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Après avoir essayé d'appréhender au mieux l'association entre dépression et démence, nous allons désormais nous attacher à étudier la relation entre dépression et MCI, puis l'imputabilité de la dépression dans la conversion du MCI en démence.

4.3.1 Etude de l'association entre dépression et MCI

La relation entre dépression et MCI a largement été étudiée dans la littérature. Comme pour l'étude de l'association entre dépression et démence, on note une grande variabilité des résultats, certains auteurs ayant observé une association positive entre dépression et MCI, d'autres non. Les hypothèses retenues pour expliquer ces divergences sont les mêmes que celles avancées

précédemment dans l'étude de l'association entre dépression et démence : disparité des populations étudiées, des définitions utilisées, des critères diagnostiques, etc.

Dans leur revue de la littérature, Hermida et al ont rapporté sept grandes études (incluant chacune plus de 1000 sujets) examinant le rôle de la dépression dans la survenue du MCI (240). Quatre d'entre-elles concluaient à une association positive, tandis que les trois autres ne retrouvaient pas d'association.

Gao et al ont réalisé une méta-analyse des études qui examinaient la relation entre dépression, démence et MCI (262). Parmi les 124 études préalablement sélectionnées, 12 ont été inclues. Sur ces 12 études, quatre comparaient l'incidence du MCI chez des sujets souffrant de dépression et d'autres qui en étaient indemnes (les autres études comparaient l'incidence de la démence d'Alzheimer, de la démence vasculaire et des démences sans précision chez des sujets dépressifs ou non). D'après les résultats de cette méta-analyse, l'incidence du MCI était deux fois plus élevée chez les sujets souffrant de dépression que chez ceux qui en étaient indemnes (RR 1,97 [IC95% : 1,53-2,54]).

Steenland et al ont conduit une étude prospective multicentrique (30 centres de recherche aux Etats- Unis) de 2005 à 2011, incluant 8107 individus (5607 sans trouble cognitif, 2500 souffrant de MCI) (263). Ils avaient pour objectif d'examiner l'impact de la dépression dans la survenue du MCI et dans la conversion du MCI en démence. Ils ont observé des résultats similaires à ceux de Gao et al, avec toutefois des précisions intéressantes notamment sur l'impact de la temporalité de survenue de l'épisode dépressif dans l'association avec le MCI (dépression à début précoce versus dépression à début tardif). D'après leurs résultats :

 A l'inclusion, la dépression était associée à des déficits cognitifs chez les sujets sans trouble cognitif avéré autant que chez les sujets atteints de MCI.

 Un épisode dépressif récent (dans les deux annnées précédant le diagnostic de MCI) était un important facteur de risque de MCI, contrairement à un épisode dépressif plus ancien (respectivement RR 2,35 [IC95% 1,86-2,96], RR 1,00 [IC95% 0,81-1,23]).

 Les sujets atteints d'une dépression récurrente avaient un plus grand risque de survenue de MCI que ceux qui souffraient d'un épisode dépressif à l'inclusion et obtenaient un état de rémission (respectivement RR 2,35 [IC95% 1,86-2,96] ; RR 1,41 [IC95% 1,01-1,95]).

 L'augmentation du risque de MCI chez les sujets souffrant de dépression n'était pas modifiée par la prise d'un traitement antidépresseur, le génotype de l'ApoE, le sous-type de MCI (amnestic MCI ou aMCI ou MCI avec prédominance de troubles mnésiques ; non-amnestic MCI ou naMCI ou MCI avec prédominance de déficits cognitifs dans d'autres domaines que la mémoire).

Ravaglia et al ont également observé une association positive entre symptômes dépressifs et MCI (264). Cependant, contrairement à Steenland et al, ils ont observé une association plus forte avec le sous-type de MCI sans altération des fonctions mnésiques (naMCI). Barnes et al ont aussi démontré une association positive entre dépression et MCI ; selon eux, cette association serait indépendante de la présence ou non d'une comorbidité vasculaire (265).

Dotson et al, dans leur étude de cohorte prospective de 1239 sujets, suivis pendant une durée médiane de 24,7 ans, ont observé que chaque épisode dépressif était associé à une augmentation du risque de démence de 14% (249). En revanche, d'après leurs résultats, la récurrence d'épisodes dépressifs n'entrainait pas d'augmentation du risque de MCI. Cependant, dans leurs analyses, ils excluaient les sujets MCI développant ultérieurement une démence et ne recrutaient donc que les individus présentant un MCI évoluant vers une rémission ou se stabilisant. De plus, il y avait une prédominance de sujets présentant un aMCI dans leur étude. Or, comme nous l'avons évoqué ci- dessus, certains auteurs dont Ravaglia et al ont observé que l'association entre dépression et MCI était plus forte avec le sous-type naMCI qu'avec le sous-type aMCI.

