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Trois exemples d’activités « artisanes »

Dans le document Les intermittents du travail (Page 188-190)

CONCLUSION DE LA SECTION

L ’ EXPERIENCE DE CHERCHEUR OBSERVATEUR PARTICIPANT

7.1. Réalité(s) de l’activité « artisane » : état des lieux, exemples et caractéristiques saillantes

7.1.1. Trois exemples d’activités « artisanes »

Sont mises en exergue ici trois initiatives choisies pour leur exemplarité et qui serviront de base à l’interprétation qui va suivre: le projet « BMX land » de Ted et Michel, le projet « Surf Quest » de Maxime et le projet Surf’zine de Vincent et Benjamin.

Exemple n°1 Le projet « BMX land153 »

Michel est passionné de BMX154 depuis son plus jeune âge, activité qu’il a du mettre entre parenthèses

depuis ses études supérieures et qu’il a repris progressivement depuis son installation sur la côte Sud landaise. Le problème est que les terrains où pratiquer ce sport sont rares, éloignés de CapHosSei (plus d’une heure de route) et l’accès est payant, autant de contraintes qui rendaient peu possibles la pratique de cette activité pourtant essentielle au développement de Michel. Ce dernier m’a avoué que s’il avait eu le courage de dire non à ses parents, il aurait aimé faire carrière dans ce sport. Avec deux de ses amis également passionnés de BMX (Ted – membre de l’échantillon ; et un autre - non membre de l’échantillon), ils ont alors monté un projet de création de ce terrain pour y pratiquer librement, régulièrement, et à moindres frais, cette activité. La première étape de cette création fut celle de la recherche de cet espace, l’idée étant de se procurer un terrain vierge, le moins cher possible, assez éloigné des habitations (nuisances sonores), sans être trop éloigné de CapHosSei - le trio voulaient pouvoir s’y rendre au maximum en 30 min. Après plusieurs mois de démarchages infructueux auprès des mairies du coin, la solution est venue à eux presque par hasard, par le bouche-à-oreille : un pratiquant de BMX avait un grand terrain dans une campagne proche qu’il acceptait de mettre à disposition du trio à condition qu’il puisse venir s’y entraîner à sa guise, une fois construit. Le marché fut conclu et le trio s’est alors lancé dans la seconde étape qui fut celle de l’aménagement du terrain : modelage et installation des tremplins. Nouvelle occasion d’exposer leur conviction et de faire preuve d’ingéniosité : il a fallu convaincre un autre passionné de BMX, conducteur de tractopelle, de prêter gracieusement ses services et son temps du weekend, en échange d’un accès illimité au terrain, pour dessiner trous et bosses dans le terrain. Il a fallu faire le tour des entreprises de BTP et des casses du coin pour récupérer des éléments (parpaings et autres) pouvant servir de tremplin, etc. Après quatre mois de labeurs, le terrain fut fin prêt à être utilisé.

Exemple n°2

Le projet « Surf Quest » de Maxime (in entretien 6)

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Ainsi nommé par moi.

