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Les nouvelles sphères publiques, espaces de consommation ou de revitalisation

Chapitre II. Cadre théorique et conceptuel :

2.3. Expertise et nouveaux médias

2.3.4. Les nouvelles sphères publiques, espaces de consommation ou de revitalisation

En semi-conclusion de ce chapitre, qui propose d’éclairer les processus d’émergence et d’institutionnalisation des pratiques expertes des sphères militantes dans les nouveaux médias, j’en reviens à la proposition d’Habermas quant au potentiel démocratique des échanges participatifs dans les médias publics-privés. Les structures du capitalisme sous- tendent les échanges de communication lorsque, d’une manière ou d’une autre, les personnes et les groupes doivent chercher la voie d’une mise en visibilité médiatique leur permettant d’exister et de construire leur identité. Déclin ou progrès social ? On parle ici des « effets des médias » mis en évidence par Steinberg et Kincheloe (1997).

2.3.4.1. Optimistes versus pessimistes

La vision pessimiste des médias témoignant d’un déterminisme technologique et d’une infantilisation des utilisateurs des médias renverrait les utilisateurs (et plus spécifiquement les enfants et les adolescents) à un rôle de consommateurs passifs et vulnérables que les médias tâcheraient de divertir. A l’inverse, les optimistes considèrent au contraire que les utilisateurs des médias détiennent un « savoir médiatique », « une sagesse naturelle spontanée dont les adultes eux, ne seraient pas dotés » (Buckingham, 2010 : 45). Les optimistes voient alors les médias comme des médias éducatifs transmettant « de nouvelles formes de conscience, qui les portent au-delà de l’imaginaire limité de leurs parents et de leurs enseignants » (Buckingham, 2010 : 46). Buckingham réfute ces deux visions qu’il accuse d’essentialisme (reposant sur des construits sociaux) pour promouvoir une vision intergénérationnelle invitant à tenir compte des différences de culture et des inégalités sociales. Cette critique de la représentation sociale invite à analyser l’incidence des comportements des « joueurs » et des styles de vie des groupes culturels sur les nouvelles capacités de découverte dans les médias favorisant le changement social et politique. La visibilité serait liée à une qualité de négociation des personnes – plus ou moins expérimentées - des expériences privées dans les sphères intermédiaires des nouveaux médias. L’impact des nouveaux médias sur les usages sociaux en fait des espaces qui, sans

être équivalents à la sphère publique de l’école, peuvent constituer des espaces intermédiaires d’apprentissage. Dès lors, les espaces intermédiaires médiatés par les pratiques militantes, permettraient de connecter entre eux des espaces libres et contraints, des pratiques libertaires et autoritaires, des relations de dépendance et d’autonomie et des formes institutionnalisées et émergentes (Snow, 2004) pour bâtir des infrastructures de l’identité et de la personnalité (Giddens, 1991).

Dans une étude des médias et de l’engagement civique, Dahlgren (2009) s’intéresse à l’idée de civisme : un facteur qui permet l’engagement actif des citoyens et la structuration des agencements civiques (‘civic agency’). En observant la fonction de régulation publique assurée par les personnes et les groupes comme les réseaux sociaux, les groupes de pairs, la famille, l’école, les groupes professionnels ou la religion, il s’agit de voir comment le web social interactif peut influencer la structuration des routines et des formes de cultures civiques en développant l’aspect relationnel et en agissant sur la mise en relation (Millerand, Proulx et Rueff, 2010). Ces réseaux permettraient alors la diffusion du capital social, par le jeu de relations de réciprocité dans les interconnexions sociales, dans les pratiques de confiance et de réciprocité entre les membres du groupe (Dahlgren, 2009 : 107).

