• Aucun résultat trouvé

3.1 Les pathologies démentielles avant le DSM-5

3.1.1 Démence

3.1.1.3 Etiologie et formes cliniques

Les pathologies démentielles sont classées selon le mécanisme physiopathologique en cause, sachant que le diagnostic étiologique est le plus souvent de probabilité et repose sur un faisceau d’arguments anamnestiques, cliniques et paracliniques.

La maladie d’Alzheimer représente environ 65 à 70 % des démences, suivie des démences vasculaires pour 10 %, des démences mixtes pour 20 % (168).

Les principales causes de démence sont :

 Dégénératives

- démence de type Alzheimer

- démence fronto-temporale dont la maladie de Pick

- démence à corps de Lewy

- démence sous-corticale (maladies de Parkinson, de Huntington)

 Cérébrovasculaires

- démence par infarctus unique ou multiple

- maladie de Binswanger

 Traumatiques ou apparentées

- traumatisme crânien

- anoxie cérébrale

- hématome sous-dural chronique

- hydrocéphalie à pression normale

- métastases ou tumeurs primitives cérébrales

- démence des boxeurs

 Infectieuses

- démences liées au VIH - syphilis tertiaire

- maladie de Creutzfeldt-Jakob

 Toxiques ou carentielles - intoxication alcoolique - hypothyroïdie

- carences en vitamine B12, en folates - solvants organiques

3.1.1.3.1 La démence de type Alzheimer

La démence de type Alzheimer a été décrite pour la première fois le 4 novembre 1906 lors des trente-septièmes rencontres des médecins aliénistes à Tübingen par la présentation du cas « Auguste D » faite par Alzheimer. En 1898, Redlich avait décrit le premier des plaques de sclérose miliaire comme caractéristiques des lésions du cortex dans les démences séniles. Alzheimer avait, dans son travail intitulé « Nouveaux travaux sur la démence sénile », fait la preuve que ces lésions n’étaient

pas liées à l’athérosclérose. La maladie d’Alzheimer représente le modèle de référence pour la démence et sa physiopathologie est celle qui a été la plus étudiée.

Les lésions anatomo-pathologiques suspectées d’être responsables de la maladie d’Alzheimer sont :

 les plaques séniles, dont Divry a montré en 1927 qu’elles sont constituées de substances amyloïdes (169), elles-mêmes composées de peptides bêta-amyloïde (Glenner et Wong, 1984, (170)). Ce peptide est produit par la scission anormale de la protéine APP (Amyloid

Precursor Protein), sous l’influence de facteurs génétiques. D’autres facteurs agiraient au

niveau de la formation même des plaques séniles, faisant intervenir l’apolipoprotéine E. Il existe également une composante inflammatoire puisque le peptide bêta-amyloïde activerait des cellules microgliales avec sécrétion de cytokines et de radicaux libres toxiques pour les cellules.

Brion et al mettent en évidence en 1985 que la dégénérescence neurofibrillaire dans le cytoplasme des neurones consiste en une accumulation d’enchevêtrements de filaments constitués d’une protéine tau (tubulin associated unit) et de tubuline (171). Ces filaments favorisent la dégénérescence et la mort neuronale en déstabilisant les fonctions essentielles des neurones.

Il est à noter que les lésions retentissent d’abord sur le fonctionnement synaptique avant de provoquer la mort neuronale et que de nouveaux réseaux neuronaux entrent en activité afin de compenser les dysfonctionnements, expliquant la fluctuation des symptômes.

Les lésions apparaissent d’abord au niveau des régions hippocampiques, atteignent ensuite les cortex des régions associatives postérieures puis frontales. L’atrophie corticale et sous-corticale est une conséquence de la mort neuronale. Les lésions provoquent un déficit de tous les neurotransmetteurs, mais les voies cholinergiques sont principalement atteintes. De plus, il est établi que le déficit du système cholinergique a un rôle déterminant dans les désordres cognitifs de la maladie d’Alzheimer, expliquant les choix des thérapeutiques actuelles.

Plusieurs étiologies ont été retenues :

 formes génétiques liées à des mutations pathologiques dont trois ont été reconnues, portant sur des gènes situés sur les chromosomes 1, 14 et 21. Elles représentent moins de 1% des cas et surviennent tôt dans la vie, en général avant 65 ans et, dans de rares cas chez des patients très jeunes (30-35 ans).

 formes sporadiques qui représentent 99% des cas et dont les causes demeurent à ce jour encore inconnues bien que des facteurs de risque aient été identifiés (qui seront développés ci-dessous).

