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6.1.1 Association dépression - démence

Nous avons évoqué à plusieurs reprises la variabilité des résultats dans la littérature concernant l'existence ou non d'une association entre dépression et démence. Nous avons souligné à quel point il est difficile de comparer les différentes études du fait de leurs différences méthodologiques. Cependant, nous avons pu mettre en évidence que les études soutenant l'existence d'une association entre dépression et démence sont plus nombreuses et apparaissent plus valides que celles concluant à l'absence d'association (notamment plusieurs méta-analyses représentant des populations importantes de plusieurs milliers d'individus : 100 000, 50 000 sujets). Dans ces études, le risque relatif de survenue de démence chez les sujets ayant un antécédent de dépression était généralement aux environs de 2, ce qui signifie que le risque de survenue d'une démence apparaît deux fois plus important pour les sujets ayant un antécédent de dépression, comparativement à ceux sans antécédent de dépression.

Ces résultats viennent appuyer l'expérience clinique de nombreux praticiens et nous permettent d'argumenter en faveur de l'existence d'une association positive entre dépression et démence, qu'il s'agisse d'une démence d'Alzheimer ou d'une démence vasculaire. Notre revue de la littérature ne nous permet pas de nous positionner pour ce qui est des démences d'autres étiologies. De plus, notre lecture de la littérature nous amène à soutenir les hypothèses selon lesquelles le risque de survenue d'une démence est corrélé à la récurrence des épisodes dépressifs, voire à leur sévérité. Pour ce qui est des hypothèses selon lesquelles l'association entre dépression et démence serait influencée par d'autres facteurs (niveau d'études, sexe, symptômes dépressifs), il nous semble que la littérature à ce sujet manque d'étayage.

6.1.2 Association dépression - MCI - démence

Bien que souffrant des mêmes inconsistances que celles rencontrées dans l'étude de l'association entre dépression et démence, la littérature apporte de solides arguments en faveur d'une association positive entre dépression et MCI. Ici encore, plusieurs auteurs ont observé une association plus importante en cas de dépression récurrente.

Pour ce qui est de l'association entre dépression et MCI selon les différents sous-types de MCI (aMCI et naMCI), nous n'avons trouvé que peu d'études dans la littérature ; elles ne nous permettent pas à ce jour de nous prononcer.

Nous nous sommes ensuite intéressés à l'impact de la dépression sur la conversion du MCI en démence (tous les MCI n'évoluant pas vers une démence, certains étant réversibles, d'autres se stabilisant). Là encore, les conclusions sont édifiantes puisque presque tous les auteurs observent les mêmes résultats et montrent que la dépression est un facteur de risque de conversion du MCI en démence.

6.1.3 Etude du lien entre dépression et démence

Notre étude de la relation entre dépression et démence a permis de laisser de côté l'approche dichotomique qui a, par le passé, été la règle ; nombre d'auteurs opposant deux hypothèses principales (dépression facteur de risque de démence et dépression prodrome de démence). Notre revue de la littérature tend à mettre en évidence qu'il n'y a pas un mais bien des liens possibles entre dépression et démence, certains pouvant se combiner au sein d'un même tableau clinique.

La première notion essentielle renvoie aux particularités cliniques de la dépression du sujet âgé, puisqu'il s'agit de savoir distinguer les EOD des LOD. En effet, comme nous l'avons évoqué précédemment, il existe des différences cliniques et étiopathogéniques certaines entre les dépressions dont le premier épisode survient avant l'âge de 60 ans et les dépressions dites à début tardif. Cette distinction est nécessaire à la compréhension des liens existants entre dépression et démence. En effet, nous avons apporté des arguments permettant d'avancer que l'essence du lien entre dépression et démence diffère selon la temporalité entre la survenue de ces pathologies. Ainsi, la dépression à début précoce (ou à début tardif mais avec une temporalité entre les diagnostics de dépression et de démence supérieure à 10 ans) apparaît comme un facteur de risque indépendant de démence d'Alzheimer et, bien que la littérature soit moins riche sur le sujet, peut- être également de démence vasculaire.

La dépression à début tardif (temporalité entre les diagnostics de dépression et démence inférieure à 10 ans), quant à elle, peut consister en un symptôme prodromique de la démence d'Alzheimer. Pour

ce qui est des autres types de démence, il existe moins de données et les résultats apparaissent davantage controversés ; cependant, il n'est pas exclu que la dépression à début tardif puisse constituer un symptôme prodromique de démence vasculaire.

L'hypothèse d'un continuum entre dépression et démence, et selon laquelle la dépression en compromettant la réserve cognitive abaisserait le seuil d'apparition des pathologies démentielles est extrêmement séduisante. Cependant, cette théorie ne repose que sur des modèles conceptuels et il serait souhaitable que les travaux futurs soient en mesure de lui apporter de plus hauts niveaux de preuve.

Notre examen de la littérature nous a également permis de mettre en évidence que, si les traitements antidépresseurs semblent plutôt être protecteurs du risque de démence, les traitements par benzodiazépines semblent au contraire de plus en plus incriminés. En effet, plusieurs études ont mis en évidence que la consommation de benzodiazépines après l'âge de 65 ans est un facteur de risque de démence. L'hypothèse concernant cette association serait également une atteinte de la réserve cognitive. Il sera intéressant dans les prochaines années de vérifier la reproductibilité de ces résultats sur des populations plus jeunes.

Au vu des arguments développés ci-dessus et de notre lecture de la littérature, l'hypothèse selon laquelle dépression et démence ne seraient liées que par le partage de facteurs de risque communs nous semble peu plausible. En revanche, force est de constater que dépression et démence partagent de nombreux facteurs de risque qui concourent forcément à la relation entre ces deux entités (sexe féminin, avancée en âge, antécédents et facteurs de risque vasculaires, statut économique précaire, faibles stratégies d'adaptation, troubles de la personnalité du cluster C, célibat, isolement social).

Enfin, l'hypothèse selon laquelle la dépression surviendrait en réaction au déclin cognitif est peu étayée dans la littérature et apparaît davantage controversée que les autres hypothèses que nous avons présentées. Si cette modalité de lien existait entre dépression et démence, il nous semble qu'elle ne concernerait probablement qu'un nombre limité de cas.