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Je fais des films de surf. Ca semble banal comme ça, mais c'est pas ce que tu crois. C'est pas les films de surf qu'on sait tous faire ici du moment que t'as une Go Pro155. C'est pas non plus ces films de surf produits par Quik ou Billa156 ou celles que tu trouves dans Surf Session157: 3 min de blabla de surfeurs pro, 40 min de séquences de ride. Non. Je veux allier l'art du cinéma au surf. Un mix entre le surf- reportage158 et le cinéma. En gros, c'est un film, parce que j'écris un scénario, avec un héros – qui change selon les films, et je fais vivre à ce héros un voyage initiatique dont le but est de découvrir une des facettes du surf au sens large. Ca va être du surf bien sûr, mais je prévois aussi de parler de longboard, d'alaïa159, de bodysurf160, de bodyboard, de paddle, de kayak des mers, dans un pays en particulier. Le scénario est très basique. C'est une trame. Mon but ensuite est de saisir l'imprévu: la rencontre entre ce héros et les pratiquants locaux. Là, il peut se passer des choses folles. Mon objectif à terme est de vendre ses films à des chaînes de télévision, ou à des écoles, comme support pédagogique. J'aimerais faire ça dans des pays où le surf n'est pas encore développé et assez méconnu. Pour l'instant, je fais avec les moyens du bord et donc les pays qui me sont le plus faciles d'accès. Donc bien sûr, j'en ai réalisé un sur le surf en Indo161. C'était mon premier, et comme je ne voyais pas à qui proposer d'être mon acteur et que je ne le paierai pas, j'ai joué l'acteur. Pendant un mois, j'ai joué mon histoire. J'avais deux potes qui m'accompagnaient – pour le surf, pour le voyage, pas pour mon film bien sûr. Mais ils m'ont filé un coup de mains. Je déblayais le terrain. Je faisais les repérages, j'allais à la rencontre des gens. Puis quand tout était calé, l'un ou l'autre venait pour filmer la scène. Beaucoup de scènes étaient spontanées. J'ai du rejouer d'autres plusieurs fois. Mais il y aurait tant à dire. Dire combien c'est dur d'être scénariste, réalisateur et acteur à la fois; combien c'est dur de ne pas avoir le moindre budget, ne serait ce que pour remercier en les invitant au resto tous ceux qui m'ont aidé, combien j'ai galéré pour le montage au retour. Le montage en autodidacte, c'est vraiment long à apprendre. J'ai même suivi pour ça un séminaire sur Paris. Je lis encore beaucoup. En ce moment, je dévore toutes les bios des grands réalisateurs. Scorcese, les frères Cohen que j'adore. Tiens récemment j'ai vu un super reportage sur Benini. C'était épatant. Ca m'aide beaucoup. Puis c'est génial, t'as toujours à apprendre. Bref c'est plus qu'un travail. J'y mets beaucoup d'énergie et de passion. Tant de choses à dire. Mais c'est si excitant! Chaque jour j'ouvre ma boite mail en tremblant. J'attends les réponses des chaînes. Parce que je suis fier du résultat. J'ai montré le résultat final à mes deux potes qui m'avaient accompagné en Indo et à mes parents. Je leur ai demandé d'être le plus sincères possibles, de ne pas hésiter à démonter le film s'ils trouvaient ça nuls – à l'unanimité, ils ont trouvé ça bien. On peut douter de la sincérité de mes parents, mais les deux autres, je les crois vraiment. La démago, c'est pas leur genre. Oui, je suis plutôt fier de mes trois films. Faudrait que tu vois, tu comprendrais mieux. Par contre, t'as vu, j'en parle pas. Je préfère que ça reste confidentiel. C'est un concept de film de surf assez original et inédit. J'ai déjà la parano du grand génie [rires] mais j'aimerais pas qu'on me pique mon idée. Donc voilà. Là je continue sur cette lancée. Plus je ferai de films, plus je progresserai, et plus j'aurais de chances de trouver un acheteur. En plus, un seul acheteur peut tout débloquer. Car si mes films arrivent à avoir un peu de visibilité dans le monde du surf, c'est les sponsors qui affluent ensuite et là c'est jackpot. En attendant, je continue ma petite cuisine. Et je continue à endosser tous les rôles. Mais un jour, tu verras, j'aurai un vrai budget avec de vraies destinations inconnues et de vrais acteurs.

Exemple n°3

Le projet Surf’zine de Vincent & Benjamin (in entretien 7)

Je sais pas si Benjamin t'en a parlé mais on a un projet de webzine sur le surf. Lui serait à l'image et aux vidéos. Moi, aux textes. J'aimerais mettre des articles de fond, sur les personnes qui font vivre le surf. L'idée, ce serait d'aller à leur rencontre et de les faire parler sur leur vie. Mais je ne voudrais pas, contrairement à ces interviews à la va-vite qu'on trouve dans tous les magazines de surf, me contenter de poser quatre questions et retranscrire leurs réponses. J'aimerais, d'un, apprendre l'art de mener un entretien – parce que je l'ai fait en école, mais j'ai bien vu que j'étais pas au top. Et surtout, j'aimerais apprendre à analyser l'entretien, à voir, à comprendre au-delà des lignes. Et c'est cette analyse que je voudrai partager sur la toile. Ce serait ça la vraie valeur ajoutée de notre site. Du contenu approfondi.

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La Go Pro est une petite caméra numérique, embarquée et étanche, et à un prix attractif (environ 300 euros) qui permet au surfeur de se filmer et de filmer les autres pendant sa session.

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Diminutifs de Quiksilver et Billabong, les deux géants de l'industrie surf.

157

Un des grands mensuels de surf français

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Le surf-reportage est un reportage touristique sur les différents spots de surf et la pratique du surf dans une région particulière.

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Cf. glossaire.

160

Cf. glossaire.

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L'Indonésie est une destination très à la mode chez les surfeurs (excellentes conditions, coût de la vie modique). Maxime s'y est rendu à deux reprises, un mois à chaque fois.

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De la réflexion. Un vrai plus par rapport à ce qu'on trouve sur le marché. De quoi faire taire tous ceux qui voient dans les surfeurs que des pauvres types sans cervelle!

Il ressort de ces trois exemples plusieurs dimensions fondamentales autour desquelles l’intermittent a cherché à élaborer son projet d’activité : autant de pattes que, pour filer la métaphore du « mouton à cinq pattes » d’Arthur (cf. ch.6.1.1.), l’intermittent va, après avoir fait l’épreuve de leur éparpillement dans la phase transitoire, essayé de rassembler dans une seule et même activité ici.

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