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Une nouvelle façon de penser et de faire de la « clinique »?

Dans le document Les intermittents du travail (Page 68-73)

HEURISTIQUES , CADRAGE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE , SELECTION DE L ’ ECHANTILLON

2.3. Le choix de l’enquête « clinique » : histoire et spécificités de la démarche clinique en psychosociologie du travail

2.3.2. Une nouvelle façon de penser et de faire de la « clinique »?

La psychosociologie du travail s’accorde sur tous ces aspects du travail clinicien, tout en y apposant certaines nuances. J’en ai relevé trois qui me paraissent essentielles.

Un statut spécifique du réel et du sujet

Théoriquement d’abord, elle se fonde sur une conception particulière du réel et du sujet. A l’instar de sa grande sœur, elle s’appuie sur la conception lacanienne du réel. Pour Jacques Lacan (in Soler, 2009), le réel est un réel du sujet, souvent méconnu, refoulé, angoissant, justement parce qu’il représente cette part de nous que nous préférons ne pas voir et qui pourtant « en impose », i.e. qui préside à nos actes et nos discours, qui commande au sujet que nous sommes. Comme lui, la psychosociologie du travail, postule que la réalité n’est pas le réel, mais un réel déjà transformé par le truchement du symbolique (discours, actes) : « ce qui

existe, qui est donné et que l’on rencontre comme obstacle suscitant l’acte et la parole (expressions et actions) pour sa transformation, son contournement ou son dépassement »

(Barus-Michel, 2006, p.322). Le réel, différemment, est pensé comme « ce qu’il [le sujet] a

en lui, qui insiste et revient à titre de symptôme mais qui reste indicible autant qu’impossible. Equivalent d’une vérité des êtres et des autres autour de laquelle tournent aussi bien des analystes et analysants que certains artistes, et qui les amène à détruire les apparences ou à lever le voile de la réalité par le travail artistique » (Barus-Michel, 2006, p.322). Ce serait

donc un réel peu visible, voire invisible – le réel, c’est, nous dit Lacan, « ce qui résiste à la

symbolisation » (in Soler, 2009), mais qui, pourtant, pourrait avoir un impact relativement

significatif sur nos vies. Ce réel serait source d’angoisses pour le sujet puisqu’il ne peut pas le connaître autant qu’il voudrait, ou justement parce qu’il pourrait faire soudainement irruption dans la réalité du sujet lui donnant à voir une part de son réel qu’il préfèrerait ne pas voir. Le réel pourrait donc se rencontrer. Cette rencontre se ferait sous la forme d’une irruption « soudaine», irruption à laquelle les psychanalystes d’abord, les psychosociologues ensuite, ont donné le nom de « symptômes » et dont la définition s’éloigne quelque peu de celle donnée à ce terme dans le champ médical : « le symptôme cache et dévoile ce qui manque à

être du sujet mais aussi du lien espéré. » (Barus-Michel, 2006, p. 317). Ici, le symptôme

représenterait ce que les sujets supportent, contre leur volonté, contre leur intention, et sans savoir d’où ça sort, et qui pourtant en seraient ses seuls éléments fondamentalement constituants – le symptôme, pour Lacan, nous dit Colette Soler, c’est ce qui épingle le sujet, ce que le sujet a de plus réel (Soler, 2009).

Ainsi, pour les psychanalystes, le réel ne serait visible qu’à de rares occasions, dans les symptômes qui émanent du sujet. La psychosociologie me semble proposer là cependant une nuance : les opportunités de rencontre avec le réel ne s’arrêteraient pas à l’irruption de symptômes, mais seraient bien plus fréquentes que ça. Le réel du sujet pourrait se rencontrer, au-delà du symptôme, dans tout « ce qui fait signe » dans ce que le sujet donne à voir de lui dans la réalité : « Mais tout n’est pas que symptôme. Le sujet individuel, le collectif, font

toujours signe dans la mesure où ils se heurtent sans cesse à l’obstacle de la réalité, des autres (conflits) et à eux-mêmes (division et ambivalence). » (Barus-Michel, 2006, p. 317).

