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L’expérience de la réalité : un travail en « liquéfaction »

Dans le document Les intermittents du travail (Page 129-139)

CONCLUSION DE LA SECTION

L ’ EXPERIENCE DE CHERCHEUR OBSERVATEUR PARTICIPANT

5.1. Travail rêvé, travail réel

5.1.2. L’expérience de la réalité : un travail en « liquéfaction »

« La formation initiale […] constitue le premier temps de la construction de l’identité

professionnelle, entendue comme représentation de soi en situation de travail. Référée à un modèle professionnel, cette formation représente une offre de repères identificatoires et permet une articulation entre le pulsionnel et le social, entre l’histoire singulière d’un sujet et l’histoire sociale du groupe de référence. La « mise au travail » est ensuite mise à l’épreuve des représentations du travail, des idéaux professionnels, de la part de soi engagée dans la rencontre avec le modèle initial. Ces représentations se heurtent à l’expérience de réalité. »

Dominique Lhuilier, 2006b, p.278

En paraphrasant Dominique Lhuilier dans la citation ci-dessus, cette mise au travail va se heurter, dès le départ, à « l’expérience de réalité » : les intermittents découvrent, non sans essuyer quelques déconvenues, que la représentation du travail qu’ils s’étaient construite durant leurs années d’étude - le travail rêvé -, ne correspond que peu ou pas à sa réalité. Outre la dimension omniprésente du « stimulacre » qui fera l’objet d’un traitement spécifique dans la partie suivante, l’autre caractéristique majeure de l’insupportable au travail révélée dans les propos tenus par les intermittents sur ce travail normé et normal est sa dimension évanescente, i.e. la brièveté de l’existence de tout ce qui se fait et se crée au travail – du produit à la relation ; constat qui fait écho à celui d’une certaine tendance sociale à la « liquéfaction » de tout ce qui fait corps social (Bauman, 2007 ; Aubert, 2008), où les « formes sociales (les

structures qui limitent les choix individuels, les institutions qui veillent au maintien des traditions, les modes de comportement acceptables) ne peuvent plus – et ne sont plus censées – se maintenir durablement en l’état, parce qu’elles se décomposent en moins de temps qu’il ne leur en faut pour être forgées et se solidifier » (Bauman, 2007, p.7). En d’autres termes,

tout projet de création de travail comme de lien semble avalé aussitôt concrétisé, dans le flot de ceux qui vont suivre. On retrouve là la notion d’homo fluxus évoquée en section I : loin de l’homo faber dont le travail consiste à faire œuvre palpable, concrète et utile, et comporterait, en soi, la condition de sa réalisation (Arendt, 1958), le travail du cadre – cet homo fluxus – ne consiste qu’ à gérer des flux d’information, de « livrables » - i.e. des documents informatisées à destination d’un client interne (ex : notes de service, compte-rendu de réunion, états d’avancement, etc.), ou externe (ex : la « propale »), d’échanges stéréotypées formels (ex : réunions, entretiens clients) ou informels (ex : la pause café, le repas à la cantine), dont il ne perçoit pas ou peu la finalité :

Louis (E8) : Chez X., il n’y avait pas d'horizon, pas de commande précise. On te demandait un travail

un jour, il pouvait être autre le lendemain, et tu mettais de côté celui de la veille, et le lendemain on te demandait de reprendre celui de l'avant avant veille, et etc. T'avais jamais la satisfaction d'un travail fini. Toujours quelque chose sur le feu. T'arrivais au boulot avec la sensation désagréable d'être toujours déjà en retard sur ton travail, et que cette nouvelle journée allait rajouter encore une couche. J'en étais arrivé à perdre de vue ce pourquoi je bossais fondamentalement, et mes journées consistaient à se concentrer sur des micro-taches que j'essayais de boucler. Je me faisais une liste le matin, et je barrais au fur et à mesure dans la journée. Mais des trucs débiles. Style répondre à machin, appeler bidule, compléter tel plan. Mais au moins, ça, je savais que je pouvais le terminer. Donc normal qu'au bout d'un

