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2.3 Tableaux cliniques les plus fréquents

2.3.2 Les particularités du tableau clinique chez le sujet âgé

2.3.2.5 Dépression à début précoce versus dépression à début tardif

L'existence de différences notables entre les EOD (Early Onset Depression ou dépression du sujet âgé avec un âge de survenue du premier épisode "précoce") et les LOD (Late Onset Depression ou dépression du sujet âgé avec un âge de survenue du premier épisode "tardif") est désormais bien étayée dans la littérature. On note des variabilités dans les résultats qui semblent majoritairement dues au choix de l'âge considéré comme la limite entre ces deux entités ; généralement, les auteurs retiennent l'âge de soixante ans.

2.3.2.5.1 Des différences cliniques

Sur le plan clinique, les sujets atteints d'une EOD ressentiraient plus de tristesse, auraient plus de sentiment d'inutilité et de culpabilité, plus d'idéations suicidaires que ceux souffrant d'une LOD (71)(72). En revanche, les patients avec une LOD seraient plus apathiques, plus asthéniques, auraient plus de troubles cognitifs et plus de perte d'appétit et de poids (72)(73)(71). Dans leur revue de la littérature, Schweitzer et al ont noté que la plupart des études rapportaient un risque plus élevé de démence chez les patients atteints d'une LOD comparativement aux EOD (74).

Les sujets souffrant d'une EOD semblent avoir plus d'antécédents et de comorbidités psychiatriques que ceux avec une LOD. Korten et al et Voshaar et al ont rapporté chez les patients avec une EOD plus d'antécédents personnels et familiaux de dépression, plus d'antécédents d'hospitalisation en unité psychiatrique, de tentative de suicide, d'automutilation, plus de comorbidités anxieuses, d'addiction à l'alcool et de troubles de la personnalité (72)(75).

2.3.2.5.2 Des différences étiopathogéniques

De nombreux auteurs ont souligné les différences étiopathogéniques entre les EOD et les LOD. Pour la plupart d'entre eux, les EOD seraient davantage expliquées par des facteurs psychosociaux, tandis que les LOD seraient liées à des facteurs neurobiologiques. Ainsi, Grace et O'Brien ont comparé le rôle de certains facteurs psychosociaux (évènements de vie difficiles, support social) dans la dépression du sujet âgé ; leur hypothèse était que ces facteurs seraient associés avec les EOD mais pas avec les LOD (76). Effectivement, des évènements de vie traumatiques tels que le deuil étaient significativement plus fréquents chez les patients souffrant d'une EOD, comparativement à ceux atteints d'une LOD et aux sujets témoins dénués de dépression. De plus, les sujets souffrant d'une EOD étaient plus isolés sur le plan social puisqu'ils avaient moins fréquemment une personne proche à qui se confier.

Janssen et ses collaborateurs soutiennent également que les mécanismes physiopathologiques pouvant mener à une dépression diffèrent selon l'âge de survenue du premier épisode (77). Afin de conforter leur hypothèse, ils ont réalisé une étude comparant le volume des hippocampes et les lésions de la substance blanche chez des sujets sains, ainsi que des sujets avec EOD et LOD présentant tous un trouble dépressif récurrent. Les sujets avec EOD et LOD avaient une diminution significative du volume de l'hippocampe par rapport aux témoins, mais il n'y avait pas de différence entre eux. En revanche, les sujets avec une LOD avaient plus de lésions de la substance blanche que les autres. Selon les auteurs, la dépression à début tardif serait favorisée par des facteurs de risque cardio-vasculaire et les lésions de la substance blanche seraient un intermédiaire entre pathologie cérébrovasculaire et dépression. Les auteurs renvoient au concept de dépression vasculaire.

D'autres études renforcent l'hypothèse que les LOD sont secondaires à des lésions cérébrovasculaires sous-corticales (78). Ainsi, Feng et al ont observé que les patients avec une LOD avaient plus de micro-saignements que ceux avec une EOD et les sujets témoins (79). De plus, les sujets ayant un grand nombre de micro-saignements avaient les dépressions à début tardif les plus sévères.

Pour certains auteurs, les modifications cérébrales associées à la dépression du sujet âgé ne sont pas limitées aux lésions vasculaires. Kumar et al avaient mis en évidence une atrophie des lobes frontaux

chez les sujets âgés dépressifs (80). Almeida et al ont comparé la taille des lobes frontaux des patients souffrant d'une EOD à ceux atteints d'une LOD (81). Ils ont observé une diminution du volume du lobe frontal droit chez les sujets atteints d'une LOD de 8% par rapport aux sujets témoins et de 5,6% par rapport aux patients avec une EOD ; le volume du lobe frontal gauche n'était pas différent selon les sujets. Pour les auteurs, ces résultats corroborent l'hypothèse fronto-striatale de la dépression et suggèrent que des modifications structurelles du cerveau ont un rôle particulier dans la dépression à début tardif.

Si beaucoup d'études appuient l'hypothèse étiologique neuroanatomique de la dépression à début tardif, d'autres études ont mis en avant la dimension clinique et psychologique de cette pathologie et notamment le poids que peuvent constituer les comorbidités médicales, d'autant plus chez les sujets isolés socialement ou ayant une personnalité fragile (82).

De plus, aucun consensus n'a été établi et l'hypothèse de dépression vasculaire tardive n'a pas été validée de façon claire. Santos Brosch rapporte que l'analyse neuropathologique de 38 cas autopsiés ayant développé une dépression tardive et de 29 sujets témoins n'a pas montré d'association entre la présence de lacunes sous-corticales et le diagnostic de dépression (82).

2.3.2.6 Autres formes cliniques

Comme en population générale, il s'agit du trouble dysthymique, du trouble dépressif récurrent, du trouble de l'adaptation avec humeur dépressive, etc. Il paraît important chez le sujet âgé de ne pas sous-estimer les dépressions sub-syndromiques qui se caractérisent par la présence de symptômes dépressifs en nombre insuffisant pour pouvoir porter le diagnostic d'EDM. En effet, Judd et al rapportent, chez la personne âgée, un retentissement fonctionnel de ce type de symptomatologie pouvant être aussi handicapant que lors d'un EDM (83).