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Comme la psychanalyse cependant, la psychosociologie et la psychosociologie du travail pensent comme nécessaire la confrontation du sujet au réel : ce serait la base de la santé et de la vie créative, la condition même d’émancipation du sujet. En d’autres termes, même si la rencontre avec le réel peut se révéler traumatisante (cas des patients névrosés par exemple qui refuse de se reconnaître dans leurs symptômes), elle aurait en soi le pouvoir de « soigner », en offrant au sujet qui « s’y reconnaît » la possibilité de « se soustraire au troupeau » (chez Lacan), de « se sentir plus que normal » (chez Canguilhem) – un sentiment de reconnaissance de soi dans ce que le sujet est et fait (il s’y reconnaît) à la base de la santé (cf. supra).

Nous approchons là la conception Sartrienne de l’ « Etre » dans « l’Etre et le Néant » et sur laquelle je reviendrai plus loin : c’est dans la rencontre avec le réel et dans l’acception de ce réel que le sujet atteint la condition de sa liberté. La reconnaissance de soi dans le « symptôme » ou « ce qui fait signe » serait ainsi la base d’un sujet qui s’assume dans sa « facticité » - il se sait inéluctablement condamné à être celui qu’il cherche à être ou qu’il lui est demandé d’être, et sa « transcendance » – il ne pourra jamais totalement être ce sujet prescrit ou ce sujet rêvé. Le réel qui surgit, le symptôme, serait ce qui permettrait au sujet de prendre conscience du décalage qui existe entre cette identité prescrite et rêvée qu’il joue à être, et ce qu’il est vraiment. Le problème n’est donc pas de « jouer » à être, mais d’avoir conscience qu’on joue, que « ce n’est pas réel ».

De là découle une conception du positive sujet (je ne dis pas « positiviste »). Certes, il est potentiellement aliéné et aliénable par certains autres, par tous les autres. Il est potentiellement victime d’un héritage biologique et génétique, d’un vécu, d’une histoire psychique, qui le surdéterminent. Pourtant, il a le pouvoir, en lui, par les autres, et par l’activité, de se libérer de certaines contraintes pour aller vers un « mieux », un mieux pour lui, un mieux pour les autres.

La visée du réel ici ne serait pas, comme le rappelle Colette Soler (2009), de ramener « dans les rails », « rails » qui tiendraient plus ici à la réalité (le réel organisé par le symbolique) – les rails du discours, mais d’accepter d’en sortir, et d’assumer le fait d’en être sorti. Le réel en question ici est un réel de « différence » (Lacan), un réel d’« au-delà de la normalité » (Canguilhem). Accepter de se confronter au réel passerait ainsi pour l’individu comme une manière de pouvoir se passer des appartenances prescrites. Le rôle du psychosociologue du travail serait d’amener le sujet à cette confrontation d’une part, et de veiller à ce qu’elle se produise sans effondrement d’autre part.

Dès lors, on comprend mieux pourquoi la psychosociologie du travail fait de la question de la reconnaissance l’un des moteurs du sujet au travail. La reconnaissance y est pensée comme un concept à deux dimensions – la reconnaissance de soi par soi (dans ce qu’on est, ce qu’on fait) et la reconnaissance de soi par les autres (ce que les autres pensent de ce que nous sommes ou nous faisons) (Jobert, 2013a ; Lhuilier, 2013). Nous venons de voir que le sujet en bonne voie vers la santé serait celui capable de se confronter au réel du sujet et de s’y reconnaître – reconnaissance de soi par soi. Les psychosociologues du travail ajoutent que cette voie n’est que partielle si le sujet ne confronte par son regard au réel du monde qui l’entoure, i.e. le regard des autres sur lui-même et son propre travail ; et s’il ne se reconnaît pas dans ce réel là également.

En outre, ce sujet n’est pas qu’un sujet épistémique : c’est un sujet engagé et agissant. Sans action, sans exercice de sa capacité à transformer une situation, il ne peut y avoir, selon les psychosociologues du travail, de développement vitaliste véritable. Autrement dit, le rôle du psychosociologue du travail ne saurait se réduire à une seule « assistance sémantique » du sujet, i.e. à aider le sujet à faire sens d’une situation par l’analyse des productions discursives et mythologiques du sujet en situation – le symbolique, l’imaginaire. Pour eux, il s’agit, au- delà, de mettre le sujet en action – en état de transformer le réel, et voir ce qui s’en dégage et qui ne se serait peut être pas révélé si l’action n’avait pas eu lieu. L’ « acting » serait pour eux l’autre voie essentielle par laquelle le sujet peut laisser échapper du symptôme et donc

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rencontrer le réel : « Dans le cadre théorico-méthodologique que nous construisons, le sujet

n’est pas seulement engagé dans l’intersubjectivité, branché aux autres par l’imaginaire et le symbolique. Il l’est aussi par la médiation des rapports de transformation de la réalité, voie essentielle de confrontation au réel » (Lhuilier, 2013, p. 18).