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certain temps, tu te demandes à quoi ça sert de bosser, si c'est pour ne jamais en voir la fin? En plus, ça a déteint sur moi. Je me disais que j’étais incapable de finir un truc. Bref, je suis effectivement devenu médiocre... M. avait raison sur ce point. Sauf que je dis bien « devenir » et non « être » médiocre. Nuance. Je pense qu'aucun d'entre nous n'étaient médiocres – on était tous diplômés d’école d’ingé et on avait tous un Bac S avec mention, j’appelle pas ça de la médiocrité… Mais notre travail, il pouvait être valorisant sur le papier, il ne l'était pas du tout dans la réalité. On était devenu médiocre par le travail. Mais heureusement, mon exemple montre que c'est réversible ! [rires].

Louis semble, dans des formes assez similaires à celles décrites par les autres intermittents, pris dans une logique du « double-bind » (cf. infra), condamné à ne jamais pouvoir être totalement en mesure de répondre à la commande de travail : « à quoi ça sert si c’est pour

jamais n’en voir la fin ? » se demande Louis ; une frustration qui, au-delà de l’usure

psychique, participe à la perte de confiance de l’individu en ses propres ressources créatives : « je suis effectivement devenu médiocre ». Il garde confiance en ses capacités intellectuelles

« Je pense qu'aucun d'entre nous n'était médiocre – on était tous diplômés d’école d’ingé et on avait tous un Bac S avec mention », mais a perdu foi en l’entreprise et sa capacité à les

utiliser à leur juste valeur : le travail n’était valorisant que « sur le papier ». Louis parle là de valorisation intellectuelle et sociale plus que financière. On rejoint le constat de Dominique Méda et Patricia Mendramin (2010, 2012) évoqué en introduction : il semblerait que, comme la majorité des français, les intermittents attendaient d’abord du travail qu’il les aide à se réaliser. Et le travail « normé et normal » semble, sur ce plan, incapable de tenir sa promesse.

Des promesses non tenues dès le processus d’intégration

Une première désillusion apparaît dès les premiers jours dans l’entreprise : les conditions d’une bonne intégration du nouvel entrant et la fonction d’étayage que sont censés exercer les collaborateurs plus expérimentés, « bonnes pratiques » martelées dans tout bon manuel de gestion des ressources humaines et dont l’entreprise se vante, auprès des étudiants, d’être une des meilleures élèves en la matière – argument d’embauche porteur -, ne sont que peu ou pas suivies d’effet sur le terrain. Le diplôme est pris pour garantie d’expérience, alors que le jeune entrant n’a que celle d’un savoir théorique, vaguement pratique. Dans certaines organisations de travail, où les besoins en main d’œuvre opérationnelle immédiatement sont très forts, les temps de formation des débutants sont compressés voire réduits à néant, et l’erreur n’est que peu ou pas tolérée. Certaines organisations, contraintes par des objectifs de délais à respecter irréalistes et obligées de travailler en flux-tendu, avec la main-d’œuvre d’abord, nient ce rôle primordial qui pourtant leur incombe et qui est celui d’offrir aux nouveaux entrants un cadre temporaire d’apprentissage et d’expérimentation, où l’individu ne sent pas jugé et condamné d’emblée, i.e. un « espace transitionnel » dans la logique Winnicottienne (cf. infra) :

Fabienne (E4) : c’est fou ce qu’un simple bout de papier, le diplôme, qui te fait passer de stagiaire-