Le déficit de participation causé par le désillusionnement des publics d’opposition vis-à-vis de la politique et des médias n’est pas l’unique facteur de délitement du lien entre les groupes marginalisés et le politique. Tout d’abord, les médias n’exercent pas à plein leur rôle éducatif. La lecture des médias ne garantit pas une bonne compréhension de l’information ni la production immédiate de citoyens informés (Dahlgreen, 2006). Le traitement de l’information par les publics des médias suppose la sortie des cadres de l’objectivité journalistique pour envisager les contextes d’interprétation de l’information : « L’identification émotionnelle, personnelle ou sociale que le spectateur investit dans une question politique particulière est sans doute plus importante pour son interprétation des textes que le processus cognitif ou rationaliste du jugement critique » (Buckingham, 2010 : 206). C’est ce qui explique l’incidence de la socialisation et de l’acculturation par l’appartenance au groupe et les échanges nourris et avec les autres sur le degré d’expertise et d’engagement dans les médias :

L’importance de l’idée de pertinence implique enfin un contexte dans lequel l’information pourra être utilisée – en d’autres termes, pourra alimenter l’action politique des jeunes dans la vie réelle. Cela signifie qu’il faut donner à ceux-ci la possibilité de s’engager dans l’activité politique, et qu’ils ne soient plus réduits à l’observer à distance : bref, qu’ils soient reconnus comme des acteurs politiques à part entière (C’est l’auteur qui souligne) (Buckingham 2010 : 208-209).

La reconnaissance de ces publics comme des citoyens acteurs du débat social est déterminante pour leur engagement et leur participation active aux formes du dialogue social. Buckingham met donc en évidence une problématique de l’exclusion sociale DES public dépossédés de leur propre représentation dans l’espace de la délibération politique, sur laquelle il faudrait se pencher plus avant, lorsqu’il s’agit de définir les relations entre les expertises. La prise en compte de la différence culturelle, la construction de la confiance et de la solidarité, la reconstruction du lien social et le dépassement des dichotomies aliénantes sont autant de propositions militantes pertinentes pour une tentative d’élucidation des problèmes sociaux.

L’émergence de nouvelles formes d’engagement dans les médias pose la question de l’architecture globale et de la centralité des réseaux sociaux. Les groupes se fédèrent-ils autour du dialogue politique (consensus) ou des formes de la consommation (Habermas, 1978 ; 1987) ? Faut-il voir, comme Papacharissi (2010) les sphères publiques comme de nouvelles sphères de consommation dirigées par les citoyens ? Comment s’opère la coordination de ces deux dimensions fondamentales de la socialité que sont le bien public et la consommation ? Les auteurs semblent pencher pour une production orientée vers la consommation personnelle, élaborée à partir de contenus traditionnels que les utilisateurs des médias transforment par des pratiques de remédiation. L’analyse des médiations et des négociations met ainsi en évidence les relations entre les micro-praxis et les macro- structures et les modes d’appropriation fluides, flexibles et autonomes. Trois modes de remédiation enchâssées sont identifiés par les auteurs : la divulgation et l’auctoriat, le voyeurisme et l’écoute, et l’écriture des pratiques. Les pratiques d’écriture digitales se définissent alors comme l’agencement nécessaire donnant une « fluidité performative » aux échanges par une remédiation des anciennes manières de faire, qui dessine un modèle

d’émergence numérique liquide, transformatif et réflexif (Papacharissi et Easton, 2012)96. C’est dans l’intimité que se joue la production d’une « vernaculaire civique » (Papacharissi, 2010), elle émerge de la conscience politique privée et est ensuite rendue publique par des pratiques de publicisation dans les médias. Contrairement à Calhoun (1992), Papacharissi ne semble pas vraiment croire au potentiel d’émancipation des sphères publiques en raison des effets du capital symbolique. La fragmentation et la multiplicité des pratiques portent atteinte au consensus démocratique et font reposer la responsabilité du débat public sur les personnes privées qui elles-mêmes sont soumises à des contraintes économiques personnelles (Papacharissi, 2010 : 22). Les utilisateurs des médias cherchent ainsi à préserver avant tout leur autonomie individuelle et l’intégrité de leur identité sociale et leurs activités visent la négociation des agendas personnels et intimes (Papacharissi, 2010 : 149). Les espaces alternatifs favorisent une distanciation des routines publiques itératives qui circulent dans les cadres traditionnels du débat public (médias et démocratie représentative) afin d’élaborer de nouvelles formes de communication citoyennes, à partir d’un ensemble de dispositions durables qui restructurent l’agencement des pratiques quotidiennes (Papacharissi et Easton, 2012). Ces remédiations de l’agenda personnel, interpersonnel et collectif fondent le degré de prise de pouvoir des utilisateurs sur l’information et peuvent se traduire autant par une reproduction conforme des cadres traditionnels que par une divergence innovante.