Une position clinique pas toujours et pas seulement « bienveillante »

La deuxième spécificité de la clinique telle qu’elle est pensée et pratiquée par les psychosociologues du travail interroge la « position » clinique.

Si certains cliniciens, d’abord dans une logique de soins offerts aux personnes ou groupes en difficulté, développent une pratique clinique proche du « counseling » Rogerien78 et où l’empathie « pour une fine autant que profonde communication avec autrui, en entrant avec

tact dans son système émotionnel ou son cadre de référence, sans s’identifier à lui ni l’envahir » (De Peretti, 2006, p. 542) domine ; la psychosociologie du travail, parce qu’elle

met au centre de ses préoccupations la recherche ET l’intervention (et non seulement l’intervention), vise d’abord à comprendre le contexte qui entoure les personnes ou groupes sur lesquelles il lui a été demandé d’agir, et dont la psychosociologie du travail postule qu’elles sont à la fois le produit et les acteurs. Parce que « comprendre et expliquer ne font

qu’un » (Bourdieu, 1993, p.1400), il faut comprendre une situation pour pouvoir l’expliquer à

ceux qui la vivent mal et construire, avec eux, de nouvelles voies de développement. Pour cela, elle épouse, en partie seulement, l’héritage Rogerien. Oui, elle pense qu’il doit y avoir chez tout clinicien un certain art de la maïeutique. Le travail socratique qui vise à « proposer

sans imposer, à formuler des suggestions, parfois explicitement présentées comme telles (est- ce que vous ne voulez pas dire que…) et destinées à offrir des prolongements multiples et ouverts au propos de l’enquêté […] » (Bourdieu, 1993, p.1407) est, selon elle, un préalable

nécessaire à l’ouverture du discours de l’enquêté, mais un préalable seulement. Elle se méfie du « regard positif inconditionnel » qu’il est demandé à ces cliniciens de porter à autrui et y voit un risque potentiel si ce n’est de « dénaturation », mais au moins de « brouillage » de la réalité, l’enquêteur/l’intervenant n’osant que peu ou pas, dans cette approche, « mettre le doigt là où ça fait mal », pour ne pas briser le processus de développement « positif » du sujet en cours.

Ainsi, en paraphrasant Pierre Bourdieu, nous pourrions dire, que pour un psychosociologue du travail, il s’agit, dans l’enquête clinique, d’être capable « de se mettre à la place du sujet

en pensée », c’est à dire de « se donner une compréhension « générique et génétique » de ce qu’il est, fondée sur la maîtrise (théorique ou pratique) des conditions sociales dont il est le produit […] » (Bourdieu, 1993, p.1400), tout en gardant à l’esprit que « cette compréhension ne se réduit pas à un état d’âme bienveillant. Elle s’exerce dans la manière, à la fois intelligible, rassurante et engageante de présenter l’entretien et de le conduire, de faire en sorte que l’interrogation et la situation aient un sens pour l’enquêté, et aussi et surtout dans la problématique proposée […] ». (Bourdieu, 1993, p. 1400/1401). En d’autres termes, le

psychosociologue du travail doit se mettre en « […] disposition accueillante qui incline à

faire siens les problèmes de l’enquêté » (Bourdieu, 1993, p.1406), tout en s’efforçant de

maintenir une certaine distance « intellectuelle » lui permettant de s’introduire dans l’histoire personnelle du sujet ou du groupe, y compris sur des terrains où ceux-là ne voudraient pas le mener. Le rôle du psychosociologue du travail est de s’efforcer de démasquer ces zones d’ombre, éléments indispensables à la compréhension en profondeur de la situation à l’étude,

78

Carl Rogers (1902-1987), psychothérapeute américain, s’inscrivant dans le courant de la psychologie existentielle (Husserl, Jaspers), a travaillé sur le groupe comme instrument de changement et a mis en place de nouvelles approches pédagogiques en tant que professeur. Il s’est surtout fait connaître, dans les années 60, par son « principe de non-directivité » qui désigne « le fait de s’abstenir de toute pression sur

le sujet susceptible de lui suggérer une direction ou de le conseiller dans ses évaluations, ses choix »(Amado & Guittet, 1975/2012, p. 103).

