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4.2 Dépression et démence : une relation complexe

4.2.1 Une littérature foisonnante, des résultats contradictoires : Il y a-t-il un lien ?

4.2.1.2 Association positive entre dépression et démence

Dans leur méta-analyse, Ownby et al ont examiné toutes les études traitant de la relation entre dépression et maladie d’Alzheimer (242). Etaient inclues les études permettant le calcul d'un rapport de cote ou Odd Ratio (OR) pour le risque de développer la maladie d’Alzheimer ou une démence proche de la maladie d’Alzheimer chez des sujets ayant un antécédent de dépression par comparaison avec ceux sans antécédent de dépression. Etaient exclues les études incluant des

patients ayant un diagnostic de démence vasculaire et celles dont les critères diagnostiques de dépression ou de maladie d’Alzheimer étaient vagues. Vingt études répondant à ces critères ont été retenues (sur 153 potentielles), représentant 102 172 participants de huit pays différents, chacune répondant aux critères de qualité de Newcastle Ottawa. Les résultats de cette méta-analyse montrent qu'il existe une relation entre antécédent de dépression et survenue d'une maladie d’Alzheimer avec un OR de 2,03 [IC95% 1,73-2,38] pour les enquêtes cas-témoins et de 1,90 [IC95% 1,55-2,33] pour les études de cohorte ; un antécédent de dépression double le risque de survenue d'une démence de type Alzheimer.

Jorm et al ont eux aussi réalisé une méta-analyse ; cette fois en répertoriant les études traitant de la relation entre dépression et démence (maladie d'Alzheimer et autres causes de démence) (243). Quatorze études ont été retenues : sept études de cohorte et sept enquêtes cas-témoins. Les résultats sont superposables à ceux observés par Ownby et al, montrant une association entre dépression et démence (OR 1,87 [IC95% 1,09-3,20] pour les études de cohorte, OR 2,01 [IC95% 1,16- 3,50] pour les enquêtes cas-témoins).

Plus récemment, Diniz et al ont également mené une méta-analyse examinant la relation entre dépression du sujet âgé et démence, en effectuant des analyses séparées selon le type de démence (maladie d'Alzheimer, démence vasculaire et autres démences plus rares) (244). Au total, 23 études ont été inclues sur 1839 références de la littérature ; cela représentait un pool de 49 612 sujets (dont 5116 avec une dépression et 44 496 sujets témoins non dépressifs). Les analyses étaient fondées sur 28 746 participants pour la maladie d'Alzheimer (3437 sujets dépressifs, 25 309 témoins) et sur 14 901 participants pour la démence vasculaire (1801 sujets dépressifs, 13 100 témoins). Les résultats montraient une association entre la dépression du sujet âgé et le risque de démence de tous types (OR 1,85 [IC95% 1,67-2,04]), de démence d'Alzheimer (OR 1,65 [IC95% 1,42-1,92]) et de démence vasculaire (OR 2,52 [IC95% 1,77-3,59]). Le risque était plus élevé pour la démence vasculaire que la maladie d'Alzheimer.

Des auteurs ont estimé que le risque de survenue de démence était corrélé à la sévérité de l'épisode dépressif, d'autres au nombre d'épisodes dépressifs.

4.2.1.2.1 Risque de survenue d'une démence selon la sévérité de l'épisode dépressif

Yaffe et al ont mis en évidence l'existence d'une association entre symptomatologie dépressive et déclin cognitif chez la femme âgée (245). Ils ont réalisé une étude de cohorte prospective multicentrique aux Etats-Unis entre 1986 et 1994 incluant 7511 femmes âgés de 65 ans et plus non démentes. Au cours du suivi, des tests ont été réalisés permettant de statuer sur l'état thymique et cognitif. Avoir des symptômes dépressifs était associé à de moins bonnes performances cognitives à

l'inclusion. Au terme des quatre ans de suivi, les sujets ayant des symptômes dépressifs présentaient plus de déclin cognitif que les autres. De plus, l'importance du déclin cognitif était corrélée à la sévérité de la dépression puisque, en prenant le groupe 0 à 2 symptômes dépressifs comme référence, le risque de déclin cognitif était multiplié par 1,6 pour le groupe 3 à 5 symptômes (OR 1,6 [IC95% 1,3-2,1]) et par 2,3 pour le groupe 6 symptômes ou plus (OR 2,3 [IC95% 1,6-3,3]).

