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Analyse critique : la fonction transitionnelle et contenante du cadre

Dans le document Les intermittents du travail (Page 179-187)

CONCLUSION DE LA SECTION

L ’ EXPERIENCE DE CHERCHEUR OBSERVATEUR PARTICIPANT

6.3. Analyse critique : la fonction transitionnelle et contenante du cadre

La longue exposition au terrain m’a par ailleurs permis de mettre en lumière le rôle central joué par le cadre dans l’appropriation plus ou moins réussie de ce nouveau mode travail par l’intermittent, corroborant par là un élément central de l’approche analytique choisie : la fonction transitionnelle et contenante du cadre (Anzieu, 1979 ; Kaes, 1979 ; Amado et Ambrose, 2001 ; Amado & Vansina, 2004).

Maxime (E6) : La région rend optimiste je crois. Depuis que je suis ici, je n'ai jamais autant eu

confiance en moi. Et je me connais, pour que j'ai confiance en moi, je dois avoir la certitude qu'il y a

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Cf. notamment JdB, note 111, 28/11/2010 (annexe 9).

Le syndrome de l’éclairé

Louis : Tu te levais le matin, t'arrivais au boulot avec ta liste de trucs à faire, tu le faisais bien, ton boss était

content, et toi tu rentrais tranquille chez toi où ta meuf ou tes potes t'attendaient devant une bière et un bon repas. « Que demander de plus? Des fois, je me dis, ah, si j'avais ne jamais pu ouvrir les yeux...l'imbécile heureux...c'est si vrai [je lui rappelle l'allégorie de la caverne de Platon]. Oui, tout à fait, c'est ça, ton Platon a raison. Ne voir que l'ombre, végéter, c'est finalement pas si mal, ça a le mérite d'être simple au moins. Tu te prends tellement moins la tête.

Simon : Tu sais, ma psy m’a dit « Soyez rassuré, pour déprimer, il faut un minimum d’intelligence ». C’est

donc ça notre problème : on a TROP compris que la vie c’était pas ça, on n’est pas assez con, et donc pas en mesure d’être heureux, du moins pas ici… Ah, le mythe de l’imbécile heureux. C’est si vrai.

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des bouées de sauvetage autour de moi. Que je pourrai toujours m'y accrocher. La première bouée, c'est la certitude que tu seras jamais sur la paille: si tu veux bosser, avec la saison, tu sais que tu pourras toujours trouver du taf et t'engraisser pendant quatre mois au moins. Autre bouée: les potes. Même à la rue, tu sais que t'auras toujours un endroit où dormir et manger. Je trouve qu'il y a beaucoup de solidarité entre nous. Dès qu’un a une galère, il y en dix pour l'aider à passer le coup. Ca a l'air pareil dans votre bande. Pourtant, vous êtes comme nous, vous vous connaissez pas depuis longtemps...Puis dernière bouée, c'est l'endroit tout court.

Comme le propos de Maxime ci-dessus l’illustre, les éléments constitutifs de ce cadre transitionnel et contenant, seraient, nous pensons, triples. Il s’agit, d’une part, d’un contexte qui abrite en son sein – par les caractéristiques géographiques, physiques, climatiques et sociales qui le font, les valeurs et comportements que le sujet après la rupture cherchait à incarner. Il s’agit ensuite d’un collectif de semblables qui l’a accueilli, protégé et dans lequel l’individu s’est senti suffisamment libre et en confiance pour s’y exprimer et agir. Enfin, il s’agit d’une « réincarnation » – terme choisi ici pour sa dimension spirituelle, une dernière hypothèse qui pourrait passer pour loufoque, mais qui, nous le verrons, prend tout son sens dans l’expérience vécue par le sujet.