Bien qu'aucun consensus n'ait été établi, la littérature apporte de solides arguments laissant supposer qu'il existe une association entre dépression et MCI.

4.3.2 La dépression : facteur de risque de conversion du MCI en démence ?

Comme nous l'avons évoqué précédemment, l'évolution du MCI est variable, le trouble pouvant se stabiliser, être réversible ou évoluer vers une démence. Plusieurs auteurs ont examiné le rôle de la dépression dans la conversion du MCI en démence.

Richard et al ont mis en place une étude de cohorte prospective à New York incluant 2160 individus âgés de 65 ans et plus (266). Parmi eux, 320 avaient un MCI (160 aMCI, 160 naMCI). Au terme d'un suivi de 5,1 ans en moyenne, une conversion du MCI en démence a été observée chez 67 d'entre eux, soit un taux de conversion de 20,9%. Les sujets souffrant de MCI et de dépression avaient deux fois plus de risque de développer une démence que ceux atteints de MCI sans dépression (HR 2,0 [IC95% 1,2-3,4]), le risque était particulièrement majoré pour la démence vasculaire (HR 4,3 [IC95% 1,1- 17,0]), mais pas pour la démence d'Alzheimer (HR 1,9 [IC95% 1,0-3,6]). Le risque de conversion de MCI en démence était identique pour les différents sous-types de MCI (aMCI et naMCI).

Gabryelewicz et al ont également démontré que la dépression était un facteur de risque de conversion du MCI en démence (178). Contrairement à Richard et al, ils ont observé des différences dans les taux de conversion selon les sous-types de MCI, avec un risque majoré chez les sujets présentant un mdMCI (multiple domains MCI correspondant à l'altération de la mémoire et d'au moins une autre fonction cognitive) par comparaison avec les aMCI. Il est intéressant de noter que

les sujets mdMCI ayant progressé vers une démence étaient plus souvent porteurs de l'allèle epsilon 4 de l'apolipoprotéine E et avaient une homocystéinémie plus élevée que les non-convertisseurs. Dans leur étude de cohorte prospective de 114 sujets atteints d'aMCI suivis pendant 3 ans, Modrego et Ferrandez ont essayé de déterminer l'impact de la dépression sur la conversion en démence d'Alzheimer (267). D'après leurs résultats, les sujets atteints d'aMCI et de dépression étaient 2,6 fois plus à risque de développer une démence d'Alzheimer que les sujets aMCI sans dépression (HR 2,6 [IC95% 1,8-3,6]). De plus, les auteurs ont observé que parmi les sujets ayant développé une démence, la progression vers la pathologie démentielle était plus rapide chez les sujets dépressifs que chez les non-dépressifs et plus fréquente chez les sujets dépressifs non-répondeurs aux traitements antidépresseurs que chez les répondeurs.

Lu et al ont également montré que la dépression est un facteur de risque de conversion du aMCI en démence d'Alzheimer (268). De plus, ils ont mis en évidence que le taux de conversion était moins élevé chez les sujets aMCI présentant une dépression et traités par donepezil (un inhibiteur de la cholinestérase) par comparaison avec ceux traités par placebo. Les auteurs ne retrouvaient pas de réduction concomitante de la symptomatologie dépressive. Le traitement par donepezil ne montrait pas d'effet chez les sujets non dépressifs. Bien qu'ils méritent d'être répliqués, ces résultats sont intéressants puisqu'ils laissent entendre que le repérage des symptômes dépressifs chez les sujets présentant un aMCI permettrait d'identifier les individus susceptibles de répondre aux interventions thérapeutiques.

Palmer et al n'ont pas trouvé de tels résultats dans leur étude de cohorte de 131 individus présentant un aMCI (269). En effet, ils n'ont pas observé d'augmentation du risque de conversion du aMCI en démence d'Alzheimer chez les sujets dépressifs comparativement aux non-dépressifs (HR 0,6 [IC95% 0,2-1,8]). En revanche, les sujets souffrant d'aMCI et d'apathie avaient un risque sept fois plus grand de conversion en démence d'Alzheimer que les sujets souffrant d'aMCI sans apathie (HR 6,9 [IC95% 2,3-20,6]). D'après les auteurs, l'apathie et non la dépression serait prédictive de la conversion du aMCI en démence d'Alzheimer.

Nombre d'auteurs considèrent que la dépression est un facteur de risque à part entière de conversion du MCI en démence. Certains ont essayé d'apporter des précisions ; ainsi, selon Hsiao et Teng, les sujets souffrant d'un aMCI évolueraient davantage vers une démence d'Alzheimer que ceux atteints d'un mdMCI ou naMCI (270). Au vu des contradictions trouvées dans la littérature, il est difficile à ce jour de déterminer si le taux de conversion diffère selon les sous-types de MCI.

5 Etude du lien entre trouble dépressif unipolaire et trouble neurocognitif