apprenante, à infirmière véritable, t’enlève immédiatement ce droit [RdC : Fabienne parle là du droit à l’erreur]. C’est ça qui m’a choquée. Dès mon second jour de travail, j’ai fait une bêtise – je sais, ça la fout mal, mais j’ai trouvé sur le moment personne à qui demander conseil. J’ai fait au feeling. Mauvais feeling. Pour un deuxième jour ça la fout mal. J’ai donné un comprimé entier à un petit alors qu’il lui en fallait qu’une moitié. J’avais demandé au petit, je lui ai fait confiance. Mais c’était un test, on me l’a redit ensuite. Il voulait voir si la nouvelle infirmière avait de la ressource. Et bien cette erreur, j’en ai entendu parler pendant des semaines. Sur le coup, je me suis faite remonter les bretelles. Heureusement pour moi, ce n’était qu’un anti-douleur, la seule conséquence a été que le gamin a dormi plus longtemps. Mais comme l’équipe me l’a dit, les conséquences auraient pu être beaucoup plus graves. C’était clair que je n’avais pas assuré, mais je m’attendais à un peu plus de compréhension de leur part. Mais non, dès mon deuxième jour, j’ai eu droit à des remarques sympas du style « Eh bien, on va les chercher parmi les premières de la promo et encore voilà ce qu’on choppe. Qu’est-ce que ce doit être les autres ! ». J’avoue, niveau étiquette qui colle à la peau, pour un début, je ne pouvais pas mieux faire. Miss la poisse. Je m’en suis voulue, pendant longtemps. C’est en partie pur ça que j’ai demandé très vite à changer de service. Il y avait pas que ça bien sûr ; mais cet exemple t’en dit long sur l’ambiance.

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Ce constat s’applique ici à des organisations de santé. Il m’a paru moins vrai chez les consultant et ingénieurs où, même si certains avouent avoir été « jetés » sur une mission un jour à peine après leur arrivée, il semblerait que ces organisations leur aient, au début, accordé ce temps de latence nécessaire. La prise de conscience des défaillances du travail et la maturation d’un discours critique sur l’organisation associée semblent n’être survenues qu’après ce temps de latence qui a pu aller, selon les cas, de quelques jours à plusieurs mois. Pendant cette période de « grâce », l’individu s’en tenait à une position de récepteur des ordres, des méthodes, des modes d’être de l’organisation. Il répondait en temps et sous la forme voulue aux prescriptions. L’organisation n’y trouvait rien à redire et le contrat de réciprocité était respecté : évaluations positives, augmentation salariales, bonnes relations avec les pairs.

L’illusion d’une initiative personnelle encouragée

La désillusion sur le réel du travail a commencé à poindre quand l’individu a cherché à faire plus que la prescription, répondant d’une part à l’appel de l’organisation qui, soi-disant, encourageait l’initiative personnelle et, d’autre part, à ses propres désirs de développement de l’activité, las d’être réduit à l’exécution de tâches subalternes qui consistaient, pour l’essentiel, en l’application de procédures et qui ne faisaient que peu ou pas appel à son intellect - capacités de réflexion et de résolution de problèmes. Des tentatives pour transformer l’activité dans ce sens étaient parfois encouragées informellement au détour d’une discussion de cafétéria. Très vite, cependant, l’organisation trouvait argument à les faire avorter, comme en témoigne Caroline ici :

Extrait JdB 14 – Note 118, 21/12/2010, L’initiative personnelle découragée

Dans bien des cas, pire que refusée, l’initiative n’est pas considérée et tombe dans l’indifférence. Autrui, jusque-là considéré comme un support, devient un frein à l’activité. Souvent, un simple changement de manager peut entraîner l’effondrement de tout un système de penser et faire le travail auquel l’intermittent s’est accoutumé, parfois pour un mieux, presque toujours pour un pire. Marie a pu en faire les frais. Elle qui s’enorgueillissait de la grande latitude d’action qu’elle avait au départ, se retrouve enfermée dans un carcan de méthodes, encouragées par sa nouvelle manager, qui ne permet pas la prise d’initiative personnelle. Elle dit avoir eu l’impression de régresser à un moment où, confiante, elle pensait que sa carrière allait justement s’envoler (cf. Marie, entretien 5).