Cette orientation, « qui suppose une totale confiance dans les capacités d’auto développement et d’autonomie du sujet » (Amado & Guittet, op. cit.) est toujours largement mobilisée dans les méthodes d’intervention aujourd’hui, et malgré les réserves qu’elle a pu parfois, et peut encore aujourd’hui, susciter.

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même s’il sait que, ce faisant, il prend le risque de susciter des résistances et des réactions violentes chez les observés, pouvant se solder par la rupture du contrat moral – « je peux t’aider si tu me racontes et me montres » pour l’enquêteur, « je te raconte si tu me respectes et me montres que je peux avoir confiance en toi et en tes interprétations ». Nous pourrions dire que pour la psychosociologie du travail, dans certains cas, l’exigence de sens doit dépasser celle d’une issue nécessairement positive à l’action. Parce que pour la psychosociologie du travail, il ne peut y avoir d’issue véritable positive à une situation sans vérité. C’est du sens vrai, des dénis et refoulements levés, que pourrait naître la santé.

Cette position limite qui oscille sans cesse entre celle de l’allié et celle du persécuteur est difficile à tenir, elle est pourtant vitale pour permettre un développement fertile de l’enquête : « Le clinicien autorise des transferts où il tient lieu tantôt d’idéal, tantôt de persécuteur à

portée, réédition plus pratique des confrontations inexploitables dans l’ordinaire, occasions rêvées de se mesurer et de s’éprouver dans de nouvelles stratégies ou solidarités » (Barus-

Michel, 2006, p. 319). En psychosociologie du travail, l’enquête clinique est ainsi perçue comme une occasion pour l’enquêté de sortir de l’ordinaire, en racontant et/ou accomplissant l’extraordinaire, c’est-à-dire tout ce qui ne lui est pas permis de dire ou de faire dans son quotidien : « L’essentiel des « conditions de félicité » de l’entretien reste sans doute inaperçu.

En lui offrant une situation de communication tout à fait exceptionnelle, affranchie de contraintes, notamment temporelles, qui pèsent sur la plupart des échanges quotidiens, et en lui ouvrant des alternatives qui l’incitent ou l’autorisent à exprimer des malaises, des manques ou des demandes qu’il découvre en les exprimant, l’enquêteur contribue à créer les conditions de l’apparition d’un discours extraordinaire, qui aurait pu ne jamais être tenu, et qui, pourtant, était déjà là, attendant ses conditions d’actualisation » (Bourdieu, 1993, p.

1407).

Mais, pour que cette rencontre avec l’ « extraordinaire » puisse avoir lieu, le psychosociologue du travail pense que l’empathie, la non-directivité et la reformulation, même intelligente, ne suffisent pas. Il faut également « titiller » ses interlocuteurs. Ce « titillement » peut passer par le discours – reprendre l’enquêté sur un terme ou un geste qui semble « décalé » et nous en dire plus que ce qu’il semble nous dire. Il s’agit, parfois, de mettre le sujet en position d’inconfort, pour le forcer à réagir voire sur-réagir. C’est en quelque sorte se mettre en quête des « symptômes » en les provoquant. Mais cette provocation n’a pas toujours besoin de mots. La psychosociologie du travail postule que l’action également, le « faire », peut faire émerger ces « symptômes », un recours incontournable surtout dans des situations où les mots ne veulent pas ou plus venir.

Le pouvoir de l’acte

« Le dévoilement d'une situation se fait dans et par la praxis qui la change. Nous ne

mettons pas la prise de conscience à la source de l'action, nous y voyons un moment nécessaire de l'action elle-même: l'action trouve en cours d'accomplissement ses propres lumières. »

Jean-Paul Sartre, Questions de méthode, Gallimard, 1960, p. 46.

C’est là la troisième spécificité que je vois à cette clinique : le potentiel « provocateur de symptômes » de l’action, en d’autres termes le rôle essentiel de l’ « acte », ce « plus quelque

chose à l’action » (Mendel, 1998, 2006) dans l’accompagnement au développement du sujet.