Le rôle d’un intrapsychique « résonant » : la croyance partagée en une force vitaliste qui les anime

«La plage. Des surfers. On m'assure qu'un surfer ne pense qu'au surf. Comme je le comprends. Mieux que le Christ: glisser sur l'eau, se laisser porter, debout, sur la crête de la vague, jusqu'à plus tard possible, défaillir, s'écrouler. C'est faire l'amour avec l'océan. »

Edgar Morin, « Journal de Californie », 1970, p.16

A l’instar de ce propos d’Edgar Morin sur les surfeurs, il y a une dimension mystique dans la pratique du surf que l’on retrouve chez tous ses commentateurs :

Illustration 26 – Extraits de « 100 pages de vagues », Hugo Verlomme, 2001, p.10

Ainsi, la quête de la vague parfaite, celle de l’expérience du « tube145 », est souvent décrite comme celle d’une expérience esthétique et mystique, où l’individu se placerait dans un entre- deux entre le réel et le transcendantal, une sensation de réalité augmentée qui le ferait se sentir plus-que-vivant, expérience, une fois connue, qu’il cherchera à renouveler sans cesse :

Maxime (E6) : T'as besoin que d'une planche de surf et t'es déjà transporté.

A ce rapport mystique au surf et à l’élément naturel, s’ajoute une confirmation mutuelle et réciproque, dans les échanges entre intermittents, d’une sur-capacité mutuelle à penser le réel, une sorte d’intelligence supérieure qui les lie – « ce sont eux et pas d’autres qui ont été choisis pour tout comprendre » :

Vincent (E7) : Avoue-le, tu l’as vu toi aussi. Il se passe quelque chose ici. Toute cette énergie. Ta thèse…

C’est ça. Il y a beaucoup d’énergies, d’intelligences, de compétences. Mais tout est confus, disséminé. Le jour où on arrivera à rassembler tout ça, on pourra faire quelque chose de grand.

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Cf. glossaire.

« Nietzsche disait : "je ne pourrai croire qu’en un Dieu qui saurait dansé". La divinité se cacherait-elle donc au cœur des vagues ? On pourrait le croire, au vu de la place qu'elles occupent dans le Panthéon de nombreuses mythologies se rapportant à la création (destruction) du monde. La vague porte en elle la trilogie alchimique de la vie : l'eau, la lumière, le mouvement […] Les vagues sont symboles d'un espoir sans limites, d'une sauvagerie indomptable. »

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Intelligence supérieure dont ils n’ont réellement pris conscience qu’après leur rupture. Cette prise de conscience tardive ajoute à l’effet révélation : révélation du cadre, révélation des semblables, révélation des capacités à penser et à agir autrement, supérieurement, et au-delà de la norme. Cette force supérieure qui les lie et les pousse à agir les aurait conduit ici, à la juste place, celle qui les attendait :

Maxime (E6) : C'est marrant, je trouve que le coin te donne des ailes. Tu te dis qu'ici tu peux tout tenter,

te planter, c'est pas grave, t'as l'impression que tu pourras toujours faire face à l'échec. [NdC : Ah oui? Pourquoi dis-tu ça?]. C'est un sentiment. La région rend optimiste je crois. Depuis que je suis ici, je n'ai jamais autant eu confiance en moi.

Vincent (E7) : C’est tout nouveau, tout beau. Presque magique. Tant de gens qui me ressemblent ici

réunis. C’est peut-être un rêve ou moi qui me fait des illusions. Je sens une énergie collective qui pourrait mener à de grandes choses, mais qui pourrait périr aussi si chacun se retranche sur lui-même…

Il y aurait donc une sorte d’aura, de fluide, contagieux et diffus, qui les « disposeraient à agir ». Pourtant, tous se déclarent athées146.

Nous rejoignons donc là non pas le domaine du religieux, mais celui de la « croyance », dans le sens qui lui est donné dans la perspective pragmatique : « Je définis le « croire », « de manière

pragmatique, comme le fait pour l’individu (ou le groupe) de tenir – dans le sens deweyen d’accorder du prix – à des symboles, à des valeurs, à des expériences et à des explications (qualifiés de religieux ou spirituels). Les symboles expriment le rapport à la transcendance. Les valeurs sont morales. Les expériences, individuelles et plus souvent collectives, sont celles du rite, des pratiques, du rassemblement. Les explications sont les rationalisations, les justifications d’une certaine vision du monde. Ce « croire » multidimensionnel et d’intensité variable est donc avant tout envisagé comme une disposition à agir. » (Lamine, 2013, p. 38).

