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2.3 Tableaux cliniques les plus fréquents

2.3.2 Les particularités du tableau clinique chez le sujet âgé

2.3.2.3 Le concept de dépression vasculaire

L'existence d'un lien de causalité entre lésions vasculaires et dépression est une théorie datant du début du vingtième siècle. Gaupp et Kraeplin l'avaient déjà évoqué sous le terme d'

arteriosklerotische depressive erkrankungen (maladie dépressive artérioscléreuse) (54). Par la suite,

dépressif. Certains ont mis en évidence le lien entre dépression et accident vasculaire cérébral et donné naissance à la notion de dépression post-AVC (55). D'autres, comme Tiemeier et al, ont observé une plus grande prévalence de troubles dépressifs chez les patients âgés présentant les pathologies artériosclérotiques les plus sévères (56). En 1995, Krishnan et McDonald ont décrit la dépression artériosclérotique qui consistait en la survenue d'épisodes dépressifs chez des sujets ayant un antécédent d'accident cérébrovasculaire ou des anomalies ischémiques à l'imagerie cérébrale (57). Ce sont Alexopoulos et ses collaborateurs qui, après avoir relevé la forte prévalence de troubles neurologiques chez les sujets présentant un premier épisode dépressif tardif, ont introduit le terme de dépression vasculaire et les critères permettant de porter ce diagnostic (58). 2.3.2.3.2 Diagnostic

Dans leur revue de la littérature, Thuile et al rapportent les critères des dépressions vasculaires, tels qu'ils ont été définis par Alexopoulos et al. Ils comprennent deux caractéristiques principales obligatoires et des caractéristiques secondaires qui ne sont pas systématiquement présentes (59) :

 Caractéristiques principales

- Pathologie vasculaire évidente

 cliniquement : antécédents d'accidents vasculaires cérébraux ou d'accidents ischémiques transitoires, signes neurologiques focalisés, fibrillation auriculaire, douleurs angineuses, antécédents d'infarctus du myocarde, sténoses carotidiennes

 ET/OU sur les résultats d'examens complémentaires : hypersignaux significatifs de la substance blanche dans le territoire des artères perforantes, séquelle d'infarctus cérébral, occlusion carotidienne, sténose des artères du polygone de Willis

 OU facteurs de risques cardio-vasculaires : hypertension artérielle, dyslipidémie

- Dépression débutant après 65 ans ou changement dans le cours évolutif d'un épisode dépressif après le début d'une pathologie vasculaire chez un patient présentant une dépression de début non tardif

 Caractéristiques secondaires

- altération des fonctions cognitives, essentiellement des fonctions exécutives (planification, organisation, séquençage, capacités d'abstraction)

- ralentissement psychomoteur

- faible insight

- absence d'antécédent familial de trouble de l'humeur

- idéation dépressive peu exprimée (peu de sentiment d'inutilité, de culpabilité, etc.) 2.3.2.3.3 Limites du concept

Le concept de la dépression vasculaire est construit sur un raisonnement neuroanatomique. Selon cette hypothèse, la présence de lésions vasculaires affectant les connexions entre le lobe frontal et les structures sous-corticales impliquées dans la régulation thymique (notamment les ganglions de la base, le thalamus et l'amygdale) entraînerait, perpétuerait ou aggraverait les symptômes dépressifs (60).

Tous les auteurs ne s'entendent pas sur la définition précise de la dépression vasculaire, qui est encore en évolution et a été renommée "dépression ischémique sous-corticale" par Krishnan et al (61). D'ailleurs, tous ne sont pas d'accord sur la validité d'un tel concept, bien que dans leur revue de la littérature Thuile et al concluent en faveur du concept de dépression vasculaire (59). Le lien de causalité est l'élément le plus discuté du concept de dépression vasculaire. En effet, beaucoup d'études ont montré que la dépression est un facteur de risque indépendant de coronaropathie, de mortalité cardiaque et d'accident vasculaire cérébral (62)(63). De nombreux auteurs insistent sur la complexité de l'association entre dépression et pathologie vasculaire et invitent à envisager un modèle relationnel bidirectionnel entre ces deux entités qui pourraient avoir des origines étiopathogéniques communes (64).

2.3.2.3.4 Evolution et pronostic

Les dépressions vasculaires sont réputées chimio-résistantes (65). Simpson et al ont mis en évidence que ce sont les lésions de la substance blanche profonde dans les régions frontales, dans les noyaux gris et dans la formation réticulée qui seraient prédictives d'une mauvaise réponse pharmacologique (66).

De plus, il semble que les rechutes soient fréquentes. Yanai et al ont comparé l'évolution à trois ans de 64 sujets âgés de 50 ans et plus souffrant d'un épisode dépressif unipolaire dont 32 présentaient des signes radiologiques d'accidents vasculaires cérébraux silencieux à l'IRM et 32 ne présentaient pas d'anomalie radiologique (67). Les sujets ayant des antécédents d'accidents vasculaires cérébraux silencieux ont été plus souvent réhospitalisés pour des rechutes dépressives que les autres.

Taylor et al ont mis en évidence, dans leur étude de cohorte de 133 patients dépressifs âgés, que les sujets ayant atteint la rémission présentaient une moindre augmentation du volume des hypersignaux de la substance blanche au terme de deux ans de suivi (68). Le mauvais pronostic des dépressions vasculaires serait donc favorisé par la progression des hypersignaux de la substance blanche. Selon les auteurs, la recherche doit désormais s'orienter sur les moyens à mettre en œuvre

pour ralentir cette progression notamment sur le dépistage et la prise en charge des facteurs de risques cérébrovasculaires.

Si l'on se réfère au modèle relationnel bidirectionnel entre dépression et pathologie vasculaire, il est nécessaire de prendre en compte à la fois l'évolution de l'état dépressif et de la pathologie vasculaire, la persistance ou l'aggravation de l'un favorisant l'autre. Des auteurs se sont interrogés sur le risque d'évolution démentielle d'une telle pathologie ; elle toucherait environ un quart des sujets selon Hickie et al (69). Mais, il est nécessaire de rester prudent quand à ces résultats car pour réellement individualiser l'effet de la dépression vasculaire sur le risque d'évolution démentielle, il faudrait réussir à différencier le risque lié à la dépression vasculaire, à la dépression et à la pathologie vasculaire, ce qui n'est pas le cas dans cette étude. Nous essaierons de répondre à cette question dans la suite de notre travail.