J’ai évoqué plus haut le rôle essentiel que la psychosociologie du travail attribue à l’action du sujet sur le réel lui permettant d’accéder à la santé. Ainsi, en se faisant l’écho d’une des

théories du changement fondatrices - celle de Kurt Lewin79 selon laquelle pour comprendre une situation il faut essayer de la changer (in Michelot, 2006) -, il ne s’agit pas, en psychosociologie du travail, seulement de « comprendre pour transformer», mais aussi de « transformer pour comprendre »80. On retrouve là la notion d’ « actepouvoir » de Gérard Mendel. L’acte, nous dit-il, c’est « l’action, plus « quelque-chose » [ …] un processus

d’interactivité entre un sujet porteur d’un projet (d’action) et la réalité concernée par ce projet – selon les cas : autrui, la société, la nature ; ce processus amène à un changement perceptible dans la réalité. » (Mendel, 2006, p.25). Il y a, dans l’acte, une certaine idée

d’interactivité avec le réel. Dans l’intervention, le psychosociologue du travail est souvent confronté à des cas où dire, raconter, débattre, ne suffisent pas à produire du sens sur une situation, il faut parfois « faire » pour comprendre.

Nous ne sommes pas là dans une action-« miroir » qui viendrait s’ajouter à la panoplie du psychologue ou du psychosociologue, tel un nouveau Rorschach, pour libérer la parole du sujet. C’est une action « agissante », « entrepreneuse », dans le sens où le sujet, à travers elle, se découvre en quelque sorte de nouvelles ressources et capacités à agir et à penser. C’est une action qui débouche sur de nouveaux possibles, de nouvelles opportunités de développement à la situation, inenvisageables a priori. L’ « actepouvoir » de Mendel ou de la psychosociologie du travail, c’est un acte par lequel l’individu crée et renouvelle sans cesse ses conditions de développement : « Tout acte modifie la réalité : c’est le pouvoir de l’acte.

Le sujet est mis dans la situation organisationnelle d’exercer plus ou moins de pouvoir sur l’acte : c’est le pouvoir sur l’acte. L’expérience montre que selon le plus ou moins de pouvoir du sujet sur l’acte apparaissent des effets psychologiques opposés. Peu de pouvoir : déplaisir ou souffrance, démotivation, irresponsabilité. Plus de pouvoir : plaisir, intérêt, motivation, développement du sens de la responsabilité. » (Mendel, 2006, p.31).

C’est, dans un autre registre, l’expérience que nous décrit ci-dessous l’écrivain et prix Nobel de littérature Claude Simon, et qui, me semble-t-il, illustre très justement ce « pouvoir de- et pouvoir sur- l’acte » en témoignant, à mon sens, d’un effort de confrontation au réel, dans et par l’acte.

Illustration 8 - Claude Simon, in Telerama, interviewé par Nathalie Crom, "Une vie en morceaux", n°3324, 25/09/2013, p.36

C’est une transformation par la parole ou l’action - l’acte d’écriture ici, qui va permettre au sujet de faire preuve de créativité pour mener de façon vitaliste son projet de vie, au sein duquel le travail vient s’inscrire. Ainsi, comme le remarque Claude Simon, l’acte transforme le réel – ce qui était, en une nouvelle réalité – celle qui est en train d’être écrite, et par ce travail de transformation, a le pouvoir de « magnifier » ce réel – le travail d’écriture a, dans cet exemple, débouché sur une sorte de réalité augmentée, jugée plus désirable que le réel mais qui n’a pas pour autant prétention à le supplanter. Cette réalité a conscience de n’être

79

Kurt Lewin (1890-1947) est un des principaux inspirateurs de la psychosociologie : « la théorie du champ qu’il élabore dans le

prolongement de la psychologie de la forme le conduit progressivement à reconnaître le domaine de la psychologie sociale, à découvrir la dynamique des groupes et à poser les fondements de la recherche action » (Michelot, 2006, p. 505).

80

Ces deux propositions font référence à une formule d’Yves Clot souvent citée dans les travaux en clinique de l’activité (cf. Clot, 1999).

L’activité d’écriture, un « actepouvoir » ?

« Lorsque je me retrouve devant ma page blanche, je suis confronté à deux choses : d’une part le trouble

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