La méthode employée dans la recherche vise à rendre compte des évolutions et des variations spécifiques liées aux nouveaux mécanismes de structuration de l’identité, à partir de l’étude des médiations textuelles et intertextuelles entre les agendas personnels, interpersonnels, collectifs et symboliques des militants dans les micro-médias militants.

96 « We argue that individuals with redactional acumen may be able to manage the structural affordances of

convergent environments fluently. Not only may they be able to optimally exploit the expressive and connective potential of online platforms, but they are able to capitalize on the embedded convergence to combine and accumulate capital that has value and translates across fields. In doing so, they may be able to edit performed actions in ways that remediate habits of the past into the habitus of the new, thus also availing themselves of a performative fluency that leads to enhanced agency. », Papacharissi et Easton,

Le rejet de la politique par les publics marginaux ne signifie pas que ceux-ci n’entretiennent pas un rapport étroit avec l’information et la politique, mais plutôt qu’ils cherchent à produire de nouveaux genres d’information moins formels et plus distanciés des formes traditionnelles de débat public (ironie, parodie) : « Cela ne veut toutefois pas dire que le journalisme d’information soit purement et simplement redondant. Les médias d’information représentent, au contraire, un moyen important d’éducation politique « informelle », tant pour les jeunes que pour les adultes » (Buckingham, 2010 : 193). Le fait que les médias constituent des sources d’information pour les jeunes militants ne proscrit pas des appropriations inventives et créatives comme les mèmes qui s’inspirent de contenus d’information existants et donnent lieu à des créations originales. Il existe, au contraire, une corrélation entre la consommation intensive des médias et la participation civique active dans les médias favorable à la création de nouvelles formes.

Il conviendrait plutôt de reconnaître et d’accepter la disjonction entre les espaces de consommation et les espace civiques plutôt que de rechercher indéfiniment les moyens de les harmoniser, prendre acte des désordres et des incohérences sans pour autant se désengager des formes de communication, entre le cadre et le hors cadre. P. Lévy définit les espaces mixtes de communication comme des espaces anthropologiques, situés en dehors des catégories et des identités professionnelles, qui constituent de nouveaux espaces de savoir : « un système de proximité (espace) propre au monde humain (anthropologique) et donc dépendant des techniques, des significations, du langage, de la culture, des conventions, des représentations et des émotions humaines » (Lévy, 1994 : 21). Selon l’auteur, ces espaces anthropologiques combinent l’espace de la Terre (ensemble des activités humaines, langage, technique, arts, organisation sociale), l’espace du Territoire (écritures, Etat…) et l’espace des Marchandises (énergie, capitaux, main d’œuvre, information). Il s’agirait alors d’ancrer sa spécificité de sujet dans « une position aux nœuds des réseaux de fabrication, de transaction, de communication » (Lévy, 1994 : 23), de créer un espace où puisse se former cette nouvelle identité sociale et mieux se répartir l’intelligence distribuée, « sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences » (Lévy, 1994 : 29).

2.3.4.2. Créativité et espaces blancs du web

Prônant une approche inclusive des pratiques locales et globales de la convergence médiatique, le défi des chercheurs en nouveaux médias est d’aider à mieux comprendre ce qui anime et coordonne la relation des médias militants aux médias de masse et aux médias généralistes et alternatifs, par l’étude des mécanismes de l’information distribuée, l’observation des mondes en présence et l’identification des trajectoires militantes (visibilité et pouvoir des participants). L’analyse d’un monde social interconnecté dans le micro-média @CLACMontreal informe sur la nature spécifique et générale des échanges conversationnels et éducatifs dans les sphères militantes. Les pratiques hypermédiatiques des militants sont habitées conjointement par des routines et des modes traditionnels d’expression et de communication, la culture du réseau et de la convergence, la socialisation locale et l’histoire singulière qui leur est associée en fonction de leur contexte d’émergence et d’appartenance (Papacharissi et Easton, 2012).

