissant des femmes à l’emploi rémunéré (Felices, 1996). La population jeune (15-29 ans) qui « ni étudie ni travaille », principalement féminine, s’est

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La population active occupée au Pérou urbain pour l’année 2009 se distribue ainsi: agriculture 8,3%, mines 1%, industrie consommation 10,8%, industrie capitaux 3,2%, BTP 5,4%, commerce 22,5%, services non individuels 32,1%, services individuels 12,2%, domestique 4,5% (Castillo et al., 2006).

considérablement réduite entre 1993 et 2007, la période analysée, et les écarts entre sexes se réduisent aussi. Selon le sexe, les chronologies sont considérablement différentes (Tavera et al., 2017). Tandis que la proportion de jeunes « ni en études ni employés » augmente constamment avec l’âge et se stabilise autour des 26 ans chez les hommes elle atteint un pic à 18-19 ans, puis se réduit et se stabilise autour des 27 ans. Par ailleurs, la probabilité d’être sans études et sans emploi chez les hommes se réduit quand il vit en couple et c’est le cas inverse pour les femmes. Les écarts entre hommes et femmes sont inversement proportionnels aux années d’études des jeunes. Par ailleurs, les écarts de revenu selon le sexe se sont fortement réduits, passant d’une différence moyenne de 70% à une de 10% à Lima (Chacaltana, 2006).

Même si l’entrée des femmes sur le marché de l’emploi est importante, la division sexuelle du travail configure toujours fortement la participation différenciée dans le travail rémunéré et le travail ménager. Quand elles accèdent à un travail rémunéré, les stéréotypes de genre créent une discrimination envers les femmes (Galarza et Yamada, 2012). Cela est visible du fait des taux moins élevés de participation de celles-ci au marché de travail et la forte segmentation à l’intérieur de celui-ci. Par exemple, concernant le secteur d’activité, les hommes travaillent davantage dans des activités liées au transport et à la construction, tandis que les femmes se concentrent dans les services aux particuliers, notamment dans les services domestiques.

Par ailleurs, concernant les écarts de revenu selon le niveau éducatif, ils se sont creusés par une augmentation des revenus perçus par les jeunes diplômés du supérieur. L’inégalité de revenu se creuse entre diplômés et non diplômés du supérieur. Avec l’expansion éducative, les niveaux d’instruction tendent à être plus élevés, ce qui fait que les jeunes qui ne finissent pas l’éducation de base sont davantage exclus dans la recherche d’emploi que par le passé. Ainsi, ne pas finir une formation dans le supérieur devient plus pénalisant sur un marché de travail plus exigeant. Dans les années 2000, les jeunes formés dans l’enseignement supérieur gagnent deux fois plus que ceux n’ayant que le niveau secondaire (Chacaltana, 2006).

En ce qui concerne la répartition spatiale de l’emploi dans la ville, on observe une importante concentration d’emploi formel dans la zone à accès répandu dans l’enseignement supérieur, et en moindre mesure dans la zone à accès moyen à l’éducation supérieure. Les districts de San Isidro et Miraflores (zone à accès répandu) offrent plus de de 120 mille postes de travail, ce qui représente trois à quatre fois plus que les districts de la zone à faible accès (Gonzales de

Olarte et Pozo Segura, 2012). En zone à accès moyen, les districts de Cercado de Lima et La Victoria sont ceux qui concentrent le plus d’emplois.

Par ailleurs, au Pérou, le travail des enfants a été source de débats parmi les responsables politiques, ainsi qu’au sein de l’académie, où deux courants s’opposent fermement. D’une part, les organisations internationales mettent en avant un modèle d’enfance où le travail n’a pas sa place et ont promu son adoption dans les normes formelles au niveau national. Cependant, l’application des normes limitant le travail des enfants est très peu répandue, elle reste cantonnée aux cas d’exploitation. D’autre part, un deuxième courant met en avant le fait que le travail des enfants fait partie d’une socialisation familiale au travail, caractéristique des populations rurales et indigènes. Il faut dire que le pays est un des cas dans la région où le travail adolescent est le plus important (Cita, 2011). L’opposition entre éducation et travail, mise en avant comme une contradiction de la situation péruvienne, a été nuancée avec des résultats de recherche qui montrent que le travail peut avoir un effet positif sur les résultats académiques quand il ne surpasse pas un certain nombre d’heures et les activités sont adaptées à des mineurs (Cueto, 2011).