L’expression clinique de la maladie est très variable d’un individu à l’autre en fonction de facteurs tels que l’âge de début, la rapidité d’évolution, les niveaux cognitif et éducatif antérieurs, les traits de personnalité, l’implication de l’entourage, l’hétérogénéité des troubles cognitifs et comportementaux. Dans la forme typique, les déficits apparaissent de façon insidieuse, l’évolution est lente et progressive. On distingue trois stades :

 une phase de début marquée par des troubles mnésiques atteignant dans un premier temps la mémoire antérograde tandis que la mémoire rétrograde reste longtemps préservée. On note également des modifications du comportement correspondant à une apathie.

 une phase d’état caractérisée par l’aggravation des troubles mnésiques qui s’étendent progressivement à la mémoire rétrograde, des déficits d’attention, de concentration, de ralentissement du traitement de l’information, l’apparition de troubles visuo-spatiaux, d’une agnosie, d’une apraxie.

 une phase terminale caractérisée par la perte d’autonomie pendant laquelle le patient souffre de troubles majeurs du jugement, du raisonnement et du langage, d’une aggravation des troubles psycho-comportementaux avec notamment l’apparition de symptômes psychotiques chez environ un tiers des patients, de l’apparition de troubles moteurs conduisant à la grabatisation.

L’IRM cérébrale peut mettre en évidence une atrophie cortico-sous-corticale excessive par rapport à l’âge, touchant d’abord les régions temporales internes (hippocampes) puis le cortex temporal externe, le gyrus cingulaire postérieur, le cortex temporopariétal.

3.1.1.3.2 Les démences vasculaires Elles sont liées :

 soit à un évènement cérébrovasculaire aigu tel qu’un accident vasculaire cérébral à l’origine d’une perte tissulaire ou d’un hématome intracérébral. On note alors la survenue brutale de troubles cognitifs puis une progression par à-coups.

 soit à l’évolution de lésions vasculaires chroniques disséminées probablement en rapport avec une baisse de débit consécutive à des variations de la pression systémique. Dans ce cas, l’évolution est très progressive avec des troubles neuropsychologiques qui prédominent sur les fonctions exécutives et comportementales (apathie, hyperémotivité et irritabilité).

Sont évocateurs du diagnostic une modification du comportement, des troubles de l’humeur, la présence de symptômes neurologiques focaux, des troubles des fonctions exécutives, des facteurs de

risque cardio-vasculaires tels que l’hypertension artérielle et le diabète, des antécédents familiaux de pathologie cérébrovasculaire.

Le tableau clinique habituel est celui d’une démence sous-corticale. Les troubles mnésiques sont peu marqués et portent sur le rappel. Il existe peu de signes corticaux tels que l’aphasie, l’apraxie et l’agnosie, mais des troubles des fonctions exécutives et des troubles du comportement. A l’IRM, de multiples infarctus lacunaires et des anomalies diffuses de la substance blanche (leucoaraiose) sont associés. Ces lésions diffuses étant fréquentes chez les sujets âgés, ce sont l’étendue des lésions et leur sévérité qui, corrélées à l’anamnèse clinique, orientent le plus vers le diagnostic de démence vasculaire.

Il n’y a pas une seule mais plusieurs définitions de la démence vasculaire et les critères diagnostiques ne font pas l’unanimité. On peut cependant considérer que pour poser ce diagnostic, il faudrait la présence d’une démence, d’une affection cérébrovasculaire mise en évidence par l’imagerie et l’affirmation d’une relation causale entre les deux.

3.1.1.3.3 Les démences mixtes

La démence mixte associe des lésions d’origine dégénérative et des lésions d'origine vasculaire. Elle correspond donc à l’association, chez une même personne, d’une démence dégénérative, le plus souvent une maladie d’Alzheimer, et d’une démence vasculaire. Selon Benoit et al, jusqu'à 30% des maladies d'Alzheimer seraient en réalité des démences mixtes (172). Le tableau clinique présenté associe des caractéristiques propres à chaque type de démence, compliquant la réalisation du diagnostic.