Ainsi, ce sont sous ces traits que les intermittents tentent de rationaliser et justifier leur « nouvelle » vision du monde, à leurs propres yeux d’abord, aux yeux des autres ensuite. Car comme le rappelle Jean-Philippe Bouilloud, « toute croyance suppose d’un côté un désir de

croire, et de l’autre une volonté de faire croire qui vient rencontrer et satisfaire ce désir "d’y croire" et "d’en rêver" (Luca, 2012). » (Bouilloud, 2013, p.51). Et effectivement, le besoin « d’y

croire » de l’intermittent parait indissociable de celui du « faire croire ». L’intermittent a besoin que ses semblables d’abord, ses parents ensuite, et le reste du monde dans une moindre mesure, partagent sa vision du monde pour y croire lui-même. Propos à nuancer cependant car si nous avons pu parfois trouver traces de velléités prosélytes – comme en témoigne l’extrait suivant, les tentatives ont vite avorté, l’intermittent préférant pour l’instant rester discret sur sa « révélation » de peur que son petit coin de paradis ne disparaisse noyé dans la masse.

Il y aurait donc, chez les intermittents, une distinction très nette entre quête spirituelle, qu’ils expriment sous le terme d’une force collective qui les transcende et les relie et dont ils ne cherchent finalement pas à questionner l’origine et se contentent d’en constater les effets ; et l’acte religieux duquel ils s’écartent totalement. On peut faire l’hypothèse que c’est ce « croire-en-acte » qui les solidarise, les dispose à agir, et les aide à avoir foi en l’avenir.

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Le rôle de l’interpsychique : le collectif, à la fois ressources, sponsors et modèle à l’action

Il est essentiel de noter, d’emblée, que le désir de former des communautés où il fait bon vivre entre personnes partageant les mêmes valeurs, des coutumes similaires, ayant parfois des liens de parenté et, en tout état de cause, de proximité, nouant des liens de convivialité, est une exigence sociale fondamentale »

Enriquez, 1999, p.111/112

La seconde hypothèse est que l’intégration de l’intermittent dans un collectif - celui de ses semblables, celui qui avant, en même temps et après lui ont pris le même chemin, fut autant nécessaire à la réussite de la transition, que le rôle de l’espace et de l’objet. Résultat pour le moins classique : la psychosociologie, entre-autres, reconnaît depuis longtemps le besoin de « faire équipe »147. Le rôle de la « libido associationis » (Marx, Freud) est en effet central - Eugène Enriquez parle dans la citation ci-dessus d’ « exigence sociale fondamentale » -, permettant à l’individu de répondre aux besoins de parler à des semblables (et non à des êtres différents), de recevoir la protection d’un groupe nourricier et chaleureux, et l’obligation d’œuvrer en commun pour lutter contre la nécessité et la rareté (Enriquez, 1999). Rene Kaës rappelle quant à lui que le sujet est paradoxalement « individu divisé et groupe indivis » (Kaës, 1979).

Dans le cas qui nous occupe ici, nous avons relevé trois fonctions critiques du collectif permettant d’assurer la pérennité de l’adhésion du sujet au modèle de l’intermittence.

En premier lieu, le collectif permet de donner du sens au passé et au présent de l’individu en re-situant son vécu traumatique – la souffrance, la crise, la rupture -, dans un nouveau destin vitaliste, celui de l’intermittence ; en d’autres termes, le collectif légitime et donne « sa » raison d’être à l’intermittent naissant :

Extrait JdB 35 – Note 164, 21/06/2011, Le plaisir de se retrouver parmi des « semblables »

Le rôle des autres intermittents apparaît donc comme essentiel pour légitimer cette nouvelle façon - dégradante ? – de travailler. Les encouragements des autres intermittents déjà installés dans ce modèle jouent également un rôle essentiel dans l’appropriation du modèle. C’est

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Nous conseillons au lecteur de se reporter notamment au numéro 14 de la Nouvelle Revue de Psychosociologie (paru à l’automne 2012) pour avoir un bon aperçu des travaux contemporains de la psychosociologie sur ce thème.

Le plaisir de se retrouver parmi des « semblables »

Katia : T’as beau être dans le plus bel endroit du monde, si tu te sens seul, tu seras mal de toute façon ». Veronica : C’est clair. Quand je suis arrivée, je savais pas trop ce que je faisais. Mais à force de rencontrer

des gens qui avaient fait les mêmes choix que moi, ça t’aide à te persuader que t’as fait le bon choix.