Les dynamiques de lien au sein de ces espaces de coordination travaillés par des cadres socioculturels, institutionnels et économiques distincts, fondent l’émergence d’une « créativité située dans des communautés d’usagers » (Potts et al., 2008: 13), qui provient des sphères domestiques personnelles et donne naissance à des pratiques inclusives et occlusives (Hartley, 2005). Les pratiques multiples relient les pratiques de consommation individuelle, l’intimité sociale et la créativité quotidienne. La prise en compte du rôle central de la créativité dans la production de valeur et de ressources sur le web remet en question les anciens modèles d’expertise (Örnebring, 2008) et souligne la fonction sociale qu’elle acquiert dès lors qu’elle est exprimée dans les espaces régulés par les utilisateurs :

La fonction sociale de la créativité est atteinte non par des individus créatifs, mais seulement quand ces personnes trouvent des espaces où l’accès, le capital, les infrastructures, les régulations, les marchés, les droits de propriété et les processus à larges échelles peuvent monétiser la créativité. Les artistes indépendants, les musiciens, les designer, et les écrivains sont les bénéficiaires les plus évidents de l’organisation sociale de la créativité, mais ils ne déterminent pas sa forme ni sa structure, et la plupart s’identifient avec leur art spécifique plutôt qu’avec l’industrie dans son ensemble […]. Les travailleurs créatifs englobent un vaste champ de force multinationale de gens talentueux qui dédient leur créativité personnelle au design, à la production, à la performance ou à l’écriture […]. Ils combinent créativité et valeur. Mais historiquement, les travailleurs créatifs ont été très faiblement unifiés, généralement autour de groupes occupationnels spécialisés mutuellement partagés – journalistes, acteurs, techniciens, peintres et bien d’autres (TL. Hartley, 2005 : 28).

Pour maintenir les espaces nécessaires à l’expression de la créativité et au maintien des dynamiques sociales d’échange, Rennie invite à prendre davantage en considération les productions qui se jouent ‘sous le radar’ des institutions, dans les « espaces ‘blancs’ » (in Hartley, 2005 : 45) de la communication, dont l’existence soutient l’élaboration et l’émergence d’une écologie créative dans les médias : « Les ‘industries créatives’ apportent de nouvelles idées à d’anciens enjeux d’inégalité, d’abord centrés sur ce qui peut être fait pour offrir des opportunités à la participation créative » (TL. Hartley, 2005 : 47). La créativité repose alors sur les modes hybrides d’occupation des aires numériques (Pastinelli, 2007) qui fleurissent au sein des collectifs autogérés ou artistiques (Hartley, 2005 : 50), dans les radios étudiantes et militantes, les médias activistes et alternatifs, les associations culturelles et ethniques ou encore les campus et leurs innombrables syndicats étudiants. La localisation des pratiques spécifiques communes aux milieux militants et étudiants dans les médias de masse est un des enjeux posés par l’analyse des nouveaux médias.

La transposition des formes du vécu dans les sphères créatives implique une expérimentation réelle de la part des participants : « le savoir explicite, converti en information, doit être internalisé pour être ramené à la vie par le savoir personnel. Cette internalisation rend souvent le savoir tacite à nouveau. Une recette n’est qu’une information. Pour la ramener à la vie, le cuisinier doit l’interpréter et l’internaliser en formant son propre jugement » (Hartley, 2005 : 126-127). Le caractère reproductible, persistant et accessible des ‘travaux’ médiatiques fait proliférer les appropriations par les utilisateurs (Deuze, 2009). La force coopérative des producteurs indépendants interconnectés en ligne (Hartley, 2005) s’insère entre le produit et la manière de le produire par le partage désintéressé des travaux communautaires, amateurs ou artistiques dans des œuvres créatives, des artefacts culturels et des agencements personnels et collectifs (Bruns, 2005; Dipert, 1986; Jenkins, 2006).

