• Aucun résultat trouvé

Bol de Balle écrit également (Op. Cit., p. 104) : « Les acteurs sociaux sont à la fois liés (ils ont des liens directs entre eux), et re-liés par un ou des systèmes médiateurs (qu’il s’agisse d’une institution sociale ou d’un système culturel de signes ou de représentations collectives). Dans la relation intervient un troisième terme. Naissent ainsi ce que Eugène Duprée a appelé des « rapports sociaux complémentaires ». Il ajoute : « La définition de la

reliance sociale peut donc être affinée et être formulée dans les termes suivants : La production de rapports sociaux médiatisés, c’est-à-dire de rapports sociaux complémentaires ou, en d’autres termes, la médiatisation de liens sociaux. ».

L’isolement est pour Bol de Balle ce qui caractérise la déliance, qu’il ne présente pas en tant que telle comme la volonté de se délier, par opposition à la reliance. Bol de Balle parle d’une société de déliance « émiettée, éclatée, désagrégée, morcelée, sérialisée234 » (2003, p. 118).

Il s’agit « d’une désintégration communautaire ». Il évoque un ensemble de raisons complexes contribuant à produire une société « divisée », au nom du rationalisme. Aussi, n’allons-nous pas utiliser ce concept de déliance mais parler d’étudiant.e.s qui aspirent à se délier grâce à la compétition, de ceux et celles qui l’évitent pour ne pas être délié.e.s par une performance très supérieure ou au contraire très inférieure aux autres.

La littérature des SISMOs, si l’on excepte Faillet et al. (2013), a donné la parole à ceux et celles qui ont peur d’être rejeté.e.s par leur manque de compétence mais il convient de noter que l’ostracisme235 représentait historiquement « le bannissement d'une durée de dix

ans prononcé à la suite d'un jugement du peuple… à l'encontre d'un citoyen devenu suspect par sa puissance, son ambition ». Dans le système français, ce sont les élèves faibles qui se perçoivent comme ostracisé.e.s en étant rejetés vers l’enseignement technique236.

Le caractère actif du concept de reliance paraît d’autant plus pertinent que, selon Le Bidois (1968, cité dans le Grand Robert 2013), « Le français évite autant qu'il le peut la construction au passif; c'est ce qui explique qu'il use si fréquemment du verbe pronominal. ».

Nous allons maintenant nous intéresser à l’application de ce cadre théorique de l’autodétermination aux SISMOs.

234 Ces mots entrent en raisonnance avec un ouvrage récent décrivant la société française intitulé L’archipel français : naissance d’une nation multiple divisée (Fourquet, 2019). On peut également se reporter à l’Encadré

3.0.8 page 193.

235https://www.cnrtl.fr/definition/ostracisme, consulté le 06/10/2019.

236 Charlet et Weil écrivent dans l’avant-propos du livre Tempête sur les représentations du travail : Manuel-

intellectuel, voie pro-voie générale, col bleu-col blanc… » (cité par Decréau, 2019) : « Au fil des siècles, la France s’est littéralement coupée les mains en associant l’exercice d’un travail utile à un état servile. En qualifiant de « manuels », non ceux qui excellent par leur habileté, mais ceux qui semblent inaptes à un travail intellectuel. En n’incluant aucun rudiment de culture technique dans l’enseignement des humanités. En orientant vers les métiers de production les élèves au parcours scolaire difficile. » Cet ostracisme semble également prévaloir en Algérie comme l’indique l’article Enseignement professionnel : A quand la fin de

l'ostracisme ? https://www.vitaminedz.com/enseignement-professionnel-a-quand-la- fin/Articles_18300_2367833_0_1.html, consulté le 06/10/2019.

3.1.1.2 Théorie de l’autodétermination et SISMOs

Nous allons tout d’abord nous pencher sur les références que nous avons réunies dans notre corpus avant de détailler la manière dont nous avons utilisé ce cadre théorique dans le cadre de notre recherche.

3.1.1.2.1 La théorie de l’autodétermination au sein de notre corpus

Nous avons trouvé dans notre corpus237 quatre références reliant l’utilisation qui a été faite

des SISMOs à la satisfaction des trois besoins fondamentaux identifiés par la théorie de l’autodétermination, mais aucune de ces références n’a invoqué la TAD pour comprendre le rôle que peut jouer la modalité d’identification par rapport à la motivation intrinsèque ou extrinsèque à participer visiblement. Nous présentons ci-après ces quatre références.