Katia : Et dire que j’étais juste venue pour quatre ou cinq jours voir B. C’est fou, les surprises de la vie. Je

pensais pas rester. Puis oui, c’est vrai, je vous ai trouvés. Pour la première fois de ma vie, tout m’a paru simple, évident, il fallait que je reste ici.

Sophie : C’est pour ça que je suis bien ici. On est tous plus ou moins pareil et on prétend pas être ce qu’on

est pas. J’en veux à mes parents d’avoir honte de dire à leurs amis ce que je fais maintenant. Ah quand je rentre, ma mère me cache [rires]. Elle voudrait que je me déguise pour sortir. T’imagines, tes parents ont honte de toi. Si ça c’est pas blessant ! Mais ce qui me blesse le plus, c’est de voir qu’ils persistent à croire que j’ai tort. Que je suis qu’une ado attardée, que je suis en crise et que ça va changer. Mais non, c’est bien moi. Je l’ai compris et compte pas changer maintenant.

Katia : Moi, c’est pareil. Dans les repas de famille, j’adore passer pour la marginale de service. Ca me plait

bien de les faire grincer des dents. Ca les renvoie à leur existence minable où ils ont jamais eu le courage de faire pareil alors qu’ils en ont tellement envie, je suis sûre. J’ai envie de crier « lâchez-vous ». Aujourd’hui, les gens voient la vraie N. Ouais ! [NdC : elle dit ça en criant et levant le poing] [Rires]. Et n’en déplaise à certains, je suis moi. Tout le monde ne peut pas en dire autant.

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parce que l’individu, qui se reconnaît dans leur parcours initial, voit en eux la possibilité d’un nouveau débouché « potentiellement heureux » à sa vie, où l’emploi n’occupe qu’une place temporaire et intermittente, qu’il va oser « tomber dans l’intermittence ».

Deuxièmement, le collectif protège et soutient. Ce serait même la fonction centrale de l’appareil psychique groupal selon René Kaës. Pour ce dernier, lorsque l’individu fait l’expérience d’un groupe divisé de l’intérieur, il cherche dans un groupe réel l’image de son unité perdue et l’étayage pour surmonter sa détresse. Il cherche au dehors ce qui lui fait défaut au-dedans : l’indivision, la continuité, la sécurité de l’unité, la cohérence, la permanence. Dans cette perspective, il suggère « qu’en situation de rupture dans la continuité de Soi, le

groupe puisse assurer (la) gérance prothétique, protectrice et vicariante à cet endroit où le système personologique s’est trouvé défaillant, incomplet ou surchargé » (Kaës, 1979). Nous

savons également, grâce à d’autres études sur la dynamique de groupe, qu’il est naturel dans la vie d’un groupe de prendre des mesures d’exclusion (rejet des « déviants » et de l’out- group) et normatives (uniformisations des pratiques et des croyances) pour assurer sa maintenance et permettre à ses membres d’y trouver des repères, des symboles, des liens, nécessaires à leur équilibre psychique (Anzieu et Martin, 1968 ; Amado et Guittet, 2012). Ces mesures, ou système de défenses, peuvent se matérialiser sous la forme de normes (comportementales et discursives), de codes, de rites, d’un système de valeurs (op. cit.) et contribueraient à la définition d’un imaginaire collectif dont les effets seraient tout aussi puissants sur les membres du groupe (Giust-Desprairies, 2009). En psychopathologie du travail, Christophe Dejours (2010) remarque que les individus ont tendance à se regrouper en

collectif de travail, remplissant les mêmes fonctions de protection et d’équilibre, au moyen de

l’élaboration d’une stratégie collective de défense. Et effectivement, un ensemble de règles, remplissant ces fonctions normatives, défensives, et symboliques, régissent la vie du collectif comme nous l’avons brièvement évoqué plus haut. Ce système de défenses permet à l’individu de se sentir protégé des attaques extérieures. Il n’est pas le seul à devoir assumer une certaine marginalité aux yeux de l’out-group, l’entreprise lui apparait ainsi plus facilement surmontable :

Cynthia (E3) : Alors qu’ici cette marginalité est d’une grande banalité et donc plus facile à porter. Tout

est question de référentiel.