Les intentions des producteurs et les représentations des savoirs mis en œuvre grâce à une approche sémiotique (Peirce, 1931) sont révélées par les processus de création, de médiation et d’hybridation des ‘petits’ travaux précaires, situés à la jonction de l’art, de la politique et de la consommation. Cet « habitus du nouveau » (Papacharissi et Easton, 2012)

correspond à l’ensemble des prédispositions acquises dans les pratiques de routinisation (Giddens, 1991) remédiées par les pratiques de lecture et d’écriture dans les sphères culturelles d’influence mutuelle que constituent les nouveaux médias militants.

Parler de renouveau démocratique avec l’avènement des médias alternatifs et radicaux sur internet revient néanmoins à sous-estimer les effets de l’invasion des pratiques commerciales et lucratives sur internet. La migration numérique des médias alternatifs, relativement bien installés dans le paysage de l’information, a certes favorisé un regain d’intérêt pour les contenus produits par les médias alternatifs, radicaux, punk ou anarchistes ; mais si cette configuration a permis la libre circulation des biens culturels et des valeurs libertaires, elle a aussi en contrepartie provoqué une capitalisation de la créativité des tactiques militantes, comme les genres et les styles militants ou encore les références culturelles, politiques et symboliques à la contre-culture. Un exemple significatif est la reprise de l’image du groupe punk Joy Division - dont le nom est une référence aux prostituées des nazis - sur les vêtements Walt Disney. En donnant à voir les produits issus de la contre-culture, les médias de masse ont accéléré la transition de la culture dissidente vers les circuits de la production industrielle capitaliste (Kim, 2012)97.

La difficulté des médias alternatifs et radicaux à générer leurs propres structures de d’édition et de publication les rend en effet dépendants des systèmes médiatiques industriels. Les blogs personnels hébergés sur certaines plates-formes (comme Over blog en France) sont envahis par la publicité au-delà d’une période d’inactivité de 45 jours. Des activités non lucratives fondées sur le principe du don et de l’échange entre les pairs sont monétisées par les propriétaires des médias.

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« YouTube has evolved from personal to public to commercial. When media conglomerates invest in a

rising medium, institutionalization begins in the form of commercialization and legalization. The road to institutionalization is the same for digital media: for UGC media in particular, and for the internet in general. », Kim, 2012 : 65.

Facebook, mastodonte médiatique récemment coté en bourse, est inondé de publicités et d’applications traquant les données personnelles des usagers pour servir les intérêts des corporations industrielles (pratique légale appelée « data mining »98).

Si Twitter est encore un espace « libre », il est question depuis 2011 de concéder des espaces publicitaires qui viendraient s’insérer entre les tweets postés par les utilisateurs à des entreprises commerciales. Avec la concentration de la propriété au sein des corporations médiatiques, il devient de plus en plus difficile pour les producteurs créatifs d’échapper aux outils sophistiqués développés par les « prédateurs » du web afin de tracer leurs productions personnelles (via les moteurs de recherche, api, cookies espions, etc.). Les audiences produisent des contenus cités dans les médias qui remplacent en partie la production du journalisme d’investigation par des pratiques de « crowdsourcing »99. Une tendance récente de crowdsourcing journalistique consiste, par exemple, à amalgamer des tweets ou des statuts Facebook extraits des profils d’utilisateurs pour ajouter de la valeur – une valeur créative innovante - aux contenus journalistiques. Les pratiques de crowdsourcing et de plagiat favorisent en contre-partie la prédation des productions numériques considérées comme libres de droit. Le téléchargement et la diffusion des productions originales via les blogs et les profils privés des utilisateurs entraînent un brouillage de la propriété intellectuelle et de l’attribution.

Ces usages atrophient les pratiques de créativité et la production de valeur. L’échange se transforme alors en transaction commerciale au profit d’un utilisateur et au détriment d’un autre et encourage exploitation de la propriété intellectuelle des ‘petits’ producteurs par les machines de production (Bennett, 2011). La protection des données du web est souvent conditionnée à l’achat d’un compte premium assez coûteux pour les petits producteurs précaires. Certains utilisateurs acceptent la situation avec fatalisme mais c’est un problème réel pour les artistes et les producteurs médias expérimentés (les musiciens, les artistes web, les écrivains, les dessinateurs, les journalistes et les blogueurs…), car ils ne peuvent

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La « Knowledge discovery in databases », extraction de connaissance à partir des données du web (ECD)