Saczynski et al ont observé que la dépression était associée à une augmentation du risque de démence de tous types dans une cohorte prospective de sujets âgés suivis pendant 17 ans (246). Les sujets dépressifs avaient une augmentation du risque de survenue de démence de plus de 50% par rapport aux sujets non dépressifs (Hazard Ratio = HR 1,72 [IC95% 1,04-2,84]). La prise d'un traitement antidépresseur ne diminuait pas le risque de survenue de démence et, comme dans l'étude précédente, plus le nombre de symptômes dépressifs était grand, plus le risque de survenue d'une démence était grand. Chen et al ont aussi étudié l'association entre dépression et démence dans deux cohortes de sujets âgés (en Chine et en Angleterre) (247). Les sujets étaient répartis dans différents groupes, de 0 à 4 selon la sévérité de la dépression, un niveau 3 correspondant à un épisode nécessitant une intervention thérapeutique. Seuls les sujets ayant les épisodes dépressifs les plus sévères, ce qui correspond dans cette étude au niveau 4, étaient à risque de développer une démence HR 5,05 [IC95% 1,56-16,3] à 1 an de suivi, HR 2,13 [IC95% 1,12-4,06] à 2 ans de suivi et HR 2,45 [IC95% 1,17-5,15] à 4 ans de suivi. De plus, le risque était plus grand chez les sujets les plus jeunes.

4.2.1.2.2 Risque de survenue d'une démence selon le nombre d'épisodes dépressifs

Plusieurs études ont mis en évidence un effet cumulatif du nombre d'épisodes dépressifs ou de leur durée sur le risque d'apparition d'une démence.

Ainsi, une étude danoise ayant inclus 18 726 sujets hospitalisés pour épisode dépressif a analysé le taux de survenue d'une démence en fonction du nombre de réadmissions pour dépression (248). Le risque de survenue d'une démence augmentait de 13% par épisode dépressif dont la sévérité est suffisante pour nécessiter une hospitalisation. Dotson et al ont observé des résultats similaires puisque d'après leur étude chaque épisode dépressif était associé à une augmentation de 14% du risque de survenue de démence, quelle qu'en soit l'étiologie (249).

Plus récemment, Olazaran et al ont étudié l'effet cumulatif de la dépression sur la prévalence de la démence et de la maladie d'Alzheimer (250). Leurs analyses prenaient soin de discerner les sujets sans antécédent de dépression, ceux avec antécédent de dépression, ceux souffrant de dépression au moment de l'étude uniquement et ceux souffrant de dépression au moment de l'étude et ayant eu d'autres épisodes dans le passé. Dans cette étude, les facteurs de risque cardio-vasculaire étaient

pris en compte. Les résultats mettaient en évidence une augmentation du risque de démence et de maladie d'Alzheimer pour les groupes "dépression actuelle" (démence : OR 1,84 [IC95% 1,01-3,35], maladie d'Alzheimer : OR 1,98 [IC95% 0,98-3,99]) et "dépression actuelle avec antécédent d'épisode antérieur" (démence : OR 2,73 [IC95% 1,08-6,87], maladie d'Alzheimer : OR 3,98 [IC95% 1,48-10,71]), mais pas pour le groupe "antécédent de dépression". Ainsi, les auteurs ont conclu à l'existence d'un effet cumulé en fonction du temps passé avec des symptômes dépressifs sur le risque d'apparition d'une pathologie démentielle et notamment d'une maladie d'Alzheimer.