L’intermittent se rend compte là de son « désir de métier » (Osty, 2003) comme condition nécessaire à son épanouissement au travail, désir que le fait d’être cadre ne permet pas de satisfaire, contrairement à ce qu’il a pu croire au départ. La notion de « métier » est un concept complexe et difficile à définir de manière univoque et consensuelle, sans confondre

Travail normal et normé : l’initiative personnelle découragée

Caroline : quand la boite te dit qu’elle encourage les initiatives personnelles, j’ai voulu tester. Ah quel

foutage de gueule ! J’ai essayé pourtant. Comme tous mes collègues. Et, tu parles, que du vent ! Des idées, ça oui, y en avait. Du fric, des moyens pour les réaliser, y en avait aussi. Mais y avait pas d’oreilles pour les entendre. Ah ça, pour boire un café et discuter foot, ils étaient toujours là. Mais quand tu leur proposais une nouvelle idée – moi par exemple j’avais lu un truc qui se faisait aux US pour rendre la propale plus percutante, ils étaient comme les chinois. Tu sais. Ils te disaient « oui oui, c’est génial ». Mais dès que tu creusais pour voir comment on pourrait s’organiser pour mettre ça en place, ils se défilaient. Tu pouvais faire du forcing en plantant le doc sur leur bureau (ne jamais envoyer d’emails dans ces cas là, ils les lisent jamais), ils te promettaient de le lire. Tu attendais, attendais, et jamais ils revenaient vers toi. Au début, t’es vexé. A la longue, tu baisses les bras, tu te casses plus la tête et tu attends sagement que l’heure tourne.

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son sens avec celui d’ « emploi » ou « profession » (Piotet, 2002 ; Osty, 2003). Dans le dictionnaire, nous trouvons une première définition sociologique du terme : « travail dont on

peut tirer des revenus pour gagner sa vie », et une deuxième définition qui a trait à

l’expression « avoir du métier » : « Savoir-faire professionnel, grande habileté technique

conférée par l'expérience ». Osty (2003) complète ces deux sens dans la définition suivante :

« Le métier est identifié par les activités qu’il recouvre et les compétences nécessaires pour

l’exercer ». Ainsi, si l’on intègre ces diverses définitions, on peut dire que le « métier » est un « ensemble d’activités, qui impliquent des compétences et un savoir-faire particuliers, au service d’une finalité « alimentaire » - i.e. tirer des revenus pour gagner sa vie ». En ce sens,

être cadre n’était pas perçu comme un métier aux yeux de l’intermittent, puisque cette fonction ne lui a permis de pérenniser l’acquisition d’aucun savoir-faire professionnel concret, ni une habileté technique au service de la réalisation d’un produit concret. Un homme « qui a du métier » peut réinvestir son savoir-faire dans n’importe quelle entreprise. Pour ces cadres, au moment où ils envisagent la sortie, i.e. changer d’entreprise, se pose déjà la question de savoir quelles compétences, savoirs et savoirs-faire spécifiques à l’activité (et non au « statut ») ils ont réellement acquis, réponses qu’ils ont beaucoup de mal à formuler : ils ont l’impression de n’avoir acquis qu’un savoir et un savoir-faire « liquides », qui n’ont d’existence que dans l’organisation fréquentée, voire que sous la tutelle d’un projet spécifique ou d’un manager bien identifié. Ce sont des « savoirs » jetables qu’il va falloir oublier puisque d’aucune utilité pour la nouvelle opportunité qui se présentera. Il n’y a, dans les entreprises fréquentées par ces individus, que peu ou pas de cristallisation des acquis de l’expérience et du savoir, si ce n’est sous la forme d’un référentiel de « bonnes pratiques », soit alimenté ex- nihilo par une entité déconnectée de la pratique et dont l’objet est de produire des « méthodologies » et des « documents-types » dont ces cadres n’auront qu’à « remplir les cases » - c’est notamment le cas dans les grands cabinets de conseil et d’audit qui ont un service de R&D spécifiquement dédiée à la chose ; soit par les membres du management qui repèrent parmi les « livrables » produits, les meilleurs, et les mettent à disposition des membres de l’entreprise pour « réplication ». On pourrait voir dans cette deuxième alternative une contradiction avec les propos précédents : si les managers peuvent repérer parmi les livrables, les meilleurs, c’est que l’initiative doit quelque part être autorisée. Je n’ai pas suffisamment de données à ce sujet me permettant de répondre à ce paradoxe. A mon sens, sur la base de ma propre expérience et de propos que j’ai pu recueillir à ce sujet auprès d’anciens consultants, il existerait, effectivement, des créations originales rendues nécessaires par le constat qu’aucune bonne pratique existante n’est suffisamment appropriée pour traiter un sujet inédit. La plupart du temps, cependant, la solution est un « déjà là ». La réplication reste presque toujours possible. Rares sont les individus qui ont l’opportunité de travailler sur ces créations originales. Ces dernières demeureraient des exceptions et non la règle.