Enfin, le collectif donne à l’intermittent les ressources pour penser et agir : des règles qui cadrent et encadrent l’action – c’est très net dans le cadre du travail, nous y reviendrons dans le chapitre suivant ; des codes qui protègent et contrôlent l’adéquation de l’action avec les valeurs de l’intermittence ; et enfin le soutien moral, voire l’appui physique et matériel des autres intermittents, pour créer et défendre son action – toutes ces actions, y compris les plus douteuses sur le plan moral, à partir du moment où elles sont dans l’esprit « intermittent » (cf. anecdote du « Poisson Volé », extrait JdB n°5).

Le rôle du contexte, espace et objet transitionnel

« L’objet transitionnel et le phénomène transitionnel apportent, dès le départ, à tout être humain, quelque chose qui restera toujours important pour lui, à savoir un champ neutre d’expérience qui ne sera pas contesté »

Winnicott, 1959, p.37/38

Nous posons ici comme première hypothèse que le cadre de la côte Sud landaise a joué le rôle d’un vaste espace transitionnel, et que l’activité surf celui d’objet transitionnel. Elargissant la

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notion d’objet transitionnel, développée par Winnicott en 1959 pour l’étude de l’autonomisation de l’enfant, au monde des adultes, René Kaes (1979) a en effet montré que l’instauration d’une aire d’expérience potentielle (d’où le terme « transitionnelle ») était nécessaire dans tout processus de rupture, de façon à assurer un changement qui ne soit pas traumatique pour l’individu. René Kaes (1979) évoque ainsi « ce qu’il advient lorsque nous

avons à vivre et à élaborer une expérience de rupture dans la continuité des choses, de Soi, des relations avec notre environnement » (Kaes, 1979).

Le caractère accueillant et apaisant du cadre, dominé par l’élément naturel - océan, forêt, sable - , et renforcé par les valeurs de la génération surf qui l’ inondent - vie en harmonie avec la nature, cool-attitude, flexibilité et liberté, pour vivre au rythme des vagues -, la région d’accueil offre au sujet qui a souffert un havre de paix propice à l’apaisement et à la réflexion :

André (E9) : Je pense que ceux qui ont toujours vécu ici ne s'en rendent pas forcément compte. Mais

moi, après des années à vivre avec une boule au ventre permanente, je ne peux que remercier l'air des Landes. C'est le meilleur des chirurgiens. La boule, elle a disparu [rires]. Oui, ici, tu te sens léger. Zéro pression. Ca fait tellement de bien. Parce que cette boule au ventre, j'ai pas eu l'impression qu'elle m'ait quitté depuis le Bac, sauf ici. Oui, et sauf, faut l'admettre, certains jours en école. Je me suis bien éclaté quand même. Mais bon, je savais que des échéances m'attendaient, que la sentence tomberait quand même et que donc, on avait toujours une certaine pression en toile de fond.

Le spectacle de l’océan peut-être, plus que les autres paysages du coin, est source d’inspiration pour l’intermittent, comme pour le poète. Paysage de houles, de vagues, de tempêtes, toujours réinventé, dont le spectacle quotidien offre aux intermittents des « moments de pure beauté » (Verlomme, 2001, p.72) :

Maxime (E6) : Pas besoin de belles voitures, pas besoin de temples de la consommation, pas besoin

d'hôtels de luxe ni d'immenses parcs d'attraction. T'as le plus simple et le plus grand des bonheurs à portée de main. Il peut être à toi, à tout le monde, gratuitement, tous les jours.

C’est également l’idée d’un cocon dans lequel l’intermittent naissant se sent en sécurité et au sein duquel il va pouvoir se reconstruire.

Enfin, à travers l’objet-surf principalement, mais aussi d’autres objets qui font office de-148, l’intermittent va pouvoir expérimenter, se tester, éprouver ses limites :

Illustration 27 – Témoignage de Gerry Lopez, surfeur légendaire d'Hawaii (in Verlomme, 2001, p.72 Dompter les vagues, persévérer, se dépasser, l’intermittent va, à travers le surf, peu à peu revitaliser son existence :

Louis (extrait JdB, note 21) : ça, c’est magique. Des vagues de rêve, propres. A l’eau, j’oublie tout, et

surtout, je sais pourquoi je vis.

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Rappelons-là que 35% des intermittents ne pratiquent pas le surf et activités de glisse aquatique associées (35% le pratiquaient avant la rupture, 65% le pratiquent désormais), et ont trouvé, sur la côte Sud landaise, d’autres objets transitionnels : autres sports extrêmes :

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