Camacho-Miñano et Del Campo (2016)

Dans cet article, les auteures écrivent que l’apprentissage effectif est favorisé par le recours à quatre « principes » : l’enseignement actif, la rétroaction, l’augmentation de la capacité d’attention (attention span) et la motivation intrinsèque. Ce qui est appelé ici principes relève de registres très différents.

On peut mettre en œuvre un enseignement actif tel que défini dans le chapitre II, et proposer des rétroactions. En revanche, il est plus difficile de dire que l’on va augmenter la capacité d’attention des élèves car il s’agit d’une variable qui ne donne pas lieu nécessairement à un comportement visible et qui, quand bien même ce serait le cas, devrait être opérationnalisée pour être mesurée. La motivation intrinsèque ne se voit pas mais elle peut se mesurer par procuration, à travers des comportements qu’elle suscite même si l’observation d’un comportement ne permet pas toujours de déterminer le caractère intrinsèque ou extrinsèque comme le soulignent Deci et Ryan en écrivant (1996, p. 166) :

237 Nous n’avons pas recherché dans toute la littérature des SISMOs la référence à la TAD car ce que nous

voulons étudier dans cette thèse est l’impact (dé)favorable des modalités d’identification sur la motivation intrinsèque mesurée par la participation visible enregistrée dans le SISMO. Nous pensons mener cette recherche ultérieurement pour tenter de publier un article montrant au-delà des modalités d’identification variées qu’ils permettent comment les SISMOs peuvent être utilisés pour développer la motivation intrinsèque des apprenant.e.s.

Pour gagner la compétition (scolaire), il faut que les autres fassent moins bien, voire échouent. La compétition dévalorise la performance absolue pour se fonder uniquement sur la performance relative, cardinale. La compétition est une forme pacifiée du combat comme l’écrit Malraux dans

L’espoir (1937) : « Il n'y a pas cinquante manières de combat, il n'y en a qu'une, c'est d'être vainqueur. ».

Le mot défi fait l’objet d’une connotation positive si l’on considère comme l’indique le CNRTL un défi comme une « incitation à la réalisation d'une chose difficile » (https://www.cnrtl.fr/definition/défi, consulté le 17/09/2019). Mais le regard que l’on peut porter sur ce terme change, peut-être, si l’on réalise en citant le Littré (https://www.littre.org/definition/défiance, consulté le 10/12/2018) que « dans l'ancien français, défiance veut dire défi, sens qui est resté dans l'anglais. ».

Algan et Cahuc ont écrit en 2007 un texte intitulé « La société de défiance : comment le modèle social français s'autodétruit ? ». Dans cet ouvrage, ils citent (p. 9) un extrait de l’ouvrage d’Alain Peyrefitte intitulé La société de confiance : « La société de défiance est une société frileuse, gagnant-perdant : une société où la vie commune est un jeu à somme nulle, voire à somme négative (si tu gagnes, je perds) ; société propice à la lutte des classes, au mal vivre national et international, à la jalousie sociale, à l’enfermement, à l’agressivité de la surveillance mutuelle. La société de confiance est une société en expansion, gagnant-gagnant, une société de solidarité, de projet commun, d’ouverture, d’échange, de communication. ».

Le même Algan a cosigné pour le Conseil économique et Social une note intitulée Confiance,

coopération et autonomie : pour une école du XXIe siècle (2018) soulignant les carences des élèves

français en matière de coopération, évoquant un « climat de défiance. ».

En 2019, Algan a co-écrit un livre Les origines du populisme. Les auteur.e.s définissent la défiance comme « un rapport blessé à autrui » (p. 14) constatant qu’elle constitue « le socle de la droite populiste ». L’élection de M.Macron au deuxième tour face à Mme Le Pen oppose non seulement les classes sociales avec des différentiels très forts en faveur du premier chez les cadres et des différentiels opposés, en faveur de la seconde auprès des ouvriers ; mais ce qui suscite une polarité très forte entre les candidats est la question suivante (p. 13) : « Diriez-vous que l’on peut faire confiance à la plupart des gens ou que l’on n’est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres ? ». Cette question, posée dans le cadre d’une enquête du CEVIPOF fait apparaître un écart de 16 points par rapport au score national pour les personnes qui ont voté pour M.Macron, c’est-à- dire notamment des cadres très représenté.e.s dans son électorat et un score inférieur de 14 points à la moyenne nationale pour l’électorat de Mme Le Pen, surreprésentée auprès des ouvrier.e.s.

Existe-t-il une polarité antérieure à celle que l’on observe au sein du corps électoral, polarité qui s’organiserait autour de la confiance/défiance dans le système éducatif ? Et si une telle polarité existait, coinciderait-elle avec l’opposition entre réussite/échec scolaires ?