L’illusion d’un management dit « participatif »

Caroline, à l’instar des autres individus étudiés, découvre l’illusion du management participatif:

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Extrait JdB 15 - Note 118, 21/12/2010, Le manager, un vendeur de rêves ?

Caroline nous offre là une démonstration empirique du propos précédent : le manager, sous prétexte de contrainte de temps, refuse d’envisager d’éventuels développements de l’activité, l’individu doit s’en tenir à ce qu’ « on » sait faire – qui dit « on », dit « organisation », dit « application de méthodes toutes faites et déjà éprouvées », et se contenter des miettes d’une activité potentiellement riche. Et s’il ne peut se contenter de ça, on conditionne les éventuels futurs développements de son activité à l’intensification de son activité actuelle.

La relation manager/managé marcherait par ailleurs à sens unique : il n’y aurait pas de réciprocité à son engagement. Qu’on ne reconnaisse pas la qualité de son travail réel pourrait à la limite être toléré, mais qu’on ne le reconnaisse pas en tant qu’être humain, qui a parfois des engagements personnels qui dépassent ceux du travail, devient insupportable :

Extrait JdB 16 - Note 19, 12/04/2010, Travail normal et normé : quand la vie personnelle est niée

Le manager, un marchand de rêves ?

Caroline : Oui, on peut dire que pendant ces trois ans, j’ai assisté au plus long ciné de ma vie. Et la palme

d’or des acteurs, je la descerne à ?.... Mon boss !!! Et oui, c’est bien lui, le grand, l’illustre boss. Super sympa, jeune, il m’a fait croire que je pouvais tout lui demander, qu’on allait bosser ensemble, échanger des idées. Que le management à l’ancienne – je te donne des ordres, tu exécutes, très peu pour lui. Si c’est bien je me tais, si c’est nul, je l’ouvre. Non lui, il préférait qu’on travaille ensemble – certes je devrais rédiger les comptes-rendus [j’aurais du à ce moment là me méfier de ce détail…], mais l’essentiel du taf, on le ferait ensemble. Et puis, si ça marchait entre nous, alors il m’amènerait directement traiter avec les voyagistes d’autres pays – le miroir aux alouettes des voyages à l’étranger, arme redoutable du manager…Du rêve, il m’a vendu du rêve. Au final, je ne suis allée qu’une fois à l’étranger et j’ai surtout servi de secrétaire. Et le travail en équipe, je ne l’ai que vu dans le sens je te donne un ordre, tu exécutes. C’est à peine s’il prenait le temps de me relire. Un jour, je lui ai demandé s’il pensait que « ça marchait entre nous ? ». Il m’a dit oui, bien sûr, qu’il était très content de mon travail et qu’il me faisait entièrement confiance. Il a même ajouté que ça lui faisait du bien de pouvoir se « reposer » sur des collaborateurs de qualité comme moi. Ah ça, pour se reposer, il se reposait…Je lui ai donc tendu la perche sur le ton de l’humour : « Et nos clients à l’étranger, on va les voir quand ? ». Et il m’a répondu sans sourciller « Ah ça ma belle, c’est quand tu m’auras montré que t’en as plus dans le ventre ». T’aurais répondu quoi toi à ça ?

Travail normal et normé : quand la vie personnelle est niée

On était vendredi. Ils avaient une présentation à faire au client le lundi matin suivant, ce qui voulait dire pour David de « boucler » la présentation vendredi à 17h, devant prendre un avion pour Tunis et y passer le weekend pour un mariage dans sa famille [NdC : « boucler » signifie l’avoir réalisée – tâche des auditeurs juniors, et fait valider par le manager – il y a généralement plusieurs allers-retours entre le manager et

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